CA LYON (3e ch. A), 11 janvier 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10643
CA LYON (3e ch. A), 11 janvier 2024 : RG n° 20/02358
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Il est également précisé qu'en vertu des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'action se poursuit et doit être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel, les contrats litigieux ayant été conclus avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance. »
2/ « Il convient ensuite de relever que si les premiers juges ont considéré à juste titre que la société Pharmaçie Provençale ne démontrait pas qu'elle employait 5 salariés au plus lors de la conclusion du contrat, le seul document alors produit par ses soins, à savoir une fiche d'identification « société.com » mise à jour au 10 septembre 2019, étant bien postérieur à la date de signature de la convention critiquée, la nouvelle pièce versée aux débats par la société Pharmaçie Provençale en cause d'appel, en l'occurrence une attestation de son expert-comptable, K. C., en date du 2 juillet 2020 (pièce n°22), permet en revanche d'établir que ses effectifs n'ont pas excédé le seuil de 5 salariés au cours de l'année 2015.
Il doit encore être observé que contrairement à ce que prétend la société Locam, les deux photocopieurs faisant l'objet du contrat critiqué, bien qu'ils contribuent indéniablement à faciliter l'exécution des tâches administratives de la société Pharmacie Provençale, n'entrent pas pour pour autant dans le champ de son activité principale dans la mesure où celle-ci, exploitante d'une pharmacie, reste profane en matière de location de longue durée de photocopieurs multifonctions. Ce matériel, qui présente un certain degré de technicité, est en effet manifestement étranger aux qualifications professionnelles de la société Pharmacie Provençale, dont l'activité consiste à délivrer des médicaments, des produits de parapharmacie et du matériel médical, ainsi qu'à réaliser des préparations pharmaceutiques pour des clients/patients selon la prescription médicale ou la demande individuelle.
La mention contractuelle préimprimée du contrat de location financière selon laquelle la société Pharmacie Provençale « atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » ne saurait faire échec à cette analyse puisque le seul critère applicable issu de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 est celui de l'objet du contrat n'entrant pas dans le champ de l'activité principale du professionnel qui impose de se référer à la nature de l'opération financée en considération de l'activité professionnelle du client concerné, et pas uniquement à l'utilité de l'opération pour l'exercice de ladite activité. Il sera au demeurant retenu que cette clause dactylographiée ne peut valablement être opposée à la société Pharmacie Provençale, dès lors qu'elle conduit à écarter de manière systématique toute application des textes consuméristes, alors que le législateur a précisément entendu renforcer la protection de l'entrepreneur employant cinq salariés au plus, lequel doit pouvoir bénéficier des dispositions protectrices du droit de la consommation quand il contracte dans un champ de compétence qui n'est pas le sien. »
3/ « Il est en revanche exact, comme le fait valoir la société Locam, que l'article L. 121-16-1 4°) du code de la consommation, en vigueur lors de la conclusion du contrat, exclut du champ d'application des dispositions précitées les contrats portant sur les services financiers. Le code de la consommation n'apporte pas de définition précise de ce qui doit être considéré comme étant un contrat portant sur un service financier. La directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, indique toutefois dans son article 2 point 12) qu'il faut entendre par « service financier », tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.
A cet égard, le contrat de location longue durée en cause, qui prévoit la mise à disposition de la société Pharmacie Provençale de deux copieurs multifonctions Olivetti MF 3100 en contrepartie du paiement de loyers, n'est pas assimilable à une opération de crédit faute d'option d'achat à son terme, mais s'analyse uniquement en une location simple de matériel entre un professionnel et une société de financement.
Or, la location simple d'un bien mobilier ne peut être qualifiée de service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements, ce quand bien même une société de financement a la possibilité d'effectuer ce type d'opération connexe à son activité principale.
Il doit en outre être souligné que la société Locam procède à tort à une assimilation entre les services financiers stricto sensu et les opérations de banque, alors que le code monétaire et financier les différencie en les traitant par des dispositions spécifiques insérées : - au Titre 1 du Livre III, articles L 311-1 à L 318-5, pour les opérations de banque, - au Titre IV du Livre III, articles L 341-1 à L 343-6, pour les services financiers.
Ainsi, les locations simples de biens sont définies par l'article L. 311-2 6°) du code monétaire et financier comme des opérations connexes aux opérations de banque. »
4/ « A ce titre, conformément à la demande de la société Pharmacie Provençale en ce sens, la société Locam sera tenue de lui rembourser les loyers qu'elle a perçus au titre du contrat annulé, tandis que la société Pharmacie Provençale devra de son côté restituer le matériel loué à la société Locam, sans toutefois qu'il y ait lieu de mettre les frais de cette restitution à la charge de l'intimée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 11 JANVIER 2023
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/02358. N° Portalis DBVX-V-B7E-M6C4. Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ÉTIENNE du 21 février 2020 : RG : 2018j586.
APPELANTE :
S.N.C. PHARMACIE PROVENCALE
au capital social de XXX euros, immatriculée au RCS d'AVIGNON sous le n° YYY, représentée par ses gérantes en exercice, [Adresse 4], [Localité 6], Représentée par Maître Laurène JOSSERAND, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE, toque : 101, postulant et par Maître Frédéric LECLERC, avocat au barreau des PYRENEES ORIENTALES
INTIMÉE :
SAS LOCAM
au capital de WWW €, immatriculée au RCS de SAINT-ÉTIENNE sous le numéro B ZZZ, agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié ès qualité audit siège, [Adresse 2], [Localité 5], Représentée par Maître Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE
Mme X. née Y.
[Adresse 7], [Localité 6]
Mme Z. née W.
[Adresse 1], [Localité 3]
Représentées par Maître Laurène JOSSERAND, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE, toque : 101, postulant et par Maître Frédéric LECLERC, avocat au barreau des PYRENEES ORIENTALES
Date de clôture de l'instruction : 1er avril 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 juin 2023
Date de mise à disposition : 28 septembre 2023 prorogé au 11 janvier 2024, les parties ayant été avisées
Audience présidée par Marianne LA MESTA, magistrate rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.
Composition de la Cour lors du délibéré : - Patricia GONZALEZ, présidente, - Aurore JULLIEN, conseillère, - Marianne LA MESTA, conseillère
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 24 février 2015, la SNC Pharmacie Provençale (ci-après la société Pharmacie Provençale) a conclu avec la SAS Location Automobiles Matériels (ci-après la société Locam) un contrat de location portant sur deux imprimantes multifonctions de marque Olivetti MF 3100 fournies par la SARL Chrome Bureautique, devenue la société IME (ci-après la société IME), moyennant le règlement de 21 loyers trimestriels de 1.185 euros HT ou 1.422 euros TTC.
A la même date, la société Pharmacie Provençale a régularisé un contrat de maintenance et un contrat de partenariat avec la société Chrome Bureautique.
La société Pharmacie Provençale a signé le procès-verbal de livraison et de conformité des matériels loués le 11 mars 2015.
Par courrier recommandé du 27 novembre 2017, la société Pharmacie Provençale a mis la société Locam en demeure de la libérer à l'amiable du contrat les liant en raison des promesses mensongères de la société Chrome Bureautique.
Par jugement du 24 novembre 2017, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé la liquidation judiciaire de la société IME et désigné Maître T. en qualité de liquidateur judiciaire.
Suivant courrier recommandé du 16 février 2018, réceptionné le 17 février 2018, la société Locam a mis la société Pharmacie Provençale en demeure de lui régler, dans un délai de 8 jours, le loyer impayé au 20 décembre 2017 sous peine de déchéance du terme et de l'exigibilité de toutes les sommes dues au titre du contrat, soit 17.227, 50 euros.
Cette mise en demeure étant demeurée sans effet, la société Locam a, par actes d'huissier des 8 et 13 mars 2018, fait assigner la société Pharmacie Provençale, ainsi que ses associées, Mmes Z. et X., devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire à lui verser somme principale de 17.206,20 euros.
Par jugement contradictoire du 21 février 2020, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :
- dit que les dispositions du code monétaire et financier ne sont pas applicables au contrat de location objet du présent litige,
- débouté la société Pharmacie Provençale, Mmes X. et Z. de leurs demandes fondées sur les dispositions du code monétaire et financier,
- dit que les conditions prévues à l'article L. 221-3 du code de la consommation ne sont pas en l'espèce réunies,
- dit que les dispositions consuméristes afférentes à l'obligation d'informations précontractuelles et au droit de rétractation sont inapplicables en l'espèce,
- débouté la société Pharmacie Provençale, Mmes X. et Z. de leurs demandes fondées sur les dispositions consuméristes,
- dit irrecevable le moyen fondé sur les manœuvres dolosives exercées par la société Chrome Bureautique,
- débouté la société Pharmacie Provençale, Mmes X. et Z. de leur demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de location pour dol,
- dit irrecevable la demande de la société Pharmacie Provençale, Mmes X. et Z. tendant à voir prononcer la nullité du bon de commande valant également contrat de partenariat et de maintenance,
- constaté l'interdépendance et l'indivisibilité des contrats liant d'une part la société Pharmacie Provençale et la société IME (anciennement Chrome Bureautique) et d'autre part la société Pharmacie Provençale et la société Locam,
- débouté la société Pharmacie Provençale, Mmes X. et Z. de leur demande tendant à voir prononcer la caducité du contrat de location,
- constaté que l'indemnité de résiliation constitue une clause pénale susceptible de réduction au même titre que la clause pénale de 10% stricto sensu,
- débouté la société Pharmacie Provençale, Mmes X. et Z. de leur demande de réduction des clauses pénales,
- condamné solidairement la société Pharmacie Provençale, Mmes X. et Z. à verser à la société Locam la somme de 17.206,20 euros, y incluse la TVA et les clauses pénales, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 février 2018,
- débouté la société Pharmacie Provençale, Mmes X. et Z. de leur demande de restitution du matériel à la diligence et aux frais des sociétés Chrome Bureautique et Locam,
- condamné solidairement la société Pharmacie Provençale, Mmes X. et Z. à payer la somme de 250 euros à la société Locam au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens sont à la charge solidaire de la société Pharmacie Provençale, Mmes X. et Z.,
- rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
La société Pharmacie Provençale a interjeté appel par acte du 7 avril 2020.
[*]
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 3 juillet 2020, prises au visa des articles L. 221-3, L. 221-5, L. 221-9 et L. 242-1 du code de la consommation, des articles L. 341-1 et suivants et D. 341-8 et suivants du code monétaire et financier, des articles 6, 1116, 1117, 1134, 1147, 1152 alinéa 2, 1183, 1692, 1289 et 1984 du code civil applicables à la cause, ainsi que de l'article L. 641-11-1 III du code de commerce, la société Pharmacie Provençale, ainsi que Mmes X. et Z., demandent à la cour de :
- les recevoir en leur appel,
- les recevoir en toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- les déclarer bien fondées,
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté l'application des dispositions du code monétaire et financier, et spécialement en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes en nullité et en caducité du contrat de location conclu le 25 février 2015 avec la société Locam,
- le réformant,
à titre principal,
- annuler sur le fondement de l'article L. 442-1 du code de la consommation le contrat de location de longue durée conclu le 25 février 2015 avec la société Locam afin qu'en soient tirées toutes conséquences de droit,
- tirer toutes conséquences de droit de cette nullité, et juger l'absence de toute créance de la société Locam fondée sur ce contrat, et la condamner à restituer l'ensemble des loyers perçus par elle,
- débouter en conséquence la société Locam de toutes ses demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire,
- annuler, dans l'hypothèse où serait retenue la qualification du contrat de location en « service financier », sur le fondement combiné de l'article 6 du code civil et des articles L. 341-1 et suivants du code monétaire et financier le contrat de location de longue durée conclu le 25 février 2015 avec la société Locam d'autre part, afin qu'en soient tirées toutes conséquences de droit,
- tirer toutes conséquences de droit de cette nullité, et juger l'absence de toute créance de la société Locam fondée sur ce contrat, et la condamner à restituer l'ensemble des loyers perçus par elle,
- débouter en conséquence la société Locam de toutes ses demandes, fins et conclusions,
à titre très subsidiaire,
- annuler pour dol sur le fondement de l'article 1116 du code civil le contrat de location de longue durée conclu le 25 février 2015 avec la société Locam, afin qu'en soient tirées toutes conséquences de droit,
- tirant toutes les conséquences de droit de cette annulation, constater l'absence de toute créance de la société Locam ayant pour fondement ce contrat de location et la condamner à restituer l'ensemble des loyers perçus par elle,
- lui donner acte de sa volonté de payer une indemnité mensuelle de 52,38 euros, au titre de la location du matériel, et ce jusqu'à la date de sa mise en demeure délivrée à la société Locam,
- juger, du fait du lien d'interdépendance, que le contrat de garantie et de maintenance est caduc,
à titre infiniment subsidiaire,
- annuler sur le fondement de l'article L.442-1 du code de la consommation, ainsi que pour dol sur le fondement de l'article 1116 du code civil le « bon de commande et le contrat de partenariat client référent » signés le 24 février 2015 en vue de la location du matériel avec la société Chrome Bureautique et, du fait du lien d'interdépendance entre le bon de commande et le contrat de location financière, prononcer par voie de conséquence, la caducité du contrat de location longue durée conclu le 24 février 2015 avec la société Locam,
- tirant toutes les conséquences de droit de cette caducité, constater l'absence de toute créance de la société Locam ayant pour fondement ce contrat de location, et la condamner à restituer l'ensemble des loyers perçus par elle,
- lui donner acte de sa volonté de payer une indemnité mensuelle de 52,38 euros, au titre de la location du matériel, et ce jusqu'à la date de sa mise en demeure délivrée à la société Locam,
à titre infiniment subsidiaire,
- constater que le contrat de partenariat client référent conclu le 24 février 2015 a été frappé de caducité suite à sa résiliation par la société Chrome Bureautique, ou à tout le moins suite au refus par le liquidateur judiciaire de poursuivre l'exécution de ce contrat,
- juger que, par voie de conséquence, du fait du lien d'interdépendance unissant ce contrat au bon de commande et au contrat de location financière conclu le même jour, le contrat de location financière est devenu caduc, et ce à compter de l'issue de la première période de 21 mois, c'est à dire à compter du 24 novembre 2016,
- tirant toutes conséquences de droit de cette caducité, juger que la SAS Locam doit lui restituer l'ensemble des loyers acquittés par elle au titre de la location postérieure à l'issue de la période de 21 mois,
- lui donner acte de sa volonté de payer une indemnité mensuelle de 52,38 euros, au titre de la location du matériel, et ce depuis le mois de novembre 2016, date de l'expiration de la première période de 21 mois, et ce jusqu'à la date de sa mise en demeure délivrée à la société Locam,
à titre infiniment subsidiaire,
- distinguer parmi les sommes réclamées par la société Locam les sommes correspondant aux loyers impayés à la date de l'assignation, et les sommes correspondant aux loyers à échoir,
- juger que la somme réclamée par la société Locam au titre des loyers à échoir ne saurait inclure la TVA ou le montant d'une assurance, et doit être fixée la somme de 11.850 euros,
- juger que la clause de résiliation anticipée imposant le paiement de l'ensemble des loyers à échoir s'analyse en une clause pénale devant être réduite au montant d'un euro,
- juger que les sommes de 142,20 et de 1.422,00 euros réclamées par la société Locam au titre de la clause pénale doivent être réduites chacune au montant d'un euro,
- juger qu'en tout état de cause, cette somme ne saurait être supérieure à la somme de 142,20 euros,
- juger que la créance de la société Locam ne saurait en tout état de cause excéder la somme de 1.424,00 euros,
en toute hypothèse,
- juger que la restitution du matériel se fera à la diligence et aux frais des sociétés Chrome Bureautique et Locam,
- débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires,
- ordonner l'exécution provisoire des dispositions du jugement faisant droit à leurs prétentions,
- condamner la société Locam au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
* * *
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 15 octobre 2020, la société Locam demande à la cour, sur le fondement des articles 1108 ancien, 1134 ancien et suivants, 1149 ancien du code civil, ainsi que sur celui des articles L. 121-16 ancien et suivants du code de la consommation, L. 311-2, L. 511-21, L. 341-2 6° et 7° du code monétaire et financier, L. 641-11-1 et R. 641-21 du code de commerce, 554 du code de procédure civile :
- de juger non fondé l'appel de la société Pharmacie Provençale,
- de la débouter de toutes ses demandes,
- de confirmer le jugement entrepris,
- de juger irrecevables les interventions volontaires de Mmes X. et Z.,
- de condamner la société Pharmacie Provençale et Mmes X. et Z. in solidum à lui régler une nouvelle indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile,
- de les condamner en tous les dépens d'instance et d'appel.
[*]
La procédure a été clôturée par ordonnance du 1er avril 2021, les débats étant fixés au 21 juin 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il convient à titre liminaire de rappeler que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu'il n'y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n'en étant pas saisie.
Il est également précisé qu'en vertu des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'action se poursuit et doit être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel, les contrats litigieux ayant été conclus avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance.
Il sera encore observé que la demande d'exécution provisoire présentée par les appelantes est sans objet en cause d'appel.
Sur la recevabilité de l'appel de Mmes X. et Z. :
La société Locam fait valoir que Mmes X. et Z. ayant été parties en première instance, il leur incombait de faire appel, de sorte que leur intervention volontaire en cause d'appel doit être déclarée irrecevable, celle-ci n'étant ouverte qu'aux parties étrangères à la cause.
Sur ce,
L'article 546 du code de procédure civile énonce que le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé.
Celui-ci est exercé au moyen d'une déclaration d'appel faite selon les modalités prévues à l'article 901 du même code.
Par ailleurs, en vertu de l'article 554 du même code, peuvent intervenir en cause d'appel, dès lors qu'elles y ont intérêt, les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
En l'espèce, comme le relève à juste titre l'intimée, Mmes X. et Z. étaient parties à la procédure devant le tribunal de commerce, pour avoir régulièrement été assignées devant cette juridiction par la société Locam.
Contrairement à ce qu'indiquent Mmes X. et Z. dans leurs écritures, elles n'ont pas personnellement relevé appel de la décision rendue en première instance, la lecture de l'acte d'appel révélant que seule la société Pharmacie Provençale a exercé un recours contre le jugement du tribunal de commerce de Saint-Etienne.
Il est constant qu'elles ne sont pas non plus parties intimées.
Il s'ensuit qu'elles ne peuvent être intervenantes volontaires en cause d'appel et que leur appel principal, uniquement formé par voie de conclusions, doit être déclaré irrecevable.
Sur la nullité du contrat de location financière pour violation des dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement :
La société Pharmacie Provençale soutient :
- que dès lors qu'elle n'employait pas plus de 5 salariés lors de la conclusion du contrat de location, que les quatre conventions litigieuses (bon de commande, contrat de partenariat, contrat de maintenance et contrat de location) ont été régularisées hors établissement et que la location portait sur des photocopieurs n'entrant pas dans le champ de son activité principale de pharmacie, elle répond aux conditions posées par l'article L. 221-3 du code de la consommation, applicable aux contrats signés après le 10 juin 2014 pour l'éligibilité aux dispositions protectrices du code de la consommation en matière de délai de rétractation,
- qu'aucun des quatre contrats ne comportant le formulaire de rétractation prévu par l'article L. 221-9 du code de la consommation, ils doivent être annulés sur le fondement de l'article L.242-1 du code de la consommation et la société Locam condamnée à lui restituer l'ensemble des loyers qu'elle lui a versés,
- que le contrat de location financière avec la société Locam ne constitue pas un service financier exclu de la protection consumériste par l'article L. 121-16-1 du code de la consommation, comme l'a retenu à juste titre le tribunal,
- qu'en tout état de cause, les contrats signés avec la société Chrome Bureautique, unis dans un rapport d'interdépendance avec le contrat de location, étant frappés de nullité pour non-respect des dispositions du code de la consommation, le contrat de location est par voie de conséquence caduc ab initio.
La société Locam réplique :
- que la société Pharmacie Provençale, qui réalise mensuellement des milliers de copies, ne peut être considérée comme profane en matière de photocopieuses, ce d'autant qu'elle a elle-même attesté que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle,
- qu'elle ne justifie au demeurant pas employer 5 salariés au plus au jour de la signature des contrats, le témoignage de son expert-comptable étant insuffisamment probant,
- que ces deux motifs conduisent à écarter l'application des dispositions consuméristes relatives aux contrats conclus hors établissement,
- qu'en outre, le contrat de location financière litigieux s'analyse en une opération connexe aux opérations de banque auxquelles elle se livre à titre habituel, telle que définie par l'article L. 311-2 du code monétaire et financier,
- qu'en vertu de l'article L. 221-2-4° du code de la consommation, un contrat de cette nature, qui porte sur un service financier, est exclu du champ d'application des dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement et relève des dispositions spécifiques du code monétaire et financier,
- que l'article 3.3 d de la Directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 précise qu'on entend par service financier tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements,
- que les opérations connexes aux opérations de banque qui n'en sont que le prolongement, telle que la location simple, participent donc bien des services financiers,
- que de nombreux textes légaux, code de la consommation compris, énoncent d'ailleurs explicitement que la location simple exercée à titre connexe à son activité par un établissement relevant du code monétaire et financier est un service financier,
- qu'ainsi, l'article L. 511-21 du code monétaire et financier, intitulé 'prestataires de services bancaires' dispose que l'expression 'service bancaire' désigne une opération de banque au sens de l'article L. 311-1 ou l'une des activités connexes au sens du I de l'article L. 311-2,
- que le code de la consommation lui-même, dans sa partie relative aux contrats conclus à distance portant sur des services financiers, indique à l'article L. 222-1 que 'les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux services mentionnés aux livres Ier à III et au titre V du livre V du code monétaire et financier',
- que les opérations connexes aux opérations de banque, définies à l'article L. 311-2 du code monétaire et financier précité, parmi lesquelles l'activité de location simple, se trouvent bien mentionnées au Livre III dudit code, intitulé précisément 'les services',
- que la cour de cassation a d'ailleurs consacré cette analyse dans un arrêt du 15 janvier 2020 au terme duquel elle précise que les activités exercées par la société Locam dans le cadre des opérations de location financière ne relèvent pas du code de commerce, mais des dispositions spécifiques du code monétaire et financier,
- qu'il s'ensuit que la nullité du contrat de location financière ne peut être prononcée sur le fondement de l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation.
Sur ce,
Selon l'article L. 121-16 du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 14 juin 2014 au 8 août 2015, soit à la date de conclusion du contrat de location financière, est considéré comme contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.
L'article L. 121-16-1 III du même code dispose que les sous-sections 2, 3, 6 et 7 applicables aux relations entre consommateurs et professionnels sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
A cet égard, l'article L. 121-17 I du code de la consommation (sous-section 2) prévoit que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations qu'il énumère dont celles relatives au droit de rétraction lorsqu'il existe, ainsi qu'un formulaire type de rétractation.
En vertu de l'article L. 121-18, les mêmes informations doivent être remises dans le cas d'un contrat conclu hors établissement. Un tel contrat, pour lequel un droit de rétractation existe, doit en outre être accompagné du formulaire type de rétractation prévu à l'article L. 121-17-I.
Enfin, l'article L. 121-18-1 énonce que le contrat conclu hors établissement comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l'article L. 121-17.
En l'espèce, il doit d'abord être noté que la société Locam ne discute pas le fait que le contrat de location litigieux a été conclu hors établissement entre des professionnels, pour avoir été signé dans les locaux de la société Pharmacie Provençale, situés [Adresse 4] à [Localité 6] suite au démarchage d'un commercial de la société Chrome Bureautique.
Il convient ensuite de relever que si les premiers juges ont considéré à juste titre que la société Pharmaçie Provençale ne démontrait pas qu'elle employait 5 salariés au plus lors de la conclusion du contrat, le seul document alors produit par ses soins, à savoir une fiche d'identification « société.com » mise à jour au 10 septembre 2019, étant bien postérieur à la date de signature de la convention critiquée, la nouvelle pièce versée aux débats par la société Pharmaçie Provençale en cause d'appel, en l'occurrence une attestation de son expert-comptable, K. C., en date du 2 juillet 2020 (pièce n°22), permet en revanche d'établir que ses effectifs n'ont pas excédé le seuil de 5 salariés au cours de l'année 2015.
Il doit encore être observé que contrairement à ce que prétend la société Locam, les deux photocopieurs faisant l'objet du contrat critiqué, bien qu'ils contribuent indéniablement à faciliter l'exécution des tâches administratives de la société Pharmacie Provençale, n'entrent pas pour autant dans le champ de son activité principale dans la mesure où celle-ci, exploitante d'une pharmacie, reste profane en matière de location de longue durée de photocopieurs multifonctions. Ce matériel, qui présente un certain degré de technicité, est en effet manifestement étranger aux qualifications professionnelles de la société Pharmacie Provençale, dont l'activité consiste à délivrer des médicaments, des produits de parapharmacie et du matériel médical, ainsi qu'à réaliser des préparations pharmaceutiques pour des clients/patients selon la prescription médicale ou la demande individuelle.
La mention contractuelle préimprimée du contrat de location financière selon laquelle la société Pharmacie Provençale « atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » ne saurait faire échec à cette analyse puisque le seul critère applicable issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 est celui de l'objet du contrat n'entrant pas dans le champ de l'activité principale du professionnel qui impose de se référer à la nature de l'opération financée en considération de l'activité professionnelle du client concerné, et pas uniquement à l'utilité de l'opération pour l'exercice de ladite activité.
Il sera au demeurant retenu que cette clause dactylographiée ne peut valablement être opposée à la société Pharmacie Provençale, dès lors qu'elle conduit à écarter de manière systématique toute application des textes consuméristes, alors que le législateur a précisément entendu renforcer la protection de l'entrepreneur employant cinq salariés au plus, lequel doit pouvoir bénéficier des dispositions protectrices du droit de la consommation quand il contracte dans un champ de compétence qui n'est pas le sien.
Il est en revanche exact, comme le fait valoir la société Locam, que l'article L. 121-16-1 4°) du code de la consommation, en vigueur lors de la conclusion du contrat, exclut du champ d'application des dispositions précitées les contrats portant sur les services financiers.
Le code de la consommation n'apporte pas de définition précise de ce qui doit être considéré comme étant un contrat portant sur un service financier.
La directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, indique toutefois dans son article 2 point 12) qu'il faut entendre par « service financier », tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.
A cet égard, le contrat de location longue durée en cause, qui prévoit la mise à disposition de la société Pharmacie Provençale de deux copieurs multifonctions Olivetti MF 3100 en contrepartie du paiement de loyers, n'est pas assimilable à une opération de crédit faute d'option d'achat à son terme, mais s'analyse uniquement en une location simple de matériel entre un professionnel et une société de financement.
Or, la location simple d'un bien mobilier ne peut être qualifiée de service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements, ce quand bien même une société de financement a la possibilité d'effectuer ce type d'opération connexe à son activité principale.
Il doit en outre être souligné que la société Locam procède à tort à une assimilation entre les services financiers stricto sensu et les opérations de banque, alors que le code monétaire et financier les différencie en les traitant par des dispositions spécifiques insérées :
- au Titre 1 du Livre III, articles L 311-1 à L 318-5, pour les opérations de banque,
- au Titre IV du Livre III, articles L 341-1 à L 343-6, pour les services financiers.
Ainsi, les locations simples de biens sont définies par l'article L. 311-2 6°) du code monétaire et financier comme des opérations connexes aux opérations de banque.
Il y a dès lors lieu de considérer que l'exclusion de l'article L. 121-16-1 4°) ne vise que les services financiers au sens des articles L. 341-1 à L. 343-6 du livre III du Titre IV du code monétaire et financier et que le contrat litigieux doit s'analyser en un contrat de fourniture de services relevant de l'article L. 121-17 I susvisé.
Il découle dès lors de l'ensemble des observations qui précèdent que le contrat de location financière souscrit le 24 février 2015 par la société Pharmacie Provençale auprès de la société Locam est soumis aux dispositions des articles L. 121-17 I et L. 121-18 du code de la consommation.
Il est constant que celui-ci ne comporte pas les informations précontractuelles visées à l'article L. 121-17 relatives au droit à rétractation (conditions, modalités, délais).
Ces dispositions d'ordre public n'ayant pas été respectées, il convient, en application de l'article L. 121-18-1 précité qui le prévoit expressément, de prononcer la nullité de ce contrat de location financière, ce qui conduit à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Pharmacie Provençale de ses demandes fondées sur les dispositions consuméristes.
La nullité du contrat, qui emporte son anéantissement rétroactif, a pour effet de replacer les parties dans la situation qui était la leur avant la signature de la convention.
A ce titre, conformément à la demande de la société Pharmacie Provençale en ce sens, la société Locam sera tenue de lui rembourser les loyers qu'elle a perçus au titre du contrat annulé, tandis que la société Pharmacie Provençale devra de son côté restituer le matériel loué à la société Locam, sans toutefois qu'il y ait lieu de mettre les frais de cette restitution à la charge de l'intimée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La société Locam qui succombe, devra supporter les dépens de première instance et d'appel et payer à la société Pharmacie Provençale une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement querellé étant infirmé de ce chef ainsi que sur la charge des dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant dans les limites de l'appel,
Déclare irrecevable l'appel de Mmes X. née Y. et Z. née W.,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce la nullité du contrat de location conclu le 24 février 2015 entre la SNC Pharmacie Provençale et la SAS Location Automobiles Matériels,
Déboute la SAS Location Automobiles Matériels de ses demandes en paiement à l'encontre de la SNC Pharmacie Provençale fondées sur ce contrat du 24 février 2015,
Condamne la SAS Location Automobiles Matériels à restituer à la SNC Pharmacie Provençale les loyers qu'elles a perçus au titre du contrat,
Dit que la SNC Pharmacie Provençale devra restituer, à ses frais, le matériel (deux imprimantes multifonctions Olivetti MF 3100), objet du contrat de location, à la SAS Location Automobiles Matériels,
Dit que la SAS Location Automobiles Matériels supportera les dépens de première instance et d'appel,
Condamne la SAS Locam à verser à la SNC Pharmacie Provençale une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale
- 6151 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. - Application dans le temps