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CA BESANÇON (1re ch. civ. com.), 21 décembre 2023

Nature : Décision
Titre : CA BESANÇON (1re ch. civ. com.), 21 décembre 2023
Pays : France
Juridiction : Besancon (CA) 1re ch. civ. et com.
Demande : 22/00649
Date : 21/12/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 15/04/2022
Référence bibliographique : 6151 (1171 C. civ., application dans le temps)6151 (1171 C. civ., application dans le temps), 8462 (1171 C. civ., crédit-bail), 8397 (1171, indemnité de résiliation)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10648

CA BESANÇON (1re ch. civ. com.), 21 décembre 2023 : RG n° 22/00649

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Etant observé que l'article 1171 du code civil, aux termes duquel dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite, n'est pas applicable aux contrats litigieux du fait de son entrée en vigueur à compter du 1er octobre 2016, la cour observe que le GAEC du Cernois se limite à affirmer qu'un déséquilibre significatif entre les parties existe du fait de l'importance de l'indemnité contractuelle au regard des conséquences de l'inexécution et du fait qu'il serait alors conduit à « payer deux fois le matériel loué » sans en être propriétaire à l'issue du contrat.

Cependant, l'indemnité susvisée doit être appréciée en considération de la spécificité des contrats de crédit-bail impliquant l'achat, par le bailleur, de matériels spécifiques choisis par le locataire en fonction de ses besoins personnels et dont la possibilité d'amortissement est conditionnée par la location de ceux-ci conformément aux tableaux d'amortissement, alors même que le bailleur qui a avancé les fonds prétend légitimement à une rémunération tandis que le GAEC du Cernois a pu bénéficier de la mise à disposition de matériels onéreux sans être contraint d'en procéder à l'acquisition et d'en assumer les charges incombant au propriétaire, cette prestation représentant un coût.

Dès lors, ledit GAEC n'établit pas le déséquilibre qu'il invoque, lequel est conditionné à l'absence de justification légitime apparente et d'avantage de même nature ou contrepartie au bénéfice du client.

La demande subsidiaire formée en appel par le GAEC du Cernois tendant à voir déclarer non écrite la clause de résiliation contractuelle sera en conséquence rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE BESANÇON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 21 DÉCEMBRE 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/00649. N° Portalis DBVG-V-B7G-EQBO. Décision déférée à la Cour : jugement du 15 décembre 2021 - RG n° 20/00551 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE LONS-LE-SAUNIER. Code affaire : 53F - Crédit-bail ou leasing - Demande en paiement des loyers et/ou en résiliation du crédit-bail

COMPOSITION DE LA COUR : M. Cédric SAUNIER, conseiller, président de l'audience

Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant M. Cédric Saunier, conseiller, président de l'audience qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour.

DÉLIBÉRÉ : M. Cédric Saunier, conseiller, président de l'audience, a conformément à l'article 805 et 907 du code de procédure civile rendu compte aux autres magistrats : M. Michel Wachter, président de chambre et Bénédicte Manteaux, conseiller.

L'arrêt a été rendu le 21 décembre 2023. L'affaire oppose :

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT :

GAEC DU CERNOIS

Sis [Adresse 1], Inscrit au RCS de Lons le Saunier sous le numéro XXX, Représentée par Maître Anne LHOMME de la SELARL BARDET LHOMME, avocat au barreau de JURA

 

ET :

INTIMÉE :

SAS JOHN DEERE FINANCIAL

[Adresse 4], Inscrite au RCS de Orléans sous le numéro YYY , Représentée par Maître Quentin SIGRIST de la SELARL SIGRIST & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, Représentée par Maître Françoise PEQUIGNOT, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

 

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Michel Wachter, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits, procédure et prétentions des parties :

Le GAEC du Cernois a conclu les 15 et 18 mai 2015 trois contrats de crédit-bail avec la SAS John Deere Financial, le matériel ayant été réceptionné sans réserve :

- un contrat référencé 227161BF0, anciennement 825JDF1500187 CB, destiné à financer une faucheuse neuve de marque Lely Splendimo 900 M numéro de série 3191470 objet de la facture n° 1316861 émise le 15 mai 2015 par la SCA Terre Comtoise d'un montant de 28.800 euros TTC, d'une durée de quatre-vingt-quatre mois et prévoyant le règlement d'un premier loyer hors taxes et hors assurance de 3.050,85 euros puis de quatre-vingt-trois loyers mensuels d'un montant unitaire hors taxes et hors assurance de 286,14 euros, outre une option d'achat d'un montant de 240 euros hors taxes ;

- un contrat référencé 227168BF0, anciennement 825JDF1500188 CB, destiné à financer un tracteur de marque John Deere 7920 d'occasion numéro de série [Numéro identifiant 3] immatriculé [Immatriculation 2] objet de la facture n° 1316860 émise le 15 mai 2015 par la société Terre Comtoise d'un montant de 97.200 euros TTC, d'une durée de quatre-vingt-quatre mois et prévoyant le règlement d'un premier loyer hors taxes et hors assurance de 10.296,61 euros puis de quatre-vingt-trois loyers mensuels hors taxes et hors assurance de 950,11 euros, outre une option d'achat d'un montant de 810 euros hors taxes ;

- un contrat référencé 227656BF0, anciennement 825JDF1500190 CB, destiné à financer une Benne Lambert 16 H d'occasion numéro de série 0209 objet de la facture n° 1316864 émise le 18 mai 2015 par la société Terre Comtoise d'un montant de 15.600 euros TTC, d'une durée de quatre-vingt-quatre mois et prévoyant le règlement d'un premier loyer hors taxes et hors assurance de 1.652,54 euros puis de quatre-vingt-trois loyers hors taxes et hors assurance de 152,46 euros, outre une option d'achat d'un montant de 130 euros hors taxes.

Invoquant un impayé de loyer intervenu au mois de janvier 2019 à hauteur de 343,37 euros dans le cadre du contrat référencé 227161BF0, la société John Deere Financial a adressé au GAEC une mise en demeure par courrier en recommandé avec accusé de réception du 05 février 2019, retourné non réclamé, en précisant qu'à défaut de règlement dans un délai de huit jours, elle entendait se prévaloir de la résiliation de plein droit des trois contrats susvisés en application de la clause d'indivisibilité stipulée à l'article 14 de leurs conditions générales.

Saisi par exploit d'huissier de justice du 20 mars 2019 d'une demande tendant au constat de la résiliation des contrats susvisés ainsi qu'à la condamnation du GAEC du Cernois au paiement des sommes dues et de restitution des matériels, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier a dit n'y avoir lieu à référé par ordonnance rendue le 28 août 2019 en considération du défaut de délivrance effective de la mise en demeure susvisée et de la gravité des conséquences de la résiliation des contrats.

Par acte délivré le 15 juillet 2020, la société John Deere Financial, invoquant la résiliation de plein droit des trois contrats intervenues à la date du 13 février 2019 ou subsidiairement au 28 mars suivant, a assigné le GAEC du Cernois devant le tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier en sollicitant, outre le constat de cette résiliation et les frais irrépétibles et dépens, sa condamnation:

- à lui régler les sommes dues au titre des loyers échus impayés, à savoir 366,26 euros HT au titre du contrat référencé 227161BF0, 1.204,74 euros HT au titre du contrat référencé 227168BF0 ;

- à lui régler les indemnités contractuelles de résiliation, augmentées des intérêts, à savoir 12.005,43 euros HT au titre du contrat référencé 227161BF0, 38 881,39 euros HT au titre du contrat référencé 227168BF0 et 6.239,15 euros HT au titre du contrat référencé 227656BF0 ;

- à lui restituer, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision, les matériels objets des contrats ;

- à lui régler des indemnités d'utilisation à compter de la date de résiliation de chacun des contrats et jusqu'à la restitution effective des matériels, à savoir 286,14 euros HT par mois au titre du contrat référencé 227161BF0, 950,11 euros HT par mois au titre du contrat référencé 227168BF0 et 152,46 euros HT par mois au titre du contrat référencé 227656BF0.

Le GAEC invoquait en première instance le défaut de réception de la mise en demeure engageant la procédure de résiliation des contrats, la consignation en compte Carpa de la somme de 23 000 euros correspondant à la régularisation des impayés et le fait que l'indemnité contractuelle de résiliation constitue une clause pénale susceptible de réduction.

Par jugement rendu le 15 décembre 2021, le tribunal a :

Au titre du contrat de crédit-bail n° 227161BF0,

- condamné le GAEC du Cernois à payer à la société John Deere Financial la somme de 366,26 euros TTC au titre des loyers impayés et des accessoires, majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2019 ;

- condamné le GAEC du Cernois à payer à la société John Deere Financial la somme de 12.005,43 HT, soit 14 406,52 euros TTC, au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2019 ;

- condamné le GAEC du Cernois à restituer à la société John Deere Financial, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision, la faucheuse Lely objet du contrat ;

- condamné le GAEC du Cernois à payer à la société John Deere Financial la somme mensuelle de 286,14 euros HT à titre d'indemnité d'utilisation, toute période commencée étant intégralement due, à compter du 13 février 2019 et jusqu'à restitution effective de la faucheuse Lely ;

Au titre du contrat de crédit-bail n° 227168BF0,

- condamné le GAEC du Cernois à payer à la société John Deere Financial la somme de 1.204,74 euros TTC au titre des loyers impayés et des accessoires, majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2019 ;

- condamné le GAEC du Cernois à payer à la société John Deere Financial la somme de 38.881,39 euros HT soit 46 657,67 euros TTC, au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2019 ;

- condamné le GAEC du Cernois à restituer à la société John Deere Financial, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, le tracteur John Deere objet du contrat ;

- condamné le GAEC du Cernois à payer à la société John Deere Financial la somme mensuelle de 950,11 euros HT à titre d'indemnité d'utilisation, toute période commencée étant intégralement due, à compter du 13 février 2019 et jusqu'à restitution effective du tracteur John Deere ;

Au titre du contrat de crédit-bail n° 227656BF0,

- condamné le GAEC du Cernois à payer à la société John Deere Financial la somme de 6.239,15 euros HT, soit 7.486,98 euros TTC, au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2019 ;

- condamné le GAEC du Cernois à restituer à la société John Deere Financial, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à compter du prononcé de la décision à intervenir, la benne Lambert objet du contrat ;

- condamné le GAEC du Cernois à payer à la société John Deere Financial la somme mensuelle de 152,46 euros HT à titre d'indemnité d'utilisation, toute période commencée étant intégralement due, à compter du 13 février 2019, et jusqu'à restitution effective de la benne Lambert ;

- condamné le GAEC du Cernois à restituer à la société John Deere Financial, au besoin avec le recours de la force publique, les matériels objets des contrats de crédit-bail référencés 227161BF0, 227168BF0 et 227656BF0 ;

- condamné le GAEC du Cernois à payer à la société John Deere Financial la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;

- rappelé que la décision est exécutoire de plein droit.

Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré :

- que la résiliation des contrats par l'effet de la clause prévue à l'article 9 de leurs conditions générales est acquise à la date du 13 février 2019, étant précisé que ni le défaut de retrait du courrier en recommandé adressé au GAEC ni la proposition tardive de règlement de la somme de 23.000 euros en compte Carpa n'ont d'incidence sur ce point ;

- que dès lors, la société John Deere Financial est bien-fondée à solliciter le règlement des loyers échus impayés, de la clause pénale, laquelle est dépourvue de caractère excessif, ainsi que d'une indemnité d'utilisation ;

- que s'il invoque le règlement de la somme de 23.000 euros en compte Carpa, le GAEC n'établit ni la réalité de l'encaissement de cette somme par le bailleur, ni la nature de la dette réglée par ce paiement.

[*]

Par déclaration du 15 avril 2022, le GAEC du Cernois a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions et, selon ses premières et ultimes conclusions transmises le 13 juillet 2022, elle conclut à son infirmation et demande à la cour statuant à nouveau :

- à titre principal, de débouter la société John Deere Financial de ses demandes ;

- subsidiairement, de déclarer non écrite la clause de résiliation contractuelle ;

- à titre infiniment subsidiaire, de réduire l'indemnité de résiliation contractuelle au montant d'un euro ;

- de condamner la société John Deere Financial à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel et de première instance.

Il fait valoir, dans les motifs de ses écritures comportant manifestement l'omission de certains mots ou groupes de mots :

- que la société John Deere Financial n'a jamais remis en place les prélèvements correspondant aux loyers, alors qu'il lui était possible d'y procéder « et de prolonger l'échéancier de règlement jusqu'à apurement des loyers impayés » ;

- qu'elle a versé le 19 juillet 2021 en compte Carpa la somme de 23.000 euros correspondant au montant dû, de sorte qu'elle a réglé les échéances échues, étant précisé que les trois contrats sont arrivés à leur terme au mois d'avril 2022 ;

- qu'elle n'a pas reçu la mise en demeure de payer visant la clause résolutoire, le juge des référés ayant déjà tiré les conséquences de ce défaut d'information, de sorte que la procédure prévue par l'article 9 des trois contrats de crédit-bail n'a pas été respectée et que la résiliation n'a pu intervenir ;

- que l'article susvisé, en ce qu'il prévoit des indemnités de résiliation, implique un déséquilibre significatif entre les parties au sens de l'article 1171 du code civil de sorte qu'il est réputé non-écrit et constitue une clause pénale excessive au sens de l'article 1231-5 du code précité.

[*]

La société John Deere Financial a répliqué en premier et dernier lieu par conclusions transmises le 11 octobre 2022 pour demander à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de l'autoriser à appréhender les matériels en quelques lieux et quelques mains qu'ils se trouvent, au besoin avec le recours de la force publique et de condamner le GAEC du Cernois à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'appel.

Elle expose :

- qu'elle rapporte la preuve de l'envoi de courriers de mise en demeure en recommandé à son co-contractant, lequel n'a pas estimé opportun de les retirer alors qu'il en avait été avisé et ne peut donc se prévaloir de sa propre turpitude, de sorte qu'elle a respecté la procédure de résiliation imposant l'envoi d'un tel courrier, et non sa réception ;

- que le contrat ne prévoit pas la délivrance au preneur d'un acte extra-judiciaire, alors même qu'elle a fait délivrer au GAEC le 20 mars 2019 une assignation en référé comportant le décompte détaillé des sommes dues et mentionnant la résiliation encourue ;

- qu'elle ne pouvait, après résiliation, procéder à des prélèvements bancaires alors même que le GAEC n'a jamais proposé de règlement dans le cadre de l'instance en référé et de la première instance au fond ;

- que le versement effectué depuis en compte Carpa n'a pas eu lieu dans le délai contractuel rappelé dans la mise en demeure ;

- que la clause de résiliation n'induit aucun déséquilibre significatif entre les parties en raison de la nature spécifique de l'opération de crédit-bail l'empêchant, en raison de la résiliation, d'amortir le financement des matériels acquis à la demande du locataire ;

- que l'indemnité de résiliation ne constitue pas une clause pénale en ce qu'elle n'a pas pour objet de contraindre le locataire à exécuter l'obligation principale qui est le paiement des loyers, mais à indemniser le bailleur des conséquences de la résiliation ;

- qu'en tout état de cause, le GAEC ne démontre pas le caractère manifestement excessif de la clause, dont le montant doit être mis en rapport avec le préjudice effectivement subi, lequel doit s'entendre hors prix de revente des matériels.

[*]

Une tentative de médiation a été initiée par ordonnance rendue le 8 novembre 2022.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 12 octobre suivant et mise en délibéré au 21 décembre 2023.

En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la décision :

Sur la résiliation des contrats de crédit-bail :

L'article 1103 du code civil prévoit que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, tandis que l'article 1104 du même code prévoit que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

L'article 1184 du code civil en vigueur à la date de conclusion des contrats, devenu l'article 1225 du même code, dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

L'article 669 du code de procédure civile prévoit que la date de l'expédition d'une notification faite par la voie postale est celle qui figure sur le cachet du bureau d'émission.

La date de la remise est celle du récépissé ou de l'émargement.

La date de réception d'une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception est celle qui est apposée par l'administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire.

Enfin en application de l'article 670 du code susvisé, la notification est réputée faite à personne lorsque l'avis de réception est signé par son destinataire. La notification est réputée faite à domicile ou à résidence lorsque l'avis de réception est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet.

En l'espèce, les conditions générales applicables à chacun des trois contrats de location litigieux, dont la contractualisation n'est pas contestée par le GAEC du Cernois, prévoient à l'article 9 que « le contrat sera résilié, si bon semble au bailleur [...] huit jours calendaires après l'envoi au locataire d'une mise en demeure recommandée avec accusé de réception restée en tout ou partie sans effet durant ce délai, et ce en cas d'inexécution par le locataire d'une des clauses ou conditions du présent contrat, non-paiement même partiel d'un loyer ou d'une prime d'assurance à son échéance [...] ».

L'article 14 des mêmes conditions générales de chacun des contrats prévoit en outre que les différents contrats conclus par le locataire avec le bailleur ou l'une des sociétés de son groupe sont stipulés indivisibles de sorte que la résiliation de l'un entraînera de plein droit celle des autres si bon semble au bailleur.

Il n'est pas contesté par les parties que ces deux clauses expriment de manière non équivoque la commune intention des parties de mettre fin à l'ensemble des contrats, au seul choix du bailleur et sans intervention du juge, en cas de défaut de règlement d'une échéance de l'un d'entre-eux et sans condition de gravité du manquement ou de l'inexécution.

Suite à un impayé, non contesté, concernant le loyer correspondant à la mensualité du mois de janvier 2019 à hauteur de 343,37 euros dans le cadre du contrat référencé 227161BF0, la société John Deere Financial indique avoir invité le GAEC à régulariser le règlement de cette échéance, puis justifie lui avoir adressé une mise en demeure par courrier en recommandé avec accusé de réception du 5 février 2019, retourné non réclamé, en précisant qu'à défaut de règlement dans un délai de huit jours, elle entendait se prévaloir des clauses contractuelles susvisées.

Le GAEC du Cernois se borne à invoquer, pour contester la résiliation des contrats par l'effet desdites clauses, le défaut de prise de connaissance de la mise en demeure du fait du défaut de réclamation du courrier en recommandé avec accusé de réception.

Etant cependant rappelé qu'une partie ne peut tirer argument de sa propre carence pour prétendre échapper aux dispositions contractuelles, de sorte que le refus ou le défaut de retrait de la lettre recommandée contenant l'acte à notifier est sans incidence sur la validité de la délivrance de la mise en demeure, sauf preuve d'une irrégularité dans l'accomplissement des formalités de notification, d'une erreur dans la souscription de son adresse postale, ou encore d'une circonstance ayant empêché le destinataire de retirer le pli qui lui était adressé, il en résulte que l'exigence de mise en demeure prévue par l'article 9 des contrats litigieux a été accomplie par le bailleur.

Enfin, aux termes de l'article 9 figurant aux contrats, la résiliation est effective huit jours calendaires après l'envoi au locataire de la mise en demeure restée en tout ou partie sans effet durant ce délai, de sorte que si cette résiliation est conditionnée par cette mise en demeure infructueuse, elle est définitivement acquise à l'issue du délai libératoire prévu sans que le juge ne puisse moduler ses effets en fonction de la proportionnalité de cette sanction à la gravité du manquement invoqué.

Dès lors, le juge de première instance a, à bon droit, retenu dans la motivation de sa décision que la résiliation des contrats est intervenue à compter du 13 février 2019, le versement d'une somme en compte Carpa par le locataire dans le cadre de l'instance judiciaire postérieure étant sans incidence sur l'anéantissement du contrat pour l'avenir, de sorte que le jugement dont appel sera complété en ce sens.

 

Sur la demande en paiement au titre des factures impayées et des indemnités contractuelles :

Suite à la résiliation à l'initiative du bailleur, l'article 9 des conditions générales applicables aux contrats de location prévoit le règlement par le locataire, outre les loyers échus impayés, d'une indemnité égale au montant des loyers hors-taxes restant à échoir à la date de la résiliation majoré d'un montant égal à l'option d'achat, outre une clause pénale d'un montant égal à 5 % des sommes impayées et du montant total des loyers hors-taxes restant à échoir à la date de la résiliation.

Etant observé que l'article 1171 du code civil, aux termes duquel dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite, n'est pas applicable aux contrats litigieux du fait de son entrée en vigueur à compter du 1er octobre 2016, la cour observe que le GAEC du Cernois se limite à affirmer qu'un déséquilibre significatif entre les parties existe du fait de l'importance de l'indemnité contractuelle au regard des conséquences de l'inexécution et du fait qu'il serait alors conduit à « payer deux fois le matériel loué » sans en être propriétaire à l'issue du contrat.

Cependant, l'indemnité susvisée doit être appréciée en considération de la spécificité des contrats de crédit-bail impliquant l'achat, par le bailleur, de matériels spécifiques choisis par le locataire en fonction de ses besoins personnels et dont la possibilité d'amortissement est conditionnée par la location de ceux-ci conformément aux tableaux d'amortissement, alors même que le bailleur qui a avancé les fonds prétend légitimement à une rémunération tandis que le GAEC du Cernois a pu bénéficier de la mise à disposition de matériels onéreux sans être contraint d'en procéder à l'acquisition et d'en assumer les charges incombant au propriétaire, cette prestation représentant un coût.

Dès lors, ledit GAEC n'établit pas le déséquilibre qu'il invoque, lequel est conditionné à l'absence de justification légitime apparente et d'avantage de même nature ou contrepartie au bénéfice du client.

La demande subsidiaire formée en appel par le GAEC du Cernois tendant à voir déclarer non écrite la clause de résiliation contractuelle sera en conséquence rejetée.

Par ailleurs, l'article 1152 du code civil, devenu l'article 1231-5 du même code invoqué par le GAEC du Cernois mais entré en vigueur postérieurement à la signature des contrats litigieux, prévoit que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

En l'espèce, les indemnités contractuelles prévues à l'article 9 des contrats de location ont le caractère de clauses pénales au sens des dispositions susvisées.

Cependant, le GAEC du Cernois, qui supporte la charge de la preuve du caractère excessif de ces indemnités, se limite à effectuer le calcul du 'gain' effectué par le bailleur augmenté du prix de revente des matériels qu'il présente lui-même comme hypothétique, alors même que la société John Deere Financial subit, du fait de la résiliation des contrats et pour les raisons ci-avant exposées, un préjudice financier correspondant au montant de la rémunération contractualisée qu'il devait percevoir jusqu'au terme des contrats, alors même que la possibilité de revente ou de relocation des matériels est faible au regard de leur spécificité correspondant aux besoins agricoles du locataire.

Le juge de première instance a donc, à bon droit, retenu l'absence de caractère manifestement excessif des clauses ci-avant rappelées de sorte que le jugement dont appel sera complété en ce que la demande de minoration formée par le locataire est rejetée.

Il en résulte, comme retenu par le juge de première instance, que la société John Deere Financial est bien-fondée à solliciter du GAEC du Cernois, en exécution des contrats de location signés par les parties et au regard du décompte produit et non sérieusement contesté, le règlement des loyers échus impayés à la date de la résiliation, outre une indemnité de résiliation égale au montant des loyers hors-taxes restant à échoir à la date de la résiliation majoré d'un montant égal à l'option d'achat, ainsi qu'une indemnité d'un montant égal à 5 % des sommes impayées et du montant total des loyers hors-taxes restant à échoir à la date de la résiliation, outre intérêts, soit:

- au titre du contrat de crédit-bail n° 227161BF0 :

* la somme de 366,26 euros TTC au titre des loyers impayés et des accessoires, majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2019 ;

* la somme de 12 005,43 HT, soit 14 406,52 euros TTC, au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2019 ;

- au titre du contrat de crédit-bail n° 227168BF0 :

* la somme de 1 204,74 euros TTC au titre des loyers impayés et des accessoires, majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2019 ;

* la somme de 38 881,39 euros HT soit 46 657,67 euros TTC, au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2019 ;

- au titre du contrat de crédit-bail n° 227656BF0, la somme de 6 239,15 euros HT, soit 7 486,98 euros TTC, au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2019.

Le jugement dont appel sera donc confirmé concernant ces chefs.

 

Sur la demande formée au titre des indemnités d'utilisation et de la restitution des matériels :

En exécution du contrat, la société John Deere Financial est bien-fondée à solliciter du GAEC du Cernois, au titre de l'article 8, 3), des conditions générales des contrats de location le versement d'une indemnité d'utilisation correspondant au terme locatif moyen calculé sur une base mensuelle, de sorte que le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a condamné le GAEC du Cernois à lui payer :

- au titre du contrat de crédit-bail n° 227161BF0, la somme mensuelle de 286,14 euros HT à titre d'indemnité d'utilisation, toute période commencée étant intégralement due, à compter du 13 février 2019 et jusqu'à restitution effective de la faucheuse Lely ;

- au titre du contrat de crédit-bail n° 227168BF0, la somme mensuelle de 950,11 euros HT à titre d'indemnité d'utilisation, toute période commencée étant intégralement due, à compter du 13 février 2019 et jusqu'à restitution effective du tracteur John Deere ;

- au titre du contrat de crédit-bail n° 227656BF0, la somme mensuelle de 152,46 euros HT à titre d'indemnité d'utilisation, toute période commencée étant intégralement due, à compter du 13 février 2019, et jusqu'à restitution effective de la benne Lambert.

Enfin, en application de l'article 9, 3) des contrats, la société John Deere Financial est bien-fondée à solliciter la restitution des matériels objets du contrat, au besoin avec le recours de la force publique, sauf à dire que l'astreinte ordonnée sera due à compter du vingtième jour suivant la date du présent arrêt, de sorte que le jugement dont appel sera confirmé en ce sens sauf en ce qui concerne le point de départ de l'astreinte.

Pour les motifs susvisés, le jugement critiqué sera par ailleurs complété en ce que le bailleur sera autorisé à appréhender les matériels en quelques lieux et quelques mains qu'ils se trouvent, au besoin avec le recours de la force publique.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Complète le jugement rendu entre les parties le 15 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Lons le Saunier en ce que :

- la résiliation des contrats de crédit-bail conclus les 15 et 18 mai 2015 entre la SAS John Deere Financial et le GAEC du Cernois référencés 227161BF0, 227168BF0 et 227656BF0 est intervenue à compter du 13 février 2019 ;

- le GAEC du Cernois est débouté de sa demande tendant à la modération des indemnités contractuelles prévues par l'article 9 des contrats de crédit-bail en cas de résiliation ;

- la SAS John Deere Financial est autorisée à appréhender les matériels en quelques lieux et quelques mains qu'ils se trouvent, au besoin avec le recours de la force publique ;

Confirme, dans les limites de l'appel, ledit jugement ainsi complété, sauf en ce qu'il a fixé à la date du prononcé de la décision le point de départ de l'astreinte en cas de défaut de restitution des matériels objets des contrats susvisés ;

Statuant sur ce chef infirmé et y ajoutant :

Fixe, en cas de défaut de restitution des matériels objets des contrats de crédit-bail conclus les 15 et 18 mai 2015 entre la SAS John Deere Financial et le GAEC du Cernois référencés 227161BF0, 227168BF0 et 227656BF0, le point de départ de l'astreinte d'un montant de 150 euros par jour de retard au vingtième jour à compter de la date du présent arrêt ;

Déboute le GAEC du Cernois de sa demande subsidiaire formée en appel tendant à voir déclarer non écrite la clause de résiliation contractuelle ;

Le condamne aux dépens d'appel ;

Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, le déboute de sa demande et le condamne à payer à la SAS John Deere Financial la somme de 1.500 euros.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier,                                        Le président de chambre,