CA RIOM (3e ch. civ. com.), 6 décembre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 10598
CA RIOM (3e ch. civ. com.), 6 décembre 2023 : RG n° 22/00949 ; arrêt n° 540
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « L'article 9 de la lettre de mission mention : « En cas de contestation par le client des conditions d'exercice de la mission ou du différend sur les honoraires, l'expert-comptable s'efforce de faire accepter la conciliation ou l'arbitrage du président du conseil régional de l'ordre avant toute action en justice. » Cette clause met à la charge de l'expert-comptable l'obligation de saisir le président du conseil régional de l'ordre et n'impose pas aux clients de le faire. »
2/ « En l'espèce, la clause contestée figure à l'article 7 des conditions générales du contrat et constitue une clause non négociable, déterminée à l'avance par la société Comptafrance.
Elle est ainsi rédigée : « La responsabilité civile du professionnel comptable ne peut être mise en jeu que dans une période contractuellement définie de trois années à compter des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise. Les actions en responsabilité entre le professionnel comptable devront être formées dans un délai de 3 mois à compter des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise à peine de forclusion. » Le délai prévu à cet article qui sanctionne le retard du client à exercer son action en responsabilité en fixant un terme à son droit d'agir s'analyse en un délai préfix de forclusion.
La société Comptafrance excipe d'une décision de la cour d'appel de Riom du 18 septembre 2019 qui ne trouve pas à s'appliquer à l'espèce. Dans le cas cité, la clause stipulée dans la lettre de mission distinguait entre le délai de prescription commençant à courir le premier jour de l'exercice suivant au cours duquel était né le sinistre correspondant à la demande et le délai de forclusion partant de la date à laquelle le client avait connaissance du sinistre.
En l'espèce, les termes de la clause sont peu clairs puisqu'ils stipulent que le délai de prescription comme celui de forclusion ont le même point de départ. Ce paragraphe enferme effectivement l'action du client contre le comptable dans un double délai : « trois années à compter des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise » et trois mois à compter : des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise. » Cette clause n'est donc pas, contrairement à ce que soutient l'intimé, dénuée d'ambiguïté en ce qu'elle fixe, d'une part, un délai de prescription et, d'autre part, un terme au droit d'agir du client sans distinction quant à l'évènement constituant le point de départ de ces deux délais.
En outre, il ne peut être considéré qu'elle institue un délai raisonnable pour saisir le juge puisqu'il n'est pas précisé, à l'instar des cas de jurisprudence cités, que le client doit agir à peine de forclusion à partir du moment où il a connaissance du sinistre. C'est l'évènement qui cause préjudice à l'entreprise qui constitue le point de départ du délai de forclusion. Ainsi si cet évènement est porté tardivement à la connaissance du client ce dernier ne disposera plus d'un délai raisonnable lui permettant de consulter un avocat et de bénéficier ainsi d'un accès à la justice.
Il s'ensuit que cette clause créé un déséquilibre significatif entre les parties ; qu'elle doit être jugée non écrite et que l'action ayant été engagée dans le délai de prescription de droit commun et même dans le délai contractuel de trois ans puisque l'altercation entre Mme X. et son employée à l'issue de laquelle cette dernière n'a jamais repris son service est intervenue le 11 août 2018 et que la saisine du tribunal de commerce a été effectuée par exploit du 5 mars 2021. »
COUR D’APPEL DE RIOM
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 6 DÉCEMBRE 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/00949. Arrêt n° 540. N° Portalis DBVU-V-B7G-FZYU. Sur APPEL d'un jugement rendu le 18 mars 2022 par le Tribunal de commerce de MONTLUÇON (RG n° 2021 000134).
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller, M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire, En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, greffier placé lors de l'appel des causes et lors du prononcé
ENTRE :
APPELANTE :
Mme X.
[Adresse 3], [Localité 4], Représentant : Maître Lydie JOUVE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
ET :
INTIMÉE :
SAS COMPTAFRANCE
immatriculée au RCS de BOURGES sous le numéro B XXX, [Adresse 1], [Localité 2], Représentant : Maître Jean-Michel DE ROCQUIGNY de la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIÉS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
DÉBATS : A l'audience publique du 18 octobre 2023 Madame DUBLED-VACHERON a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 6 décembre 2023.
ARRÊT : Prononcé publiquement le 6 décembre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mme X., exploitante d'un bar-brasserie sous l'enseigne « Café des sports » à [Localité 4], a proposé à Mme Y. un contrat de travail à durée indéterminée, pour un temps partiel de 20 heures hebdomadaires, en qualité de commis de bar avec une période d'essai de deux mois.
Elle s'est adressée à son expert-comptable, le cabinet Comptafrance, pour effectuer les formalités nécessaires à cette embauche. Le 26 juillet 2018, celui-ci a donc procédé à la déclaration préalable à l'embauche de Mme Y. auprès de l'URSSAF.
Mme Y. s'est présentée à son poste le premier jour de son contrat, pour autant aucun contrat de travail n'a été signé. Mme X. a rapidement estimé que Mme Y. était inapte aux fonctions auxquelles elle la destinait et les relations professionnelles se sont très vite dégradées au point de provoquer l'intervention de la gendarmerie le 11 août 2018.
Mme X. a avisé le 14 août 2018 la SAS Comptafrance des difficultés qu'elle rencontrait avec Mme Y. Sur les conseils de l'expert-comptable, elle a convoqué Mme Y. à un entretien préalable qui s'est avéré inutile.
Par un courrier du 13 août 2018, Mme Y. s'est prévalue auprès de son employeur d'un contrat à durée indéterminée, à temps complet et sans période d'essai. Elle a mis en demeure son employeur de régulariser la situation pour ne pas la contraindre à saisir le conseil des prud'hommes.
Le 27 août 2018, Mme X. a sommé la salariée de justifier de son absence sans motif depuis le 26 août 2018, puis elle a adressé une seconde mise en demeure le 19 décembre 2018.
Mme Y. a saisi le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand et un jugement a été rendu le 27 juillet 2020. Le licenciement pour faute grave a été requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse et Mme X. a été condamnée à verser à Mme Y. la somme de 11.959,43 euros.
Considérant que la société Comptafrance avait commis de nombreuses fautes à l'origine de la saisine du conseil de prud'hommes, Mme X. a fait assigner cette dernière devant le tribunal de commerce afin d'obtenir réparation de son préjudice.
Selon jugement du 18 mars 2022, le tribunal de commerce de Montluçon a :
- déclaré Mme X. irrecevable car tardive dans son action,
- l'a débouté de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- débouté la SAS Comptafrance de sa demande de paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que chacune des parties conservera ses dépens,
Le tribunal a considéré que la demanderesse était forclose en application de la clause mentionnée dans les conditions générales de la lettre de mission, qui prévoyait que « les actions en responsabilité contre le professionnel comptable devront être formées dans un délai de trois mois à compter des événements ayant causé un préjudice à l'entreprise, à peine de forclusion », le tribunal n'ayant été saisi qu'en février 2021, soit 30 mois après la connaissance des faits.
Par déclaration du 3 mai 2022, enregistrée le 12 mai 2022, Mme X. a interjeté appel de cette décision.
[*]
Par conclusions déposées et notifiées le 1er août 2022, Mme X. demande à la cour :
- d'infirmer le jugement du 18 mars 2022, en ce qu'il l'a déclaré irrecevable car tardive dans son action,
Statuant à nouveau :
- de juger que la clause 7 « responsabilité civile » de l'annexe 1 à la lettre de mission proposée par la SAS Comptafrance doit être réputée non écrite,
- de juger que la clause 7 « responsabilité civile » de l'annexe 1 à la lettre de mission proposée par la SAS Comptafrance lui est inopposable,
En conséquence,
- de juger que la SAS Comptafrance a manqué à son devoir de conseil,
- de juger que la SAS Comptafrance ne lui a pas donné des conseils clairs et diligents dans le cadre de l'embauche et de la rupture de la relation salariée de Mme Y.,
En conséquence,
- de condamner la SAS Comptafrance à lui payer et porter la somme globale de 17.616,14 euros en indemnisation du préjudice subi de ce fait,
En toute hypothèse,
- de juger que la clause 7 « responsabilité civile » de l'annexe 1 à la lettre de mission proposée par la SAS Comptafrance doit être écartée,
En conséquence,
- de déclarer son action recevable et bien-fondée,
- de juger que la SAS Comptafrance a manqué à son devoir de conseil
- de juger que la SAS Comptafrance ne lui a pas donné des conseils clairs et diligents dans le cadre de l'embauche et de la rupture de la relation salariée de Mme Y.,
En conséquence,
- de condamner la SAS Comptafrance à lui payer et porter à la somme globale de 17.616,14 euros en indemnisation du préjudice global subi de ce fait,
- de condamner la SAS Comptafrance à lui payer et porter la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Mme X. reproche au tribunal d'avoir confondu prescription et forclusion.
Elle fait valoir que l'article 7 de l'annexe 1 de la lettre de mission confiée à la société Comptafrance limite le délai de prescription de toute action en responsabilité à trois ans et prévoit en outre un délai de forclusion de trois mois qui confère à cette clause un caractère abusif puisqu'il permet à la société Comptafrance d'échapper à toute action en responsabilité alors qu'en principe le délai au cours duquel la responsabilité d'un expert-comptable peut être engagée est de 5 ans. Elle qualifie le contrat de contrat d'adhésion et demande à la cour de dire que la clause litigieuse est non écrite.
Mme X. prétend par ailleurs que cette clause lui est inopposable dès lors que, par analogie avec le code des assurances, la prescription biennale n'est opposable à l'assuré qu'à condition que l'assureur démontre l'avoir valablement informé ; qu'en l'espèce, le contrat prévoyait tout à la fois un délai de prescription et un délai de forclusion, sans reprendre les définitions de ces termes, qu'elle n'était pas en mesure de comprendre.
Enfin et en toutes hypothèses, elle estime que cette clause est inapplicable puisque les fautes de la société Comptafrance ont été commises en dehors du champ contractuel.
Mme X. rappelle qu'aux termes de la lettre de mission la société Compta France avait une mission « droit social » limitée. Dans le cadre de l'embauche elle devait rédiger le contrat de travail et effectuer les formalités accessoires.
Elle lui reproche les fautes suivantes :
Une absence de rédaction du contrat de travail écrit, alors que le contrat de travail à temps partiel doit être rédigé et l'omission de la période d'essai à laquelle elle souhaitait conditionner l'embauche,
Un manquement à son obligation de conseil en ne rappelant pas qu'un contrat à temps partiel devait être impérativement écrit et signé avant la prise de poste,
Le fait de ne pas avoir mis en demeure la salariée de justifier de son absence et de reprendre son poste afin de pouvoir la licencier pour absence injustifiée dès le mois de septembre, et en conséquence le fait de ne pas l'avoir utilement conseillée et d'avoir géré le conflit en dehors de toute mission contractuelle.
Elle assure enfin que sa condamnation est la conséquence des fautes de la société Comptafrance.
[*]
Par conclusions déposées et notifiées le 31 octobre 2022, la SAS Comptafrance demande à la cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de débouter Mme X. de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- de la condamner au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle revendique l'application de la clause de conciliation prévue en l'article 9 de la lettre de mission qui interdit le recours à une action judiciaire sans que la mise en œuvre du processus de conciliation ait été recherchée.
S'agissant de la forclusion, elle soutient que la clause litigieuse a été jugée licite par la cour d'appel de Riom et que le délai de trois mois a commencé à courir lorsque Mme X. a su qu'on lui opposait le défaut de signature du contrat de travail qu'elle impute à son expert-comptable.
Elle ajoute :
- Que l'appelante ne peut se prévaloir du délai minimum d'un an de l'article 2254 du code civil, qui ne s'applique qu'à la prescription de cinq ans, à l'intérieur de laquelle s'inscrit le délai de forclusion contractuel ;
- Que les relations entre un expert-comptable et son client commerçant sont étrangères au droit des assurances ;
- Qu'il importe peu que la clause soit insérée dans des conditions générales ou qu'il s'agisse d'un contrat d'adhésion, dès lors qu'il n'y a pas matière à interprétation ;
- Qu'il est indifférent qu'il y ait forclusion ou prescription, les effets étant identiques lorsque le délai est dépassé, la clause étant explicite ;
- Qu'il n'y a pas de déséquilibre significatif dans une clause clairement définie et autorisée par la loi ;
- Que le cumul de recherche en responsabilité contractuelle et délictuelle est interdit ;
- Qu'elle n'est pas sortie de sa mission, dès lors qu'il figure dans l'exemplaire du contrat « établissement des déclarations à l'embauche » et « projet de contrat de travail ».
[*]
Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé complet de leurs demandes et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motivation :
Sur la nécessité d'une conciliation préalable :
L'article 9 de la lettre de mission mention : « En cas de contestation par le client des conditions d'exercice de la mission ou du différend sur les honoraires, l'expert-comptable s'efforce de faire accepter la conciliation ou l'arbitrage du président du conseil régional de l'ordre avant toute action en justice. »
Cette clause met à la charge de l'expert-comptable l'obligation de saisir le président du conseil régional de l'ordre et n'impose pas aux clients de le faire.
Ce moyen ne sera pas retenu.
II - Sur la recevabilité de l'action de Mme X. :
Les conditions générales du contrat établi entre les parties comportent une clause n° 7 dont Mme X. conteste la validité en soutenant qu'elle doit être réputée non écrite, inopposable et inapplicable.
Suivant les dispositions de l'article 1171 du code civil, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
Suivant les dispositions de l'article 1110 du code civil, le contrat d'adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties.
En l'espèce, la clause contestée figure à l'article 7 des conditions générales du contrat et constitue une clause non négociable, déterminée à l'avance par la société Comptafrance.
Elle est ainsi rédigée :
« La responsabilité civile du professionnel comptable ne peut être mise en jeu que dans une période contractuellement définie de trois années à compter des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise. Les actions en responsabilité entre le professionnel comptable devront être formées dans un délai de 3 mois à compter des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise à peine de forclusion. »
Le délai prévu à cet article qui sanctionne le retard du client à exercer son action en responsabilité en fixant un terme à son droit d'agir s'analyse en un délai préfix de forclusion.
La société Comptafrance excipe d'une décision de la cour d'appel de Riom du 18 septembre 2019 qui ne trouve pas à s'appliquer à l'espèce. Dans le cas cité, la clause stipulée dans la lettre de mission distinguait entre le délai de prescription commençant à courir le premier jour de l'exercice suivant au cours duquel était né le sinistre correspondant à la demande et le délai de forclusion partant de la date à laquelle le client avait connaissance du sinistre.
En l'espèce, les termes de la clause sont peu clairs puisqu'ils stipulent que le délai de prescription comme celui de forclusion ont le même point de départ.
Ce paragraphe enferme effectivement l'action du client contre le comptable dans un double délai : « trois années à compter des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise » et trois mois à compter : des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise. »
Cette clause n'est donc pas, contrairement à ce que soutient l'intimé, dénuée d'ambiguïté en ce qu'elle fixe, d'une part, un délai de prescription et, d'autre part, un terme au droit d'agir du client sans distinction quant à l'évènement constituant le point de départ de ces deux délais.
En outre, il ne peut être considéré qu'elle institue un délai raisonnable pour saisir le juge puisqu'il n'est pas précisé, à l'instar des cas de jurisprudence cités, que le client doit agir à peine de forclusion à partir du moment où il a connaissance du sinistre. C'est l'évènement qui cause préjudice à l'entreprise qui constitue le point de départ du délai de forclusion. Ainsi si cet évènement est porté tardivement à la connaissance du client ce dernier ne disposera plus d'un délai raisonnable lui permettant de consulter un avocat et de bénéficier ainsi d'un accès à la justice.
Il s'ensuit que cette clause créé un déséquilibre significatif entre les parties ; qu'elle doit être jugée non écrite et que l'action ayant été engagée dans le délai de prescription de droit commun et même dans le délai contractuel de trois ans puisque l'altercation entre Mme X. et son employée à l'issue de laquelle cette dernière n'a jamais repris son service est intervenue le 11 août 2018 et que la saisine du tribunal de commerce a été effectuée par exploit du 5 mars 2021.
III - Sur la responsabilité de la société Comptafrance :
Mme X. indique en page 8 de ses conclusions « en toute hypothèse, les agissements fautifs de la société Comptafrance ayant été commis en dehors du champ contractuel, il y aura lieu d'écarter cette clause, la responsabilité de la société Comptafrance étant de nature délictuelle. »
Toutefois, la responsabilité des experts comptables est de nature contractuelle dans ses rapports avec leurs clients et il appartient à celui qui entend engager cette responsabilité de rapporter la preuve de la faute alléguée.
En l'espèce, les obligations et les droits de l'expert-comptable sont définies aux termes d'une lettre de mission, établie en l'espèce le 22 février 2018. Il en résulte que Mme X., cliente de la société Comptafrance, a confié à celle-ci, en plus de la mission de présentation de comptes, une mission de prestations en matière sociale qui comporte notamment l'établissement des projets de contrats de travail. Les fautes reprochées s'inscrivent dans la relation contractuelle des deux parties que Mme X. invoque à titre subsidiaire.
Mme X. invoque les fautes suivantes :
- le fait de ne pas avoir transmis dans les délais utiles le contrat de travail écrit permettant, comme elle le souhaitait, de soumettre la poursuite de celui-ci à une période d'essai ;
- le fait de ne pas avoir attiré son attention sur le fait qu'un contrat de travail à temps partiel devait être impérativement signé et écrit avant la prise de poste.
- de l'avoir mal conseillée et d'avoir mal géré le conflit qui l'opposait à sa salariée.
Le tribunal de commerce, avant de retenir la forclusion, a souligné très justement que le cabinet Comptafrance était informé de l'embauche de Mme Y. prévue pour le 26 juillet 2018 à 8 heures puisqu'il a effectué la déclaration préalable à l'embauche tel qu'en atteste le bordereau remis à l'URSSAF.
Toutefois, il résulte des pièces produites par Comptafrance que l'embauche a été faite de façon assez précipitée, sur une proposition orale faite à la salariée (pièce 5).
Le contrat de travail préparé dans la semaine qui a suivi a été adressé à Mme X. le 3 août 2018. Celle-ci indique ne pas l'avoir reçu sans justifier pour autant avoir relancé le cabinet d'expert-comptable avant le 14 août 2018, soit postérieurement à l'incident au cours duquel elle a demandé à son employé de quitter son poste de travail.
Il n'est pas démontré que Mme X. ait sollicité en amont le cabinet Comptafrance pour lui faire part de sa volonté d'embaucher. Il apparaît que la société Comptafrance a effectué les diligences nécessaires au plus vite en fonction des délais qui lui étaient accordés.
Ce grief n'apparaît donc pas pertinent.
Par la suite, la société Comptafrance a tenté de parvenir à une solution amiable entre les parties mais il ressort du courrier de Me [V] qu'à défaut de proposition Mme Y. est restée à disposition de son employeur qui ne lui a pas demandé de revenir travailler.
Face à cette solution et dès le 13 novembre 2018, la société Comptafrance a conseillé à Mme X. de consulter un avocat spécialisé en lui communiquant les coordonnées de Maître Y.
Au regard de ces éléments, il n'apparaît pas que la société Comptafrance ait, dans les limites de ses missions commis une faute dans l'exercice de celles-ci ayant un lien de causalité avec la condamnation prud'homale.
Le jugement qui « déboute Mme X. de toutes ses demandes fins et conclusions » sera donc confirmé par substitution de motifs.
Mme X. succombant en ses demandes sera condamnée aux dépens.
L'équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais de défense.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
La cour après en avoir délibéré, statuant publiquement, en dernier ressort, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour ;
Confirme le jugement critiqué par substitution de motifs ;
Y ajoutant ;
Déboute la société Comptafrance de la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme X. aux dépens.
Le Greffier La Présidente
- 8795 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par clause – Prescription
- 9844 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par contrat – Prestations de services
- 10358 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. – Présentation par clause – Accès au juge