CA VERSAILLES (3e ch.), 9 novembre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10503
CA VERSAILLES (3e ch.), 9 novembre 2023 : RG n° 21/05118
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « L'article 1137, alinéa premier, du même code définit le dol comme le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges, mais l'article 1138 précise que le dol est également constitué s'il émane du représentant, gérant d'affaires, préposé ou porte-fort du contractant, ou s'il émane d'un tiers de connivence.
En l'espèce, il est constant qu'aux termes du contrat de location conclu avec la société NBB Lease le 19 décembre 2017, Mme X. s'est engagée à prendre en location le bien commandé auprès du fournisseur, la société Buro Premium. Le matériel lui a été livré le 6 février 2018, selon procès-verbal de réception versé aux débats (pièce n° 3 du dossier de l'intimée).
Pour voir établi l'élément matériel du dol, Mme X. invoque une clause du contrat de maintenance qu'elle a conclu le 19 décembre 2017 avec la société Buro Premium, qu'elle considère comme volontairement ambigüe et qui l'a incitée à consentir à la location. Toutefois, l'élément matériel du dol se caractérise par des manœuvres, des mensonges ou des dissimulations qui ne sauraient ressortir de la clause ainsi rédigée « évolution du matériel à partir de 21 mois. Solde du contrat en cours par nos soins au renouvellement de celui-ci, participation commerciale identique » et complétée par la mention suivante : « participation commerciale réglée par chèque 4 semaines après la livraison pour un montant de : 6 000 euros HT ». En outre, les propos que lui aurait tenus le commercial, lors de la conclusion de ce contrat, ne sont établis par aucune pièce.
De plus, alors que la société Buro Premium n'a pas été appelée dans la cause, et ne peut donc répondre de la violation des termes du contrat, Mme X. n'établit pas que la société Buro Premium a agi de connivence avec la société NBB Lease, ou en qualité de représentant, aux fins d'obtenir son consentement au contrat de location, par des manœuvres ou des mensonges, étant observé que la conclusion concomitante de deux contrats ne permet pas, à elle seule, d'établir cette représentation ou cette connivence fautive. Pour ces motifs, le moyen de nullité soulevé sera rejeté. »
2/ « Au cas d'espèce, si le contrat de location ne mentionne pas expressément le lieu où il a été signé, il comporte néanmoins le cachet commercial de Mme X. visant l'adresse de son entreprise à [Localité 5], tandis que ce même lieu est renseigné de manière manuscrite dans le mandat de prélèvement SEPA signé le même jour par Mme X. Etant donné qu'il ressort des pièces versées aux débats que la société NBB Lease a son siège social à [Localité 9] et sa direction commerciale à [Localité 8], il convient de considérer que le contrat a été signé dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, tandis que le fait que les signatures ont été apposées à la même date suffit à établir la présence simultanée des parties au moment de la conclusion du contrat. Il en résulte que le contrat doit être qualifié de contrat hors établissement.
En outre, nonobstant la clause aux termes de laquelle le locataire déclare et atteste que les biens sont strictement et exclusivement destinés à l'exercice de son activité professionnelle et qu'ils sont en rapport direct avec celle-ci, le contrat litigieux porte sur la location de matériels de photocopie et n'entre donc pas dans le champ de l'activité principale de pédicure et de podologie de Mme X.
Enfin, il ressort du contrat de cession de fonds libéral que Mme X. verse à son dossier (pièce n° 1) qu'à la date de la cession, le 2 décembre 2019, son fonds libéral ne comportait aucun salarié, ce qui suffit à établir, par présomption, et en l'absence de preuve contraire, qu'à la date de conclusion du contrat Mme X. n'employait pas de salarié, à tout le moins n'en employait pas plus de quatre.
Par conséquent, contrairement à ce que soutient la société NBB Lease, Mme X. répond à l'ensemble des conditions posées par la loi pour prétendre bénéficier des dispositions protectrices visées par l'article L. 221-3 du code de la consommation. »
3/ « Aux termes de l'article 1178 du code civil, issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février2016, le contrat annulé n'est censé n'avoir jamais existé et les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 du code civil.
Il en résulte que le locataire peut prétendre au remboursement des loyers versés, tout comme le loueur est en droit de demander la restitution de la chose, celle-ci incluant, en application de l'article 1352-3 du code civil, la valeur de la jouissance que la chose a procurée.
En l'espèce, Mme X. réclame, au titre des loyers qu'elle a versés, la somme d'un montant non contesté de 8.270 euros et au paiement de laquelle la société NBB Lease sera donc condamnée. Le jugement sera réformé sur ce point. »
4/ « Dans le même temps, la société NBB Lease demande, outre la restitution du matériel loué, le règlement des arriérés de loyers dus à compter du 1er janvier 2020, date à laquelle Mme X. a cessé de régler les échéances de loyers. S'il ne peut être fait droit à ces demandes en tant qu'elles ont été formulées au titre de l'inexécution du contrat de location, lequel est nul, elles demeurent néanmoins cohérentes en tant que demandes visant à tirer toutes les conséquences des restitutions induites par la nullité obtenue.
Etant donné que Mme X. est toujours en possession du matériel et que les loyers réclamés par la société NBB Lease représentent, par essence, la valeur de jouissance du matériel mis à disposition et dont il est réclamé restitution, il sera fait droit aux demandes en paiement de la société NBB Lease, à hauteur de 11.658 euros (2.088 + 9.570), compte tenu de l'échéancier versé aux débats (pièce n° 6), après déduction des pénalités réclamées en ce qu'elles reposent sur l'application d'un contrat nul. Le jugement sera réformé sur ce point.
Enfin, s'il convient de condamner Mme X. à restituer le matériel dans les termes prévus au dispositif du présent arrêt, il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte, alors qu'il est établi (pièce n° 5 de son dossier) que Mme X. a spontanément tenté de restituer le matériel en 2019, non pas à la société NBB Lease comme elle aurait dû, mais à la société Buro Premium qui a refusé d'en prendre livraison. Le jugement sera confirmé de ce chef sauf en ce qui concerne l'adresse de livraison. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 9 NOVEMBRE 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/05118. N° Portalis DBV3-V-B7F-UWBZ. Code nac : 59B. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 7 mai 2021 par le TJ de NANTERRE (6e ch.) : R.G. n° 20/06858.
LE NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE :
Madame X. épouse Y.
née le [date] à [Localité 10], de nationalité Française, [Adresse 3], [Localité 4], Représentant : Maître Estelle FAGUERET-LABALLETTE de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 021873
INTIMÉE :
SAS NBB LEASE FRANCE 1
N° SIRET : YYY, [Adresse 1], [Localité 9], Représentant : Maître Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - N° du dossier 20210303, Représentant : Maître Valérie YON, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C511
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 septembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Florence PERRET, Président, Madame Gwenael COUGARD, Conseiller, Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme FOULON,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant contrat en date du 19 décembre 2017, arrivé à échéance le 30 juin 2023, la société NBB Lease France 1 (ci-après la société NBB Lease) a consenti à Mme X., exerçant l'activité de pédicure-podologue, un contrat de location portant sur un copieur Canon 1325 IF et un « meuble copieur simple », fournis par la société Buro Premium, moyennant 21 loyers trimestriels de 1 044 euros TTC.
Le 6 février 2018, Mme X. a signé un procès-verbal de livraison desdits matériels suivant facture du 12 février 2018 d'un montant de 17. 880,08 euros TTC.
Mme X. ayant cessé de régler les échéances lui incombant à compter du 1er janvier 2020, la société NBB Lease a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 mai 2020, reçue le 13 mai 2020, mis en demeure celle-ci de régler les échéances impayées sous peine de résiliation du contrat de location.
Cette mise en demeure est restée sans effet.
Suivant un acte d'huissier délivré le 7 août 2020, la société NBB Lease a fait assigner Mme X. devant le tribunal judiciaire de Nanterre.
Par jugement réputé contradictoire du 7 mai 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- condamné Mme X. à payer à la société NBB Lease les sommes de :
* 12.615 euros, assortie du taux d'intérêt légal majoré de 5 % à compter du 25 juillet 2020,
* 40 euros au titre de l'indemnité de recouvrement,
* 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les intérêts dus pour une année entière à compter du 7 août 2020 produiront eux-mêmes intérêts à compter du 7 août 2021,
- ordonné la restitution par Mme X. du copieur Canon 1325 IF et du meuble copieur simple, objet du contrat de location du 19 décembre 2017, au siège social de la société NBB Lease, dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement déféré,
- débouté la société NBB Lease de sa demande d'astreinte,
- rappelé que l'exécution provisoire de la décision déférée était de droit,
- débouté la société NBB Lease de ses demandes plus amples ou contraires,
- condamné Mme X. aux entiers dépens,
- rappelé qu'en application des dispositions de l'article 478 du code de procédure civile, le jugement déféré deviendrait non avenu s'il n'était pas notifié dans les six mois de sa date.
[*]
Par acte du 4 août 2021, Mme X. a interjeté appel et prie la cour par dernières écritures du 28 avril 2022 de :
In limine litis,
- juger que l'assignation de la société NBB Lease enrôlée au tribunal judiciaire de Nanterre est entachée de nullité ;
- juger que le jugement déféré est donc nul avec toutes conséquences de droit ;
A titre principal,
- infirmer les dispositions suivantes du jugement déféré en ce qu'il a :
* condamné Mme X. à payer à la société NBB Lease les sommes de :
- 12.615 euros, assortie du taux d'intérêt légal majoré de 5% à compter du 25 juillet 2020,
- 40 euros au titre de l'indemnité de recouvrement,
- 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* dit que les intérêts dus pour une année entière à compter du 7 août 2020 produiront eux-mêmes intérêts à compter du 7 août 2021 ;
* ordonné la restitution par Mme X. du copieur Canon 1325 IF et du meuble copieur simple, objet du contrat de location du 19 décembre 2017, au siège social de la société NBB Lease, dans le délai d'un mois suivant la signification du jugement déféré ;
* condamné Mme X. aux entiers dépens.
- débouter la société NBB Lease de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- juger que la société NBB Lease a commis un dol lors de la signature du contrat avec Mme X. ;
- juger que la société NBB Lease n'a pas respecté les dispositions du code de la consommation dont les dispositions relatives au droit de rétraction et à la présence d'un bordereau de rétractation ;
- juger que le contrat est donc nul ;
- condamner la société NBB Lease à payer à Mme X. une somme de 8.270 euros à titre de remboursement des sommes payées ;
- condamner la société NBB Lease à payer à Mme X. une somme de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société NBB Lease aux entiers dépens.
[*]
Par dernières écritures du 31 janvier 2022, la société NBB Lease prie la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le loueur était bien fondé à se prévaloir de la résiliation de plein droit du contrat après avoir adressé une mise en demeure avec accusé réception du 5 mai 2020, reçue le 13 mai 2020 et restée infructueuse, le réformer pour le surplus et notamment sur le montant des condamnations allouées,
En conséquence statuant à nouveau,
- juger acquise la résiliation du contrat de location à la date du 13 mai 2020,
- condamner Mme X. à verser à la société NBB Lease, la somme de 2.088 euros TTC, montant des loyers impayés, à compter de la mise en demeure, augmentée du taux d'intérêt légal majoré du taux contractuel de 5% depuis sa date d'exigibilité,
- condamner Mme X. à verser à la société NBB Lease, la somme de 9.570 euros, correspondant à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat, outre une majoration contractuellement prévue de 10% soit 10 527 euros augmentée du taux d'intérêt légal majorée du taux contractuel de 5% depuis sa date d'exigibilité,
- condamner Mme X. à verser à la société NBB Lease, la somme de 40 euros HT au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,
- ordonner à Mme X., sous astreinte de 200 euros de retard durant 60 jours passé un délai de quinze jours après la signification à partie de l'arrêt à venir, de procéder à la restitution du matériel, et ce, en application de la loi du 9 juillet1991, à l'adresse suivante : [Adresse 7],
- ordonner l'anatocisme,
- débouter Mme X. de ses moyens et prétentions contraires aux présentes,
- condamner Mme X., à verser à la société NBB Lease, la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner Mme X. aux entiers dépens.
[*]
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 juillet 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION ;
I. Sur la demande d'annulation de l'assignation et du jugement entrepris :
Mme X., défaillante en première instance, fait valoir qu'elle n'a pas eu connaissance de la procédure dont elle a fait l'objet. Elle soutient que l'assignation qui lui a été adressée est nulle, à défaut de lui avoir été correctement signifiée, puisque l'huissier ne mentionne pas dans l'acte les investigations concrètes qu'il a effectuées pour la retrouver, alors qu'une simple recherche internet aurait permis de constater qu'elle avait cessé ses activités, tandis que son adresse personnelle figurait dans les pages jaunes. Elle estime que cette situation lui cause un grief en ce qu'elle n'a pas pu défendre ses droits en première instance et qu'elle a été privée d'un double degré de juridiction.
La société NBB Lease répond que l'assignation a été délivrée à Mme X. [Adresse 2] (92.400), adresse à laquelle elle résidait le 13 mai 2020 lorsqu'elle a réceptionné la mise en demeure qui lui avait été adressée le 5 mai 2020. Elle fait valoir que Mme X. ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, en ce qu'elle a été informée de l'existence d'un contentieux et s'est abstenue de communiquer à son créancier sa nouvelle adresse.
Sur ce,
L'assignation, comme tout acte de procédure, ne produit d'effet que si elle est portée à la connaissance de l'adversaire au moyen d'une notification régulière.
Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'article 659 du même code prévoit que l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.
L'article 693 du même code précise que ce qui est prescrit par les articles 654 à 659 doit être observé à peine de nullité, et l'article 649 que la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l'espèce, Mme X. prétend que l'huissier de justice n'a pas effectué les diligences qu'exigeaient une signification régulière, mais le procès-verbal de recherches infructueuses litigieux ne compte pas parmi les pièces figurant dans les bordereaux de pièces annexés aux conclusions des parties.
Cette pièce pourtant déterminante et dont la communication au créancier aurait pu être demandée par Mme X. dans le cas où celle-ci n'en aurait pas été destinataire, n'a pas été versée aux débats, de sorte que la cour n'est pas mise en position de pouvoir exercer le contrôle de régularité induit par l'article 659 du code de procédure civile.
Mme X., qui ne porte aucune appréciation sur les diligences concrètement accomplies par l'huissier, se borne à produire deux captures d'écran de pages internet indiquant l'adresse de son domicile actuel et la cessation de ses précédentes activités, alors que ces pièces non datées ne permettent pas d'établir qu'à la date de la signification de l'assignation ces informations étaient disponibles et donc accessibles à l'huissier.
Pour ces motifs, l'appelante sera déboutée de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité de l'assignation et consécutivement celle du jugement déféré.
II. Sur la nullité du contrat :
Mme X. fait valoir, d'une part, que le contrat est vicié par le dol, en ce que le commercial qui l'a démarchée lui a assuré le versement tous les 21 mois d'une participation commerciale, laquelle est visée par le contrat au sein d'une clause toutefois volontairement ambigüe et, d'autre part, que le contrat conclu hors établissement qu'elle a souscrit en qualité de consommateur n'est pas accompagné du formulaire type de rétractation prévu par le code de la consommation.
La société NBB Lease répond que Mme X. ne justifie pas des manœuvres frauduleuses dont elle prétend avoir été victime ni des conditions requises pour bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation. A cet égard, elle soutient, d'une part, que Mme X. ne démontre ni que le contrat a été conclu hors établissement, ni qu'elle employait moins de 5 salariés au moment de la souscription du contrat, ni que le contrat n'entrait pas dans le champ de son activité principale et, d'autre part, que l'absence de bordereau de rétractation n'est pas sanctionnée par la nullité du contrat mais par la prorogation du délai de rétractation dont bénéficie le locataire.
Sur le moyen pris de l'existence d'un dol :
Selon l'article 1130 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février2016, le dol vicie le consentement lorsqu'il est de nature que, sans lui, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Son caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
L'article 1137, alinéa premier, du même code définit le dol comme le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges, mais l'article 1138 précise que le dol est également constitué s'il émane du représentant, gérant d'affaires, préposé ou porte-fort du contractant, ou s'il émane d'un tiers de connivence.
En l'espèce, il est constant qu'aux termes du contrat de location conclu avec la société NBB Lease le 19 décembre 2017, Mme X. s'est engagée à prendre en location le bien commandé auprès du fournisseur, la société Buro Premium. Le matériel lui a été livré le 6 février 2018, selon procès-verbal de réception versé aux débats (pièce n° 3 du dossier de l'intimée).
Pour voir établi l'élément matériel du dol, Mme X. invoque une clause du contrat de maintenance qu'elle a conclu le 19 décembre 2017 avec la société Buro Premium, qu'elle considère comme volontairement ambigüe et qui l'a incitée à consentir à la location.
Toutefois, l'élément matériel du dol se caractérise par des manœuvres, des mensonges ou des dissimulations qui ne sauraient ressortir de la clause ainsi rédigée « évolution du matériel à partir de 21 mois. Solde du contrat en cours par nos soins au renouvellement de celui-ci, participation commerciale identique » et complétée par la mention suivante : « participation commerciale réglée par chèque 4 semaines après la livraison pour un montant de : 6 000 euros HT ». En outre, les propos que lui aurait tenus le commercial, lors de la conclusion de ce contrat, ne sont établis par aucune pièce.
De plus, alors que la société Buro Premium n'a pas été appelée dans la cause, et ne peut donc répondre de la violation des termes du contrat, Mme X. n'établit pas que la société Buro Premium a agi de connivence avec la société NBB Lease, ou en qualité de représentant, aux fins d'obtenir son consentement au contrat de location, par des manœuvres ou des mensonges, étant observé que la conclusion concomitante de deux contrats ne permet pas, à elle seule, d'établir cette représentation ou cette connivence fautive.
Pour ces motifs, le moyen de nullité soulevé sera rejeté.
Sur la violation des règles du code de la consommation :
- Sur l'application des dispositions protectrices du code de la consommation
Aux termes de l'article L. 221-3 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, invoqué par Mme X., les dispositions des sections 2, 3, 6 du chapitre relatif aux contrats conclus à distance et hors établissement, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
Ce même article précise ce qu'il y a lieu d'entendre par contrat hors établissement, à savoir, notamment, le contrat conclu dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.
Au cas d'espèce, si le contrat de location ne mentionne pas expressément le lieu où il a été signé, il comporte néanmoins le cachet commercial de Mme X. visant l'adresse de son entreprise à [Localité 5], tandis que ce même lieu est renseigné de manière manuscrite dans le mandat de prélèvement SEPA signé le même jour par Mme X. Etant donné qu'il ressort des pièces versées aux débats que la société NBB Lease a son siège social à [Localité 9] et sa direction commerciale à [Localité 8], il convient de considérer que le contrat a été signé dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, tandis que le fait que les signatures ont été apposées à la même date suffit à établir la présence simultanée des parties au moment de la conclusion du contrat. Il en résulte que le contrat doit être qualifié de contrat hors établissement.
En outre, nonobstant la clause aux termes de laquelle le locataire déclare et atteste que les biens sont strictement et exclusivement destinés à l'exercice de son activité professionnelle et qu'ils sont en rapport direct avec celle-ci, le contrat litigieux porte sur la location de matériels de photocopie et n'entre donc pas dans le champ de l'activité principale de pédicure et de podologie de Mme X.
Enfin, il ressort du contrat de cession de fonds libéral que Mme X. verse à son dossier (pièce n° 1) qu'à la date de la cession, le 2 décembre 2019, son fonds libéral ne comportait aucun salarié, ce qui suffit à établir, par présomption, et en l'absence de preuve contraire, qu'à la date de conclusion du contrat Mme X. n'employait pas de salarié, à tout le moins n'en employait pas plus de quatre.
Par conséquent, contrairement à ce que soutient la société NBB Lease, Mme X. répond à l'ensemble des conditions posées par la loi pour prétendre bénéficier des dispositions protectrices visées par l'article L. 221-3 du code de la consommation.
- Sur l'absence de formulaire type de rétractation
Aux termes de l'article L. 221-5 du code de la consommation, contenu dans la section 2 du chapitre relatif aux contrats conclus hors établissement, le professionnel est tenu, préalablement à la conclusion du contrat d'indiquer, lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
L'article L. 221-9 du même code, contenu dans la section 3 du même chapitre, précise dans son dernier alinéa que le contrat conclu hors établissement est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné à l'article L. 221-5.
Enfin, l'article L. 242-1 précise que les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat.
En l'espèce, la société NBB Lease ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, selon l'article L. 221-7 du code de la consommation, que Mme X. s'est vu remettre, préalablement à la signature du contrat litigieux, le formulaire type de rétractation visé par l'article L. 221-5 du même code.
Il y a lieu, par suite, de prononcer la nullité du contrat en application de l'article L. 221-9 du code de la consommation.
Le jugement déféré sera réformé sur ce point.
III. Sur les conséquences de la nullité du contrat de location :
Aux termes de l'article 1178 du code civil, issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février2016, le contrat annulé n'est censé n'avoir jamais existé et les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 du code civil.
Il en résulte que le locataire peut prétendre au remboursement des loyers versés, tout comme le loueur est en droit de demander la restitution de la chose, celle-ci incluant, en application de l'article 1352-3 du code civil, la valeur de la jouissance que la chose a procurée.
En l'espèce, Mme X. réclame, au titre des loyers qu'elle a versés, la somme d'un montant non contesté de 8 270 euros et au paiement de laquelle la société NBB Lease sera donc condamnée.
Le jugement sera réformé sur ce point.
Dans le même temps, la société NBB Lease demande, outre la restitution du matériel loué, le règlement des arriérés de loyers dus à compter du 1er janvier 2020, date à laquelle Mme X. a cessé de régler les échéances de loyers.
S'il ne peut être fait droit à ces demandes en tant qu'elles ont été formulées au titre de l'inexécution du contrat de location, lequel est nul, elles demeurent néanmoins cohérentes en tant que demandes visant à tirer toutes les conséquences des restitutions induites par la nullité obtenue.
Etant donné que Mme X. est toujours en possession du matériel et que les loyers réclamés par la société NBB Lease représentent, par essence, la valeur de jouissance du matériel mis à disposition et dont il est réclamé restitution, il sera fait droit aux demandes en paiement de la société NBB Lease, à hauteur de 11.658 euros (2.088 + 9.570), compte tenu de l'échéancier versé aux débats (pièce n° 6), après déduction des pénalités réclamées en ce qu'elles reposent sur l'application d'un contrat nul.
Le jugement sera réformé sur ce point.
Enfin, s'il convient de condamner Mme X. à restituer le matériel dans les termes prévus au dispositif du présent arrêt, il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte, alors qu'il est établi (pièce n° 5 de son dossier) que Mme X. a spontanément tenté de restituer le matériel en 2019, non pas à la société NBB Lease comme elle aurait dû, mais à la société Buro Premium qui a refusé d'en prendre livraison.
Le jugement sera confirmé de ce chef sauf en ce qui concerne l'adresse de livraison.
IV. Sur les autres demandes :
Il y a lieu de faire reposer la charge des dépens sur La société NBB Lease, en ce qu'elle a introduit son action à l'encontre de Mme X. en application d'un contrat dont la nullité lui est imputable.
Les dispositions du jugement déféré concernant les frais irrépétibles et les dépens seront réformées en conséquence.
Statuant à nouveau et y ajoutant, la cour condamnera la société NBB Lease aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à régler à Mme X. la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition,
Confirme le jugement en ce qu'il a ordonné la restitution par Mme X. du copieur 1325 IF et du meuble copieur simple, objet du contrat de location du 19 décembre 2017, sauf à préciser que le matériel devra être livré à l'adresse suivante, dans le délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt : LEASECOM - Parc Médicis - Bât. [Adresse 6].
L'infirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce l'annulation du contrat conclu entre Mme X. et la société NBB Lease France 1, le 19 décembre 2017,
Condamne la société NBB Lease à régler à Mme X. la somme de 8 270 euros, au titre des loyers versés en exécution du contrat,
Condamne Mme X. à régler à la société NBB Lease France 1 la somme de 11 658 euros, au titre de la valeur de la jouissance que la chose lui a procurée,
Condamne la société NBB Lease aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société NBB Lease à régler à Mme X. la somme de 3 500 euros sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévuesau deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale
- 7307 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Dol juridique