CA GRENOBLE (1re ch.), 14 mars 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10124
CA GRENOBLE (1re ch.), 14 mars 2023 : RG n° 21/02165
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « S'agissant de la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours, il est rappelé que selon l'article 4 du code de procédure pénale, la mise en mouvement de l'action publique n'impose le sursis que sur le seul jugement de l'action civile exercée devant la juridiction civile en réparation du dommage causé par l'infraction ; il en résulte que les autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, ne sont pas soumises à l'obligation de suspendre l'instance, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. Ainsi, la décision de suspendre l'instance relève du pouvoir discrétionnaire conféré au juge en vue d'une bonne administration de la justice.
Or, en l'espèce, le CIFD (anciennement CIFRAA) n'a pas été mis en examen dans le cadre de l'information ouverte au tribunal de grande instance de Marseille (sa mise en examen initiale ayant été annulée par arrêt de la chambre d'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 6 décembre 2012), ayant seulement le statut de témoin assisté.
Ainsi, la décision pénale à intervenir dans un délai impossible d'évaluer à ce jour, sera sans incidence sur la présente instance. »
2/ « il est relevé que si le CIFD conteste la qualité de consommateur des emprunteurs pour conclure qu'ils ne peuvent donc pas se prévaloir des dispositions du code de la consommation, il n'a pas repris ce chef de prétention au dispositif de ses dernières conclusions, n'ayant formé appel incident que sur le rejet de sa demande de capitalisation des intérêts. Dès lors les emprunteurs relèvent des dispositions du code de la consommation comme dit par les premiers juges ».
3/ « Les articles L. 121-23, L. 121-24 et L. 121-26 tels que visés par les appelants figurent à la section III ancienne du code de la consommation qui traite du démarchage et qui s'applique selon l'article L. 121-21 à quiconque pratique ou fait pratiquer le démarcharge (…) pour l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services ; M. et Mme X. sont en conséquence mal fondés à exciper d'une quelconque violation de ces textes par le CIFD (en tant que venant aux droits du CIFRAA) dès lors qu'ils ne sont pas applicables au prêt immobilier litigieux. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 14 MARS 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/02165. N° Portalis DBVM-V-B7F-K3ZW. Appel d'une décision (RG n°12/03867), rendue par le Juge de l'exécution de GRENOBLE, en date du 22 mars 2021, suivant déclaration d'appel du 6 mai 2021.
APPELANTS :
M. X.
né le [Date naissance 2] à [Localité 6], de nationalité Française, [Adresse 1], [Localité 4]
Mme Y. épouse X.
née le [Date naissance 5] à [Localité 6], de nationalité Française, [Adresse 1], [Localité 4], représentés par Maître Valérie GABARRA de la SELARL GABARRA GUIEU PRUD'HOMME - AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT (CIFD)
Société Anonyme au capital de XXX euros dont le siège social est [Adresse 3], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro YYY, agissant par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, venant aux droits de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE (CIFRAA) à la suite de la fusion par absorption du 1er juin 2015 de la société CIFRAA, représentée par Maître Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE plaidant par Maître Juliette FABRY, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Catherine Clerc, président, de chambre, Mme Joëlle Blatry, conseiller, Mme Véronique Lamoine, conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 24 janvier 2023, madame Clerc président de chambre chargé du rapport, assistée de Anne Burel, greffier, en présence de Catherine Silvan, greffier stagiaire, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Selon acte sous seing privé du 9 mai 2008, le Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne (CIFRAA) a accordé à M. X. et Mme X. née Y. un prêt immobilier n°40000136913 d'un montant de 288.422 € destiné au financement de l'acquisition d'un studio en l'état futur d'achèvement à [Localité 7] (Seine et Marne) dans le cadre du programme immobilier de défiscalisation développé par la société Apollonia (acquisition de biens immobiliers à visée locative permettant de bénéficier du régime fiscal des loueurs en meublé non professionnels).
Ce prêt a été réitéré par acte authentique devant un notaire partenaire du programme de la société Apollonia.
M. et Mme X., comme de nombreux autres emprunteurs, se sont constitués partie civile en novembre 2009 dans l'instruction ouverte au tribunal de grande instance de Marseille (devenu depuis tribunal judiciaire) à l'encontre notamment de la société Apollonia pour faux, usage de faux et escroquerie.
Ils ont (également comme de nombreux autres emprunteurs) assigné le 15 décembre 2009 la société Apollonia, le CIFRAA, les notaires et d'autres établissements financiers devant ce même tribunal en responsabilité et indemnisation de leur préjudice en lien avec la surévaluation des biens vendus et des financements excessifs qui ont pu être accordés.
Le prêt n'étant plus remboursé, le CIFRAA, après mises en demeure préalables, a prononcé la déchéance du terme le 11 janvier 2012.
Suivant acte extrajudiciaire du 22 août 2012, le CIFRAA a assigné M. et Mme X. devant le tribunal de grande instance de Grenoble en paiement.
Par ordonnance du 11 décembre 2013, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de l'issue définitive de la procédure pénale en cours ; par ordonnance ultérieure du 16 juillet 2019, confirmée en appel le 2 juin 2020, le juge de la mise en état a révoqué ce sursis à statuer.
Par jugement contradictoire du 22 mars 2021, le tribunal précité de Grenoble, devenu tribunal judiciaire, a :
- dit irrecevable la demande de sursis à statuer formulée par M. et Mme X.,
- dit irrecevable la demande de restitution des intérêts conventionnels de M. et Mme X.,
- condamné M. et Mme X. à payer au Crédit Immobilier de France Développement (CIFD) venant aux droits du CIFRAA,
- la somme de 128.373,54 € avec intérêts au taux de 5,242 % à compter du 11 janvier 2012 au titre du solde du prêt n°40000136913,
- la somme de 1 € au titre de la clause pénale outre intérêts au taux légal à compter du jugement,
- débouté M. et Mme X. de leur demande de dommages et intérêts,
- rejeté la demande d'anatocisme formulée par le CIFD,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. et Mme X. aux dépens avec recouvrement par Maître Dejan Mihajlovic conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration déposée le 6 mai 2021, M. et Mme X. ont relevé appel.
Par ordonnance juridictionnelle du 17 mai 2022, le conseiller de la mise en état a dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement déféré sollicitée par le CFID et a débouté M. et Mme X. de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
Dans leurs dernières conclusions déposées le 12 décembre 2022 fondées sur les articles 4, 11, 73, 101, 138, 771 du code de procédure civile, 4 du code de procédure pénale, L. 121-21 et suivants, L. 312-7 et suivants, L. 313-1 et suivants du code de la consommation, 1240 et suivants du code civil, M. et Mme X. sollicitent que la cour :
- juge recevable leur déclaration d'appel,
- infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'anatocisme formée par la banque et en ce qu'il a ramené à la somme de 1€ la clause pénale mise à leur charge et statuant à nouveau,
à titre principal,
- ordonne le sursis à statuer de la procédure de paiement engagée par le CIFRAA à leur encontre dans l'attente de l'issue des instances pénale et civile pendantes devant le tribunal « de grande instance » de Marseille,
- condamne le CIFRAA à leur verser une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne le CIFRAA aux entiers dépens de première instance et d'appel,
à titre subsidiaire,
- déboute purement et simplement le CIFRAA de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- prononce la déchéance du droit aux intérêts de la banque, et subsidiairement juger que seul le taux contractuel variable peut ici être réclamé par le CIFD CIFRAA,
- déboute le CIFD de ses demandes au titre des indemnités de résiliation,
- condamne le CIFRAA à leur verser une somme de 285.538 € à titre de dommages et intérêts et ordonne compensation le cas échéant avec la créance éventuellement retenue au bénéfice du CIFD,
- condamne le CIFRAA à leur verser une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboute purement et simplement le CIFD de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions contraires ou complémentaires,
- condamne le CIFD aux entiers dépens de première instance et d'appel.
[*]
Dans ses dernières conclusions déposées le 5 janvier 2023 sur le fondement des articles 562, 901 et 700 du code de procédure civile, 4 et 312 du code de procédure pénale,1108, 1134, 1147, 1154, 1319, 1351 et 2224 du code civil, L. 313-1 et suivants, L. 312-7 et suivants du code de la consommation, le CIFD, venant aux droits du CIFRAA, demande à la cour de :
à titre liminaire :
- juger que l'appel de M. et Mme X. n'est pas soutenu et son absence d'effet dévolutif,
- confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,
si par extraordinaire la cour venait à juger que l'appel interjeté par M. et Mme X. est soutenu et a un effet dévolutif,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* dit irrecevable la demande de sursis à statuer formulée par M. et Mme X.,
* dit irrecevable la demande de restitution des intérêts conventionnels de M. et Mme X.,
- condamné M. et Mme X. à payer au crédit Immobilier de France Développement (CIFD) venant aux droits du CIFRAA, la somme de 128.373,54€ avec intérêts au taux de 5,242 % à compter du 11 janvier 2012 au titre du solde du prêt n°40000136913, et celle de 1€ au titre de la clause pénale outre intérêts au taux légal à compter du jugement,
- débouté M. et Mme X. de leur demande de dommages et intérêts,
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande d'anatocisme et statuant à nouveau,
- ordonner la capitalisation des intérêts légaux par application de l'article 1154 du code civil,
- condamner M. et Mme X. à lui payer la somme de 28.842,20 € à titre de dommages et intérêts,
- condamner M. et Mme X. à lui verser la somme de 5.000 € au titre de la perte de chance de ne pas contracter,
- débouter M. et Mme X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner les mêmes à lui verser la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi, qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Dejan Mihajlovic, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 janvier 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes et qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Sur la recevabilité de l'appel :
Le CIFD soutient que la déclaration d'appel est privée d'effet dévolutif en ce qu'elle mentionne aucune demande de la part des appelants, et contient une erreur, disant l'appel formé à l'encontre d'un jugement rendu par le juge de l'exécution de Grenoble alors qu'il s'agissait d'un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble ; il ajoute que l'annexe à la déclaration d'appel énonçant les chefs critiqués du jugement ne peut être considérée comme la déclaration d'appel.
Ce qui ne peut être retenu en l'état de l'avis de la Cour de cassation n° 22-70.005 du 8 juillet 2022 énonçant qu'une déclaration d'appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs du dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civil, dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l'absence d'empêchement technique.
Par ailleurs, l'erreur d'identification de l'auteur du jugement déféré (juge de l'exécution au lieu du tribunal judiciaire) dans l'énoncé de la déclaration d'appel n'est pas de nature à la priver de son effet dévolutif, dès lors qu'il n'existe aucune ambigüité sur le jugement déféré.
La déclaration d'appel de M. et Mme X. est donc recevable,
Sur la demande de sursis à statuer :
Cette demande est recevable dès lors que depuis la dernière décision ayant statué sur ce sursis à statuer, est intervenu un fait nouveau, à savoir l'ordonnance de règlement du 25 mai 2022 du magistrat instructeur ; le jugement déféré du 22 mars 2021 ayant dit l'irrecevabilité de cette demande n'est donc plus d'actualité.
M. et Mme X. soutiennent le sursis à statuer est nécessaire pour assurer l'efficacité des décisions en application de l'article 4 du code de procédure civile afin :
- d'éviter la remise en cause de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt à intervenir, dans la mesure où la décision pénale à rendre va statuer sur le process de formation des contrats de prêt qui sont au cœur de l'escroquerie dénoncée,
- de préserver l'égalité des parties devant la justice, la procédure civile initiée devant le tribunal judiciaire de Marseille en réparation de leurs préjudices ne devant pas aboutir avant un délai de 10 / 15 ans alors que le CIFD peut recouvrer dès à présent à son encontre le remboursement du prêt, le sursis s'imposant d'autant plus que l'instruction est terminée et l'affaire jugée au fond d'ici quelques mois.
Le CIFD oppose en substance que le sursis à statuer en cause, qui est facultatif et dont le prononcé relève du pouvoir discrétionnaire du juge, n'est pas compatible avec l'administration d'une bonne justice, qu'il n'existe pas d'indices à son encontre (ou du CIFRAA qu'il a absorbé) de la commission d'une infraction pénale de sorte qu'il ne sera pas concerné par le procès pénal lequel sera sans incidence sur sa demande en paiement qui ne pose aucune difficulté sérieuse.
Ce qui doit être admis.
En effet, l'action engagée devant le tribunal de grande instance de Marseille par M. et Mme X. qui tend à obtenir des dommages-intérêts en réparation des fautes commises par la banque n'est pas de nature à influer sur le cours du présent litige fondé sur l'exécution du contrat de prêt immobilier dès lors qu'elle ne tend pas à l'annulation des contrats de vente et de prêt.
S'agissant de la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours, il est rappelé que selon l'article 4 du code de procédure pénale, la mise en mouvement de l'action publique n'impose le sursis que sur le seul jugement de l'action civile exercée devant la juridiction civile en réparation du dommage causé par l'infraction ; il en résulte que les autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, ne sont pas soumises à l'obligation de suspendre l'instance, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. Ainsi, la décision de suspendre l'instance relève du pouvoir discrétionnaire conféré au juge en vue d'une bonne administration de la justice.
Or, en l'espèce, le CIFD (anciennement CIFRAA) n'a pas été mis en examen dans le cadre de l'information ouverte au tribunal de grande instance de Marseille (sa mise en examen initiale ayant été annulée par arrêt de la chambre d'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 6 décembre 2012), ayant seulement le statut de témoin assisté.
Ainsi, la décision pénale à intervenir dans un délai impossible d'évaluer à ce jour, sera sans incidence sur la présente instance.
Sans plus ample discussion, la demande de sursis à statuer est rejetée, et le jugement querellé infirmé en ce sens.
Sur la créance du CIFD :
A titre liminaire,
il est relevé que si le CIFD conteste la qualité de consommateur des emprunteurs pour conclure qu'ils ne peuvent donc pas se prévaloir des dispositions du code de la consommation, il n'a pas repris ce chef de prétention au dispositif de ses dernières conclusions, n'ayant formé appel incident que sur le rejet de sa demande de capitalisation des intérêts. Dès lors les emprunteurs relèvent des dispositions du code de la consommation comme dit par les premiers juges ;
il est également relevé qu'à hauteur d'appel, M. et Mme X. ont abandonné leur demande reconventionnelle en restitution des intérêts trop perçus en complément de leur demande de déchéance du droit aux intérêts du CIFD, ce qui induit que cette déchéance s'analyse en une défense au fond qui n'est pas prescrite comme rappelé par les premiers juges,
il est précisé qu'à défaut d'indication contraire, les articles visés sont issus du code de la consommation.
Pour voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts du CIFD et déduire que «'sa créance n'est pas en l'état déterminée faute pour lui de justifier de son droit aux intérêts'», les appelants soutiennent tout à la fois que le TEG est irrégulier, que la banque n'a pas satisfait aux prescriptions édictées par les articles L. 121-23 L. 121-24 et L. 121-26 (dans leur version applicable au litige antérieure à celles issues de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014) qui « conditionnent le caractère liquide et exigible du prêt accordé » et qu'en violation des articles L. 312 -7 et L. 312-10 anciens l'offre de prêt ne leur a pas été envoyée par la Poste et que le délai de 10 jours entre sa réception et son acceptation n'a pas été respecté.
Les appelants ne sont pas fondés à dire la créance de la banque indéterminée eu égard à la déchéance du droit aux intérêts qu'ils entendent lui voir appliquer, les premiers juges ayant justement objecté qu'il suffit de déduire le montant des intérêts conventionnels pour déterminer le quantum de la créance.
S'agissant du TEG, les appelants soutiennent qu'il est erroné tant dans l'offre de prêt que dans le contrat de prêt car ne prenant pas en compte la commission d'intermédiaire comme prescrit par l'article L.313-1, mais également que le taux de période du prêt n'est pas précisé.
Alors que la charge de la preuve du caractère erroné du TEG incombe à l'emprunteur, M. et Mme X. s'abstiennent de justifier qu'ils ont payé des frais de commission d'intermédiaire lesquels ne figureraient pas dans le calcul du TEG du prêt ; à cet égard, ils ne discutent pas ni ne dénoncent comme inexacte l'indication du CIFD disant avoir payé directement les commissions d'intermédiaire à la société Apollonia dans le cadre de leurs relations d'apport d'affaires, de telle sorte que celles-ci n'avaient pas à figurer dans le calcul du TEG, lequel n'encourt en conséquence aucune irrégularité.
L'article R. 313-1-II du code de la consommation prévoit la communication à l'emprunteur notamment du taux de période, à savoir le taux d'intérêt pour la durée de la période, un taux de période proportionnel équivalant au taux annuel divisé par le nombre d'échéances par an.
Or, l'offre de prêt comporte un tableau récapitulatif indiquant le taux de période (0,4620000 %) indépendamment du taux débiteur et sa nature, de la durée en mois du crédit, sa périodicité et le jour de l'échéance constante, le nombre d'échéances et leur montant unitaire.
Ainsi, l'exigence de communication du taux de période posée par l'article R. 313-1-II qui n'impose aucun formalisme quant aux modalités d'exécution de cette obligation d'information, est remplie.
Les articles L. 121-23, L. 121-24 et L. 121-26 tels que visés par les appelants figurent à la section III ancienne du code de la consommation qui traite du démarchage et qui s'applique selon l'article L. 121-21 à quiconque pratique ou fait pratiquer le démarcharge (…) pour l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services ; M. et Mme X. sont en conséquence mal fondés à exciper d'une quelconque violation de ces textes par le CIFD (en tant que venant aux droits du CIFRAA) dès lors qu'ils ne sont pas applicables au prêt immobilier litigieux.
Enfin, comme objecté à bon droit par le CIFD, M. et Mme X. ont signé l'offre de prêt comportant la mention selon laquelle ils reconnaissaient avoir reçu l'offre par voie postale, et ont déclaré eux-même dans leur plainte pénale du 27 novembre 2009 avoir reçue celle-ci à leur domicile ; dès lors, ils ne peuvent se prévaloir d'une violation de l'article L.312-7. Il en est de même des dispositions de l'article L.312-10 dans la mesure où l'offre de prêt a été signée par les appelants le 20 août 2007, soit 10 jours après son envoi le 19 juillet 2007, étant relevé au demeurant que l'inobservation de ce délai de réflexion de 10 jours n'est pas sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts mais par la nullité du prêt, qui n'est pas demandée.
Dès lors, le CIFD n'encourt pas la sanction de la déchéance du droit aux intérêts.
Le jugement querellé est en conséquence confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a condamné solidairement M.et Mme X. à payer la somme de 128.373,54 €, les emprunteurs ne discutant pas plus en appel qu'en première instance le quantum de cette créance en son principal si ce n'est pour s'opposer à l'indemnité de résiliation de 7 % ; or, cette contestation est sans emport, cette indemnité ayant été réduite à 1€ par le jugement déféré, sans que cette disposition soit critiquée par le CIDF dans le cadre de son appel incident.
Les emprunteurs sont mal fondés à solliciter à hauteur d'appel que soit appliqué le taux contractuel variable à la condamnation prononcée à leur encontre alors même que par l'effet de la déchéance du terme prononcée le 11 janvier 2012, ce taux contractuel variable n'a plus vocation à s'appliquer aux échéances mensuelles à échoir qui n'existent plus ; c'est donc le taux d'intérêt applicable à cette date du 11 janvier 2012 qui fixe le taux d'intérêt contractuel devant être appliqué à la créance ; en conséquence, le jugement querellé est également confirmé sur la condamnation à payer les intérêts au taux conventionnel de 5,242 % à compter du 11 janvier 2012.
Il est infirmé sur le refus de capitalisation des intérêts, celle-ci étant de droit pour les intérêts dus sur l'année entière, conformément à l'article 1154 du code civil dans sa version applicable au litige.
Sur la responsabilité de la banque :
Au soutien de leur réclamation de dommages et intérêts, M. et Mme X. développent avec force détails que :
- le CIFD (à l'époque le CIFRAA) a engagé sa responsabilité pour manquement à son devoir de contrôle et de surveillance d'une part, par son défaut de vigilance dans les modalités de constitution et d'octroi des prêts à l'égard des pièces et les dossiers remis par la société Apollonia, qui n'était pas un intermédiaire en opération de banque (IOB) et donc non agréé par l'autorité des marchés financiers (AMF), dont ils affirment sur la foi de la convention signée entre le CIFRAA et la société Apollonia le 24 mars 2004 que celle-ci était la mandataire de la banque qu'elle représentait, d'autre part, par le fait qu'il n'a eu aucun rapport direct avec eux, avant ou lors de la conclusion du prêt, mentionnant qu'ils n'ont jamais signé ni daté l'offre de prêt,
- le CIFD a manqué à son obligation de mise en garde à leur égard alors qu'ils étaient profanes en matière d'investissements immobiliers sans qu'il puisse leur faire reproche de ne pas l'avoir informé des autres emprunts qu'ils avaient déjà souscrits.
Le CIFD oppose de manière tout aussi motivée et détaillée que :
- sa responsabilité ne peut pas être encourue du fait d'un prétendu mandat avec la société Apollonia, cette dernière n'ayant pas le pouvoir de le représenter pour conclure en son nom des actes juridiques ou pour accorder / refuser un prêt, le contrat de mandat signé le 24 mars 2004 ne reconnaissant à la société Apollonia que la mission de promouvoir auprès de sa clientèle les crédits immobiliers de la banque, étant précisé que cette dernière reste seule juge de ses décisions en matière d'octroi de crédit,
- ce sont les emprunteurs eux-mêmes qui par leur mention «'bon pour pouvoir'» apposée avant leur signature ont donné à la société Apollonia les moyens de l'escroquerie reprochée à celle-ci, le contrat de VEFA qu'ils ont signé prévoyant la faculté pour le réservataires de donner pouvoir à l'agent de la société Apollonia de dépser pour leur compte la demande de prêt,
- sa responsabilité ne peut être recherchée du fait de l'absence de rencontre avec les emprunteurs, le contrat de prêt ayant pu être régularisé grâce à plusieurs contacts successifs actant une rencontre des volontés (les emprunteurs lui ont transmis les documents nécessaires à l'étude de la demande de prêt, les emprunteurs ont reçu à leur domicile l'offre de prêt et après l'avoir signée, la lui ont renvoyée),
- elle ne peut davantage être recherchée pour le fait de ne pas avoir contrôlé l'activité et les diligences de son intermédiaire, la société Apollonia, alors même qu'en matière bancaire, aucune disposition n'institue de régime de responsabilité des établissements de crédit du fait des intermédiaires en opérations de crédit ni aucune obligation de contrôle des premiers sur les seconds, et que surtout, il ne s'est jamais déchargé de l'obligation qui est la sienne de vérifier les capacités financières de l'emprunteur, se gardant la décision d'octroyer ou pas le prêt,
- il n'était pas tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de M. et Mme X., emprunteurs avertis déjà propriétaires de plusieurs bien immobiliers à usage locatif et de placements financiers conséquents, outre le fait qu'ils avaient déjà conclu 8 autres prêts auprès de diverses banque, le fait qu'ils remboursent le prêt durant près de 11 années établissant que celui-ci était adapté à leurs capacités financières et ne risquait pas d'entraîner un endettement ; la non-révélation de ces autres prêts au moment de la conclusion du prêt l'ont empêché en tout état de cause d'exercer pleinement son devoir de mise en garde, n'ayant eu à examiner que la fiche de renseignements bancaires des emprunteurs et leurs capacités financières déclarées dont il ressortait qu'elles étaient suffisantes pour rembourser le prêt de sorte qu'il n'avait pas à les alerter sur un risque d'endettement.
Pour autant, les moyens ainsi soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a excellement répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour ne peut qu'adopter sauf à devoir paraphraser le jugement déféré, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.
Le jugement dont appel est donc confirmé sur le rejet de la demande de dommages et intérêts de M. et Mme X. fondée sur la responsabilité du CIFD.
Sur les demandes indemnitaires du CIFD :
Le CIFD soutient le comportement déloyal de M. et Mme X. au moment de la conclusion du prêt au motif qu'ils se sont abstenus de révéler leur état d'endettement réel (nombreux autres prêts souscrits auprès d'autres établissements bancaires) le privant ainsi d'une chance de ne pas contracter avec eux et d'apprécier le risque de défaillance pesant sur sa créance, se trouvant actuellement contrainte de multiplier les démarches afin de préserver ses droits.
Or, il n'est pas démontré que M. et Mme X. ont cessé de rembourser le prêt en raison de difficultés financières ; ils ont pris cette décision à la suite de la découverte des agissements de la société Apollonia dénoncés comme constitutifs de faits d'escroquerie.
Dès lors, le CIFD est débouté de sa réclamation indemnitaire de 28.842,20 € correspondant à 10 % du capital emprunté, et le jugement querellé confirmé sur ce point.
Sur les mesures accessoires :
Parties succombantes, M. et Mme X. sont condamnés aux dépens d'appel avec droit de recouvrement et conservent leurs frais irrépétibles exposés devant la cour ; ils sont dispensés en équité de verser une indemnité de procédure au CIFD en cause d'appel.
Les dispositions du jugement déféré du chef de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens sont par ailleurs confirmées.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Disant régulière la déclaration d'appel de M. X. et Mme X. née Y.,
Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives au sursis à statuer et à l'anatocisme,
Statuant à nouveau sur ces points et ajoutant,
Dit recevable mais mal fondée la demande de sursis à statuer de M. X. et Mme X. née Y. et en conséquence la rejette,
Ordonne la capitalisation des intérêts assortissant la condamnation prononcée à l'encontre de M. X. et Mme X. née Y. au profit du Crédit Immobilier de France Développement venant aux droits du Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne, au titre du prêt n°40000136913,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
Condamne M. X. et Mme X. née Y. aux dépens d'appel avec recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile par Me Dejan Mihajlovic.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5729 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Devoirs du juge
- 5730 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Voies de recours - Appel
- 5842 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat - Qualification du contrat – Démarchage : régime général
- 5851 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Absence de lien avec la profession