CA BORDEAUX (5e ch.), 10 janvier 2006

CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1033
CA BORDEAUX (5e ch.), 10 janvier 2006 : RG n° 04/02401
Publication : Juris-Data n° 298517
Extrait : « Les deux clauses litigieuses, l'une insérée dans les conditions générales et l'autre dans les conditions particulières, se complètent et sont dénuées de toute ambiguïté ; la définition des objets précieux ou de valeur est précisée dans les conditions générales de même que l'indemnisation en valeur agréée ; il en ressort clairement que ne sont indemnisés que les objets précieux listés dans le rapport de monsieur B. selon la valeur indiquée par celui-ci dans la limite de 600.000 francs. Faute d'ambiguïté il n'y a donc pas lieu de recourir aux dispositions des articles 1162 du code civil ou L. 133-2 du code de la consommation.
Elles ne sont pas non plus abusives ; la clause de valeur agréée constitue en effet un accord quant à la preuve de la valeur des objets précieux assurés et un avantage pour l'assuré qui n'a plus à supporter la charge de la preuve de l'étendue de son dommage ; par ailleurs les parties sont libres de fixer un plafond de garantie au-delà duquel le risque est à la charge de l'assuré ; il n'existe en l'espèce pas de déséquilibre entre les parties, la valeur des biens assurés avant été prise en compte pour fixer la prime et déterminer une limite à l'engagement de l'assureur ; il n'y a pas non plus atteinte au principe indemnitaire dont la limite réside dans l'interdiction d'allouer une somme supérieure à la valeur du bien. »
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 10 JANVIER 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 04/02401. Nature de la décision : AU FOND. [minute page 2] Rendu le 10 janvier 2006, Par mise à disposition au Greffe, Par Madame Édith O'YL, Conseiller, en présence de Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier, La COUR d'APPEL de BORDEAUX, CINQUIÈME CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :
Monsieur X.,
né le [date] à [ville], demeurant [adresse]
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], demeurant [adresse]
Représentés par la SCP LUC BOYREAU et RAPHAEL MONROUX, avoués à la Cour et assistés de Maître Sophie BENAYOUN, Avocat au Barreau de Bordeaux, Appelants d'un jugement rendu le 31 mars 2004 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 28 Avril 2004,
à :
La Compagnie d'assurances GROUPAMA
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [adresse], Représentée par la SCP TOUTON-PINEAU et FIGEROU, avoués à la Cour et assistée de Maître Olivier MAILLOT loco Maître Francis CAPORALE, avocats au Barreau de BORDEAUX, Intimée,
Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue en audience publique, le 25 octobre 2005 devant : Monsieur Patrick GABORIAU, Président, Madame Édith O'YL, Conseiller, Madame Annie LEOTIN, Conseiller, assistés de Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier, [minute page 3] et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date du 31 mars 2004,
Vu l'appel interjeté le 28 avril 2004 par les époux X.,
Vu leurs conclusions récapitulatives déposées au Greffe de la Cour et signifiées le 2 septembre 2005,
Vu les conclusions déposées au Greffe de la Cour et signifiées le 1er février 2005 par la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES exerçant sous l'enseigne GROUPAMA (le GROUPAMA),
Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 octobre 2005.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Les époux X., propriétaires à [ville] d'une exploitation agricole qui constitue leur domicile ont souscrit le 23 juillet 2001 auprès du GROUPAMA un contrat « cépages » à effet au 1er juin 2001 n° XX garantissant d'une part les risques nés de leur activité professionnelle et d'autre part les risques de la responsabilité civile et de l'habitation.
Le 5 février 2002 alors qu'elle se trouvait à son domicile madame X. a été victime d'une agression au cours de laquelle ont été volés divers biens mobiliers dont des objets précieux et des bijoux.
Le cabinet A. mandaté par le GROUPAMA dans le cadre de la procédure contradictoire d'évaluation des dommages a estimé ceux-ci dans un rapport déposé le 2 mai 2002 de la façon suivante :
- articles courants : 45.000 francs (6.906 €)
- objets précieux 408.230 francs (62.234,26 €) dont 21.800 francs (3.323 €) figurant sur l'état B.,
- numéraires : 100.000 francs (15.245 €)
- total des dommages : 553.530 francs (84.385,11 €).
Concernant les objets précieux, le GROUPAMA, faisant état de la clause de valeur agréée insérée dans la police, n'a offert que l'indemnisation de ceux figurant dans l'état établi par monsieur B. que lui avaient remis les époux X. à savoir 3.323 €.
[minute page 4] En effet les conditions générales, dont les époux X. ont reconnu avoir reçu un exemplaire, proposent en ce qui concerne les objets précieux trois niveaux de garantie prévoyant le mode d'indemnisation et les obligations qui en découlent en cas de sinistre, le choix fait par les souscripteurs figurant dans les conditions particulières :
« - garantie objets précieux niveau 1
* nous indemnisons vos objets précieux en valeur réelle
* vos obligations : afin d'évaluer les dommages avec exactitude vous êtes tenus de nous apporter une preuve d'existence ou de propriété pour chaque objet précieux disparu ou détruit.
- garantie objets précieux niveau 2
* nous indemnisons vos objets précieux en valeur réelle
* vos obligations : en fonction de la valeur unitaire de chaque objet précieux nous exigeons des preuves spécifiques au jour du sinistre (...)
- garantie objets précieux niveau 3 (valeur agréée)
* nous indemnisons les objets précieux figurant dans l'état descriptif dressé par votre expert en valeur agréée.
Cet état descriptif signé par vous et votre expert mentionne pour chaque objet précieux la valeur assurée. Cette valeur servira de base à la détermination de l'indemnisation, sans qu'il soit besoin de procéder à une nouvelle estimation. Par ailleurs vous ou nous aurons la faculté réciproque de faire procéder chaque année à la révision des estimations des objets qui seraient susceptibles d'être évalués à nouveau et ce à vos frais ».
Or les conditions particulières constituées de tableaux récapitulant par type de risque les garanties souscrites, les limites et les franchises appliquées, démontrent en ce qui concerne les objets précieux que les époux X. ont choisi la garantie niveau 3 :
Garanties | Limites | Franchises |
Objets précieux | Valeur agréée par expert Dans la limite de 600 000 francs | 10 % des dommages minimum : 2 indices FFB |
Les époux X. soutiennent que l'expertise B. ne conditionne pas le principe d'indemnisation des objets précieux et qu'ainsi ceux qui n'y sont pas mentionnés doivent aussi être indemnisés alors que le GROUPAMA estime que seuls les biens listés dans ce rapport peuvent être indemnisés selon la valeur retenue par l'expert.
[minute page 5] Il est certain tout d'abord ainsi qu'ils le font valoir que toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par rapport aux autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier et que doit être recherchée la commune intention des parties.
Les conditions générales relatives à l'assurance de la vie privée précisent en liminaire sous le chapitre « dispositions générales propres à l'assurance de vie privée » : ce contrat a pour objet d'accorder des garanties liées à votre vie privée ; celles que vous avez choisies figurent dans vos conditions personnelles.
Ce premier chapitre inclut un paragraphe concernant la « définition des termes propres aux garanties de l'assurance de la vie privée» dans lequel est donnée la définition contractuelle des biens assurés, dont celle des objets précieux ; il y est encore rappelé sous le paragraphe « quelles sont les limites de nos garanties ? » : les limites de nos garanties sont indiquées dans le tableau des montants de garantie et des franchises de vos conditions personnelles.
Dans le deuxième chapitre « modalités d'indemnisation » figure notamment la clause litigieuse ci-dessus rappelée relative aux trois niveaux de garantie offerts pour les objets précieux et prévoyant le mode d'indemnisation et les obligations qui en découlent en cas de sinistre.
Le troisième chapitre est consacré aux clauses particulières et le quatrième aux dommages aux biens ; y sont énumérés les évènements pouvant être garantis, les conditions et exclusions de garantie.
Enfin le choix des époux X. quant à la garantie souscrite pour les objets précieux figure dans les conditions particulières à savoir la valeur agréée par expert dans la limite de 600.000 francs.
Force est de constater que les conditions générales et les conditions particulières forment un ensemble cohérent, les deux clauses litigieuses s'y insérant parfaitement, permettent aux assurés de comprendre exactement les garanties souscrites et leur étendue et reflètent la commune intention des parties.
Ils ne sauraient tirer argument du fait que dans le chapitre « dommages aux biens » il ne soit pas fait état, quant à l'exercice de la garantie vol des objets précieux, à la limitation de l'indemnisation générée par les clauses litigieuses, celles-ci ne constituant pas une exclusion ou une condition de garantie.
De même le fait que cette limitation d'indemnisation figure pas dans le paragraphe « biens assurés » dont l'objet est seulement de définir contractuellement les biens pouvant être assurés n'est à l'évidence pas de nature à apporter une quelconque confusion sur les garanties souscrites. Il est à observer [minute page 6] que les conditions générales relatives à l'assurance de vie privée rappellent à plusieurs reprises : « les limites de nos garanties sont indiquées dans le tableau des montants de garantie et des franchises de vos conditions personnelles ».
De plus les limitations contractuelles d'indemnisation sont conformes aux dispositions de l'article L. 121-1 du code des assurances et ne constituent ni des exclusions ni des conditions de garantie et sont licites.
Certes le rapport d'expertise en valeur agréée de monsieur B. qui remonte au mois de décembre 1992, n'a pas été établi pour la souscription de la garantie litigieuse mais était destiné à un autre assureur toutefois il a bien été remis par les époux X. au GROUPAMA dans le but de souscrire cette garantie des objets précieux en valeur agréée. En conséquence il ne peut qu'être pris en considération.
Les deux clauses litigieuses, l'une insérée dans les conditions générales et l'autre dans les conditions particulières, se complètent et sont dénuées de toute ambiguïté ; la définition des objets précieux ou de valeur est précisée dans les conditions générales de même que l'indemnisation en valeur agréée ; il en ressort clairement que ne sont indemnisés que les objets précieux listés dans le rapport de monsieur B. selon la valeur indiquée par celui-ci dans la limite de 600.000 francs. Faute d'ambiguïté il n'y a donc pas lieu de recourir aux dispositions des articles 1162 du code civil ou L. 133-2 du code de la consommation.
Elles ne sont pas non plus abusives ; la clause de valeur agréée constitue en effet un accord quant à la preuve de la valeur des objets précieux assurés et un avantage pour l'assuré qui n'a plus à supporter la charge de la preuve de l'étendue de son dommage ; par ailleurs les parties sont libres de fixer un plafond de garantie au-delà duquel le risque est à la charge de l'assuré ; il n'existe en l'espèce pas de déséquilibre entre les parties, la valeur des biens assurés avant été prise en compte pour fixer la prime et déterminer une limite à l'engagement de l'assureur ; il n'y a pas non plus atteinte au principe indemnitaire dont la limite réside dans l'interdiction d'allouer une somme supérieure à la valeur du bien.
Enfin les appelants invoquent les manquements qu'aurait commis le GROUPAMA à ses obligations d'information et de conseil. Mais ils ne peuvent lui reprocher de ne pas leur avoir remis lors de la souscription du contrat « cépages » les conditions générales : ils reconnaissent dans les conditions particulières qu'ils les ont reçues.
Ils ne sauraient non plus lui faire grief de ne pas avoir fait réactualiser le rapport de monsieur B., cette faculté expressément visée au contrat leur appartenant également.
[minute page 7] De plus il est établi qu'ils avaient lors de la souscription de leur contrat le 23 juillet 2001 ainsi que le relève le premier juge tous les éléments leur permettant d'apprécier les garanties souscrites et l'éventuelle nécessité d'inclure des biens non garantis.
En conséquence le jugement déféré dont la Cour adopte les motifs sera confirmé dans toutes ses dispositions.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de l'intimé à hauteur de 1.000 €.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX en date du 31 mars 2004,
Condamne les époux X. à payer à la CRAMA GROUPAMA une somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Les condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick GABORIAU, Président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier.
- 6002 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Présentation - Articulation des protections (droit commun et droit de la consommation)
- 6006 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Interprétation en faveur du consommateur (L. 212-1, al. 2, C. consom.) - Présentation
- 6381 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances multirisques - Habitation - Obligations de l’assureur - Vol