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CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 14 juin 2023

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 14 juin 2023
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 21/19418
Date : 14/06/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 8/11/2021
Référence bibliographique : 5835 (domaine, absence de clause), 5828 (renonciation à une protection d’ordre public), 9744 (année lombarde), 5708 (recevabilité, contrat exécuté)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10376

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 14 juin 2023 : RG n° 21/19418 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Ceci étant, bien que les emprunteurs aient procédé au remboursement intégral de leurs prêts en cours de procédure, il n'est pas rapporté la preuve qu'ils aient agi dans une intention de couvrir un vice connu d'eux. Si MMme X. avaient en effet connaissance du vice invoqué, a minima depuis la remise du rapport de M. Z., le seul fait d'avoir procédé au remboursement de leur prêt, ne peut être interprété comme une confirmation tacite de l'acte aujourd'hui dénoncé.

L'intérêt à agir disparaît quand le demandeur ne souffre plus de la situation litigieuse ou lorsque le préjudice susceptible de donner intérêt à agir a été réparé, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce. C'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que MMme X. conservent un intérêt à agir en nullité de la stipulation d'intérêt puisqu'il est recherché la restitution des intérêts éventuellement trop perçus.

La demande de la société Crédit Immobilier de France Développement tendant à voir juger que MMme X. sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir, ne peut qu'être rejetée. »

2/ « Ainsi, l'action en nullité de la stipulation d'intérêts, en ce qu'elle serait fondée sur l'erreur affectant le taux effectif global mentionné dans l'écrit constatant le contrat de prêt et viserait à sanctionner l'absence de consentement de l'emprunteur au coût global du prêt, relève du régime de la prescription quinquennale de l'article 1304 ancien du code civil. En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de cette prescription est le jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, c'est-à-dire la date de la convention, jour de l'acceptation de l'offre, lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur.

Par ailleurs, en vertu de l'article L. 312-33 ancien du code de la consommation, l'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels est soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article L. 110-4 du code de commerce, notamment relative aux obligations contractées entre une banque prêteuse et le souscripteur d'un crédit immobilier, la prescription courant alors à compter du moment où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur invoquée. […]

Or, lorsque la simple lecture de l'offre de prêt permet à l'emprunteur de déceler une irrégularité, qu'il s'agisse d'une omission, d'une imprécision, d'une approximation ou de toute autre « anomalie » susceptible de générer une erreur dans le calcul du taux effectif global, le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts se situera au jour de l'acceptation de l'offre, soit en l'espèce le 21 janvier 2009 et non pas de manière différée à la date du rapport de M. Z. (au demeurant non indiquée, sachant que M. Z. a été missionné le 21 juin 2017) sur lequel s'appuient MMme X. pour postuler, notamment, que le taux de période est erroné en ce qu'il n'intègre pas ces frais. »

3/ « Ensuite, MMme X., là encore sur la foi du rapport d'analyse de M. Z., reprochent à la banque d'avoir calculé les intérêts du prêt, illicitement, sur la base d'une année bancaire de 360 jours, ce qui selon eux est sanctionné par la nullité de la clause d'intérêt qui « devra être systématiquement prononcée lorsque l'étude de l'offre de prêt fera apparaître que le taux a été calculé sur 360 jours ».[…]

La faisabilité de cette vérification en l'espèce ne relève pas de l'évidence, si bien qu'il ne peut être retenu comme établi que MMme X. pouvaient ou devaient se rendre compte dès cet instant, de l'irrégularité dont ils se prévalent présentement. Le point de départ de la prescription quinquennale peut donc être fixé à la date à laquelle a été mandaté M. Z.

Sur le fond, en premier lieu il convient de rappeler que contrairement à ce que soutiennent les appelants selon lesquels la Cour de cassation dont la jurisprudence est reprise de manière constante par les juridictions du fond sanctionne l'irrégularité de la clause de stipulation conventionnelle par la nullité et la substitution du taux légal, en l'état actuel de la jurisprudence de la Haute-Cour la seule sanction civile encourue en cas de calcul des intérêts d'un prêt sur la base de l'année dite lombarde, est celle de la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels du prêt, dans la proportion appréciée par le juge. La solution est donc identique à celle retenue en matière de taux effectif global erroné.

Aussi, il est de principe que par application des dispositions combinées des articles 1907 alinéa 2 du code civil et L. 313-1, L. 313-2, R. 313-1 du code de la consommation, les intérêts conventionnels d'un prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doivent, comme le taux effectif global, être calculés sur la base de l'année civile sous peine de se voir substituer l'intérêt légal.

Ceci étant, il doit être retenu que calculer les intérêts courus entre deux échéances sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est équipollent à calculer ces intérêts sur la base d'un mois normalisé et d'une année de 365 jours, seule méthode correcte eu égard aux dispositions du code de la consommation, en particulier l'article R. 313-1 et son annexe, d'application générale, et cela, contrairement à ce qu'affirment les appelants, quand bien même il s'agit d'un crédit immobilier, et étant indifférent le fait que le prêt aurait été signé une année bissextile (ce qui n'est d'ailleurs nullement le cas en l'espèce). […]

Certes, si calculer les intérêts courus entre deux échéances sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est équipollent à calculer ces intérêts sur la base d'un mois normalisé et d'une année de 365 jours, en revanche, comme le soulignent les appelants, le calcul des intérêts courus pendant un nombre de jours autre que trente, différerait selon qu'il est rapporté à une année lombarde ou une année civile. Cependant en l'espèce, nulle part dans les écritures de MMme X. il n'est allégué d'une erreur qui aurait été commise dans le calcul des intérêts d'une échéance incomplète. En tout état de cause il ne pourrait s'agir que d'une erreur minime insusceptible d'emporter pour les emprunteurs un surcoût d'intérêts affectant le taux effectif global au delà de la décimale, comme l'exige dorénavant la Cour de cassation.

MMme X. échouent donc à démontrer que la banque a, effectivement, calculé les intérêts conventionnels du prêt sur la base de l'année lombarde, alors que la preuve leur en incombe. »

4/ « MMme X. demandent à la cour de « Dire non écrite la clause d'intérêt du prêt », précisant : « Une clause telle que celle figurant au contrat de prêt constitue une clause abusive », comme il est dit dans la « Recommandation n° 05-02 du 20 septembre 2005 de la Commission des clauses abusives ». L'article L. 132-1 devenu l'article L. 212-1 du code de la consommation, dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Il est à noter qu'en l'espèce aucune clause du contrat ne stipule des intérêts calculés sur une année de 360 jours. La cour n'aura pas à déclarer non écrite une clause qui n'existe pas. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 14 JUIN 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/19418 (10 pages). N° Portalis 35L7-V-B7F-CEUHK. Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 octobre 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MEAUX - RG n° 18/02648.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

[Adresse 2], [Localité 4], Représenté par Maître Yann GRE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 381

Madame Y. épouse X.

[Adresse 2], [Localité 4], Représentée par Maître Yann GRE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 381

 

INTIMÉE :

SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT

[Adresse 1], [Localité 3], Représentée par Maître Fanny DESCLOZEAUX de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : M. Marc BAILLY, Président de chambre, M. Vincent BRAUD, Président, MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseiller.

Greffier, lors des débats : Madame Yulia TREFILOVA

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Marc BAILLY, Président et par MME Anaïs DECEBAL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon offre de prêt émise le 8 janvier 2009 acceptée par les emprunteurs le 21 janvier suivant, la société Crédit Immobilier de France Ile de France, devenue société Crédit Immobilier de France Développement, a consenti à M. X. et Mme Y., son épouse, co-emprunteurs solidaires, un prêt immobilier destiné à financer l'acquisition d'un logement en état de futur achèvement, en vue d'y établir leur résidence principale. Ce prêt, d'un montant de 137.000 euros et d'une durée d'amortissement de 360 mois précédée d'une période de préfinancement d'une durée maximale de 24 mois, a été stipulé remboursable au taux fixe de 5,70 % l'an. L'offre de prêt mentionne un taux effectif global de 5,873 % l'an hors assurances et de 6,249 % l'an assurances comprises, et un taux de période mensuel de 0,52075 %.

Par offre d'avenant émise le 1er février 2010, réitérée le 19 février 2010 et acceptée le 8 mars suivant, le montant prêté a été porté à 137.500 euros pour corriger l'erreur de montant du prêt à taux zéro conclu parallèlement, et respecter le plan de financement initial. Le nouveau taux de période mensuel indiqué par la banque est de 0,5048333 %, et le nouveau taux effectif global, de 6,058 % l'an.

Contestant le mode de calcul des intérêts du prêt, selon eux basé sur une année bancaire de 360 jours et non sur l'année civile, et soutenant que le taux effectif global du prêt et de l'avenant subséquent serait erroné en ce qu'il n'intègre pas les frais liés à la période de préfinancement, MMme X. ont fait assigner la banque à comparaître devant le tribunal de grande instance de Meaux, selon acte d'huissier daté du 25 mai 2018.

Aux termes de leurs dernières écritures, pour l'essentiel de leurs prétentions ils demandaient au tribunal de dire non écrite la clause prévoyant le calcul des intérêts du prêt sur une année de 360 jours, et en sanction des irrégularités affectant le calcul du taux effectif global et des intérêts, de prononcer à titre principal la nullité de la stipulation d'intérêts et à titre subsidiaire la déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels, et subséquemment dans l'un et l'autre cas, le taux d'intérêt légal devant venir se substituer au taux d'intérêt conventionnel, demandaient le remboursement des intérêts indûment perçus par la banque et la condamnation de cette dernière à produire, sous astreinte, un nouveau tableau d'amortissement établi sur la base du taux légal.

En réponse, la société Crédit Immobilier de France Développement a notamment conclu à l'irrecevabilité à agir de MMme X., le prêt ayant été intégralement remboursé par anticipation, et à l'irrecevabilité de leurs actions en nullité et en déchéance pour cause de prescription.

Par jugement du 19 octobre 2021 le tribunal :

« - DÉCLARE irrecevable la demande tendant à voir établir un nouveau tableau d'amortissement sous astreinte formée par Monsieur X. et Madame Y. épouse X. ;

- DÉCLARE irrecevable la demande d'annulation de la clause d'intérêt du prêt formée par Monsieur X. et Madame Y. épouse X. ;

- DÉCLARE irrecevable la demande de déchéance de la clause d'intérêt du prêt formée par Monsieur X. et Madame Y. épouse X. ;

- DÉCLARE irrecevable la demande de substitution du taux légal et de restitution des intérêts du prêt formée par Monsieur X. et Madame Y. épouse X. ;

- DÉCLARE sans objet la demande de Monsieur X. et Madame Y. épouse X. tendant à voir réputer non écrite la clause prévoyant le calcul des intérêts sur une année de 360 jours ;

- DÉCLARE irrecevables les demandes de capitalisation des intérêts et de compensation ;

- DÉCLARE irrecevable la demande de déchéance du droit aux intérêts de la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE ;

- REJETTE les demandes formées par Monsieur X. et Madame Y. épouse X., et la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :

- CONDAMNE Monsieur X. et Madame Y. épouse X. aux dépens ;

- DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire. »

* * *

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 8 novembre 2021, MMme X. ont interjeté appel de ce jugement. À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 21 février 2023 les moyens et prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.

[*]

Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 8 février 2022 les appelants demandent à la cour :

« Vu l'article 1907 du Code Civil,

Vu l'article 1134 du Code Civil,

Vu l'article 1135 du Code Civil,

Vu l'article 1147 du Code Civil,

Vu les articles L. 312-1 et suivants du Code de la Consommation,

Vu les articles L. 313-1 et suivants du Code de la Consommation,

Vu la Recommandation de la Commission des Clauses Abusives du 20 septembre 2005 ;

Vu la jurisprudence de la Cour de Cassation,

À titre principal :

- Réformer et infirmer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

- Dire recevable et non prescrite la demande des concluants ;

- Constater que le Taux Effectif Global (TEG) du prêt du 8 janvier 2009 consenti par la Banque aux requérants et de l'avenant subséquent est erroné ;

- Constater que les coûts liés à la période de préfinancement n'ont pas été pris en compte dans le calcul du TEG ;

- Constater en outre que les intérêts de ce prêt ont été calculés sur 360 jours et non sur l'année civile ;

- Dire non écrite la clause prévoyant le calcul des intérêts sur une année de 360 jours ;

- Prononcer la nullité de la clause d'intérêt du prêt ;

Subsidiairement,

- Prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la Banque ;

En toute hypothèse,

- Dire que le taux légal devra être substitué au taux contractuel du prêt consenti par la Banque ;

- Dire que les sommes ayant été réglées au titre des intérêts devront être réimputées sur le capital et que le trop-perçu devra être restitué aux requérants ;

- Dire que ces condamnations seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de signification de l'assignation ;

- Ordonner la capitalisation des intérêts ;

- Ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties ;

- Subsidiairement, déchoir en totalité la Banque de son droit aux intérêts et faire droit aux condamnations susvisées au titre de cette déchéance ;

- Ordonner l'exécution provisoire et sans délai de la décision à intervenir du chef des condamnations susvisées, nonobstant appel ;

- Condamner la défenderesse au paiement de la somme de 3.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- La condamner aux entiers dépens, dont attribution à Me GRE, Avocat, conformément à l'article 699 du CPC. »

[*]

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 9 janvier 2023 l'intimé demande à la cour de :

« Vu les dispositions des articles L. 312-10, L. 312-33, L. 313-1 et R. 313-1 Code de la Consommation,

Vu les articles 1304 dans leur version applicable au présent litige, 1315 devenu 1353, 1182, 1907, et 2224 du Code civil,

Vu les dispositions des articles 6, 9 et 122 du Code de Procédure Civile,

Vu les dispositions de l'article L. 110-4 du Code de Commerce,

Vu l'adage « le spécial déroge au général »,

Vu l'ordonnance n°2019-740 en date du 17 juillet 2019, publiée le 18 juillet 2019 au JO,

Vu le jugement déféré,

- JUGER que des époux X. sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir, le prêt ayant été intégralement remboursé ;

- JUGER que l'action des époux X. en nullité de la clause d'intérêts contractuels au titre de l'offre de prêt en date du 8 janvier 2009 est prescrite ;

- JUGER que l'action des époux X. en déchéance du droit du CIFD de percevoir les intérêts conventionnels au titre de l'offre de prêt en date du 8 janvier 2009 est prescrite ;

- JUGER que les époux X. ne rapportent pas la preuve d'une erreur de calcul du TEG mentionné à l'offre de prêt en date du 8 janvier 2019 ainsi qu'une prétendue erreur dans la base de calcul des intérêts ;

- JUGER que le CIFD a intégré dans le TEG tous les frais connus, déterminables et conditionnant l'octroi du prêt dans son offre de prêt, ce qui n'était pas le cas des frais liés à la période d'anticipation ;

- JUGER que les intérêts conventionnels mentionné dans l'offre de prêt ont été calculés conformément à la pratique du mois normalisé applicable aux crédits immobiliers ;

En toute hypothèse

- JUGER que la seule sanction que pourrait encourir l'offre de prêt émise par le CIFD serait la déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur qui est une sanction laissée à l'appréciation des juges du fond ;

- JUGER que les époux X. exécutent le contrat de prêt de mauvaise foi et qu'ils ne justifient pas d'un préjudice ;

- JUGER qu'en tout état de cause, les époux X. n'apportent pas la preuve de ce que le prétendu calcul des intérêts sur 360 jours aurait généré un surcoût supérieur à la décimale ;

En conséquence,

- CONFIRMER le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- JUGER les époux X. irrecevables en toutes leurs demandes ;

- DÉBOUTER les époux X. de leur appel et de l'ensemble de leurs prétentions ;

- CONDAMNER solidairement les époux X. à payer au CIFD la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Si par impossible et par extraordinaire, votre Cour devait faire droit aux demandes des époux X. :

- JUGER que les échéances à venir seront assorties du taux d'intérêt légal applicable au jour de leur règlement et qu'une éventuelle compensation ne jouera qu'au jour du paiement de la dernière échéance de remboursement. »

[*]

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le défaut d'intérêt à agir :

La société Crédit Immobilier de France Développement demande à la cour de bien vouloir juger que MMme X. sont irrecevables pour défaut d'intérêt actuel à agir, le prêt ayant été intégralement remboursé par anticipation au mois de janvier 2021. Il y a confirmation du contrat au sens de l'article 1182 du code civil, et l'exécution volontaire du contrat en connaissance de la cause de nullité valant confirmation, celle-ci emporte renonciation à se prévaloir de la nullité.

Le tribunal a retenu que MMme X. n'ont pas d'intérêt à voir condamner la banque à établir un nouveau tableau d'amortissement sous astreinte puisque l'exécution du contrat est arrivée à son terme et qu'un nouveau tableau d'amortissement, qui n'a pour but que de décrire les modalités du prêt, est de fait inutile.

Cependant, il n'y a pas lieu d'examiner la recevabilité de cette prétention indépendamment de la recevabilité de l'action elle-même dans le cadre de laquelle cette demande est formulée.

Ceci étant, bien que les emprunteurs aient procédé au remboursement intégral de leurs prêts en cours de procédure, il n'est pas rapporté la preuve qu'ils aient agi dans une intention de couvrir un vice connu d'eux. Si MMme X. avaient en effet connaissance du vice invoqué, a minima depuis la remise du rapport de M. Z., le seul fait d'avoir procédé au remboursement de leur prêt, ne peut être interprété comme une confirmation tacite de l'acte aujourd'hui dénoncé.

L'intérêt à agir disparaît quand le demandeur ne souffre plus de la situation litigieuse ou lorsque le préjudice susceptible de donner intérêt à agir a été réparé, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce. C'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que MMme X. conservent un intérêt à agir en nullité de la stipulation d'intérêt puisqu'il est recherché la restitution des intérêts éventuellement trop perçus.

La demande de la société Crédit Immobilier de France Développement tendant à voir juger que MMme X. sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir, ne peut qu'être rejetée.

 

Sur la prescription :

En droit, qu'il soit engagé l'action en nullité de la stipulation d'intérêts, comme entendent le faire MMme X. à titre principal, ou encore l'action en déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, telle qu'ils l'exercent mais à titre subsidiaire, la question de la prescription, désormais quinquennale dans chacune de ces hypothèses, est susceptible de se poser, mais au regard d'un fondement textuel qui n'est pas le même dans l'un et l'autre cas quand bien même au final le point de départ de la prescription sera fixé selon un raisonnement analogue.

Ainsi, l'action en nullité de la stipulation d'intérêts, en ce qu'elle serait fondée sur l'erreur affectant le taux effectif global mentionné dans l'écrit constatant le contrat de prêt et viserait à sanctionner l'absence de consentement de l'emprunteur au coût global du prêt, relève du régime de la prescription quinquennale de l'article 1304 ancien du code civil. En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de cette prescription est le jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, c'est-à-dire la date de la convention, jour de l'acceptation de l'offre, lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur.

Par ailleurs, en vertu de l'article L. 312-33 ancien du code de la consommation, l'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels est soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article L. 110-4 du code de commerce, notamment relative aux obligations contractées entre une banque prêteuse et le souscripteur d'un crédit immobilier, la prescription courant alors à compter du moment où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur invoquée.

 

1 - En l'espèce, les appelants insistent sur le fait que totalement profanes en matière de crédits ils ne disposaient pas des compétences nécessaires pour leur permettre de déceler par eux-mêmes à la lecture de l'acte de prêt les erreurs affectant le calcul du taux effectif global.

Il n'est en réalité formé aucune critique spécifique s'agissant du taux effectif global tel qu'indiqué par la banque dans l'avenant, les appelants estimant, manifestement, que l'erreur affectant le taux effectif global du contrat initial se répercuterait nécessairement sur le taux effectif global de l'avenant, alors qu'il s'agit de deux taux indépendants calculés à partir de données différentes.

L'offre de prêt dont le taux effectif global est contesté, émise le 8 janvier 2009 acceptée par les emprunteurs le 21 janvier 2009, comporte des mentions suffisamment précises et claires, sous une présentation accessible permettant à un lecteur même profane de comprendre ce qu'est un taux effectif global, et surtout, concrètement, de connaître quels frais et charges ont été effectivement pris en compte pour le calculer et donc, a contrario, quels sont ceux qui n'ont pas été inclus, puisqu'elle stipule en sa page 2, que le coût total du crédit, pour s'établir à 186.202,85 euros, comprend :

- les honoraires d'apporteur pour un montant de 700 euros,

- le coût estimé des sûretés, pour un montant de 2.000 euros,

- les intérêts hors anticipation, pour un montant de 161.202,85 euros,

- le coût total de l'assurance, pour un montant de 22.890,91euros,

de sorte qu'il en ressort on ne peut plus explicitement, que ne sont pas compris dans le coût total du crédit, et donc dans le taux effectif global, les intérêts intercalaires de la période d'anticipation du prêt.

Surtout, ces mentions des conditions particulières sont éclairées par celles figurant aux « Conditions générales » au « VI - Taux effectif global et coût total du crédit » qui indique en suite immédiate d'une information sur les composantes du taux effectif global, que celui-ci « ne tient pas compte des sommes dues pendant la période d'anticipation et des assurances facultatives ».

Ainsi les emprunteurs, au prix de la lecture attentive et exhaustive qu'il est légitime d'attendre de personnes s'engageant pour au minimum 30 ans, même dépourvus de compétence particulière en matière financière étaient en mesure de se convaincre de l'éventualité d'une erreur relative au taux effectif global, qui résulterait nécessairement des omissions telles qu'alléguées, à savoir en l'espèce, la non prise en compte des frais de la période de préfinancement - peu important à ce stade, que les emprunteurs soient dans l'incapacité d'en chiffrer l'incidence.

Or, lorsque la simple lecture de l'offre de prêt permet à l'emprunteur de déceler une irrégularité, qu'il s'agisse d'une omission, d'une imprécision, d'une approximation ou de toute autre « anomalie » susceptible de générer une erreur dans le calcul du taux effectif global, le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts se situera au jour de l'acceptation de l'offre, soit en l'espèce le 21 janvier 2009 et non pas de manière différée à la date du rapport de M. Z. (au demeurant non indiquée, sachant que M. Z. a été missionné le 21 juin 2017) sur lequel s'appuient MMme X. pour postuler, notamment, que le taux de période est erroné en ce qu'il n'intègre pas ces frais.

Il appartenait à MMme X. d'agir dans le délai imparti, ce qu'il n'ont pas fait, l'assignation ayant été délivrée le 25 mai 2018, alors que l'action en nullité de la stipulation d'intérêt, tout comme l'action en déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels - la seule qui puisse être exercée s'agissant d'un taux effectif global prétendument erroné contenu dans une offre de prêt soumise au code de la consommation - étaient déjà prescrites, depuis le 21 janvier 2014.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a dit MMme X. irrecevables en leurs actions au titre d'un taux effectif global erroné.

 

2 - Ensuite, MMme X., là encore sur la foi du rapport d'analyse de M. Z., reprochent à la banque d'avoir calculé les intérêts du prêt, illicitement, sur la base d'une année bancaire de 360 jours, ce qui selon eux est sanctionné par la nullité de la clause d'intérêt qui « devra être systématiquement prononcée lorsque l'étude de l'offre de prêt fera apparaître que le taux a été calculé sur 360 jours ».

La société Crédit Immobilier de France Développement, suivie en cela par le tribunal, considère que MMme X. disposaient dès la communication de l'offre de prêt et du tableau d'amortissement, des éléments leur permettant de vérifier par eux-mêmes ou par un tiers et aisément, l'exactitude des intérêts calculés par la banque, de sorte que leurs demandes à ce titre se trouvent prescrites.

La faisabilité de cette vérification en l'espèce ne relève pas de l'évidence, si bien qu'il ne peut être retenu comme établi que MMme X. pouvaient ou devaient se rendre compte dès cet instant, de l'irrégularité dont ils se prévalent présentement. Le point de départ de la prescription quinquennale peut donc être fixé à la date à laquelle a été mandaté M. Z.

Sur le fond, en premier lieu il convient de rappeler que contrairement à ce que soutiennent les appelants selon lesquels la Cour de cassation dont la jurisprudence est reprise de manière constante par les juridictions du fond sanctionne l'irrégularité de la clause de stipulation conventionnelle par la nullité et la substitution du taux légal, en l'état actuel de la jurisprudence de la Haute-Cour la seule sanction civile encourue en cas de calcul des intérêts d'un prêt sur la base de l'année dite lombarde, est celle de la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels du prêt, dans la proportion appréciée par le juge. La solution est donc identique à celle retenue en matière de taux effectif global erroné.

Aussi, il est de principe que par application des dispositions combinées des articles 1907 alinéa 2 du code civil et L. 313-1, L. 313-2, R. 313-1 du code de la consommation, les intérêts conventionnels d'un prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doivent, comme le taux effectif global, être calculés sur la base de l'année civile sous peine de se voir substituer l'intérêt légal.

Ceci étant, il doit être retenu que calculer les intérêts courus entre deux échéances sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est équipollent à calculer ces intérêts sur la base d'un mois normalisé et d'une année de 365 jours, seule méthode correcte eu égard aux dispositions du code de la consommation, en particulier l'article R. 313-1 et son annexe, d'application générale, et cela, contrairement à ce qu'affirment les appelants, quand bien même il s'agit d'un crédit immobilier, et étant indifférent le fait que le prêt aurait été signé une année bissextile (ce qui n'est d'ailleurs nullement le cas en l'espèce).

Au cas présent ce constat d'équivalence est exactement rappelé par la société Crédit Immobilier de France Développement dans ses écritures, et n'est d'ailleurs pas utilement combattu par MMme X., lesquels ne rapportent nullement la preuve, qui leur incombe, d'un calcul lombard des échéances mensuelles complètes qui serait différent de celui effectué par la banque.

En effet, M. Z., censé vérifier l'exactitude des échéances d'intérêts du prêt et de l'avenant, a fait application soit de l'année civile soit le cas échant de l'année bissextile au lieu du mois normalisé de sorte que ses calculs se trouvent dépourvus de force probante.

Certes, si calculer les intérêts courus entre deux échéances sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est équipollent à calculer ces intérêts sur la base d'un mois normalisé et d'une année de 365 jours, en revanche, comme le soulignent les appelants, le calcul des intérêts courus pendant un nombre de jours autre que trente, différerait selon qu'il est rapporté à une année lombarde ou une année civile. Cependant en l'espèce, nulle part dans les écritures de MMme X. il n'est allégué d'une erreur qui aurait été commise dans le calcul des intérêts d'une échéance incomplète. En tout état de cause il ne pourrait s'agir que d'une erreur minime insusceptible d'emporter pour les emprunteurs un surcoût d'intérêts affectant le taux effectif global au delà de la décimale, comme l'exige dorénavant la Cour de cassation.

MMme X. échouent donc à démontrer que la banque a, effectivement, calculé les intérêts conventionnels du prêt sur la base de l'année lombarde, alors que la preuve leur en incombe.

Ils doivent donc être déboutés de toutes leurs demandes s'y rapportant, qu'elles soient principales, subsidiaires, ou subséquentes.

 

Sur le caractère abusif de la clause de calcul des intérêts :

MMme X. demandent à la cour de « Dire non écrite la clause d'intérêt du prêt », précisant : « Une clause telle que celle figurant au contrat de prêt constitue une clause abusive », comme il est dit dans la « Recommandation n°05-02 du 20 septembre 2005 de la Commission des clauses abusives ».

L'article L. 132-1 devenu l'article L. 212-1 du code de la consommation, dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Il est à noter qu'en l'espèce aucune clause du contrat ne stipule des intérêts calculés sur une année de 360 jours. La cour n'aura pas à déclarer non écrite une clause qui n'existe pas.

MMme X. ne peuvent qu'être déboutés de leurs prétentions relatives au caractère abusif de la « clause » litigieuse.

* * *

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

MMme X. qui échouent en leurs demandes, supporteront la charge des dépens et ne peuvent prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de la société Crédit Immobilier de Fance Développement formulée sur ce même fondement, pour la somme réclamée de 3.000 euros, au titre des frais irréptibles engagés par elle tant en première instance, le jugement déféré étant infirmé sur ce point, qu'en cause d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

Réformant le jugement déféré,

REJETTE la fin de non recevoir soulevée par la société Crédit Immobilier de France Développement tirée du défaut d'intérêt à agir de M. X. et Mme Y. épouse X. à raison du remboursement du prêt par anticipation ;

DÉCLARE M. X. et Mme Y. épouse X., irrecevables en l'ensemble de leurs demandes au titre du taux effectif global, pour être prescrites,

REJETTE la fin de non recevoir soulevée par la société Crédit Immobilier de France Développement tirée de la prescription de l'action de M. X. et Mme Y. épouse X. au titre du calcul des intérêts du prêt et de l'avenant ;

DÉCLARE recevables M. X. et Mme Y. épouse X. en leurs demandes formées sur le fondement d'un calcul lombard des intérêts du prêt et de l'avenant, et les déboute de l'ensemble de leurs demandes formées à ce titre ;

DÉBOUTE M. X. et Mme Y. épouse X. de leur demande de voir réputée non écrite la clause de calcul des intérêts ;

CONDAMNE M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Crédit Immobilier de France Développement la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. X. et Mme Y. épouse X. aux entiers dépens.

LE GREFFIER                                            LE PRÉSIDENT