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CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 25 mai 2023

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 25 mai 2023
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 4e ch. civ.
Demande : 20/04622
Date : 25/05/2023
Nature de la décision : Avant dire droit
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 23/10/2020
Référence bibliographique : 6622 (crédit, clause de déchéance), 5716 (relevé d’office, illustrations), 5721 (relevé d’office, obligation), 5726 (d’office, respect du contradictoire)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10346

CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 25 mai 2023 : RG n° 20/04622

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « L'article 16 du Code de procédure civile dispose que : « Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. » Vu l'article 520 du Code de procédure civile, La cour d'appel constate que le premier juge, contrairement aux dispositions de l'article précité, alors qu'il n'était saisi d'aucune demande relative à l'exigibilité de la créance, a, d'office, sans rouvrir les débats et solliciter les observations des parties, débouté la CGLE, considérant qu'elle n'avait pas valablement procédé à la mise en demeure préalable de M. et Mme Y. Le principe du contradictoire ayant été violé, la décision dont appel sera annulée. La cour d'appel procédera donc par voie d'évocation pour trancher le litige. »

2/ « Cependant, la Cour de cassation vient de rendre deux décisions (Cass. civ. 1ère, 22 mars 2023 FS-B n° 21-16476 et n° 21-16044) destinées à assurer la conformité aux exigences du droit de l'Union Européenne, telles que rappelées par la Cour de justice de l'Union européenne notamment dans un arrêt du 26 janvier 2017, de l'application en France des dispositions en matière de droit de la consommation. Ainsi, elle considère que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Suivant ce principe, elle a notamment cassé pour violation de la loi, un arrêt ayant ordonné la vente forcée d'un immeuble et fixé à une certaine somme la créance de la banque, faute pour la cour d'appel d'avoir examiné d'office le caractère abusif d'une telle clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date, sans mise en demeure ou sommation préalable ni préavis d'une durée raisonnable.

Or, en l'espèce, il n'est pas constaté que M. et Mme Y. sont des consommateurs profanes. La clause d'exigibilité immédiate prévue au contrat de la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de défaillance de l'emprunteur, impose à la cour de s'interroger sur le caractère raisonnable de la durée du préavis prévu dans la clause litigieuse et sur l'absence de déséquilibre significatif susceptible de caractériser une telle clause abusive.

Dans ces conditions, et afin également d'observer et faire observer le principe de la contradiction prévu à l'article 16 du code de procédure civile, la cour ordonne la réouverture des débats afin de permettre aux parties de s'expliquer si elles le souhaitent sur le caractère abusif ou non de la clause contractuelle invoquée par la CGLE pour justifier que M. et Mme Y. ont été informés de ce que le prêt devenait exigible en capital, intérêts, frais, commissions et accessoires, après avoir été mis en demeure de régulariser leur situation dans les 8 jours de la réception d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception et sur le caractère raisonnable du délai de 8 jours qui leur a été imparti. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 25 MAI 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/04622. N° Portalis DBVK-V-B7E-OXIT. Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 OCTOBRE 2020 Tribunal judiciaire de Narbonne : R.G. n° 11-19-000214.

 

APPELANTE :

SA Compagnie Générale de Location D'équipements  

au capital de XXX euros, immatriculée au RCS de Lille Métropole sous le n° YYY prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège [Adresse 6], [Localité 4], Représentée par Maître Gilles BERTRAND de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, GERIGNY, DELL'OVA, BERTRAND, AUSSEDAT, SMALLWOOD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant non plaidant

 

INTIMÉS :

Madame X. épouse Y.

née le [Date naissance 1] à [Localité 8], de nationalité Française, [Adresse 5], [Localité 2], assignée par acte en date du 8 décembre 2020 remis à personne

Monsieur Y.

né le [Date naissance 3] à [Localité 7] ([Localité 7]), [Adresse 5], [Localité 2], assigné par acte en date du 8 décembre 2020 remis à personne

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 9 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère, Madame Marianne FEBVRE, Conseillère.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRÊT : - réputé contradictoire ; - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, prévu le 11 mai 2023 et prorogé au 25 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 8 septembre 2017, la SA Compagnie générale de location d'équipements (ci-après : la CGLE) a consenti à Mme X. épouse Y. et M. Y. (M. et Mme Y.) une offre de contrat de crédit pour un montant de 14.200 euros, affecté au financement d'un véhicule.

Le 30 octobre 2018, se prévalant de mensualités impayées et d'une mise en demeure préalable, la société CGLE a adressé à M. et Mme Y. une notification de la résiliation du contrat de crédit par lettre recommandée.

Par un acte du 21 mars 2019, la société CGLE a fait assigner en paiement M. et Mme Y.

Par un jugement réputé contradictoire du 19 octobre 2020, le tribunal de judiciaire de Narbonne a :

- dit que la société CGLE ne peut se prévaloir d'une déchéance du terme ;

- débouté la société CGLE de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la société CGLE aux entiers dépens.

Le 23 octobre 2020, la société CGLE a relevé appel de tous les chefs de jugements.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 3 décembre 2020, la CGLE demande à la cour, au visa des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation ainsi que de l'article L. 312-1 et suivants du code de la consommation, d'annuler ou d'infirmer le jugement, et, statuant à nouveau, de :

* à titre principal,

- Condamner solidairement M. et Mme Y. à lui payer :

> la somme principale de 15.388,50 euros ;

> les intérêts au taux contractuel de 5, 19 % sur ladite somme à compter du 6 mars 2019, date du dernier décompte actualisé suite à mise en demeure ;

* à titre subsidiaire, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit avec prise d'effet au 6 mars 2019 ;

* à titre infiniment subsidiaire, condamner solidairement M. et Mme Y. à lui payer la somme de 13.808,08 euros au titre des échéances du contrat échues impayées ;

* en tout état de cause, condamner solidairement M. et Mme Y. à lui payer la somme de 2.600 euros au titre des frais irrépétibles d'instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur la nullité du jugement, la CGLE soutient que le tribunal judiciaire a rejeté ses demandes sur un moyen soulevé d'office sans la mettre en possibilité de communiquer ses observations. Ainsi, le principe du contradictoire n'ayant pas été respecté l'annulation du jugement de première instance est demandée.

Sur le fond, la CGLE fait valoir qu'elle a préalablement mis en demeure M. et Mme Y. avant de prononcer la résiliation. Par conséquent, les sommes réclamées sont exigibles.

À titre subsidiaire, elle expose que M. et Mme Y. n'ont pas exécuté leur obligation de règlement des mensualités du crédit et que par conséquent, elle est fondée à solliciter la résiliation judiciaire du contrat litigieux.

À titre infiniment subsidiaire, elle s'estime fondée à réclamer la condamnation solidaire de M. et Mme Y. au paiement des échéances du contrat échues impayées du 10 juin 2018 au terme du contrat, soit le 10 octobre 2022, ce qui correspond à la somme de 13 808, 08 euros.

[*]

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

La déclaration d'appel et les conclusions d'appelant ont été signifiées à M. et Mme Y., à personnes, par acte d'huissier de justice en date du 8 décembre 2020. Ils n'ont ni constitué avocat ni conclu.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 16 février 2023.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la demande d'annulation du jugement :

L'article 16 du Code de procédure civile dispose que : « Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. »

Vu l'article 520 du Code de procédure civile,

La cour d'appel constate que le premier juge, contrairement aux dispositions de l'article précité, alors qu'il n'était saisi d'aucune demande relative à l'exigibilité de la créance, a, d'office, sans rouvrir les débats et solliciter les observations des parties, débouté la CGLE, considérant qu'elle n'avait pas valablement procédé à la mise en demeure préalable de M. et Mme Y.

Le principe du contradictoire ayant été violé, la décision dont appel sera annulée. La cour d'appel procédera donc par voie d'évocation pour trancher le litige.

 

Sur le fond :

La cour d'appel constate que CGLE est en mesure de justifier qu'elle a bien adressé à M. et Mme Y. des mises en demeure d'avoir à régler la somme de 2.424,83 euros sous huit jours par courriers recommandés avec accusé de réception qu'ils n'ont pas réclamés, en date du 22 février 2019 et des courriers de résiliation du contrat par courriers recommandés avec accusé de réception qu'ils n'ont pas réclamés en date du 6 mars 2019, les informant de la résiliation du contrat et de l'exigibilité de la somme de 15.388,50 euros.

Cependant, la Cour de cassation vient de rendre deux décisions (Cass. civ. 1ère, 22 mars 2023 FS-B n° 21-16476 et n° 21-16044) destinées à assurer la conformité aux exigences du droit de l'Union Européenne, telles que rappelées par la Cour de justice de l'Union européenne notamment dans un arrêt du 26 janvier 2017, de l'application en France des dispositions en matière de droit de la consommation. Ainsi, elle considère que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Suivant ce principe, elle a notamment cassé pour violation de la loi, un arrêt ayant ordonné la vente forcée d'un immeuble et fixé à une certaine somme la créance de la banque, faute pour la cour d'appel d'avoir examiné d'office le caractère abusif d'une telle clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date, sans mise en demeure ou sommation préalable ni préavis d'une durée raisonnable.

Or, en l'espèce, il n'est pas constaté que M. et Mme Y. sont des consommateurs profanes. La clause d'exigibilité immédiate prévue au contrat de la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de défaillance de l'emprunteur, impose à la cour de s'interroger sur le caractère raisonnable de la durée du préavis prévu dans la clause litigieuse et sur l'absence de déséquilibre significatif susceptible de caractériser une telle clause abusive.

Dans ces conditions, et afin également d'observer et faire observer le principe de la contradiction prévu à l'article 16 du code de procédure civile, la cour ordonne la réouverture des débats afin de permettre aux parties de s'expliquer si elles le souhaitent sur le caractère abusif ou non de la clause contractuelle invoquée par la CGLE pour justifier que M. et Mme Y. ont été informés de ce que le prêt devenait exigible en capital, intérêts, frais, commissions et accessoires, après avoir été mis en demeure de régulariser leur situation dans les 8 jours de la réception d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception et sur le caractère raisonnable du délai de 8 jours qui leur a été imparti.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,

ANNULE le jugement dont appel du tribunal judiciaire de Narbonne en date du 19 octobre 2020,

ÉVOQUANT et statuant à nouveau,

AVANT DIRE DROIT,

Ordonne la réouverture des débats ;

Révoque l'ordonnance de clôture en date du 16 février 2023 ;

Invite les parties à présenter leurs observations éventuelles sur le caractère abusif ou non de la clause précisant que les prêts deviendraient exigibles en capital, intérêts, frais, commissions et accessoires et sur le caractère raisonnable du délai de 8 jours qui leur a été imparti aux termes de la mise en demeure adressée à M. et Mme Y. le 22 février 2019 ;

Dit que la CGLE devra conclure sur ces points au plus tard le 8 août 2023 et M. et Mme Y., au plus tard le 5 septembre 2023 ;

Dit que l'instruction sera clôturée le 26 septembre 2023 ;

Renvoie la cause et les parties à l'audience collégiale du :

17 octobre 2023 à 9 heures ;

- Dans cette attente, surseoit à statuer sur toutes les demandes et prétentions des parties et réserve les dépens.

Le Greffier                                        Le Président