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CA METZ (ch. com.), 12 janvier 2023

Nature : Décision
Titre : CA METZ (ch. com.), 12 janvier 2023
Pays : France
Juridiction : Metz (CA), ch. com.
Demande : 21/02476
Décision : 23/00013
Date : 12/01/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 8/10/2021
Numéro de la décision : 13
Référence bibliographique : 6638 (prêt immobilier, TEG), 5997 (portée des recommandations), 9744 (prêt, année lombarde), 5705 (action imprescriptible)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10030

CA METZ (ch. com.), 12 janvier 2023 : RG n° 21/02476 ; arrêt n° 23/00013

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Le point de départ de cette prescription, qui s'applique même si le prêt est en cours d'exécution, se situe à la date à laquelle l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, c'est-à-dire la date de la convention, jour de l'acceptation de l'offre, lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur. Ce qui respecte les principes d'effectivité et d'égalité des armes invoqués par les appelants.

La prescription de l'action ne s'apprécie pas grief par grief, de sorte que la découverte d'erreurs dont les emprunteurs n'ont pu avoir connaissance par la seule lecture du contrat ne permet pas de reporter le point de départ de la prescription lorsque certains des griefs invoqués étaient détectables par le simple examen de l'offre. En conséquence, si une seule des irrégularités pouvait être décelée à la simple lecture de l'offre de prêt, le point de départ du délai de prescription de l'action doit être fixé au jour de l'acceptation de l'offre sans report possible tiré de la révélation des autres irrégularités invoquées. »

2/ « Il convient ainsi de relever que l'absence de prise en compte des intérêts intercalaires dans la phase de préfinancement ainsi que la base de calcul du TEG sur 360 jours étaient notamment connues des emprunteurs dès la signature du contrat. Ils étaient donc en mesure, dès la réception de l'offre, de vérifier par eux-mêmes ou en s'en remettant à un tiers, l'exactitude du mode de calcul du TEG. Il s'en déduit que le point de départ du délai de prescription de cinq ans de l'action doit être fixé au jour de l'acceptation de l'offre, soit au 23 juin 2009, sans report possible tiré de la révélation postérieure des autres irrégularités invoquées. Ce délai s'achevait le 23 juin 2014. »

3/ « Il s'en déduit qu'une demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, n'est pas soumise à la prescription quinquennale. »

4/ « Il résulte de l'article précité qu'il incombe aux juges du fond, examinant le caractère abusif d'une clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de trois-cent-soixante jours, d'un semestre de cent-quatre-vingts jours, d'un trimestre de quatre-vingt-dix jours et d'un mois de trente jours, d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit, afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Il ressort des conditions générales de l'offre de prêt que durant le préfinancement et la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux fixé dans les conditions particulières « sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours ».

La commission des clauses abusives n'a pas sanctionné l'usage d'un diviseur de 360 jours dans le cas d'un prêt immobilier mais dans le cas des conventions de comptes courants dans sa recommandation 05-02 publiée le 20 septembre 2005. En effet, dans le cadre d'un prêt immobilier remboursé mensuellement, ce qui est le cas en l'espèce, les intérêts dus pour une échéance mensuelle représentent un douzième de l'intérêt conventionnel de sorte que le calcul effectué sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours revient à calculer des intérêts sur la base d'un douzième de l'intérêt conventionnel ou d'un mois normalisé de 30,41666 jours pour une année de 365 jours. Au surplus, les appelants, qui ne précisent pas la perte qu'ils auraient subie de ce chef, ne prouvent pas que la clause d'intérêts conventionnels créerait à ce titre un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties pour être qualifiée d'abusive. »

5/ « En conséquence, il faut considérer qu'il n'est pas établi que les intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement étaient déterminables lors de la conclusion du contrat et qu'ils devaient être intégrés dans le TEG.

Dès lors, il faut considérer qu'il n'est pas justifié que la clause relative à l'omission des intérêts et frais pendant la période de préfinancement et par conséquent relative au coût total minimum du crédit entraîne un déséquilibre significatif entre les parties. »

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 12 JANVIER 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/02476. Arrêt n° 23/00013. N° Portalis DBVS-V-B7F-FTDB. Jugement Au fond, origine TJ à compétence commerciale de METZ, décision attaquée en date du 1er juin 2021, enregistrée sous le R.G. n° 19/00927.

 

APPELANTS :

Monsieur Z. X.

[Adresse 2], [Localité 3], Représenté par Maître Déborah BEMER, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Maître Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI, avocat plaidant

Madame C. X.

[Adresse 2], [Localité 3], Représentée par Maître Déborah BEMER, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Maître Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI, avocat plaidant

 

INTIMÉE :

SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE GRAND EST EUROPE

Représentée par son représentant légal pour ce domicilié au siège social [Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître Jean-Luc HENAFF, avocat au barreau de METZ

 

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 2 Juin 2022, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 12 Janvier 2023.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT, Conseillère, Mme DUSSAUD, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire, Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte sous seing privé signé le 23 juin 2009, la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Lorraine Champagne Ardenne, devenue en juin 2018 la SA Caisse d’Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe, (ci-après « la SA Caisse d’Épargne ») a consenti à M. Z. X. et Mme Y. épouse X., un crédit de 177.183,24 euros destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier situé [Adresse 2].

Un avenant a été régularisé par offre du 16 octobre 2015.

Par acte d'huissier du 2 avril 2019, M. et Mme X. ont assigné la SA Caisse d’Épargne devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz aux fins de voir :

- dire et juger leurs demandes recevables et bien fondées

- constater que les intérêts périodiques du prêt n° 85XX53 avaient été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, soit sur une base autre que l'année civile

- constater que les intérêts périodiques de l'avenant régularisé suivant offre en date du 16 octobre 2015 avaient été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, soit sur une base autre que l'année civile

- constater que les frais de la période de préfinancement du prêt n° 85XX53 n'avaient pas été intégrés au TEG (ci-après TEG)

- dire et juger que le TEG du prêt n° 85XX53 mentionné dans l'offre de prêt en date du 10 juin 2009 émise par la SA Caisse d’Épargne était erroné

- ordonner en conséquence la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial qu'ils ont souscrit

- enjoindre à la SA Caisse d’Épargne d'établir de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de la substitution du taux légal au taux conventionnel, depuis la date de souscription du prêt, des éventuels avenants, les échéances restant à courir sur le prêt jusqu'à son terme devant porter intérêts au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre

- condamner la SA Caisse d’Épargne à leur restituer le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel du prêt n° 85XX53 et les intérêts au taux légal, et notamment la somme à parfaire de 51.448,32 euros, au titre du prêt n° 85XX53 avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation

- dire et juger que lesdites sommes devraient être actualisées au regard des tableaux d'amortissement qui seraient établis par la SA Caisse d’Épargne, au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre, depuis la date de souscription du contrat,

Subsidiairement, si par impossible la substitution des intérêts légaux aux intérêts conventionnels devait être écartée, vu l'article L. 312-33 du code de la consommation, désormais codifié à l'article L. 341-34 du même code :

- prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt n° 85XX53 souscrit auprès de la SA Caisse d’Épargne

- prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels de l'avenant au prêt conclu suivant offre en date du 18 octobre 2015 auprès de la SA Caisse d’Épargne.

En réponse, la SA Caisse d’Épargne, au visa des articles L. 311-33, L312-33, R313-1 du code de la consommation, a demandé au tribunal judiciaire de Metz de :

A titre principal,

- dire et juger la demande de M. et Mme X. prescrite,

- en conséquence, les débouter,

A titre subsidiaire,

- dire et juger M. et Mme X. particulièrement mal fondés en leur demandes, fins et prétention à son égard

En conséquence,

- débouter M. et Mme X. de leurs demandes,

- condamner M. et Mme X. à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M. et Mme X. aux entiers frais et dépens de la procédure.

Par jugement du 1er juin 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :

- donné acte à la SA Caisse d’Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe de son intervention volontaire à l'instance,

- déclaré M. et Mme X. irrecevables en leurs demandes à l'égard de la SA Caisse d’Épargne,

- condamné M. et Mme X. à payer à la SA Caisse d’Épargne la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. et Mme X. aux dépens de la procédure.

Pour se déterminer ainsi, le tribunal a jugé que le point de départ du délai de l'action en nullité de la clause de stipulation d'intérêt était le jour où l'erreur sur le taux d'intérêt avait pu ou aurait dû être connu de l'emprunteur. Il a relevé qu'en l'espèce, l'offre de prêt du 10 juin 2009 comportait tous les éléments permettant aux emprunteurs de connaître de l'assiette sur laquelle avait été calculé le TEG et que le document précisait de manière claire que le TEG ne tenait pas compte notamment des intérêts intercalaires. Il a également indiqué que l'offre de prêt ainsi que le tableau d'amortissement permettaient également de connaître la somme réellement remboursée chaque mois, ainsi que le coût total du crédit et que, dès lors, le point de départ du délai de l'action en nullité commençait au jour de la signature de l'offre de prêt.

Le tribunal a considéré que l'offre de prêt ayant été signée le 23 juin 2009 et l'assignation en justice ayant été signifiée le 2 avril 2019, M. et Mme X. étaient irrecevables en leur action, celle-ci ayant été introduite bien au-delà de la prescription quinquennale applicable.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz déposée le 8 octobre 2021, M. et Mme X. ont interjeté appel aux fins d'annulation et subsidiairement d'infirmation du jugement en ce qu'il les avait déclarés irrecevables en leurs demandes à l'égard de la SA Caisse d’Épargne, et les avait condamnés à payer à la SA Caisse d’Épargne la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

[*]

Par conclusions déposées le 3 mars 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, M. et Mme X. demandent à la cour, au visa des articles 1231 et suivants et 1907 du code civil, L. 313-1 et suivants, L. 341-34 et R. 313-1 et suivants du code de la consommation de :

- déclarer l'appel recevable

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déclarés irrecevables en leurs demandes et condamnés au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,

- prononcer l'annulation de la stipulation d'intérêts du contrat initial qu'ils ont souscrit avec conséquences de droit,

En tout état de cause,

- prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt Grandioz 1 DA/DT N° 85XX53 et de son avenant souscrit

- condamner la SA Caisse d’Épargne à leur restituer « le montant des intérêts indûment par l'effet de la pratique du diviseur 360 »

- condamner la SA Caisse d’Épargne à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la SA Caisse d’Épargne à leur payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter toutes demandes et prétentions contraires de la SA Caisse d’Épargne,

- condamner la SA Caisse d’Épargne aux entiers dépens de l'instance.

Les appelants font valoir que l'action qui tend à faire échec à une clause abusive n'est pas soumise à prescription, que les clauses abusives sont réputées non écrites et que le juge doit en écarter l'application, au besoin d'office, en éradiquant avec elle les stipulations qui lui sont indivisibles. Ils indiquent que le juge a pour obligation d'examiner, même d'office, une clause qu'il suspecte d'être abusive eu égard à sa rédaction, conformément à l'article L. 212-1 du code de la consommation. Ils en concluent que la protection de l'ordre public implique que l'action en justice qui tend à faire échec à une clause abusive et à en écarter l'application n'est pas soumise à la prescription de cinq ans prévue par l'article 2224 du code civil.

Les appelants font valoir que l'offre de prêt rédigée par la banque renferme une clause prévoyant que les intérêts périodiques sont calculés après une année de 360 jours et qu'une clause glissée dans l'offre de prêt tend à exclure le coût du préfinancement de la liquidation du coût du crédit et du calcul du TEG. Ils indiquent qu'un déséquilibre significatif est caractérisé au regard de l'asymétrie de l'information qui existe entre le professionnel et le consommateur, ces clauses interdisant au consommateur d'appréhender le surcoût qui peut résulter de la pleine utilisation du préfinancement.

M. et Mme X. relèvent que le principe d'effectivité commande d'écarter un régime de prescription qui serait basé sur une présomption de connaissance parfaite par le consommateur des irrégularités renfermées dans le contrat, et ce dès la signature de celui-ci. Ils soulignent qu'ils ont légitimement ignoré les faits leur permettant d'agir jusqu'à ce qu'un sachant attire leur attention sur ce point et qu'ils n'ont pu imaginer que la banque établirait et leur proposerait de signer un document entaché d'irrégularités ou entretiendrait une opacité à leur détriment sur le point du calcul des intérêts ou la présentation du coût du crédit.

Ils soutiennent au regard du principe de l'égalité des armes, qu'aucune prescription ne peut être acquise, le prêt litigieux étant toujours en cours d'exécution et qu'il doit être maintenu au profit du consommateur une possibilité d'agir en justice au titre du contrat de prêt, nonobstant le fait que celui-ci ait été souscrit plusieurs années auparavant.

Au fond, M. et Mme X. rappellent que la relation contractuelle liant le banquier à son client doit être négociée, formée et exécutée de bonne foi, que le banquier doit à son client une loyauté sans faille et que la banque est censée maîtriser et connaître l'ordonnancement juridique applicable à son activité. Les appelants font valoir que la SA Caisse d’Épargne a commis des manquements à son obligation de loyauté dans la conclusion et l'exécution de leur contrat, qui engagent sa responsabilité à leur égard.

Ils considèrent, d'une part, que la SA Caisse d’Épargne ne pouvait ignorer que la présentation qu'elle faisait du TEG et du coût total devait intégrer celui du préfinancement. Le TEG mentionné dans l'offre de prêt doit inclure l'ensemble des frais liés à l'opération engendrés par l'application des conditions érigées par la banque en condition d'octroi du crédit, dès lors que ces frais peuvent être connus à l'avance. Ils en déduisent que le TEG doit exprimer exactement et sincèrement le coût du crédit, tous frais déterminables compris et doit comprendre les intérêts dits intercalaires qui sont appliqués par la banque durant la période de préfinancement ou d'anticipation, puisque ceux-ci sont parfaitement déterminables, le coût du préfinancement étant déterminable dans son montant maximum.

Ils rappellent, en l'espèce, que l'offre de prêt prévoyait une période de préfinancement d'une durée de 36 mois et estiment qu'une clause du contrat a pour objet et pour effet d'occulter ces intérêts de cette période. Ils versent au débat un rapport d'expertise mettant en évidence que le TEG annoncé par le prêteur ne prend pas compte du coût total maximum du prêt et que l'absence d'intégration du coût de la période de préfinancement déterminable sur la durée maximale prévue au contrat entraîne une erreur de TEG.

Les appelants relèvent que l'intégration du coût du préfinancement dans le calcul du TEG aboutit à traduire un surcoût de crédit par une baisse du TEG et repose sur un artifice qui consiste à allonger la durée de l'amortissement à concurrence de la durée du préfinancement.

Par ailleurs, ils font valoir que l'offre de crédit immobilier émise par le prêteur professionnel doit mentionner le taux du crédit mais aussi son coût total, qui comprend tous les frais et s'entend du coût total maximum du crédit. Le professionnel doit communiquer à son client, préalablement à la signature du contrat le prix sans occulter le moindre aspect. Ils indiquent que, au cas présent, l'offre de prêt ne procède à aucun moment à une quelconque liquidation du coût total maximal des intérêts intercalaires et plus généralement du coût total maximal de la période de préfinancement, de sorte qu'une somme de 29.607,23 euros a été occultée.

M. et Mme X. indiquent, d'autre part, que la SA Caisse d’Épargne a institué un calcul des intérêts périodiques basé sur une pratique prohibée dite du diviseur 360 jours alors qu'elle ne pouvait ignorer que les intérêts devaient être calculés sur l'année civile.

Ils soulignent que, à la date de l'offre de prêt élaborée par la SA Caisse d’Épargne, soit le 10 juin 2009, la pratique du diviseur 360 était prohibée et que la seule présence d'une clause instituant une telle modalité de calcul des intérêts était sanctionnée par la substitution du taux légal au taux conventionnel consécutive à l'annulation de stipulation d'intérêts.

M. et Mme X. font également valoir que les irrégularités et anomalies de l'offre de prêt appellent une sanction et que le pouvoir d'appréciation du juge doit tenir compte du préjudice de l'emprunteur mais également de la gravité du manquement commis.

Ils concluent que la clause abusive susvisée est indivisible de la clause d'intérêts, qu'en conséquence, la clause d'intérêt doit être annulée en raison du caractère réputé non écrit de la clause excluant les frais de la période de préfinancement de la présentation du coût du crédit et que la déchéance totale du droit aux intérêts doit être prononcée en raison de la gravité des fautes commises par la SA Caisse d’Épargne.

Enfin, les appelants font valoir qu'ils ont subi un préjudice moral du fait de la prise de conscience d'avoir été trompés.

[*]

Par conclusions déposées le 17 mars 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SA Caisse d’Épargne demande à la cour de :

- dire recevable mais mal fondé l'appel interjeté le 8 octobre 2021 par M. et Mme X.

- déclarer irrecevables et subsidiairement mal fondées les demandes présentées par M. et Mme X.,

- condamner M. et Mme X. en tous les frais et dépens d'instance et d'appel,

- condamner M. et Mme X. à lui verser à la SA Caisse d’Épargne une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA Caisse d’Épargne fait valoir que la demande d'annulation présentée par les appelants est irrecevable, soulignant que la sanction s'appliquant à l'inobservation des dispositions de l'article L. 312-8 du code de la consommation relatives au formalisme de l'offre de prêt est la perte, en totalité ou en partie, du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge et que cette sanction s'applique tant à la contestation portant sur le calcul des intérêts conventionnels que sur celui du TEG.

S'agissant de la prescription des demandes, l'intimée relève que le point de départ de la prescription de 5 ans doit être fixé à la date de l'acceptation de l'offre de prêt lorsque celle-ci contient une clause 30/360 et que fixer le point de départ du délai de prescription à la date d'une analyse réalisée par un tiers plus de 5 ans après la conclusion du prêt reviendrait à conférer à ce point de départ un caractère purement potestatif et aurait pour résultat de rendre l'action imprescriptible. Elle ajoute que, dès la signature de l'offre de prêt, les emprunteurs avaient connaissance de l'existence de la stipulation contractuelle dont ils sollicitent la nullité.

Elle considère que la demande fondée sur la non intégration de la période de financement est également prescrite puisque l'offre de prêt mentionne expressément l'exclusion de la période de préfinancement du calcul du TEG. Elle soutient que le délai de prescription commence alors à courir à compter de l'acceptation de ladite offre.

Elle relève également que la page 2 de l'offre de prêt précise que le coût total du crédit et le TEG ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d'assurance et le cas échéant des primes d'assurance de la phase de préfinancement et que les prétentions fondées sur ces dispositions sont aussi prescrites.

Au fond, s'agissant de la période de préfinancement, l'intimée indique qu'il lui est matériellement impossible de déterminer, lors de l'édition de l'offre de prêt, les dates de déblocage partiel des fonds car celles-ci sont initiées par l'emprunteur et que, les intérêts et primes d'assurance de cette période n'étant pas déterminables, ils ne peuvent être intégrés au calcul du TEG présent dans l'offre de prêt.

La SA Caisse d’Épargne considère que l'intégration des intérêts et frais de la période de préfinancement conduit nécessairement à une minoration du TEG mentionné par l'offre de prêt. Elle précise que cela s'explique par l'allongement de la durée du prêt qui entraîne d'une part l'augmentation du poids actuariel dans le calcul du taux de période des échéances réglées durant ladite période de préfinancement (dont le montant reste marginal) et, d'autre part, une diminution du poids actuariel des échéances d'amortissement (dont le montant est nettement plus important).

Elle ajoute que la preuve de l'erreur de calcul du TEG pèse sur l'emprunteur qui l'invoque et que ce dernier doit également établir que cette omission a entraîné à leur détriment une erreur de plus d'une décimale du TEG. Elle déclare que tel n'est pas le cas en l'espèce.

Sur la clause 30/360, la SA Caisse d’Épargne affirme que celle-ci n'est pas contraire aux prescriptions légales, la clause critiquée reprenant une règle de calcul permettant de protéger le consommateur d'une facturation d'intérêts dont il n'aurait pas été clairement informé, tout en permettant d'utiliser des références de calcul homogènes pour la fixation du taux d'intérêts. Ainsi, selon la SA Caisse d’Épargne, le résultat du calcul des intérêts mensuels est le même que l'on utilise le rapport 30,41666/365, prévu par l'annexe de l'ancien article R313-1 du code de la consommation, ou le rapport 30/360 ou enfin le rapport 1/12. Elle ajoute que la fausseté du montant des intérêts conventionnels ne peut se déduire de la seule référence à une année de 360 jours, qu'il appartient à M. et Mme X. de démontrer que l'utilisation d'une telle clause a provoqué un renchérissement du crédit d'un montant supérieur à la décimale prévue par l'article L313-1 du code de la consommation et les ont empêchés de procéder à une comparaison des coûts puis qu'ils subissent un préjudice en raison de cette erreur. Elle affirme que tel n'est pas le cas en l'espèce.

L'intimée indique que la clause 30/360 du contrat n'est pas abusive puisqu'elle n'a ni pour objet ni pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dans la mesure où la clause 30/360 est une clause de rapport ou d'équivalence financière, qui a pour objet de fixer les rapports à retenir pour le calcul des échéances périodiques du prêt.

La SA Caisse d’Épargne rappelle que la seule sanction civile de l'inobservation des dispositions de l'article L312-8 du code de la consommation est la perte, en totalité ou en partie, du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge. Elle soutient que la déchéance du droit aux intérêt en matière de crédit immobilier est une faculté que la loi remet à la discrétion des juges et qu'elle ne doit pas être automatiquement totale.

Elle conclut que la mention d'une clause 30/360 n'a eu aucun impact sur le montant des intérêts dus par M. et Mme X. et qu'ils n'ont subi aucun préjudice.

[*]

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 mai 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

SUR LA RECEVABILITÉ :

Sur l'irrecevabilité invoquée par la SA Caisse d’Épargne au titre de l'objet de la demande en nullité formée par M. et Mme X. :

Si la SA Caisse d’Épargne soulève l'irrecevabilité de la demande tendant à voir prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts aux motifs que la seule sanction applicable n'est pas la nullité mais la déchéance du droit aux intérêts, il convient cependant d'observer que l'appréciation de la nature de la sanction relative à la stipulation d'intérêts ne relève pas de la recevabilité mais de l'examen au fond.

En outre, il convient de relever que, selon leurs conclusions, M. et Mme X. n'invoquent la nullité de la stipulation d'intérêts qu'en raison du caractère abusif de la clause qui aurait pour effet d'exclure de l'assiette de calcul du TEG et du coût total du crédit le coût du préfinancement, cette clause étant selon eux indivisible de la clause de stipulation d'intérêts.

La demande en nullité n'est donc pas invoquée à titre de sanction d'une erreur affectant le TEG mais comme étant la conséquence de l'existence d'une clause abusive. La recevabilité de cette demande sera examinée ci-après.

 

Sur la prescription des demandes tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts :

L'action tendant au prononcé de la déchéance du droit aux intérêts fondée sur l'erreur affectant le TEG indiqué dans l'offre de prêt, prévue par l'article L. 312-33 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, relève du régime de la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa version en vigueur à compter du 19 juin 2008 applicable au litige.

Le point de départ de cette prescription, qui s'applique même si le prêt est en cours d'exécution, se situe à la date à laquelle l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, c'est-à-dire la date de la convention, jour de l'acceptation de l'offre, lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur. Ce qui respecte les principes d'effectivité et d'égalité des armes invoqués par les appelants.

La prescription de l'action ne s'apprécie pas grief par grief, de sorte que la découverte d'erreurs dont les emprunteurs n'ont pu avoir connaissance par la seule lecture du contrat ne permet pas de reporter le point de départ de la prescription lorsque certains des griefs invoqués étaient détectables par le simple examen de l'offre. En conséquence, si une seule des irrégularités pouvait être décelée à la simple lecture de l'offre de prêt, le point de départ du délai de prescription de l'action doit être fixé au jour de l'acceptation de l'offre sans report possible tiré de la révélation des autres irrégularités invoquées.

En l'espèce, M. et Mme X. invoquent à l'appui de leur demande tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts des irrégularités du contrat tenant au calcul du TEG sur 360 jours, à l'absence de prise en compte dans le TEG des intérêts et frais de la période de préfinancement et à l'absence de mention du coût total du crédit.

En l'espèce, l'offre de prêt objet du litige signée par M. et Mme X. le 23 juin 2009 stipule page 2 au titre des conditions d'octroi du crédit les différentes phases du crédit (préfinancement -amortissement) en indiquant pour chaque phase le taux proportionnel et sa nature (4,80 % taux fixe).

Il est ensuite indiqué :

- TEG : 5,37 %,

- coût total sans assurance/accessoires : 134.905,08 euros

- coût total avec assurance/accessoires : 152.092,32 euros

- frais de garantie évalués à 1.683,24 euros

- taux de période : 0,45%

Ces indications sont immédiatement suivies des mentions suivantes :

« le coût total du crédit et le TEG ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prise de raccordement d'assurance et le cas échéant des primes d'assurance de la phase de préfinancement.

Durant le préfinancement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours.

Durant la phase d'amortissement les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours ».

Il convient ainsi de relever que l'absence de prise en compte des intérêts intercalaires dans la phase de préfinancement ainsi que la base de calcul du TEG sur 360 jours étaient notamment connues des emprunteurs dès la signature du contrat. Ils étaient donc en mesure, dès la réception de l'offre, de vérifier par eux-mêmes ou en s'en remettant à un tiers, l'exactitude du mode de calcul du TEG.

Il s'en déduit que le point de départ du délai de prescription de cinq ans de l'action doit être fixé au jour de l'acceptation de l'offre, soit au 23 juin 2009, sans report possible tiré de la révélation postérieure des autres irrégularités invoquées. Ce délai s'achevait le 23 juin 2014.

L'assignation, interruptive du délai de prescription n'ayant été délivrée que le 2 avril 2019, soit postérieurement au terme de ce délai, il convient de déclarer irrecevables les prétentions formées par M. et Mme X. tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts à l'encontre de la SA Caisse d’Épargne.

 

Sur la prescription de la demande tendant à voir prononcer la nullité de la clause de stipulation d'intérêt en raison du caractère abusif de la clause :

Par arrêts du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription.

Il s'en déduit qu'une demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, n'est pas soumise à la prescription quinquennale.

En conséquence, la demande tendant à voir prononcer la nullité de la clause de stipulation d'intérêt en raison du caractère abusif de la clause doit être déclaré recevable. Le jugement entrepris sera donc infirmé.

 

SUR LE FOND :

Sur le caractère abusif des clauses du contrat :

L'ancien article L. 313-2 du code de la consommation applicable au litige, précise que le TEG déterminé comme il est dit à l'article L. 313-1 du même code doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt.

L'ancien article L. 132-1 du code de la consommation dans sa version applicable au litige dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

Il ajoute que « sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.

Les clauses abusives sont réputées non écrites. »

Cet article précise enfin que « l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.

Les dispositions du présent article sont d'ordre public ».

 

* Sur le caractère abusif de la clause en ce qu'elle prévoit le calcul des intérêts sur la base de 360 jours

Il résulte de l'article précité qu'il incombe aux juges du fond, examinant le caractère abusif d'une clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de trois-cent-soixante jours, d'un semestre de cent-quatre-vingts jours, d'un trimestre de quatre-vingt-dix jours et d'un mois de trente jours, d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit, afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Il ressort des conditions générales de l'offre de prêt que durant le préfinancement et la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux fixé dans les conditions particulières « sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours ».

La commission des clauses abusives n'a pas sanctionné l'usage d'un diviseur de 360 jours dans le cas d'un prêt immobilier mais dans le cas des conventions de comptes courants dans sa recommandation 05-02 publiée le 20 septembre 2005. En effet, dans le cadre d'un prêt immobilier remboursé mensuellement, ce qui est le cas en l'espèce, les intérêts dus pour une échéance mensuelle représentent un douzième de l'intérêt conventionnel de sorte que le calcul effectué sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours revient à calculer des intérêts sur la base d'un douzième de l'intérêt conventionnel ou d'un mois normalisé de 30,41666 jours pour une année de 365 jours.

Au surplus, les appelants, qui ne précisent pas la perte qu'ils auraient subie de ce chef, ne prouvent pas que la clause d'intérêts conventionnels créerait à ce titre un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties pour être qualifiée d'abusive.

 

* Sur le caractère abusif de la clause dû à l'omission des intérêts et frais pendant la période de préfinancement et à l'absence de mention du coût total minimum du crédit :

L'ancien article L. 313-1 du code de la consommation dans sa version applicable au litige dispose que «dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

Toutefois, pour l'application des articles L. 312-4 à L. 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat.

En outre, pour les prêts qui font l'objet d'un amortissement échelonné, le taux effectif global doit être calculé en tenant compte des modalités de l'amortissement de la créance ».

Il résulte de ces dispositions que les intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement sont liés à l'octroi du prêt et entrent dans le calcul du taux effectif global, sous réserve qu'ils soient déterminables lors de la conclusion du contrat. Tel n'est pas le cas des intérêts dus au titre du capital libéré de manière progressive au cours de cette période, dès lors que leur montant dépend du rythme de cette libération, inconnu des parties lors de la souscription du prêt.

En l'espèce, l'article 7 des conditions générales du contrat précise que « lorsque le déblocage des fonds donne lieu à plusieurs versements échelonnés, la période d'amortissement du prêt, durant laquelle s'effectuera le remboursement du prêt peut être précédée d'une période d'anticipation dite période de préfinancement et/ou période de différé selon les conditions particulières de l'offre de prêt ».

Or le contrat conclu entre les parties mentionne une période de « préfinancement de 36 mois». Il s'en déduit que le contrat prévoyait que le déblocage des fonds donnerait lieu à plusieurs versements échelonnés.

L'article 7 1) intitulé « période d'anticipation ou de préfinancement» précise que «les intérêts intercalaires dus pendant cette période seront prélevés mensuellement à terme échu et calculés au taux stipulé dans l'offre de prêt sur la base des versements effectués. Ils pourront, le cas échéant et dans les conditions autorisées par la Caisse d’Épargne, être payés à la fin de la période d'anticipation, être ajoutés au capital initial indiqué dans l'offre préalable de prêt. Dans ce dernier cas, le total de ces intérêts et du capital initial constitue le montant du prêt amortissable. En cas de différé total, les intérêts sont calculés au taux du prêt sur la base des versements déjà effectués ».

Il convient d'ajouter que l'article 4 des conditions générales du contrat prévoyait également le cas où le premier versement de fonds ne serait pas intervenu dans le délai de cinq mois suivant l'acceptation de l'offre par les emprunteurs ou le cas où le versement de la totalité des fonds ne serait pas intervenu dans les trente-six mois suivant la date du premier versement. Dans cette hypothèse, le contrat prévoyait que le prêteur se réserverait alors le droit de mettre automatiquement le prêt en phase d'amortissement pour la partie réellement versée majorée éventuellement des intérêts calculés au taux du prêt.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la phase de préfinancement comportait de nombreux aléas tenant au nombre de déblocage des fonds, à leur date et à la possible modification du contrat par le prêteur en l'absence de versement de la totalité des fonds dans les 36 mois. Or l'article 7 susvisé précise que les intérêts dus pendant de la période de préfinancement dépendent du capital libéré pendant cette période.

Aucun élément des pièces produites ne permet de déduire que les parties connaissaient lors de la souscription du prêt le rythme de la libération des fonds. La SA Caisse d’Épargne soutient dans ses conclusions et sans être contredite sur ce point que la période de préfinancement a duré un mois.

Par ailleurs, l'offre de prêt du 23 juin 2009 versée aux débats ne contient aucun tableau d'amortissement. Le seul tableau d'amortissement produit date du 7 novembre 2017 et correspond donc à la période du prêt postérieure à la signature de l'avenant, selon les déclarations des appelants, étant observé que l'avenant n'est pas versé aux débats. La première ligne du tableau d'amortissement susvisé concerne une échéance n°76 du 5 novembre 2015 de 887,93 euros qui mentionne un capital restant dû de 156.297,72 euros, ce qui démontre que le déblocage des fonds a eu lieu (mais sans que l'on sache selon quelles modalités) puis à compter du 5 décembre 2012, des échéances de 1.001,62 euros avec un capital restant dû à l'échéance de décembre de 159.482,22 euros.

En conséquence, il faut considérer qu'il n'est pas établi que les intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement étaient déterminables lors de la conclusion du contrat et qu'ils devaient être intégrés dans le TEG.

Dès lors, il faut considérer qu'il n'est pas justifié que la clause relative à l'omission des intérêts et frais pendant la période de préfinancement et par conséquent relative au coût total minimum du crédit entraîne un déséquilibre significatif entre les parties.

M. et Mme X. seront donc déboutés de leur demande en nullité de la clause de stipulation d'intérêts et de leur demande subséquente en restitution des intérêts perçus.

 

Sur la demande de dommages-intérêts :

Par application de l'ancien article 1147 du code civil devenu l'article 1231-1 du même code, en l'absence de preuve d'un manquement de la SA Caisse d’Épargne à ses obligations, M. et Mme X. seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants, qui succombent en appel, seront condamnés aux dépens de l'appel.

Par application de l'article 700 du code de procédure civile, au regard de l'équité, M. et Mme X. seront condamnés à payer à la SA Caisse d’Épargne la somme de 1.500 euros et seront déboutés de leur prétention formée sur ce même fondement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La cour

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Metz du 1er juin 2021 en ce qu'il a déclaré M. Z. X. et Mme Y. épouse X. irrecevables en leurs demandes à l'égard de la SA Caisse d’Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe ;

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevables les prétentions formées par M. Z. X. et Mme Y. épouse X. tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts à l'encontre de la SA Caisse d’Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe ;

Déclare recevable la demande formée par M. Z. X. et Mme Y. épouse X. tendant à voir prononcer la nullité de la clause de stipulation d'intérêt en raison du caractère abusif de la clause ;

Déboute M. Z. X. et Mme Y. épouse X. de leur demande en nullité de la clause de stipulation d'intérêt ;

Les déboute de leur demande de dommages et intérêts formée contre la SA Caisse d’Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe ;

Condamne M. Z. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens ;

Condamne M. Z. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la SA Caisse d’Épargne et de Prévoyance Grand Est Europe la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les déboute de leur demande formée sur ce même fondement.

Le Greffier                            La Présidente de Chambre