CA METZ (1re ch. civ.), 7 février 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10092
CA METZ (1re ch. civ.), 7 février 2023 : RG n° 21/00902 ; arrêt n° 23/00042
Publication : Judilibre
Extrait : « C'est donc intentionnellement que M. X. a contourné la nécessité de répondre au questionnaire en cochant la première des deux cases proposées et la mauvaise foi de l'assuré est établie. Par ailleurs, la simple mention selon laquelle la déclaration de santé est valable quatre mois à compter de la signature ne signifie pas que l'assureur ne peut plus se prévaloir de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré passé ce délai. Elle oblige seulement le candidat à l'assurance à produire une déclaration de santé de moins de quatre mois dans le cadre d'une demande de souscription.
Si M. X. fait valoir le caractère abusif de cette « clause », il n'expose pas en quoi le fait que l'assureur s'enquiert des pathologies affectant le candidat assuré serait susceptible de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa version applicable au présent litige. Au contraire, l'assureur est en droit de se faire une opinion exacte du risque garanti. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 7 FÉVRIER 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/00902. Minute n° 23/00042. N° Portalis DBVS-V-B7F-FPCL. Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 9 février 2021, enregistrée sous le n° 18/00274.
APPELANT :
Monsieur X.
[Adresse 1], [Localité 3], Représenté par Maître Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ
INTIMÉES :
SAS ALPTIS ASSURANCES
représentée par ses dirigeants légaux [Adresse 2], [Localité 5], Représentée par Maître Philippe KAZMIERCZAK, avocat postulant au barreau de METZ et par Maître BAULIEUX, avocat plaidant au barreau de LYON
Mutuelle MUTUELLE BLEUE
représentée par ses dirigeants légaux [Adresse 4], [Localité 6], Représentée par Maître Philippe KAZMIERCZAK, avocat postulant au barreau de METZ et par Maître Guillaume BAULIEUX, avocat plaidant au barreau de LYON
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 24 novembre 2022 tenue par Mme Aline BIRONNEAU, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 7 février 2023, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme BIRONNEAU, Conseillère, Mme FOURNEL, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire, en dernier ressort, Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Le 30 juin 2015, M. X. a adhéré à un contrat d'assurance de groupe dénommé « Solution professions indépendantes » souscrit par la SAS Alptis auprès de la Mutuelle Bleue prévoyant d'une part le remboursement des frais de santé et d'autre part une garantie d'incapacité temporaire totale de travail, sous conditions.
M. X. a été placé en arrêt de travail du 7 au 28 février 2016 pour subir une intervention chirurgicale réalisée le 8 février 2016.
Il a sollicité auprès de la société Alptis Assurances qu'elle lui verse les indemnités journalières dues au titre de la garantie.
Le médecin conseil de la société Alptis Assurances a sollicité la communication de documents renseignés par le médecin traitant de M. X. afin de permettre l'étude de son dossier d'indemnisation, demande à laquelle M. X. s'est opposé.
M. X. a à nouveau été hospitalisé le 13 février 2017 et a été placé en arrêt de travail jusqu'au 02 avril 2017. Il a à nouveau sollicité auprès de la société Alptis Assurances le versement des indemnités journalières dues au titre de la garantie. La SAS Altpis Assurances a demandé la communication des pièces médicales utiles à l'instruction de son dossier ce que M. X. a à nouveau refusé.
Par ailleurs, le 14 juin 2016, M. X. a acquis un équipement optique qui lui a été remboursé conformément aux termes de la garantie de santé de son contrat d'assurance. Il a sollicité la prise en charge d'un nouvel équipement d'optique acquis le 15 octobre 2016 ce qui lui a été refusé, au motif qu'il avait déjà bénéficié d'un remboursement d'un optique dans les deux années précédentes.
Par courrier du 5 mai 2017, la SAS Altpis Assurances a informé M. X. que la Mutuelle Bleue entendait résilier le contrat les liant à son échéance annuelle, avec effet au 14 juillet 2017.
Par acte d'huissier du 12 mars 2018, M. X. a fait assigner la SAS Alptis Assurances devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines aux fins d'obtenir le paiement de ses indemnités journalières dues au titre de ses arrêts de travail, le remboursement de son équipement d'optique et l'octroi de dommages et intérêts au titre des retards de paiement et de la résiliation abusive du contrat.
La Mutuelle Bleue est intervenue volontairement à l'instance.
La SAS Alptis Assurances et la Mutuelle Bleue ont contesté les prétentions de M. X., demandé la mise hors de cause de la SAS Alptis Assurances et la nullité du contrat d'assurances souscrit par M. X.
Par jugement du 9 février 2021, le tribunal judiciaire de Sarreguemines a :
- débouté M. X. de l'intégralité de ses demandes ;
- condamné M. X. aux entiers dépens ;
- condamné M. X. à payer une somme de 2.000 euros à la Mutuelle Bleue au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Sur la mise hors de cause de la société Alptis Assurances, le tribunal a considéré qu'il ressortait de l'ensemble des éléments que les garanties souscrites par M. X. l'ont été auprès de la Mutuelle Bleue par l'intermédiaire de Alptis Assurances, de sorte que seule la Mutuelle Bleue pouvait être actionnée par M. X. pour obtenir le paiement des indemnités journalières ou des frais d'optique.
Sur la nullité de la garantie, le tribunal a retenu que la proximité temporelle entre les diagnostics des pathologies dont souffre M. X. et sa déclaration de souscription ne suffit en l'espèce pas à démontrer l'intention de tromper de M. X., celui-ci n'ayant par la suite jamais caché ses affections à la Mutuelle Bleue. Il a donc écarté la mauvaise foi intentionnelle de M. X. et la nullité du contrat.
Sur la privation du droit à prestations, le tribunal a toutefois considéré que la déclaration de souscription faite par M. X. était erronée, que dans ces conditions le médecin-conseil était bien fondé à demander à M. X. des documents médicaux et un questionnaire médical complété par le médecin traitant, ces documents étant nécessaires à l'examen de la demande de M. X.' Il en a déduit que la Mutuelle Bleue était bien fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 9.1.4 du contrat et que M. X. devait être débouté de sa demande d'indemnités journalières.
Sur la prise en charge de l'équipement optique, le tribunal a retenu que M. X. ne produisait aucun élément objectif permettant de justifier l'évolution de sa vue entre juin 2016 et octobre 2016 de sorte qu'il ne justifiait pas d'un manquement de la Mutuelle Bleue dans la prise en charge en 2017 d'une nouvelle paire de lunettes.
Le tribunal a également considéré que les retards de prise en charge allégués au titre des indemnités journalières n'apparaissaient pas fondés, puisque les demandes de M. X. avaient été rejetées. Il a donc débouté M. X. de sa demande de dommages-intérêts.
Sur la régularité de la résiliation du contrat, le tribunal a considéré que M. X. ne caractérisait pas de faute de la Mutuelle Bleue dans l'exercice de son devoir d'information pas plus qu'il ne démontrait que la résiliation du contrat aurait été abusive et qu'il devait donc être débouté de sa demande de dommages-intérêts.
Par déclaration enregistrée auprès du greffe de la cour le 9 avril 2021, M. X. a interjeté appel de la décision du tribunal judiciaire de Sarreguemines aux fins d'annulation et subsidiairement d'infirmation du jugement du 09 février 2021 en ce qu'il l'a débouté de ses demandes tendant à :
- la condamnation de la société Alptis Assurances ou de celle de la Mutuelle Bleue à lui verser l'intégralité des indemnités journalières dues au titre de ses arrêts de travail pour la période allant du 7 février 2016 au 28 février 2016, augmentée des intérêts légaux à compter du 2 avril 2016, date de la première mise en demeure, soit 1.110,87 euros ;
- la condamnation de la société Alptis Assurances ou de la Mutuelle Bleue à lui verser l'intégralité des indemnités journalières dues au titre de ses arrêts de travail pour la période allant du 13 février 2017 au 2 avril 2017, augmentée des intérêts légaux à compter du 28 avril 2016, date de la première mise en demeure, soit 2.474,21 euros ;
- dire et juger que l'équipement optique, sollicité en octobre 2016, donnait droit à remboursement conformément à la garantie souscrite par lui ;
- la condamnation de la société Alptis Assurances ou de la Mutuelle Bleue à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'ensemble des préjudices subis ;
- la condamnation de la partie succombante aux entiers frais et dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'infirmation du jugement entrepris est également poursuivie en ce que M. X. a été condamnée aux dépens ainsi qu'à payer une somme de 2 000 euros à la Mutuelle Bleue au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :
Par conclusions déposées le 7 novembre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, M. X. demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris du 09 février 2021 en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Mutuelle Bleue à lui verser la somme de 1.110,87 euros, au titre du premier arrêt de travail et celle de 2.474,21 euros au titre du second arrêt de travail, outre intérêts au taux légal à compter respectivement du 2 avril 2016 et du 28 avril 2016, ainsi que sa demande de dommages et intérêts au titre des retards subis, en ce qu'il l'a condamné aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce que qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité sur le même fondement ;
Et statuant à nouveau de ces chefs,
- condamner la Mutuelle Bleue à lui payer l'intégralité des indemnités journalières dues au titre de ses arrêts de travail soit la somme de 1.110,87 euros pour la période allant du 7 février 2016 au 28 février 2016, augmentée des intérêts légaux à compter du 2 avril 2016, date de la première mise en demeure et la somme de 2 474,21 euros pour la période du 13 février 2017 au 2 avril 2017, augmentée des intérêts légaux à compter du 28 avril 2016 ;
- condamner la Mutuelle Bleue à payer à M. X. la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'ensemble des retards subis dans le paiement des indemnités journalières ;
- déclarer l'arrêt commun à la société Alptis Assurances ;
- débouter la société Alptis Assurances et la société Mutuelle Bleue de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- les condamner à payer à M. X. la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de 1ère instance et d'appel.
Sur la demande relative aux indemnités journalières, l'appelant assure qu'il n'a pas délibérément coché la case « déclaration sur l'honneur » dans sa déclaration de santé pour se dispenser d'avoir à remplir le questionnaire médical. Pour preuve de sa bonne foi, il fait remarquer que dans un courrier du 3 mai 2016, il avait lui-même indiqué à sa mutuelle qu'il souffrait d'apnée du sommeil et d'hypertension.
M. X. indique qu'en tout état de cause, la Mutuelle Bleue avait une parfaite connaissance de ses antécédents médicaux dès son adhésion au contrat d'assurance de groupe puisqu'elle remboursait à hauteur de 60 % les factures correspondant aux frais de location de l'appareil respiratoire dans le cadre de l'apnée du sommeil. Il ajoute que la Mutuelle Bleue était son organisme de sécurité sociale obligatoire, qu'elle disposait de l'historique de ses arrêts-maladie et avait accès à l'ensemble de son dossier médical.
L'appelant estime que la déclaration d'état de santé était valable quatre mois à compter de la date de signature de sorte que la validité de cette déclaration de santé était échue au 30 octobre 2015, que dès lors passé ce délai, la Mutuelle Bleue ne pouvait plus fonder son refus d'indemnisation en se basant sur la déclaration de santé qui n'était plus valable. Il souligne que dans les conditions générales, seule la déclaration de santé doit être remplie pour une garantie inférieure à trois PASS (plafond annuel de la sécurité sociale).
L'appelant estime que c'est en parfaite violation du contrat d'assurance souscrit que les indemnités contractuellement prévues ne lui ont pas été payées de sorte qu'il demande que le jugement soit réformé sur ce chef.
[*]
Par conclusions déposées le 17 novembre 2022 auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la société Alptis assurances et la Mutuelle Bleue demandent à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce que le tribunal a débouté M. X. de l'intégralité de ses demandes, étant relevé qu'aux termes de ses conclusions d'appelant, M. X. limite son appel aux indemnités journalières qui lui seraient dues du 7 au 28 février 2016 et du 13 février 2017 au 2 avril 2017, outre une demande de dommages et intérêts ;
- juger que sans motif légitime, M. X. a refusé de déférer à la sommation de la Mutuelle Bleue de produire les documents vainement réclamés par le médecin conseil de la société Alptis Assurances afin de dater les antécédents médicaux, tels qu'il les a déclarés aux termes de la déclaration de sinistre ;
- juger que le refus de M. X. prouve que la déclaration de santé du bulletin d'adhésion est inexacte en ce que M. X. a omis de déclarer son hypertension artérielle et ses apnées obstructives du sommeil pour lesquelles il est traité
- juger que M. X. a commis une réticence ou une fausse déclaration intentionnelle en n'informant pas la Mutuelle Bleue de ses antécédents médicaux, à savoir son hypertension artérielle et ses apnées obstructives du sommeil pour lesquelles il était traité depuis 2015 ;
- prononcer en conséquence la nullité du contrat d'assurance souscrit par M. X. ;
- juger que la demande de paiement d'indemnités journalières de M. X. se heurte à l'exclusion des pathologies manifestées antérieurement à la prise d'effet de la garantie et non déclarées dans le questionnaire médical dans la mesure où à compter du 7 février 2016, il a été hospitalisé et opéré de son apnée obstructive du sommeil dont il était déjà victime lors de la signature du bulletin d'adhésion ;
- juger que M. X. doit être déchu de son droit à prestations en raison de son refus de produire les documents réclamés par le médecin-conseil de la société Alptis Assurances et ce en application de l'article 9.1.4 de la notice d'information contractuelle ;
- juger que M. X. est défaillant dans l'administration de la charge de la preuve du quantum de ses demandes, le détail de leur calcul n'étant pas produit, étant rappelé qu'il y a lieu d'appliquer la franchise contractuelle et de déduire l'indemnité journalière qui aurait dû lui être réglée sur la base, non pas du revenu effectivement perçu mais du revenu garanti ;
- débouter, en tant que besoin, M. X. de l'intégralité de ses demandes, y compris sa demande indemnitaire dans la mesure où il est défaillant dans l'administration de la charge de la triple preuve qui lui incombe d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute reprochée et le préjudice allégué ;
- condamner M. X. à payer à la Mutuelle Bleue une indemnité complémentaire de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- confirmer le jugement déféré en ce que le tribunal a mis hors de cause de la société Alptis Assurances et débouté M. X. de l'intégralité de ses demandes formées à son encontre, même si cela n'a pas été repris dans le dispositif du jugement dont appel ;
- juger qu'il n'y a pas lieu à déclarer commun à la société Alptis Assurances le jugement à intervenir;
- condamner M. X. à payer à la société Alptis Assurances une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. X. aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La société Alptis assurances et la Mutuelle Bleue font valoir qu'aux termes d'une déclaration de sinistre du 26 février 2016, M. X. a déclaré être suivi médicalement pour une hypertension artérielle ainsi qu'un syndrome d'apnées obstructives du sommeil et être sous traitement médical depuis 2015, alors que le bulletin d'adhésion et la déclaration de santé avaient été régularisés le 30 juin 2015 et que M. X. avait fait une déclaration sur l'honneur relative à l'absence de traitement de différentes maladies et à l'absence d'hospitalisation.
Elles exposent qu'à la suite de cette déclaration de sinistre, le médecin-conseil de la société a demandé des documents qui étaient nécessaires et indispensables à l'instruction du dossier d'indemnisation de M. X., que ce dernier s'y est opposé et que M. X. refuse toujours, sans motif légitime, de produire les documents demandés.
Les intimées considèrent que, selon les explications de M. X. lui-même, il existe un lien de causalité entre les antécédents non déclarés lors de la signature du bulletin d'adhésion et le sinistre déclaré, que celui-ci refuse de faire toute la transparence sur ses antécédents médicaux à la date de la signature du questionnaire médical et que la Mutuelle Bleue ne peut connaître, par conséquent, son état de santé exact.
Elles ajoutent que la réticence et la fausse déclaration de M. X. sont d'autant plus intentionnelles que les pathologies litigieuses ont été diagnostiquées et traitées concomitamment à la signature du bulletin d'adhésion et que M. X. n'a pas laissé entendre que le diagnostic et le traitement de son hypertension artérielle et de son apnée du sommeil seraient postérieurs à la signature du bulletin d'adhésion du 30 juin 2015.
Sur la validité de la déclaration de l'état de santé, la société Alptis assurances et la Mutuelle Bleue exposent que le bulletin d'adhésion précisait que la déclaration d'état de santé était valable quatre mois à compter de la signature, que la demande d'adhésion de M. X. du 30 juin 2015 avait été reçue le 13 juillet 2015, de sorte qu'aucune difficulté ne subsiste sur ce point.
Elles indiquent que le bulletin d'adhésion n'était pas pré-coché, que M. X. a apposé une croix manuscrite, que la déclaration de santé était parfaitement lisible et que M. X. a préféré cocher la case relative à la déclaration sur l'honneur pour ne pas avoir à remplir le questionnaire médical.
Elles ajoutent que la prise en charge par la Mutuelle Bleue de précédents sinistres est indifférente, qu'une telle prise en charge ne vaut pas renonciation aux dispositions de l'article L. 221-13 du code de la mutualité et qu'il incombe à l'assuré d'administrer la preuve des éléments de fait de nature à justifier cette renonciation.
Les intimées soutiennent que M. X. doit rapporter la preuve que la pathologie dont il a été victime est assurée, c'est-à-dire qu'elle ne s'est pas manifestée antérieurement à la prise d'effet des garanties et qu'il doit également rapporter la preuve de la durée de son incapacité temporaire totale de travail.
La société Alptis Assurances et la Mutuelle Bleue estiment toutefois que le syndrome d'apnées obstructives du sommeil pour lequel M. X. a été hospitalisé et opéré à compter du 13 février 2016 s'est manifesté antérieurement à la prise d'effet des garanties et que M. X. refuse de communiquer les documents réclamés par le médecin-conseil, de sorte que son dossier ne peut pas être instruit.
Elles ajoutent que la période de franchise applicable ne peut être déterminée dans la mesure où M. X. ne produit pas les documents médicaux réclamés et que, lors de la souscription, M. X. a opté pour une garantie de 0,5 du plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de l'année en cours.
Enfin, la société Alptis Assurances estime devoir être mise hors de cause dans la mesure où M. X. ne forme aucune demande à son encontre.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
I - Sur la mise hors de cause de la SAS Alptis :
Le jugement querellé mentionnait déjà le fait que la garantie en litige avait été souscrite auprès de la Mutuelle Bleue et non de la SAS Alptis laquelle n'était qu'une simple intermédiaire.
En outre, M. X. ne présente pas d'autres demandes à l'égard de la SAS Alptis qu'une simple déclaration d'arrêt commun.
Par voie de conséquence et y ajoutant, la cour met hors de cause la SAS Alptis.
II - Sur la nullité de la garantie :
L'article L. 221-13 du code de la Mutualité dispose : « Sous réserve des dispositions de l'article L. 110-2, lorsque, avant la signature du bulletin d'adhésion ou la souscription du contrat collectif, la mutuelle ou l'union a posé des questions par écrit au membre participant, notamment par un formulaire de déclaration de risques ou par tout autre moyen, elle ne peut se prévaloir du fait qu'une question exprimée en termes généraux n'a reçu qu'une réponse imprécise ».
L'article L. 221-14 du Code de la Mutualité dispose que: « Indépendamment des causes ordinaires de nullité, la garantie accordée au membre participant par la mutuelle ou par l'union est nulle en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de celui-ci, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour la mutuelle ou l'union, alors même que le risque omis ou dénaturé par le membre participant a été sans influence sur la réalisation du risque ».
La sanction de la nullité spécifiquement édictée résulte de la réunion des conditions légales suivantes : la réticence ou la fausseté de la déclaration, le caractère intentionnel de la déclaration, autrement dit la mauvaise foi et l'incidence de la fausse déclaration.
Il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement la mauvaise foi, c'est-à-dire l'appréciation du caractère intentionnel de l'omission ou de l'inexactitude étant observé que la clarté ou l'obscurité du questionnaire participe de la détermination de la mauvaise foi.
Le document en litige (pièce 1 des intimées), insérée dans la demande d'adhésion signée le 30 juin 2015, est insérée dans un encart intitulé « Déclaration d'Etat de Santé ». Après renseignement quant à son identité (« Je soussigné » case précochée pour M. X.), l'assuré dispose d'une alternative :
- Cocher la case « déclare sur l'honneur »
* que mon poids ' (ma taille en cm-100) est inférieur à 15 ;
* ne pas être en arrêt de travail ou en invalidité même partielle ;
* au cours des 5 dernières années :
- ne pas avoir été hospitalisé ou opéré, ne pas avoir fait l'objet d'un geste médico-chirurgical (endoscopie, arthroscopie, coloscopie) ni d'examen radiologique (radio, scanner, IRM, échographie) ayant révélé une pathologie,
- ne pas avoir eu d'arrêt de travail de plus de quinze jours consécutifs ;
* au cours des 10 dernières années,
- ne pas avoir été traité ni avoir été sous surveillance médicale pour un cancer, une pathologie chronique, des troubles cardio-vasculaires, psychiques, neurologiques, une affection ostéo-articulaire et/ou de l'axe rachidien, une fibromyalgie,
- ne pas avoir été traité médicalement ni être sous surveillance médicale pour toute autre pathologie ;
* ne pas avoir subi de test de dépistage (immunodéficience, hépatites) dont le résultat s'est révélé positif ;
* ne pas être informé de la nécessité de subir des examens médicaux, un traitement ou une intervention chirurgicale
- Cocher la case « déclare ne pas pouvoir valider les déclarations ci-dessus et m'engage à renseigner le questionnaire médical joint ».
Enfin il est précisé dans l'encadré que la déclaration d'Etat de Santé est valable quatre mois à compter de la signature.
A la suite de l'encart « Déclaration de santé » figure un encart dans lequel l'assuré déclare sincères et exacts l'ensemble des renseignements (pour tout le formulaire soit quatre pages) et où figure sa signature précédée de la mention « Lu et approuvé ».
M. X. fait valoir que dès son adhésion à la garantie en litige, la Mutuelle Bleue n'a pas pu ignorer qu'il souffrait d'un syndrome d'apnées obstructives du sommeil, puisqu'elle lui a remboursé la location de son appareil respiratoire.
En outre dans une déclaration du sinistre du 30 avril 2017, M. X. a précisé, de manière manuscrite, que ce syndrome avait été diagnostiqué le 20 février 2015 (pièce 25 des intimées).
La déclaration sur l'honneur de M. X. du 30 juin 2015 selon laquelle au cours des dix années précédentes, il n'avait pas été traité médicalement ni été sous surveillance médicale pour une pathologie chronique est donc incontestablement erronée.
S'agissant du caractère intentionnel de la fausse déclaration, M. X. soutient qu'il n'a pas délibérément coché la case « je déclare sur l'honneur » dans le but de se dispenser d'avoir à remplir un questionnaire médical.
Mais lorsque dans cette déclaration, il est demandé à l'assuré de préciser si, au cours des dix dernières années, il atteste : « - ne pas avoir été traité ni avoir été sous surveillance médicale pour un cancer, une pathologie chronique, des troubles cardio-vasculaires, psychiques, neurologiques, une affection ostéo/articulaire ou de l'axe rachidien, ne fibromyalgie ;
- ne pas avoir été traité médicalement ni être sous surveillance médicale pour toute autre pathologie »,
il s'en déduit clairement que l'assuré doit déclarer toute pathologie ayant justifié un suivi ou un traitement, qu'elle soit chronique ou non et y compris s'il la considère comme étant une pathologie légère.
Ainsi les termes employés dans le paragraphe « déclaration d'état de santé » sont clairs et dépourvus de toute ambiguïté.
Ils sont également aisément compréhensibles sur le point de savoir qu'une seule réponse positive doit amener le déclarant à compléter le questionnaire médical, ce que ne contredisent d'ailleurs pas les autres documents 'formalités médicales' versés aux débats par M. X.
Contrairement à ce que soutient l'appelant, ces conditions particulières ne sont pas non plus en contradiction avec l'article 6 des conditions générales, qui stipule que même dans l'hypothèse d'une garantie de base inférieure à 3 PASS (plafond annuel de la sécurité sociale), si l'adhérent n'est pas en mesure de compléter la déclaration de santé, il lui sera demandé de compléter le questionnaire médical et de se soumettre le cas échéant à des formalités complémentaires.
Les affirmations dépourvues d'équivoque assumées par l'intéressé en cochant la case correspondante lui ont permis d'éluder la nécessité de répondre à un questionnaire médical, alors que le formulaire comportait une case à cocher avec la mention dépourvue d'ambiguïté « Je déclare ne pas pouvoir valider les déclarations ci-dessus et m'engage à renseigner le questionnaire médical joint ».
C'est donc intentionnellement que M. X. a contourné la nécessité de répondre au questionnaire en cochant la première des deux cases proposées et la mauvaise foi de l'assuré est établie.
Par ailleurs, la simple mention selon laquelle la déclaration de santé est valable quatre mois à compter de la signature ne signifie pas que l'assureur ne peut plus se prévaloir de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré passé ce délai.
Elle oblige seulement le candidat à l'assurance à produire une déclaration de santé de moins de quatre mois dans le cadre d'une demande de souscription.
Si M. X. fait valoir le caractère abusif de cette « clause », il n'expose pas en quoi le fait que l'assureur s'enquiert des pathologies affectant le candidat assuré serait susceptible de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa version applicable au présent litige. Au contraire, l'assureur est en droit de se faire une opinion exacte du risque garanti.
Sur la prise de connaissance par l'assureur des pathologies dont souffrait l'intéressé, il sera rappelé que la Mutuelle Bleue gérait la couverture complémentaire et non le régime obligatoire de M. X., que le secret médical lui était opposable et que M. X. ne démontre même pas qu'elle aurait pris en charge même partiellement l'appareil de ventilation.
De plus, s'il a fait connaître à la Mutuelle Bleue son apnée du sommeil et son hypertension dans un courrier du 3 mai 2016, à cette date, la garantie avait déjà pris effet et M. X. avait d'ailleurs réclamé le paiement de prestations pour un arrêt de travail motivé par une de ces deux pathologies.'
M. X. ne peut donc en déduire que dans les mois suivant son adhésion, la Mutuelle Bleue aurait renoncé à se prévaloir de la mauvaise foi de son assuré lors de sa déclaration de santé.
Enfin, la fausse déclaration de M. X. a nécessairement été de nature à modifier l'opinion que l'assureur pouvait se faire du risque à assurer puisqu'une seule réponse positive à l'une des questions posées devait conduire l'assuré à compléter un questionnaire médical plus complet, comportant notamment des questions qui auraient dû conduire M. X. à évoquer son hypertension artérielle ainsi que son syndrome d'apnées obstructives du sommeil.
Par voie de conséquence, il y a lieu de considérer que la Mutuelle Bleue établit une fausse déclaration intentionnelle de la part de M. X. dans le cadre de la souscription de la garantie en litige.
Dès lors, elle est fondée à demander la nullité de cette police d'assurance, conformément aux dispositions de l'article L. 113-8 du code des assurances.
En conséquence, la cour infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Mutuelle Bleue de sa demande de nullité de la police d'assurance, le confirme en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande au titre des indemnités journalières et statuant à nouveau, prononce la nullité de la police d'assurance souscrite par M. X. auprès de la Mutuelle Bleue le 30 juin 2015.
III- Sur la demande de dommages et intérêts de M. X. :
La demande en dommages et intérêts de M. X. est motivée par le retard dans le paiement des indemnités journalières.
Néanmoins la présente juridiction a fait droit à la demande de nullité du contrat d'assurance et a confirmé le rejet de la demande en paiement au titre des indemnités journalières.
M. X. ne peut donc pas invoquer une quelconque faute commise par la Mutuelle Bleue.
Il convient donc de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. X.
IV- Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. X. aux entiers dépens et en ce qu'il a condamné M. X. à payer une somme de 2.000 euros à la Mutuelle Bleue au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X. qui succombe sera condamné aux dépens de l'appel.
Pour des considérations d'équité il devra payer la somme de 1.500 euros à la SAS Alptis Assurances et la somme de 1.500 euros à la Mutuelle Bleue en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS Alptis a été mise hors de cause et n'est pas l'organisme social de M. X. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de déclarer le présent arrêt commun à cette société.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la police d'assurance présentée par la Mutuelle Bleue ;
Statuant à nouveau,
Prononce la nullité de la police d'assurance souscrite le 30 juin 2015 par M. X. auprès de la Mutuelle Bleue ;
Confirme le jugement rendu le 9 février 2021 par le tribunal judiciaire de Sarreguemines en toutes ses autres dispositions déférées à la cour ;
Y ajoutant,
Met hors de cause la SAS Alptis ;
Condamne M. X. aux dépens de l'appel ;
Condamne M. X. à payer à la Mutuelle Bleue la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X. à payer à la SAS Alptis Assurances la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de déclaration d'arrêt commun à l'encontre de la SAS Alptis ;
La Greffière La Présidente de chambre
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