CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 14 septembre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10575
CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 14 septembre 2023 : RG n° 20/07923
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Au regard de la date de conclusion du contrat, c'est à juste titre que le premier juge a fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016.
Il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats. »
2/ « L'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation dispose que le juge peut relever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application. Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.
Par ailleurs, si la notion de prescription s'attache à une action ou à une demande formulée par voie d'exception, il est admis qu'elle est sans effet sur l'invocation d'un moyen qui tend non pas à l'octroi d'un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.
C'est ainsi que se défendant à une action en paiement du solde d'un crédit à la consommation, l'emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d'une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription pour autant qu'il n'entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d'intérêts indûment acquittés.
Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.
C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a soulevé d'office un ou plusieurs moyens tirés d'une violation des dispositions du code de la consommation. La fin de non-recevoir soulevée à ce titre doit être écartée. »
3/ « Le contrat souscrit prévoit une clause de déchéance du terme du contrat en cas de défaillance de l'emprunteur dans le remboursement des échéances sans imposer l'envoi préalable d'une mise en demeure permettant la régularisation des mensualités impayées avant de rendre exigible l'intégralité des sommes dues.
Il est toutefois admis qu'en application des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil dans leurs versions applicables au contrat, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle et régulariser sa situation.
Le courrier recommandé adressé le 20 juin 2018 à M. X. porte sur l'intégralité des sommes dues à cette date soit 17 324,19 euros incluant outre les échéances impayées, le capital restant dû, la pénalité légale, les intérêts de retard et échus, des frais d'acte. Cette lettre ne permettait pas à M. X. de connaître le montant des échéances impayées et le délai dont il disposait pour s'acquitter des sommes dues afin de mettre en échec la déchéance du terme ainsi ce qu'il encourrait à défaut de s'exécuter.
C'est donc à bon droit que le premier juge a constaté l'irrégularité de la déchéance du terme du contrat.
La résiliation judiciaire du contrat du fait des manquements contractuels de M. X. n'est pas discutée. Il n'y a pas lieu de la voir fixer rétroactivement au 4 juin 2018 la date de cette résiliation mais au 18 novembre 2019, date de délivrance de l'assignation. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 9-A
ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/07923 (9 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5OH. Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 mars 2020 - Juge des contentieux de la protection d'EVRY-COURCOURONNES - RG n° 11-19-002003.
APPELANTE :
La société SOGEFINANCEMENT
société par actions simplifiée, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège N° SIRET : XXX [Adresse 5], [Adresse 5], [Localité 4], représentée et assistée de Maître Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [Date naissance 1] à [Localité 3], [Adresse 2], [Localité 3], DÉFAILLANT
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère.
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT : - RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Selon offre préalable acceptée le 5 février 2014, la société Sogefinancement a consenti à M. X., un prêt personnel d'un montant de 28.000 euros remboursable en 84 mensualités de 428,09 euros chacune hors assurance, au taux d'intérêts débiteur annuel fixe de 7,40 %.
Le 19 mars 2015, les parties sont convenues d'un avenant de réaménagement de la somme due à cette date de 25.695,52 euros par 76 mensualités de 441,22 euros chacune, à compter du 10 mai 2015, au taux effectif global annuel de 7,66 %.
Saisi le 18 novembre 2019 par la société Sogefinancement d'une demande tendant principalement à la condamnation au paiement de M. X. à la somme de 16.014,21 euros au titre du contrat de crédit, le tribunal judiciaire d'Évry-Courcouronnes par un jugement contradictoire rendu le 4 mars 2020 auquel il convient de se reporter, a :
- rejeté la demande de la société Sogefinancement au titre du recouvrement de la créance pour déchéance du terme du contrat de prêt,
- prononcé la résiliation du contrat de prêt,
- rejeté la demande en paiement,
- rejeté la demande de la société Sogefinancement fondée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. X. aux entiers dépens de l'instance.
Le tribunal, après avoir examiné la recevabilité de la demande en paiement au regard du délai biennal de forclusion de l'article L. 311-52 du code de la consommation, a considéré que la société Sogefinancement ne justifiait pas d'une déchéance du terme du contrat régulière à défaut d'avoir adressé à l'emprunteur un courrier préalable valant mise en demeure de régulariser les impayés, de sorte que la demande devait être rejetée. Il a fait droit à la demande de résiliation du contrat au regard des manquements contractuels de l'emprunteur puis a constaté que le prêteur avait manqué à son obligation de vérification de la solvabilité de l'emprunteur prévue à l'article L. 312-16 du code de la consommation en ne fournissant aucune pièce justificative des déclarations de M. X.
Au regard de la déchéance du droit aux intérêts, il a déduit du capital emprunté le montant des versements opérés pour 26.832,99 euros outre 2.750 euros et a réduit à 1 euro le montant de l'indemnité de résiliation puis a constaté que M. X. n'était plus redevable d'aucune somme.
Par une déclaration enregistrée le 24 juin 2020, la société Sogefinancement a interjeté appel du jugement.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 21 octobre 2020, l'appelante demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels, l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 16.014,21 euros augmentée des intérêts de retard au taux conventionnel de 7,40 % l'an sur la somme en principal de 15.999,18 euros à compter du 5 juin 2018 jusqu'au jour du parfait paiement, de sa demande en paiement de la somme de 1.252,90 euros au titre de l'indemnité légale de 8 % du capital restant dû et de sa demande en paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuant à nouveau sur les chefs contestés,
- de dire et juger que les arguments visant à faire prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels pour irrégularité du formalisme précontractuel ou contractuel sont prescrits eu égard au délai de prescription quinquennale ; de déclarer, en conséquence, le moyen irrecevable,
- subsidiairement, de dire et juger qu'elle justifie avoir vérifié la solvabilité de l'emprunteur par la fiche de renseignements produite aux débats, sans qu'elle ait à produire des justificatifs complémentaires s'agissant d'un prêt personnel non souscrit à distance ; de constater, en tout état de cause, qu'elle produit l'historique du compte de dépôt mentionnant les écritures afférant aux revenus et charges ; de dire et juger, en conséquence, que la déchéance du droit aux intérêts contractuels n'est pas encourue,
- de fixer les effets de la résiliation judiciaire au 4 juin 2018 ; subsidiairement, de fixer les effets de la résiliation judiciaire au 18 novembre 2019,
- en conséquence et en tout état de cause, de condamner M. X. à lui payer la somme de 16.372,56 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 7,40 % l'an à compter du 5 février 2020, en deniers ou quittances valables pour les éventuels règlements postérieurs au 4 février 2020, en remboursement du prêt personnel contracté le 5 février 2014,
- subsidiairement, en cas de fixation des effets de la résiliation judiciaire au 18 novembre 2019, de condamner M. X. à lui payer la somme de 18.215,56 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 7,40 % l'an à compter du 5 février 2020, en deniers ou quittance valables pour les éventuels règlements postérieurs au 4 février 2020, en remboursement du prêt personnel n° 35197270172 contracté le 5 février 2014,
- plus subsidiairement, en cas de déchéance du droit aux intérêts contractuels, de le condamner à lui payer la somme de 5 100,09 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2018, en deniers ou quittance valables pour les éventuels règlements postérieurs au 4 février 2020,
- en tout état de cause, de condamner M. X. à lui payer la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile ; de le condamner aux entiers dépens avec distraction au profit de la société Cloix & Mendes-Gil en application de l'article 699 du code de procédure civile.
L'appelante soutient au visa de l'article L. 110-4 du code de commerce que le délai de prescription de 5 ans est applicable concernant le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts de sorte que les arguments soulevés par le tribunal pour irrégularité du formalisme précontractuel ou contractuel ne pouvaient être invoqués que jusqu'au 5 février 2019, l'offre ayant été conclue le 5 février 2014 et que le juge ne pouvait soulever ce moyen à l'audience du 4 février 2020.
Elle rappelle avoir mis en œuvre la déchéance du terme du contrat le 4 juin 2018 et que si le tribunal l'a jugée irrégulière, il a néanmoins fait droit à la demande de résiliation du contrat. Elle demande de voir fixer la date de la résiliation rétroactivement au 4 juin 2018 date du constat des manquements afin d'éviter le maintien des cotisations d'assurance à charge de l'emprunteur postérieurement à cette date.
Elle soutient avoir vérifié la solvabilité de l'emprunteur en produisant la fiche de ressources et charges complétée par M. X. et elle prétend que le premier juge a ajouté une condition non prévue par les textes en sollicitant des pièces complémentaires. Elle précise qu'elle n'avait aucune raison de douter des déclarations de l'emprunteur, qu'elle produit en cause d'appel l'historique de compte de dépôt de M. X. lequel fait apparaître les écritures au titre des mensualités des crédits, le montant de son loyer et du salaire perçu, preuve de ce qu'elle a procédé aux vérifications nécessaires concernant la situation financière de l'intéressé. Elle ajoute produire le résultat de consultation du fichier des incidents de remboursement des particuliers.
Visant les articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation dans leur version applicable au contrat, elle sollicite le paiement de la somme de 16 372,56 euros en ce compris les intérêts de retard fixés au contrat, le capital restant dû, les mensualités échues impayées et l'indemnité d'exigibilité anticipée de 8 %.
Pour le cas où la cour fixerait les effets de la résiliation judiciaire en date du 18 novembre 2019, elle sollicite le paiement de la somme de 18 215,56 euros.
Subsidiairement, en cas de déchéance du droit aux intérêts, elle sollicite le paiement de la somme de 5.100,09 euros.
[*]
Régulièrement assigné par acte d'huissier délivré le 26 octobre 2020 à personne, l'intimé n'a pas constitué avocat.
[*]
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 avril 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 13 juin 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Au regard de la date de conclusion du contrat, c'est à juste titre que le premier juge a fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016.
Il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats
Sur la fin de non-recevoir :
L'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation dispose que le juge peut relever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application. Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.
Par ailleurs, si la notion de prescription s'attache à une action ou à une demande formulée par voie d'exception, il est admis qu'elle est sans effet sur l'invocation d'un moyen qui tend non pas à l'octroi d'un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.
C'est ainsi que se défendant à une action en paiement du solde d'un crédit à la consommation, l'emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d'une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription pour autant qu'il n'entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d'intérêts indûment acquittés.
Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.
C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a soulevé d'office un ou plusieurs moyens tirés d'une violation des dispositions du code de la consommation. La fin de non-recevoir soulevée à ce titre doit être écartée.
Sur la recevabilité de l'action :
La recevabilité de l'action de la société Sogefinancement au regard du délai de forclusion de l'article L. 311-52 du code de la consommation a été vérifiée par le premier juge et ne fait l'objet d'aucune discussion à hauteur d'appel.
Sur la déchéance du terme du contrat :
En application de l'article L. 311-24 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.
L'article D. 311-6 du même code dispose que le prêteur peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de défaillance. Aucune autre pénalité notamment de retard ne peut être exigée par le prêteur.
Le contrat souscrit prévoit une clause de déchéance du terme du contrat en cas de défaillance de l'emprunteur dans le remboursement des échéances sans imposer l'envoi préalable d'une mise en demeure permettant la régularisation des mensualités impayées avant de rendre exigible l'intégralité des sommes dues.
Il est toutefois admis qu'en application des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil dans leurs versions applicables au contrat, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle et régulariser sa situation.
Le courrier recommandé adressé le 20 juin 2018 à M. X. porte sur l'intégralité des sommes dues à cette date soit 17.324,19 euros incluant outre les échéances impayées, le capital restant dû, la pénalité légale, les intérêts de retard et échus, des frais d'acte. Cette lettre ne permettait pas à M. X. de connaître le montant des échéances impayées et le délai dont il disposait pour s'acquitter des sommes dues afin de mettre en échec la déchéance du terme ainsi ce qu'il encourrait à défaut de s'exécuter.
C'est donc à bon droit que le premier juge a constaté l'irrégularité de la déchéance du terme du contrat.
La résiliation judiciaire du contrat du fait des manquements contractuels de M. X. n'est pas discutée. Il n'y a pas lieu de la voir fixer rétroactivement au 4 juin 2018 la date de cette résiliation mais au 18 novembre 2019, date de délivrance de l'assignation.
Sur la déchéance du droit aux intérêts :
L'appelante produit à l'appui de sa demande :
- l'offre de crédit validée dotée d'un bordereau de rétractation et l'avenant de réaménagement,
- la fiche de dialogue (ressources et charges),
- la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées,
- le justificatif de consultation du fichier des incidents de paiement,
- la notice d'information relative à l'assurance et la synthèse des garanties d'assurance,
- les tableaux d'amortissement,
- l'historique de prêt,
- un décompte de créance.
Le premier juge a déchu la banque de son droit à intérêts considérant qu'elle ne produisait pas de pièces venant corroborer les déclarations de l'emprunteur rassemblées dans la fiche de solvabilité.
Il résulte de l'article L. 311-9 du code de la consommation en sa version applicable au contrat, qu'avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur doit vérifier la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Il consulte le fichier des incidents de remboursements des crédits aux particuliers.
L'article L. 311-10 du même code dispose quant à lui que lorsque les opérations de crédit sont conclues sur le lieu de vente ou au moyen d'une technique de communication à distance, une fiche d'informations distincte de la fiche d'informations précontractuelles est fournie par le prêteur ou par l'intermédiaire de crédit à l'emprunteur. Cette fiche, établie par écrit ou sur un autre support durable, comporte notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l'emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier. Ladite fiche est signée ou son contenu confirmé par voie électronique par l'emprunteur et contribue à l'évaluation de sa solvabilité par le prêteur. Les informations figurant dans la fiche doivent faire l'objet d'une déclaration certifiant sur l'honneur leur exactitude. Cette fiche est conservée par le prêteur pendant toute la durée du prêt. Si le montant du crédit accordé est supérieur à 3.000 euros, la fiche doit être corroborée par des pièces justificatives telles que prévues par décret à savoir un justificatif de domicile, un justificatif de revenus, un justificatif d'identité à jour au moment de l'établissement de la fiche de dialogue.
Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations.
Le non-respect de ces dispositions est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels aux termes de l'article L. 311-48 du même code.
En l'espèce, il est constant que le contrat a été conclu dans l'agence du prêteur et qu'il est revêtu de la signature manuscrite de l'emprunteur de sorte que seules les dispositions de l'article L. 311-9 sont applicables et que le premier juge ne pouvait donc imposer au prêteur de communiquer copie des pièces listées à l'article L. 311-10 du même code.
La société Sogefinancement communique aux débats la fiche de dialogue remplie par M. X. détaillant ses ressources (2.468 euros par mois) et ses charges (565 euros de loyer outre 362 euros de charges d'emprunt). Ces éléments ne font pas ressortir de risque particulier d'endettement et la société Sogefinancement communique en outre aux débats un relevé des écritures comptables du compte de dépôt de M. X. du 2 décembre 2013 au 3 février 2014 venant corroborer le montant du salaire perçu ainsi que le montant de son loyer.
Il est également justifié de la consultation dans les délais requis du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.
Il s'induit que le prêteur justifie suffisamment de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur au regard des exigences textuelles et que c'est à tort que le premier juge a retenu une déchéance du droit aux intérêts. Le jugement doit être infirmé sur ce point.
Sur le bien-fondé de la demande en paiement :
Au vu des pièces justificatives produites, la créance de la société Sogefinancement peut être fixée ainsi :
- échéances impayées : 1.323,66 euros
- capital restant dû à la déchéance du terme du contrat selon tableau d'amortissement : 14.675,52 euros
- intérêts courus au 5 juin 2018 : 15,03 euros
soit une somme totale de 16.014,21 euros.
Il convient de déduire de cette somme les encaissements effectués jusqu'au 4 février 2020 à hauteur de 2 750 euros soit un solde à devoir de 13.264,21 euros.
Les sommes réclamées au titre des intérêts de retard et ayant couru à compter du 5 juin 2018 portent sur une somme globale erronée de sorte que la demande formée à ce titre doit être rejetée.
Il convient donc de condamner M. X. à payer à la société Sogefinancement la somme de 13.264,21 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 7,40 % l'an sur la somme de 13.249,18 euros, à compter du 5 février 2020, en derniers ou quittances pour les éventuels versements postérieurs au 4 février 2020.
L'appelante sollicite en outre la somme de 1 252,90 euros au titre de l'indemnité de résiliation.
Selon l'article D. 311-6 du code de la consommation, lorsque que le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L. 311-24, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.
Il s'infère de cette disposition que la notion de capital restant dû fait référence au capital rendu exigible par l'effet de la déchéance du terme. La somme réclamée excède 8 % de 14.675,52 euros et doit être minorée au regard de son caractère excessif à la somme de 150 euros. Il convient donc de condamner M. X. au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2020.
Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées. Rien ne justifie de condamner M. X. aux dépens d'appel, alors qu'il n'a jamais fait valoir aucun moyen ayant pu conduire le premier juge à statuer comme il l'a fait. La société Sogefinancement conservera donc la charge de ses dépens d'appel ainsi que de ses frais irrépétibles.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire, par décision mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement dont appel sauf quant à la fixation de la date de la résiliation du contrat et sur la demande en paiement ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
Dit que la résiliation du contrat de crédit prend effet au 18 novembre 2019 ;
Dit n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts ;
Condamne M. X. à payer à la société Sogefinancement la somme de 13.264,21 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 7,40 % l'an sur la somme de 13.249,18 euros à compter du 5 février 2020, en derniers ou quittances pour les éventuels versements postérieurs au 4 février 2020, outre la somme de 150 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2020 ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que la société Sogefinancement conserve la charge de ses dépens d'appel.
La greffière La présidente
- 5716 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Loi du 3 janvier 2008
- 5721 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Obligation - Loi du 17 mars 2014
- 5725 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Régime - Conditions - Respect de la prescription
- 5824 - Code de la consommation - Autres textes - Application dans le temps - Crédit à la consommation