CA AMIENS (1re ch. civ.), 30 janvier 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 10710
CA AMIENS (1re ch. civ.), 30 janvier 2024 : RG n° 21/04525
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « La cour prend acte de ce que le litige, au titre du préjudice matériel, est donc tout entier centré sur la valeur de reconstruction, dite indemnité différée, même en l'absence de reconstruction. M. et Mme X. précisent bien en effet que dans un premier temps leur demande repose sur les termes des dispositions des conditions générales, qui sont mal interprétées par la société Axa France.
La cour se reporte au paragraphe concerné dans les conditions générales, page 42. La clause indique à titre de « disposition générale » que « l'indemnité de dépréciation » du bien est « versée à l'issue des travaux ou après remplacement des objets, au vu des factures correspondantes acquittées, à condition que les travaux ou le remplacement interviennent dans le délai de deux ans suivant la date du sinistre ». Ensuite la clause comporte des « dispositions propres aux locaux », ce qui concerne donc le litige, et distingue : - « s'ils sont reconstruits ou réparés », auquel cas l'indemnité est déterminée sur la valeur de remplacement à neuf, vétusté à déduire ; - « s'ils ne sont pas reconstruits ni réparés », auquel cas l'indemnité est déterminée en fonction de la valeur vénale.
La clause est claire et son sens est explicite. En l'absence de toute reconstruction - a fortiori de toute velléité de reconstruction -, seule la valeur vénale règle l'indemnisation du préjudice matériel. La cour confirme l'interprétation donnée par le premier juge et son application.
Elle s'approprie également les motifs du premier juge selon lesquels la clause n'est ni une déchéance de garantie, explicite ou cachée - elle conditionne un niveau d'indemnisation -, ni une clause abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation qui créerait un déséquilibre significatif au détriment du consommateur.
La clause, dans le cadre d'une certaine liberté contractuelle, exprime le principe indemnitaire de l'article L. 121-1 du code des assurances, disposition d'ordre public qui dépasse l'intérêt des parties au litige en ce qu'elle vise à éviter les sinistres spéculatifs. Elle n'est en rien annulable.
A hauteur d'appel, les époux X. ne produisent pas plus d'exemple de jurisprudence ou d'avis doctrinal en leur sens. Le jugement sera confirmé. »
2/ « Les époux X. n'ont pas repris leur activité de restauration-hôtellerie, ce n'est pas contesté. Ils sollicitent la somme de 495.972 euros, à parfaire, puisqu'ils n'ont pas pu reprendre leur activité hôtelière, au titre de l'indemnité pour pertes d'exploitation prévue aux pages 20 et 21 des conditions générales du contrat. La société Axa France estime ne pas avoir de sommes à verser à ce titre au regard des dispositions des conditions générales, lesquelles sont pages 20 à 22.
Il est stipulé page 22 une exception à l'indemnisation des pertes d'exploitation en cas de « cessation d'activité » : « Si vous ne reprenez pas l'activité professionnelle garantie, nous ne devons aucune indemnité (au titre de cette activité), puisqu'il ne s'agit plus d'une interruption ou d'une réduction temporaire mais d'une cessation d'activité » (« Cependant... » non concerné par le litige). La clause précise que « la ré-installation à une autre adresse » est une cessation d'activité sauf « impossibilité absolue et définitive de reprendre l'activité à l'adresse d'origine ».
La clause est sévère en cas d'incendie ou de destruction de bien immobilier, certes, mais elle ne va pas jusqu'à supprimer l'indemnisation du risque garanti aux conditions particulières, ni à créer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties. De même que pour la question de la valeur de reconstruction, les époux X. ne produisent pas d'exemple de décision de justice ou d'avis doctrinal en faveur de leur thèse. Aucune pièce du dossier des époux X. ne laisse percer la volonté de reprendre leur activité de restauration-hôtellerie, soit à la suite d'une reconstruction, soit dans une nouvelle installation. Le premier juge, qui a écarté la demande des époux X., doit être approuvé et le jugement sera confirmé. »
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 30 JANVIER 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/04525. N° Portalis DBV4-V-B7F-IG5G. Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LAON DU QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT ET UN.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [Date naissance 3] à [Localité 8], de nationalité Française, [Adresse 2], [Localité 6]
Madame X.
née le [Date naissance 4] à [Localité 8], de nationalité Française, [Adresse 2], [Localité 6]
SARL LE ROND D'ORLÉANS
agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 9], [Localité 1], Représentés par Maître Pascal PERDU, avocat au barreau d'AMIENS
ET :
INTIMÉE :
SA AXA FRANCE IARD
prise en la personne de son représentant légal demeurant au siège en cette qualité, [Adresse 5], [Localité 7], Représentée par Maître Jean François CAHITTE de la SCP COTTIGNIES-CAHITTE-DESMET, avocat au barreau d'AMIENS, Plaidant par Maître Nicole VILMIN, avocat au barreau de NANCY
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ : L'affaire est venue à l'audience publique du 28 novembre 2023 devant la cour composée de M. Pascal BRILLET, Président de chambre, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
Sur le rapport de M. B. S. et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ : Le 30 janvier 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et le Président étant empêché, la minute a été signée par Mme Myriam SEGOND, Conseillère et Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
M. X. et son épouse, Mme Y., ont acquis le 28 juillet 2014, au prix de 320.000 euros, un relais routier hôtel-restaurant, doté d'une salle de séminaire et d'un logement de personnel, situé [Adresse 9] dans l'Aisne.
Après des travaux de rénovation, ils ont reçu l'autorisation d'ouvrir le 25 avril 2015 et ont commencé leur activité en mai 2015.
Ils ont constitué une société d'exploitation, la Sarl Le Rond d'Orléans, et ont souscrit une assurance « multi-risques professionnels » auprès de la société Axa France par ailleurs employeur de Mme X., avec effet au 29 juillet 2014, comportant une garantie dite « valeur à neuf ».
Un incendie d'origine criminelle s'est déclaré le 14 décembre 2015, provoquant des dégâts considérables. La plainte déposée a été classée sans suite le 28 juin 2016.
Le sinistre a été déclaré le lendemain, 15 décembre 2015, par Mme X. à la société Axa France.
La compagnie a payé directement les travaux conservatoires.
Le Cabinet Roux a été mandaté par l'assureur pour chiffrer les coûts de reconstruction.
Le 4 octobre 2016, faute de reconstruction, après réunion avec l'expert de la compagnie et l'expert de l'assuré, la société Axa France a proposé une indemnité immédiate (valeur vénale) de 275.000 euros et de 70.514 euros pour le contenu, réservant une indemnité différée de 2.205.897 euros en cas de reconstruction (pièce X. 14).
La proposition n'a pas été acceptée par les époux X.
M. et Mme X. ont sollicité en référé la désignation d'un expert judiciaire aux mêmes fins, lequel expert, en la personne de M. V., par rapport du 15 octobre 2018, a chiffré la reconstruction à la somme totale de 3.371.004,69 euros TTC et le délai de reconstruction à 16 mois.
Par acte du 16 avril 2019, M. et Mme X. et la Sarl Le Rond d'Orléans ont assigné la société Axa France devant le tribunal de grande instance de Laon aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, entériner le rapport de M. V. et condamner l'assureur à leur payer la somme de :
- 3.289.357,62 euros au titre de la reconstruction, dont 1.072.267,93 euros « à titre d'indemnité immédiate non réglée à la suite du sinistre, en violation des garanties souscrites, avec intérêts au taux légal (...) avec application de la règle de l'anatocisme »,
- 495.972 euros à parfaire au titre du préjudice d'exploitation,
- 160.000 euros à parfaire au titre de la perte de loyers de la Sarl,
- 200.000 au titre de leur important préjudice moral,
- 212.000 euros au titre d'un préjudice financier issu de l'obligation « de céder à vil prix plusieurs appartements »,
- 8.197,97 euros au titre de frais divers.
Ils contestaient que la police suppose le démarrage des travaux pour obtenir l'indemnité différée (valeur de la reconstruction). Outre que celle proposée par l'assureur (2.205.897 euros) est inférieure à celle qui a été déterminée avec beaucoup de soins et de diligence par M. V. (3.399.537,62 euros).
En tant que de besoin, ils ont demandé l'annulation des termes de la clause d'indemnité qui figure page 42 des conditions générales, ce serait une forme de déchéance de garantie, une clause abusive.
La société Axa France a comparu et a proposé le règlement de la somme de 39.505,40 euros en solde de l'indemnité immédiate à régler sur la valeur vénale de la chose, la reconstruction n'étant ni démarrée, ni même, en fait, envisagée par les époux X. Elle rappelle qu'elle a proposé de régler les factures de travaux au fur et à mesure de l'avancement de ceux-ci.
Par jugement du 15 juin 2021, dont les époux X. ont relevé appel, le tribunal judiciaire de Laon a :
- dit n'y avoir lieu à annuler les dispositions du contrat d'assurance conditionnant le versement des indemnisations complémentaires au démarrage des travaux,
- rejeté la demande formée au titre du coût de la reconstruction,
- rejeté la demande formée au titre de la perte d'exploitation,
- rejeté les demandes formées au titre de la perte locative, du préjudice moral, du préjudice financier et des frais divers,
- condamné la société Axa France à payer à M. et Mme X. et à la Sarl Le Rond d'Orléans la somme de 175.250,64 euros au titre de l'indemnité immédiate restant due avec intérêts au taux légal à compter de la déclaration de sinistre,
- et celle de 2 276,65 euros au titre de l'indemnité de rupture du contrat de travail du cuisinier,
- rejeté les demandes faites en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis les dépens à la charge de la société Axa France.
La cour se réfère aux dernières conclusions des parties par visa.
[*]
Vu les conclusions récapitulatives d'appelant n° 4 notifiées le 30 mars 2023 par M. et Mme X. et la Sarl Le Rond d'Orléans visant à l'infirmation partielle du jugement.
Ils précisent que leur demande formée à titre principal est bien fondée sur les termes mêmes du contrat d'assurance dont la compagnie fait une interprétation tendancieuse.
A titre subsidiaire, ils sollicitent l'annulation ou l'inopposabilité de la clause des conditions générales qui subordonne l'octroi de la valeur de reconstruction à la reconstruction effective dans le délai de deux ans.
Cette clause est abusive et comporte en outre une déchéance de garantie.
En outre, ils exposent avoir été dans l'impossibilité de procéder à cette reconstruction.
Ils sollicitent la condamnation de la société Axa France à leur payer :
- la somme de 3.289.537,62 euros TTC, outre indexation, intérêts au taux légal et anatocisme au titre de l'indemnité de reconstruction (dite « différée ») selon les calculs faits par l'expert judiciaire M. L.,
- la somme de 495.972 euros à parfaire, puisqu'ils n'ont pas pu reprendre leur activité hôtelière, au titre de l'indemnité pour pertes d'exploitation prévue aux pages 20 et 21 des conditions générales du contrat,
- la somme de 2.276,65 euros au titre de l'indemnité de licenciement de leur cuisinier, M. V. (somme accordée par le jugement),
- la somme de 160.000 euros au titre des pertes locatives, à parfaire également, subies par la Sarl qui n'a pas encaissé de loyers sur toute cette période de blocage entretenu par la compagnie,
- la somme de 212.000 euros au titre d'un préjudice financier personnel car ils ont dû vendre des appartements à bas prix du fait du même blocage,
- la somme de 1.200.000 euros au titre de leur préjudice moral considérable, les atermoiements de la compagnie les ayant placés dans une situation inextricable et désespérée,
- la somme de 8.197, 97 euros au titre de divers frais divers qu'ils ont exposés de par les lenteurs et carences de la compagnie, à laquelle il faudra ajouter le remboursement de leurs frais d'expertise assuré et ceux de l'expertise judiciaire.
Ils sollicitent en outre la condamnation de la société Axa France à leur payer la somme de 1.072.267,93 euros, outre indexation, intérêts au taux légal et anatocisme, « à titre d'indemnité immédiate non réglée » sans préciser le lien entre cette demande avec la demande principale.
[*]
Vu les conclusions récapitulatives n° 2 notifiées par la société Axa France visant à une confirmation partielle du jugement.
Les demandes des assurés sont aussi excessives que fantaisistes.
Elle a proposé une indemnité immédiate selon la valeur vénale du bien (275.000 euros) laquelle d'ailleurs n'a pas été acceptée.
Seule la volonté des assurés de tirer la valeur de reconstruction sans entreprendre celle-ci est à l'origine de leurs déboires et de leurs demandes infondées.
La cour devra confirmer le jugement en ce qui concerne les motifs et les dispositions de celui-ci relativement à l'indemnité de reconstruction. La clause est parfaitement valable, elle est classique et n'a rien d'abusive. Il s'agit simplement d'éviter un enrichissement de l'assuré conformément au principe indemnitaire de l'article L. 121-1 du code des assurances.
Le même raisonnement vaut pour les pertes d'exploitation qui ont été rejetées à bon droit.
Le préjudice moral s'il existe, n'est que la résultante de l'attitude obstinée des assurés à faire fi des clauses du contrat et à ne pas reconstruire, malgré la proposition de la compagnie de payer au fur et à mesure des factures.
L'indexation doit être rejetée.
La compagnie propose, page 7, un décompte des indemnités dues, des sommes payées et conclut qu'il lui reste à payer la somme de 24.505,40 euros.
[*]
L'instruction a été clôturée le 7 juin 2023.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
1. Sur l'indemnisation du préjudice matériel.
La société Axa France ne conteste pas devoir l'indemnité correspondant à la valeur vénale du bien détruit par l'incendie et à son contenu.
Celle-ci a été fixée, respectivement, à 275.000 euros et à 70.514 euros, après une réunion tenue le 3 octobre 2016 avec l'inspecteur, l'expert de la compagnie et l'expert des assurés (pièce X. 14). Aucune pièce du dossier ne fait ressortir de contestation de ces valeurs ou de contre-proposition de la part des assurés.
La compagnie, dans le même document, proposait une « indemnité différée » de 2.205.897,46 euros, laquelle correspondait au coût de la reconstruction.
Les époux X. n'ont pas formalisé de contre-proposition. Leur dossier ne fait apparaître aucune demande financière postérieure adressée à la compagnie, si ce n'est une prolongation du délai de deux par Mme X. le 16 novembre 2017 (pièce X. 39). Ils ont sollicité une expertise judiciaire pour faire chiffrer - à la hausse - le coût de la reconstruction et se sont polarisés sur cette demande, ce qui a empêché tout accord avec la compagnie, laquelle n'a réglé en effet à ce jour que la somme de 110.000 euros, avant la saisine du premier juge (conclusions X. page 15), et celle de 157.838 euros après le jugement (conclusions Axa page 6 et pièces Axa 15 et 16).
Il est de fait et non contesté qu'à ce jour, aucune reconstruction n'a été ni entreprise, ni démarrée, ni annoncée.
Aucune pièce, mandat donné à un architecte, demande d'acompte à la compagnie, courrier à la compagnie, ne permet de penser que cette reconstruction ait été envisagée par les époux X. Le premier juge qui a fait ce constat doit être approuvé, et la cour fait le même constat à hauteur d'appel avec plus de recul.
En particulier, la cour observe que le règlement de l'indemnité immédiate n'a même pas été demandé à titre d'acompte pour démarrer des travaux, ou même pour une ré-installation du commerce ailleurs.
La société Axa France a fait en cours de litige, selon courrier du 10 août 2020 (pièce Axa 2), après l'assignation du 16 avril 2019, outre une proposition de médiation, expressément refusée, la proposition de régler « 'les factures au fur et à mesure des étapes de la reconstruction, bien entendu sous réserve de la transmission des factures et dans le délai de deux ans à compter de la concrétisation de l'accord; celles-ci seraient alors réglées après vérification de l'expert d'AXA sous 30 jours, le cas échéant directement aux entreprises concernées ».
La compagnie acceptait donc de repousser le délai de deux ans et de régler au fur et à mesure.
L'argument des époux X. selon lequel ils ont été dans l'impossibilité de reconstruire est donc mal venu et doit être écarté.
La cour prend acte de ce que le litige, au titre du préjudice matériel, est donc tout entier centré sur la valeur de reconstruction, dite indemnité différée, même en l'absence de reconstruction. M. et Mme X. précisent bien en effet que dans un premier temps leur demande repose sur les termes des dispositions des conditions générales, qui sont mal interprétées par la société Axa France.
La cour se reporte au paragraphe concerné dans les conditions générales, page 42.
La clause indique à titre de « disposition générale » que « l'indemnité de dépréciation » du bien est « versée à l'issue des travaux ou après remplacement des objets, au vu des factures correspondantes acquittées, à condition que les travaux ou le remplacement interviennent dans le délai de deux ans suivant la date du sinistre ».
Ensuite la clause comporte des « dispositions propres aux locaux », ce qui concerne donc le litige, et distingue :
- « s'ils sont reconstruits ou réparés », auquel cas l'indemnité est déterminée sur la valeur de remplacement à neuf, vétusté à déduire ;
- « s'ils ne sont pas reconstruits ni réparés », auquel cas l'indemnité est déterminée en fonction de la valeur vénale.
La clause est claire et son sens est explicite. En l'absence de toute reconstruction - a fortiori de toute velléité de reconstruction -, seule la valeur vénale règle l'indemnisation du préjudice matériel.
La cour confirme l'interprétation donnée par le premier juge et son application.
Elle s'approprie également les motifs du premier juge selon lesquels la clause n'est ni une déchéance de garantie, explicite ou cachée - elle conditionne un niveau d'indemnisation -, ni une clause abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation qui créerait un déséquilibre significatif au détriment du consommateur.
La clause, dans le cadre d'une certaine liberté contractuelle, exprime le principe indemnitaire de l'article L. 121-1 du code des assurances, disposition d'ordre public qui dépasse l'intérêt des parties au litige en ce qu'elle vise à éviter les sinistres spéculatifs. Elle n'est en rien annulable.
A hauteur d'appel, les époux X. ne produisent pas plus d'exemple de jurisprudence ou d'avis doctrinal en leur sens.
Le jugement sera confirmé.
La demande visant à l'allocation de la somme de 1.072.267,93 euros « à titre d'indemnité immédiate non réglée à la suite du sinistre, en violation des garanties souscrites, avec intérêts au taux légal (...) avec application de la règle de l'anatocisme » perd également tout fondement, le jugement étant, en cela également, confirmé.
Le montant de l'indemnité de contenu n'est pas contesté, la somme sera incluse dans les comptes faits au terme de la motivation.
2. Sur le préjudice moral.
Celui-ci n'est évidemment pas inclus dans la garantie et ne pourrait relever que de la responsabilité contractuelle de l'assureur dans la mauvaise gestion du sinistre.
Les considérations faites au paragraphe précédent doivent conduire la cour à rejeter la demande faite au titre du préjudice moral, aussi élevée soit-elle.
L'assureur a fait son travail normalement. Il a dû attendre quelque peu l'avancement de l'enquête sur le caractère criminel de l'incendie, susceptible d'avoir une influence décisive sur la garantie ; il a payé directement l'entreprise de nettoyage, a été l'objet du recours du prêteur de deniers, la BNP Paribas, a fait chiffrer la reconstruction et a fait des offres en conformité avec les clauses du contrat.
Il n'y a pas de responsabilité contractuelle à retenir à son encontre.
Le même raisonnement vaut pour la demande de 212.000 euros au titre d'un préjudice financier issu de l'obligation 'de céder à vil prix plusieurs appartements', référence étant faite à la seule pièce 26, où un agent immobilier évoque, sans autre précision, une vente plus rapide de trois lots de copropriété.
Le jugement sera confirmé sur ces deux points.
3. Sur le préjudice d'exploitation.
Les époux X. n'ont pas repris leur activité de restauration-hôtellerie, ce n'est pas contesté.
Ils sollicitent la somme de 495.972 euros, à parfaire, puisqu'ils n'ont pas pu reprendre leur activité hôtelière, au titre de l'indemnité pour pertes d'exploitation prévue aux pages 20 et 21 des conditions générales du contrat.
La société Axa France estime ne pas avoir de sommes à verser à ce titre au regard des dispositions des conditions générales, lesquelles sont pages 20 à 22.
Il est stipulé page 22 une exception à l'indemnisation des pertes d'exploitation en cas de « cessation d'activité » :
« Si vous ne reprenez pas l'activité professionnelle garantie, nous ne devons aucune indemnité (au titre de cette activité), puisqu'il ne s'agit plus d'une interruption ou d'une réduction temporaire mais d'une cessation d'activité » (« Cependant... » non concerné par le litige).
La clause précise que « la ré-installation à une autre adresse » est une cessation d'activité sauf « impossibilité absolue et définitive de reprendre l'activité à l'adresse d'origine ».
La clause est sévère en cas d'incendie ou de destruction de bien immobilier, certes, mais elle ne va pas jusqu'à supprimer l'indemnisation du risque garanti aux conditions particulières, ni à créer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties.
De même que pour la question de la valeur de reconstruction, les époux X. ne produisent pas d'exemple de décision de justice ou d'avis doctrinal en faveur de leur thèse.
Aucune pièce du dossier des époux X. ne laisse percer la volonté de reprendre leur activité de restauration-hôtellerie, soit à la suite d'une reconstruction, soit dans une nouvelle installation.
Le premier juge, qui a écarté la demande des époux X., doit être approuvé et le jugement sera confirmé.
4. Sur le préjudice tiré de la perte de paiement de loyers par la Sarl à M. et Mme X.
Le bail conclu entre M. et Mme X. et la Sarl est produit aux débats, pièce 20. Le fondement juridique de la demande, exprimée page 31 des conclusions, n'est pas explicité. Elle pourrait suivre le cas échéant le sort des pertes d'exploitation (pertes de revenu), auquel cas il conviendrait de la rejeter avec elles.
Par ailleurs, il a été vu au point 1 du présent arrêt que la société Axa France, notamment du fait de ses propositions et en l'absence de demande ou de contre-proposition des assurés, n'avait pas de responsabilité particulière dans sa gestion du sinistre. La responsabilité contractuelle de la compagnie n'a pas à être mise en cause.
Le jugement sera confirmé.
5. Sur l'indemnité de licenciement du cuisinier.
Il est constant que la Sarl Le Rond d'Orléans employait un seul salarié en la personne de M. Z., cuisinier, et que celui-ci a été licencié et indemnisé à hauteur de 2.276,65 euros selon solde de tout compte, daté du 9 février 2016.
La disposition contractuelle, § 2.3., page 23, est claire, le licenciement n'est indemnisé que s'il est « la suite de la cessation totale et définitive des activités déclarées, suite au décès ou à l'invalidité permanente totale, toute causes du chef d'entreprise ».
La clause relative aux dommages assurés en cas d'incendie, § 1.4, page 6, citant les frais de démolition, de déblai et « les frais consécutifs », définis page 59, ne permet pas de rattraper la non-indemnisation de ce dommage.
Le jugement sera infirmé sur ce point précis.
6. Sur la demande faite au titre des « frais divers ».
Le détail des frais dont le remboursement est sollicité, en effet forts divers, est donné pièce 27, diagnostic amiante (…), frais bancaires (…), etc.
La clause relative aux dommages assurés en cas d'incendie, § 1.4, page 6, cite les frais de démolition, de déblai et 'les frais consécutifs' au sinistre, définis, page 59, comme consécutifs aux besoins de préserver les biens épargnés (garde-meubles) ou de reconstruire (frais d'architecte, etc.) ; elle ne permet pas d'indemniser ces dépenses hétéroclites.
Le jugement sera confirmé.
L'expertise judiciaire n'avait rien de nécessaire et les frais en resteront à la charge des assurés.
7. Sur les comptes à faire entre les parties.
Il est donc dû par la société Axa France : 275.000 + 70.514 = 345.514 euros.
La cour se reporte au décompte fait page 7 des conclusions de la société Axa France.
La compagnie déduit une somme de 52.891,10 euros au titre d'une « réduction proportionnelle de prime », déduction contestée, sans s'en expliquer. La somme sera maintenue au crédit du compte. La franchise, 279,50 euros n'est pas contestée.
Les frais de conservation, 7.093,30 euros, ont été payés directement, ils ne seront pas inclus au compte.
La compagnie a payé 110.000 et 157.838 euros = 267.838 euros sur l'opposition de la BNP, qui sont donc à déduire.
Soit 275.000 + 70.514 = 345.514 - 267.838 - 279,50 = 77.395,50 euros.
En matière d'indemnité d'assurance, les intérêts de retard sont soumis aux dispositions des articles 1153 (ancien) ou 1231-6 (nouveau) du code civil. Ils seront donc accordés à compter de l'assignation, 16 avril 2019, avec anatocisme, lequel est demandé.
Compte-tenu des décisions prises par la cour, il conviendra de condamner M. et Mme X. aux dépens de première instance et d'appel et à une indemnité pour les frais irrépétibles exposés par l'assureur.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Laon le15 juin 2021 en ce qu'il a retenu un préjudice matériel à hauteur de 275.000 euros, un préjudice de contenu à hauteur de 70.514 euros,
Confirme le jugement en ce qu'il a écarté les demandes relatives à :
- la somme de 3.289.537,62 euros TTC, outre indexation, intérêts au taux légal et anatocisme au titre de l'indemnité de reconstruction (dite « différée ») selon les calculs faits par l'expert judiciaire M. V., dont la somme de 1.072.267,93 euros, outre indexation, intérêts au taux légal et anatocisme, « à titre d'indemnité immédiate non réglée »,
- la somme de 495.972 euros à parfaire, au titre de l'indemnité pour pertes d'exploitation, prévue aux pages 20 et 21 des conditions générales du contrat,
- la somme de 160.000 euros au titre des pertes locatives, à parfaire également, subies par la Sarl qui n'a pas encaissé de loyers sur toute cette période de blocage entretenu par la compagnie,
- la somme de 212.000 euros au titre d'un préjudice financier personnel car ils ont dû vendre des appartements à bas prix du fait du même blocage,
- la somme de 1.200.000 euros au titre de leur préjudice moral considérable, les atermoiements de la compagnie les ayant placés dans une situation inextricable et désespérée,
- la somme de 8 197,97 euros au titre de divers frais divers qu'ils ont exposés de par les lenteurs et carences de la compagnie, à laquelle il faudra ajouter le remboursement de leurs frais d'expertise assuré et ceux de l'expertise judiciaire.
Infirme le jugement en ce qu'il a inclus la somme de 2.276,65 euros au titre de l'indemnité de licenciement du cuisinier,
Statuant à nouveau,
Déboute M. et Mme Y. et X. de leur demande au titre de l'indemnité de licenciement du cuisinier,
Condamne la société Axa France à payer la somme de 77.395,50 euros en deniers ou quittances au titre du solde de l'indemnisation du sinistre, avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation du 16 avril 2019, avec anatocisme,
Condamne M. et Mme Y. et X. aux dépens de première instance et d'appel et à payer la somme de 3.000 euros à la société Axa France en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les deux instances.
LA GREFFIERE P/LE PRESIDENT EMPECHE