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CA METZ (1re ch. civ.), 21 mars 2024

Nature : Décision
Titre : CA METZ (1re ch. civ.), 21 mars 2024
Pays : France
Juridiction : Metz (CA), 1re ch.
Demande : 21/01616
Décision : 24/00081
Date : 21/03/2024
Nature de la décision : Avant dire droit
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 28/06/2021
Numéro de la décision : 81
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10801

CA METZ (1re ch. civ.), 21 mars 2024 : RG n° 21/01616 ; arrêt n° 24/00081

Publication : Judilibre ; JurisData n° 2024-004033

 

Extrait : « L'article R. 632-1 du code de la consommation dispose que : « Le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ». L'article L. 212-1 du code de la consommation dispose que : « […] ».

Le devis 250M0328.1, le seul encore en litige, contient en page 5 la stipulation contractuelle suivante : « les sens d'ouverture et les dimensions du devis ne sont pas contractuels, ils seront définis lors de la prise des mesures ». Les conditions générales de vente, également signées par Mme X. le 9 juin 2018, stipulent dans le paragraphe commande : « le client est engagé envers nous dès qu'il nous a adressé une commande ».

Ces clauses pourraient être analysées comme étant abusives, car après la signature par le client du devis qui tient lieu de bon de commande, le professionnel peut modifier unilatéralement les dimensions des fenêtres et le sens de leur ouverture à l'occasion de la prise de mesures, sans qu'il soit envisagé la possibilité pour le consommateur de résilier le contrat, notamment en cas de différence substantielle avec les mesures mentionnées au devis. Les parties seront invitées à faire toute observations utiles sur ce point. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE METZ

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 21 MARS 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/01616. Arrêt n° 24/00081. N° Portalis DBVS-V-B7F-FQ6A. Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THIONVILLE, décision attaquée en date du 14 Juin 2021, enregistrée sous le R.G. n° 19/00820.

 

APPELANTE :

Madame X.

[Adresse 1], [Localité 2], Représentée par Maître Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

 

INTIMÉE :

SA LUTZ & CIE

représentée par son représentant légal [Adresse 4], [Adresse 4], [Localité 3], Représentée par Maître Laure-Anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ

 

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 24 octobre 2023 tenue par Madame Laurence FOURNEL, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 21 mars 2024.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme FOURNEL, Conseillère, Mme BIRONNEAU, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire, Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Mme X. a entrepris des travaux de rénovation et d'extension de sa maison située [Adresse 1] (Moselle).

Elle a confié à la SA Lutz et Compagnie la pose de fenêtres et portes-fenêtres dans l'extension de la maison selon devis n°250M0328.1 du 22 mai 2018, ainsi que dans la maison déjà existante selon devis n°250M0328.2 du 22 mai 2018 et n°250M0450 du 11 juillet 2018.

Le montant total des travaux s'élevait à la somme de 17.639,66 euros TTC et Mme X. a réglé un acompte de 6.427 euros le 29 juin 2018.

Les travaux ont été effectués entre le 11 juillet et le 15 octobre 2018.

Les travaux réalisés en juillet 2018 selon devis n°250M0328.2 du 22 mai 2018 ont été réceptionnés sans réserve le 18 juillet 2018.

Par courrier du 17 octobre 2018, la SA Lutz a mis en demeure Mme X. de lui fixer une date de rendez-vous pour la dépose et la repose d'un châssis fixe et de lui régler sa facture récapitulative d'un montant de 11.212,66 euros.

Par courrier du 15 novembre 2018, Mme X. a mis en demeure la SA Lutz de procéder au changement de trois menuiseries dans l'extension de la maison.

Par acte d'huissier du 20 mai 2019, la SA Lutz a fait assigner Mme X. devant le tribunal de grande instance de Thionville à l'effet d'obtenir notamment la réception judiciaire des travaux et de condamner la demanderesse à lui payer la somme de 11.212,66 euros ainsi qu'à des dommages et intérêts.

Mme X. a constitué avocat et contesté les prétentions de la SA Lutz. Elle a notamment demandé, outre l'allocation de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, que la SA Lutz soit condamnée à procéder à la dépose des menuiseries existantes situées [Adresse 1] et à la pose des menuiseries commandées selon devis n°250M0328.1 et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir.

Par jugement du 14 juin 2021, le tribunal judiciaire de Thionville a :

- Prononcé la réception judiciaire des travaux du 15 octobre 2018 ;

- Condamné Mme X. à payer à la SA Lutz la somme de 11 212,66 euros TTC augmentée des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 15 mars 2019 ;

- Rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Lutz ;

- Rejeté les demandes reconventionnelles de Mme X. ;

- Rejeté pour le surplus les autres demandes des parties ;

- Condamné Mme X. à payer à la société Lutz la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Au visa des articles 1101 et 1103 du code civil, le tribunal a considéré que dans la mesure où Mme X. ne conteste pas la réalisation des prestations des devis n°250M0328.2 et n°250M0450, il y avait lieu de prononcer la réception judiciaire au 15 octobre 2018 des travaux du devis n°250M0450, les travaux du devis n°250M0328.2 étant déjà réceptionnés et de condamner Mme X. à payer à la SA Lutz la somme de 3 870,42 euros.

S'agissant du devis n°250M0328.1, le tribunal a retenu que la SA Lutz n'était pas liée par les cotes mentionnées sur ce devis, en raison de la stipulation contractuelle suivante : « les sens d'ouvertures et les dimensions du devis ne sont pas contractuels, ils seront définis lors de la prise de mesure ». Par ailleurs Mme X. a signé le plan remis par le métreur, plan sur lequel figuraient les cotes finales des ouvertures de l'extension.

Le premier juge en a déduit que la SA Lutz avait respecté ses engagements contractuels, qu'aucun défaut de conformité n'était caractérisé et que Mme X. n'était pas fondée à invoquer l'exception d'inexécution.

Il a donc prononcé la réception judiciaire de ces travaux et a condamné Mme X. à payer à la société demanderesse la somme de 7.342,24 euros de ce chef.

Enfin il a considéré qu'un abus pourrait être caractérisé s'agissant de la résistance de Mme X. mais que la SA Lutz ne démontre aucunement avoir subi un préjudice de ce fait.

Par déclaration d'appel du 28 juin 2021, Mme X. a interjeté appel du jugement aux fins d'annulation subsidiairement d'infirmation en ce qu'il a prononcé la réception judiciaire des travaux du 15 octobre 2018, l'a condamnée à payer à la SA Lutz la somme de 11 212,66 euros TTC augmentée des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 15 mars 2019, rejeté les demandes reconventionnelles de Mme X. en paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et en injonction à faire procéder à la dépose des menuiseries existantes situées [Adresse 1] et à la pose des menuiseries commandées selon devis n°250M0328.1 et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, en ce qu'il a condamné Mme X. à payer à la société Lutz la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 18 novembre 2021, le premier président a rejeté la demande de sursis à exécution provisoire présentée par Mme X.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 5 mai 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, Mme X. demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris du 14 juin 2021 en ce qu'il a prononcé la réception judiciaire au 15 octobre 2018 des travaux relatifs aux devis n°250M0328.1 et 250M0450, condamné Mme X. à payer à la SA Lutz la somme de 11.212,66 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2019, rejeté les demandes reconventionnelles de Mme X., condamné Mme X. aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau,

- débouter la société Lutz et Cie tendant à voir prononcer la réception judiciaire au 15 octobre 2018 des travaux relatifs au devis n°250M03281 ;

- débouter la société Lutz et Cie de sa demande en paiement d'une somme de 7.342,24 euros au titre des travaux du devis n°250M03281 ;

- condamner la SA Lutz et Cie à payer à Mme X. la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- ordonner la compensation entre cette créance de dommages et intérêts et la somme de 3.870,42 euros due par Mme X. à la SA Lutz au titre des travaux du devis n° 250M0450 ;

Subsidiairement,

- dire que Mme X. ne pourra être tenue au paiement de la somme de 7.342,24 euros qu'après dépose des menuiseries installées dans l'extension et repose de menuiseries conformes au devis n°250M0328.1 et réception des travaux ;

En tout état de cause,

- rejeter l'appel incident de la SA Lutz et Compagnie et le dire mal fondé ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SA Lutz et Compagnie de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamner la société Lutz et Compagnie en tous les frais et dépens de 1 ère instance et d'appel y compris ceux de la procédure de référé sursis ainsi qu'au paiement d'une somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Par conclusions déposées le 23 décembre 2021, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la SA Lutz et Compagnie demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la réception judiciaire des travaux en date du 15 octobre 2018 ;

- condamné Mme X. à payer à la société Lutz la somme de 11.212,66 euros TTC augmentée des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 15 mars 2019 ;

- rejeté les demandes reconventionnelles de Mme X. ;

- condamné Mme X. à payer à la société Lutz la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

- débouter Mme X. de ses demandes, fins, moyens et prétentions ;

Sur l'appel incident

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de la société Lutz au titre des dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau,

- condamner Mme X. à payer à la société Lutz la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause,

- condamner Mme X. à payer à la société Lutz la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers frais et dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'article R. 632-1 du code de la consommation dispose que : « Le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.

Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ».

L'article L. 212-1 du code de la consommation dispose que : « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission des clauses abusives, détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.

Un décret pris dans les mêmes conditions, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.

Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies ».

Le devis 250M0328.1, le seul encore en litige, contient en page 5 la stipulation contractuelle suivante : « les sens d'ouverture et les dimensions du devis ne sont pas contractuels, ils seront définis lors de la prise des mesures ».

Les conditions générales de vente, également signées par Mme X. le 9 juin 2018, stipulent dans le paragraphe commande : « le client est engagé envers nous dès qu'il nous a adressé une commande ».

Ces clauses pourraient être analysées comme étant abusives, car après la signature par le client du devis qui tient lieu de bon de commande, le professionnel peut modifier unilatéralement les dimensions des fenêtres et le sens de leur ouverture à l'occasion de la prise de mesures, sans qu'il soit envisagé la possibilité pour le consommateur de résilier le contrat, notamment en cas de différence substantielle avec les mesures mentionnées au devis.

Les parties seront invitées à faire toute observations utiles sur ce point.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, par arrêt avant dire droit,

Ordonne le rabat de l'ordonnance de clôture ;

Ordonne la réouverture des débats ;

Invite les parties à s'expliquer sur le caractère abusif au regard de l'article L. 212-1 du code de la consommation des clauses contractuelles suivantes :

« le client est engagé envers nous dès qu'il nous a adressé une commande » et « les sens d'ouverture et les dimensions du devis ne sont pas contractuels, ils seront définis lors de la prise des mesures » ;

Dit que l'affaire sera renvoyée à la mise en état du 13 juin 2024 ;

Réserve les demandes ainsi que les dépens.

La Greffière                          La Présidente de chambre