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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-1), 21 décembre 2023

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-1), 21 décembre 2023
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 3 - 1
Demande : 22/02029
Décision : 2023/206
Date : 21/12/2023
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 10/02/2022
Numéro de la décision : 206
Référence bibliographique : 6031 (indice, économie du contrat), 6472 (vente, retirement, frais de conservation)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10620

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-1), 21 décembre 2023 : RG n° 22/02029 ; arrêt n° 2023/206 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « L'article L. 212-1 du code de la consommation prévoit que dans les contrats conclus entre les professionnels et les consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En l'espèce, M. X., qui sollicite de voir réputée non écrite la clause m) de l'acte préliminaire de vente du 30 juin 2020, rédigée en ces termes : « si le solde du bateau (et l'acte de vente correspondant) n'a pas lieu avant le 31 juillet 2020, une pénalité de 3.000 € sera appliquée pour chaque mois/fraction de mois de retard comme convenu verbalement, y compris les frais d'amarrage et les intérêts bancaire, les frais de gardiennage », ne caractérise aucunement en quoi cette clause entraîne un déséquilibre significatif au sein de la convention. Arguant uniquement être soumis à des pénalités de retard alors qu'il s'est acquitté du paiement du prix du navire, il ne procède à aucune analyse de l'économie générale du contrat.

Dès lors, le caractère abusif de la clause n'étant pas démontré, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X. de cette demande. »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 3-1

ARRÊT DU 21 DÉCEMBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Rôle N° RG 22/02029. Arrêt n° 2023/206.  N° Portalis DBVB-V-B7G-BI27B. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de Nice en date du 17 décembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2021F00434.

 

APPELANT :

Monsieur X.

demeurant [Adresse 1], représenté par Maître Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Maître Pierre-Edouard GONDRAN DE ROBERT, avocat au barreau de PARIS, plaidant

 

INTIMÉE :

SAS AMAR YACHT COTE D'AZUR

prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est [Adresse 4], assignée à personne morale le 15/03/2022, défaillante

 

PARTIE INTERVENANTE :

SELARL Y.-les mandataires

prise en la personne de Maître Z. Y., ès qualité de liquidateur judiciaire de la société AMAR YACHT COTE D'AZUR, demeurant [Adresse 2], défaillante

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 12 octobre 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Marie-Amélie VINCENT, conseillère fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de : Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023, Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant acte préliminaire de vente en date du 30 juin 2020, M. X. a acquis auprès de la Sas Amar Yacht Côte d'Azur un navire à moteur de plaisance d'occasion, dénommé Kabrije, pour un montant de 60.000 €. Cette somme a été réglée intégralement par M. X., outre une somme de 5.400 € correspondant à la pénalité pour retard de paiement telle que prévue à la clause M. du contrat.

La Sas Amar Yacht Côte d'Azur a refusé la livraison du navire, aux motifs que l'intégralité des sommes dues n'avait pas été payée par M. X., celui-ci étant redevable de la somme de 17.220 € correspondant aux soldes des factures n°32 du 6 septembre 2020 d'un montant de 3.600 €, n°38 du 7 octobre 2020 d'un montant de 3.600 €, n°39 du 7 novembre 2020 d'un montant de 3.600 €, correspondant à des pénalités de retard, et n°40 du 14 novembre 2020 d'un montant de 6.420 € correspondant à des frais de gardiennage, outre la somme de 12.000 € au titre du solde sur Tva.

Par ordonnance du 17 mai 2021, le Président du tribunal de commerce de Nice a autorisé M. X. à pratiquer une saisie-conservatoire entre les mains de tout établissement bancaire, et ce pour garantie de la somme de 65.400 €.

Suivant jugement du 24 septembre 2021, le tribunal de commerce de Nice a autorisé la conversion de la saisie-conservatoire en saisie-attribution pour la somme de 65.400 €.

Par acte d'huissier délivré le 9 août 2021, M. X. a fait assigner à étude la Sas Amar Yacht Côte d'Azur, afin de voir :

- Constater que la créance de M. X. est fondée en son principe,

- En conséquence, ordonner l'exécution forcée du contrat par la Sas Amar Yacht Côte d'Azur sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du jugement ;

- Dire et juger que la clause M de l'acte de vente est une clause abusive, et donc réputée non écrite, et annuler les factures établies sur ce fondement ;

- A titre subsidiaire, ordonner la résolution judiciaire du contrat de vente en date du 30 juin 2020 ;

- Condamner la Sas Amar Yacht Côte d'Azur à la restitution intégrale des fonds versés par M. X. avec les intérêts légaux à compter du jour du versement intégral des fonds, à savoir le 22 août 2020 ;

- En tout état de cause, condamner la Sas Amar Yacht Côte d'Azur à la réparation des préjudices subis par M. X. à cause de son inexécution :

- 10.000 € au titre du préjudice moral

- 10.000 € au titre de la dépréciation de la valeur du bateau,

- 20.000 € au titre du préjudice d'agrément,

- Dire et juger qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X. les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts,

- En conséquence, condamner la Sas Amar Yacht Côte d'Azur au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la Sas Amar Yacht Côte d'Azur aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Gondran de Robert, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision.

Par jugement du 17 décembre 2021, le tribunal de commerce de Nice a :

- Dit la demande de M. X. non fondée ;

- Débouté M. X. de sa demande ;

- Mis les dépens à la charge de M. X.

Par déclaration du 10 février 2022, M. X. a interjeté appel de cette décision. Par ordonnance du 21 février 2022, M. X. a été autorisé à faire assigner à jour fixe l'affaire, assignation délivrée le 15 mars 2022 à personne à la Sas Amar Yacht Côte d'Azur, et portant signification de conclusions.

Par jugement du 15 septembre 2022, le tribunal de commerce de Nice a prononcé la liquidation judiciaire de la Sas Amar Yacht Côte d'Azur, et désigné la Selarl Y.-Les Mandataires ès qualité de mandataire liquidateur. Par acte du 24 novembre 2022, M. X. a fait assigner en intervention forcée la Selarl Y.-Les Mandataires, ès qualité de mandataire liquidateur de la Sas Amar Yacht Côte d'Azur.

[*]

Par conclusions enregistrées par voie électronique le 18 février 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. X. fait valoir que :

- La société intimée a manqué à son obligation de délivrance, en soumettant celle-ci à l'acquittement de factures établies en contravention de l'acte de vente, de sorte qu'il se trouve fondé, s'agissant de l'inexécution d'une obligation déterminante du contrat, à solliciter la résolution judiciaire du contrat de vente; la clause M figurant à l'acte de vente fait référence à une pénalité uniquement si le solde du bateau n'a pas lieu avant le 31 juillet 2020, et non si le bateau demeure amarré après la date du paiement du solde du bateau, et ne concerne pas, en tout état de cause, les frais de gardiennage ; en outre, la facture relative au paiement de la TVA n'est pas due, n'étant pas applicable pour un particulier établi en Guyane ; il n'a jamais refusé de prendre en charge l'intégralité des frais relatifs au transport du bateau, raison pour laquelle il avait mandaté la société Leon Vincent.

- La clause M de l'acte de vente doit être déclarée non écrite, s'agissant d'une clause abusive au sein d'un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, entraînant ainsi l'annulation de toutes les factures litigieuses établies sur ce fondement.

Ainsi, au visa des articles 699, 700 et 917 du code de procédure civile, 1188 et suivants, 1224 et suivants, 1341 et suivants, L111-1 et L131-1 du code des procédures civiles d'exécution, L212-1 et L241-1 du code de la consommation, M. X. sollicite de la cour de :

- Infirmer la décision du tribunal de commerce de Nice du 17 décembre 2021 ;

- Statuant à nouveau, à titre principal, constater que sa créance est fondée en son principe ;

- En conséquence, ordonner la résolution judiciaire du contrat de vente en date du 30 juin 2020 ;

- Condamner la Sas Amar Yacht Côte d'Azur à la restitution intégrale des fonds versés par M. X. avec les intérêts légaux à compter du jour du versement intégral des fonds, à savoir le 22 août 2020 ;

- A titre subsidiaire, ordonner l'exécution forcée du contrat par la Sas Amar Yacht Côte d'Azur sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du jugement ;

- Dire et juger que la clause M de l'acte de vente est une clause abusive, et donc réputée non écrite, et annuler les factures établies sur ce fondement ;

- En tout état de cause, condamner la Sas Amar Yacht Côte d'Azur à la réparation des préjudices subis par M. X. à cause de son inexécution :

- 10.000 € au titre du préjudice moral

- 10.000 € au titre de la dépréciation de la valeur du bateau,

- 20.000 € au titre du préjudice d'agrément,

- Dire et juger qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X. les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts,

- En conséquence, condamner la Sas Amar Yacht Côte d'Azur au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la Sas Amar Yacht Côte d'Azur aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Gondran de Robert, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- Ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

[*]

La Sas Amar Yacht Côte d'Azur et la Selarl Y.-Les Mandataires n'ont pas constitué et n'ont pas conclu.

Autorisé par le président de la chambre, M. X. a produit, par note en délibéré du 12 octobre 2013, sa déclaration de sa créance au passif de la Sas Amar Yacht Côte d'Azur.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la résolution judiciaire du contrat :

Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire, soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

En l'espèce, M. X. avance que la Sas Amar Yacht Côte d'Azur, en manquant à son obligation de délivrance du navire, alors qu'il avait procédé au paiement de celui-ci, et du transfert de propriété, n'a pas respecté l'obligation essentielle du contrat de vente, justifiant la résolution de celui-ci.

La clause g) de l'acte préliminaire de vente du 30 juin 2020 est ainsi libellée : « le bateau de plaisance Intrepid 356 est actuellement amarré dans le port touristique de [Localité 3] - Italie). Les frais de cet acte et conséquents, notamment les frais de transfert de propriété, et les frais afférents à l'acte de vente du bateau de plaisance, ainsi que les frais de transport et/ou de livraison du bateau de plaisance, sont intégralement réservés à la charge de l'acheteur ». Il s'en déduit que la livraison du bateau était conditionnée au paiement par l'acheteur des frais de transport et/ou de livraison.

Or, par courrier du 14 novembre 2020 (pièce n°6), la Sas Amar Yacht Côte d'Azur rappelle avoir fait parvenir un devis pour la construction d'un BER sur mesure pour le transport du navire litigieux, pour un montant de 8.500 €, devis demeuré sans réponse. Elle précise que la société Léou Vincent, mandatée par M. X. pour s'assurer du transport du navire, lui a répondu que « tant que vous n'avez pas mis à disposition un BER, le bateau ne peut être chargé sur le navire puis transféré en Guyane chez vous », et qu'elle demeure sans réponse quant aux modalités de livraison du navire.

Force est de constater que M. X., lequel reconnaît avoir mandaté la société Léou Vincent pour procéder au transport du navire, ne justifie pas avoir répondu à ce courrier, ne produit aucun mandat conclu auprès de cette société et ne verse aucune pièce de nature à établir que des démarches en vue de la livraison du navire ont été entreprises auprès d'un transporteur.

Dès lors, il ne peut être reproché à la Sas Amar Yacht Côte d'Azur une inexécution contractuelle dont l'origine se trouve dans la propre carence de M. X. Il ne peut davantage être reproché à la société intimée de ne pas avoir réalisé le transfert de propriété au nom de l'acquéreur, toute livraison étant rendue impossible. C'est ainsi à bon droit que le premier juge a considéré que M. X. n'avait pas respecté ses obligations et l'a débouté de sa demande.

 

Sur la demande d'exécution sous astreinte :

Conformément à l'article 1221 du code civil, le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature, sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier.

A ce titre, M. X., qui sollicite l'exécution forcée du contrat, ne justifie d'aucune mise en demeure adressée à la société intimée, alors qu'il ne démontre par ailleurs pas avoir effectué les démarches permettant à celle-ci d'honorer l'obligation de délivrance qui lui incombait. Les conditions exigées par l'article susvisé ne sont dès lors pas réunies, et le premier jugement, ayant débouté M. X., sera confirmé.

 

Sur la demande tendant à voir déclarer la clause M du contrat abusive :

L'article L. 212-1 du code de la consommation prévoit que dans les contrats conclus entre les professionnels et les consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En l'espèce, M. X., qui sollicite de voir réputée non écrite la clause m) de l'acte préliminaire de vente du 30 juin 2020, rédigée en ces termes : « si le solde du bateau (et l'acte de vente correspondant) n'a pas lieu avant le 31 juillet 2020, une pénalité de 3.000 € sera appliquée pour chaque mois/fraction de mois de retard comme convenu verbalement, y compris les frais d'amarrage et les intérêts bancaire, les frais de gardiennage », ne caractérise aucunement en quoi cette clause entraîne un déséquilibre significatif au sein de la convention. Arguant uniquement être soumis à des pénalités de retard alors qu'il s'est acquitté du paiement du prix du navire, il ne procède à aucune analyse de l'économie générale du contrat.

Dès lors, le caractère abusif de la clause n'étant pas démontré, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X. de cette demande.

 

Sur les demandes de dommages et intérêts :

L'article 1217 du code civil prévoit que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

En l'espèce, l'inexécution contractuelle liée au défaut de délivrance n'étant pas imputable à la Sas Amar Yacht Côte d'Azur, mais à une carence de M. X., la demande de ce dernier de dommages et intérêts ne saurait prospérer. La décision entreprise sera confirmée de ce chef.

 

Sur les demandes accessoires :

M. X., partie succombante, sera condamné au paiement des dépens de l'appel, et débouté de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement rendu le 17 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Nice en ce qu'il a débouté M. X. de toutes ses demandes, et mis les dépens à la charge de M. X.,

Y ajoutant,

Condamne M. X. aux entiers dépens de l'appel,

Déboute M. X. de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE                             LA PRÉSIDENTE