CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 26 janvier 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10054
CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 26 janvier 2023 : RG n° 20/01379
Publication : Judilibre
Extrait : « En effet, sous l'empire de l'ancien article L. 121-22-4° du code de la consommation, étaient exclues de la législation sur le démarchage à domicile les ventes, locations, ou locations ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles avaient « un rapport direct » avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.
Depuis, l'article L. 121-16-1 devenu L. 221-3 du code de la consommation par l'effet de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et résultant de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon » prévoit que : « les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ».
Cependant et compte tenu de la date de signature du contrat entre Monsieur X. et la société Futur Digital - soit le 28 novembre 2013 -, le droit applicable est celui issu des anciennes dispositions qui excluaient du champ de la législation protectrice en matière de consommation - notamment le droit de rétractation dans les conditions de l'article L. 121-21 du code de la consommation - les contrats de prestation de services en rapport direct avec l'activité exercée par le client (cf. Cass. 1ère civ., 29 mars 2017, n°16-11.207).
Or tel était bien le cas du contrat litigieux, destiné à permettre à Monsieur X. de promouvoir son activité d'artisan électricien par le biais d'un site internet, de sorte que l'appelant n'est pas fondé à en invoquer la nullité sur le fondement de l'article L.121-23 du code de la consommation invoqué à tort. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 26 JANVIER 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/01379. N° Portalis DBVK-V-B7E-ORMC. Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 DECEMBRE 2019, TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER : RG n° 19/02085.
APPELANT :
Monsieur X.
né le |date] à [Localité 3], de nationalité Française [Adresse 1], Représenté par Maître Charlotte BARTHELEMY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
INTIMÉE :
SASU Leasecom
représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé [Adresse 2], Représentée par Me Anne COUPAT substituant Maître Caroline TREZEGUET de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour Maître Katia CHASSANG de la SELARL CHASSANT & STILINOVIC ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 DECEMBRE 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marianne FEBVRE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, Madame Marianne FEBVRE, Conseillère, M. Thibault GRAFFIN, Conseiller, magistrat de permanence.
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRÊT : - contradictoire ; - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Le 28 novembre 2013, Monsieur X. qui exerçait l'activité d'artisan électricien inscrit au répertoire des métiers, a souscrit un contrat de licence d'exploitation de site Internet avec la société Futur Digital aux droits de laquelle se trouve la société Leasecom depuis le 14 janvier 2014.
Le contrat conclu pour une durée de 48 mois prévoyait un versement mensuel de 233,22 € TTC. L'artisan a réceptionné le site internet le 13 janvier 2014 mais il a cessé toute activité le 2 septembre 2014. De fait, il a stoppé l'utilisation du site ainsi que le paiement des loyers convenus à compter de l'échéance du 1er janvier 2015.
C'est dans ce contexte que la société Leasecom l'a fait assigner le 14 avril 2019 en résiliation du contrat de licence d'exploitation à compter du 6 janvier 2018 et paiement de la somme de 8.424 € TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 décembre 2017 au titre de loyers impayés du 1er janvier 2015 au 1er décembre 2017, outre une indemnité de résiliation d'un montant de 214,50 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et une indemnité de jouissance journalière de 7,80 € TTC jusqu'à complète restitution du site consistant en l'envoi d'une attestation certifiant qu'il a cessé l'utilisation du site, détruit les copies et effacé les programmes de ses dispositifs de stockage avec remise de toute la documentation afférente au site.
Vu le jugement réputé contradictoire en date du 20 décembre 2019 expressément assorti de l'exécution provisoire par lequel le tribunal de grande instance de Montpellier a :
- constaté la résiliation du contrat de licence d'exploitation de site Internet à compter du 6 janvier 2018,
- ordonné la restitution de ce site à la société Leasecom dans les conditions sollicitées,
- condamné Monsieur X. à payer à cette dernière la somme de 8.658 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2017, une indemnité de jouissance d'un montant de 6,50 € par jour du 6 janvier 2018 jusqu'à la date de restitution du site ainsi qu'une indemnité de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné Monsieur X. aux dépens,
Vu la déclaration d'appel de Monsieur X. en date du 5 mars 2020,
[*]
Vu ses dernières conclusions du 30 mai 2022, par lesquelles il demande en substance à la cour de :
- à titre principal, infirmer le jugement entrepris, prononcer la nullité du contrat du 28 novembre 2013, débouter la société Leasecom de l'ensemble de ses demandes et condamner cette dernière à lui restituer la somme de 3.821,86 ainsi que les sommes perçues en exécution du jugement sous astreinte,
- à titre subsidiaire, infirmer le jugement sur l'indemnité de jouissance, le réformer en ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme de 8.658 € pour limiter le montant de sa condamnation à celle de 7.619,04 € et ordonner la restitution des sommes trop-perçues sous astreinte,
- en toute hypothèse, condamner la société Leasecom à lui payer une indemnité de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
[*]
Vu les uniques conclusions, en date du 29 juin 2020, pour le compte de la société Leasecom aux fins de voir confirmer le jugement entrepris, constater que Monsieur X. a restitué le site Internet le 4 avril 2020 et condamner ce dernierà lui payer une indemnité de 2.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel,
Vu également sa demande de radiation pour défaut d'exécution, et ses conclusions de désistement de l'incident en date du 25 février 2021,
[*]
Vu l'ordonnance de clôture en date du 14 novembre 2022,
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère au jugement ainsi qu'aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la nullité du contrat :
Au soutien de son appel, Monsieur X. qui n'était pas représenté en première instance fait désormais valoir que le contrat qu'il a signé avec la société Futur Digital aux droits de laquelle se trouve la société Leasecom a été conclu sans respecter les dispositions du code de la consommation qui - selon lui - s'appliquent entre deux professionnels dès lors que, comme en l'espèce, ce contrat n'a pas de rapport avec direct avec l'activité exercée par l'un des contractant. Il affirme que le contrat litigieux ne répond pas aux exigences du code de la consommation qui imposait entre autres :
- la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés,
- les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de services,
- le prix global à payer,
- la faculté de renonciation ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral d'un certain nombre d'articles.
Pour sa part la société Leasecom se réfère à la jurisprudence fondée sur les anciennes dispositions du code de la consommation excluant son application aux professionnels qui ont conclu un contrat en rapport avec leur activité et pour les besoins de cette dernière.
En effet, sous l'empire de l'ancien article L. 121-22-4° du code de la consommation, étaient exclues de la législation sur le démarchage à domicile les ventes, locations, ou locations ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles avaient « un rapport direct » avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.
Depuis, l'article L. 121-16-1 devenu L. 221-3 du code de la consommation par l'effet de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et résultant de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon » prévoit que : « les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ».
Cependant et compte tenu de la date de signature du contrat entre Monsieur X. et la société Futur Digital - soit le 28 novembre 2013 -, le droit applicable est celui issu des anciennes dispositions qui excluaient du champ de la législation protectrice en matière de consommation - notamment le droit de rétractation dans les conditions de l'article L. 121-21 du code de la consommation - les contrats de prestation de services en rapport direct avec l'activité exercée par le client (cf. Cass. 1ère civ., 29 mars 2017, n°16-11.207).
Or tel était bien le cas du contrat litigieux, destiné à permettre à Monsieur X. de promouvoir son activité d'artisan électricien par le biais d'un site internet, de sorte que l'appelant n'est pas fondé à en invoquer la nullité sur le fondement de l'article L.121-23 du code de la consommation invoqué à tort.
Sur le montant de la créance :
Monsieur X. fait subsidiairement valoir qu'au regard du courrier en date du 22 janvier 2015 mentionnant la somme de 6.349,20 € HT et compte tenu du fait que le loyer de décembre 2014 avait été réglé, la société Leasecom ne pouvait pas se prévaloir d'une créance de 8.658 €.
Il produit en effet ce courrier par lequel la société Leasecom accuse réception de son propre courrier du 30 décembre 2014 « informant de la cessation de son activité » à compter du 2 septembre précédent et mentionnant une créance au titre de la résiliation du contrat de :
« Indemnité de résiliation globale : 6.349,20 € HT
(sous réserve du bon d'encaissement de vos loyers jusqu'au 31/12/2014) ».
Par suite, l'intimée ne peut se ranger derrière l'argument que son courrier du 22 décembre 2015 n'avait été envoyé à Monsieur X. 'qu'à titre indicatif', alors que ce courrier actait au contraire de la résiliation du contrat et notifiait la créance résiduelle due à ce titre par l'artisan, dont elle confirme par ailleurs qu'il avait bien réglé le loyer de décembre 2014 en déclarant dans ses écritures qu'elle « n'en sollicit(ait) pas le paiement ».
Le jugement sera donc réformé sur le montant de la condamnation de Monsieur X., qui sera réduite à la somme de 7.619,04 € TTC.
Sur les indemnités de jouissance :
Monsieur X. affirme qu'il a restitué le site dès le 2 septembre 2014, date de cessation de son activité, et fait valoir que le tribunal ne pouvait lui imposer de justifier d'une restitution par le biais d'une attestation dont il n'a pris connaissance qu'après le prononcé de la décision dont appel, dès lors qu'il n'était pas représenté en première instance.
La cour constate cependant que, comme justement objecté par la société Leasecom, la restitution du site objet du contrat n'est pas établie par Monsieur X. avant son courrier du 4 avril 2020 en attestant, tandis que cette partie ne peut utilement tirer argument de son absence de diligences pour être représenté en première instance.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur les délais de paiement :
La cour constate que, dans ses dernières écritures, Monsieur X. a abandonné sa demande tendant à l'octroi de délais de paiement par application de l'article 1343-5 du code civil, à laquelle la société Leasecom s'opposait en soulignant à juste titre que l'artisan ne justifiait pas des difficultés financières dont il faisait état dans ses premières écritures.
Il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette demande abandonnée et dont la cour n'est plus saisie.
Partie essentiellement perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Monsieur X. supportera les dépens d'appel.
En revanche, l'équité et la situation économique des parties commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Leasecom dont la créance avait été surévaluée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant par arrêt contradictoire, et mis à la disposition des parties au greffe,
Rejette la demande de nullité du contrat ;
Confirme le jugement entrepris, sauf sur le montant de la créance de la société Leasecom ;
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Condamne Monsieur X. à payer à la société Leasecom la somme réduite à 7.619,04 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2017 au titre de l'indemnité de résiliation du contrat;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur X. aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5820 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Illustrations : Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5901 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Promotion de l’activité
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet