TI RAMBOUILLET, 11 mai 1999
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 119
TI RAMBOUILLET, 11 mai 1999 : RG n° 98/000296
(sur appel CA Versailles (1re ch. 2e sect.), 8 juin 2001 : RG n° 1999/05817 ; arrêt n° 433)
Extrait : « Attendu en l'espèce que sur le reçu remis aux époux J. Y. figure la mention suivante : « Clause de dédommagement forfaitaire en cas de perte ou de détérioration... La non-restitution ou la détérioration totale des clichés, films ou documents confiés donnera lieu à un dédommagement représenté par un film vierge et son traitement gratuit, ou par leur contre-valeur, au choix du client... Dans le cas de travaux ayant une importance exceptionnelle, il est recommandé d'en faire la déclaration lors de leur remise afin de faciliter une négociation de gré à gré. » ;
Attendu que les époux Y. ne contestent pas avoir été indemnisés par la Société CARREFOUR conformément aux stipulations contractuelles et ne pas avoir déclaré que les travaux remis, avaient une importance exceptionnelle ;
Attendu qu'ils ne justifient d'aucun dol de la part de la Société CARREFOUR ;
Attendu que le rapport contractuel liant le photographe qui reçoit de son client une pellicule photographique pour la développer lui-même ou par un sous-traitant ne constitue pas une vente mais s'analyse en un marché de travail à façon auquel ne s'appliquent pas les dispositions de l'article 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978 (Cour d'Appel de PARIS (8ème ch. B), 22 mai 1986) ; Attendu ainsi que la clause limitative de responsabilité susvisée n'est pas abusive ; qu'en conséquence les époux Y. seront déboutés de leur demande ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL D’INSTANCE DE RAMBOUILLET
JUGEMENT DU 11 MAI 1999
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 11-98-000296. Jugement n° 99/294. Jugement : contradictoire. À l'Audience publique du Tribunal d'Instance de RAMBOUILLET, tenue le 11 mai 1999 ; Sous la Présidence de Madame Sylvie GOSSENT, Juge au Tribunal de Grande Instance chargé du service du Tribunal d'Instance, assistée de Madame Maryline BLEUSE, Greffier ; Après débats à l'Audience publique du 10 novembre 1999, le Jugement suivant a été rendu ;
ENTRE :
Monsieur D. X., et
Madame A.-C. Y. épouse X.,
demeurant ensemble au [adresse], représentés tous deux par Maître BIZARD Marie Cécile, Avocat du Barreau de HAUTS DE SEINE, DEMANDEURS
ET :
Société CARREFOUR prise en son établissement de RAMBOUILLET
sis au Centre Commercial [adresse], représentée par Maître THIERY Laurent, Avocat du Barreau de PARIS, DÉFENDERESSE
ET ENCORE :
1°) - Monsieur J. Y., et
- Madame W. épouse Y.,
demeurant ensemble [adresse],
2°) - Monsieur G. X., et
- Madame V. épouse X.,
demeurant ensemble [adresse],
tous ensemble, représentés par Maître Marie Cécile BIZARD, Avocat du Barreau des Hauts de Seine, INTERVENANTS VOLONTAIRES
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Par acte du 7 mai 1998, Monsieur D. X. et Madame A.-C. Y. épouse X. assignaient régulièrement la Société CARREFOUR RAMBOUILLET.
Ils exposaient avoir déposé au développement au magasin CARREFOUR de RAMBOUILLET (78), onze pellicules photos relatives à leur mariage célébré le [date], qu'elles n'ont pu être retrouvées, ni au sein du magasin, ni auprès de la Société KODAK, sous-traitant, qu'une tentative de conciliation devant le conciliateur de RAMBOUILLET n'a pu aboutir, que la perte des pellicules leur cause un préjudice important eu égard au caractère exceptionnel de l'événement, qu'ils demandent la condamnation de la Société CARREFOUR à leur payer la somme de 30.000,00 Francs à titre de dommages et intérêts, avec exécution provisoire et 2.500,00 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Société CARREFOUR répondait que les demandeurs n'ont pas qualité de contractant, que seule Madame W. épouse Y. a déposé les pellicules photographiques à son nom et que leur demande est irrecevable. Elle ajoute que sa responsabilité quasi-délictuelle ne peut non plus être engagée, aucune faute par imprudence ou négligence ne pouvant lui être opposée, au sens de l'article 1383 du Code Civil, qu'elle a indemnisé son cocontractant. Elle rappelle que figure sur les reçus photographiques une clause de dédommagement forfaitaire en cas de perte ou détérioration, agréé par le Conseil National de la Consommation, que le seul dédommagement auquel pouvait prétendre Madame Y. se limitait au remplacement et au tirage de onze pellicules, soit 1.210,00 Francs, qu'elle lui a offert un dédommagement représentant plus de six fois celui auquel, elle pouvait prétendre, qu'elle n'a jamais déclaré que les pellicules appartenaient à un reporter photographe avant la saisine du Tribunal et qu'elle n'est pas fondée à demander une indemnisation non forfaitaire.
Les époux X. et Y., parents des demandeurs intervenaient volontairement dans la cause. Les époux X. exposaient subir un préjudice important du fait de la perte des photos de mariage de leur fils, n'ayant aucun souvenir photographique des mariés avec leur famille avant et pendant la cérémonie religieuse.
Sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil, ils demandent la condamnation de la Société CARREFOUR à leur verser la somme de 20.000,00 Francs en réparation de leur préjudice moral, avec exécution provisoire et 2.000,00 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
[minute page 3] Les époux Y. maintenaient que les photographies avaient bien été prises par Monsieur A., reporter-photographe et prétendaient que la clause limitative de responsabilité figurant sur le reçu est abusive. Ils fondent leur action sur la responsabilité contractuelle et demandent au Tribunal de :
- dire abusive la clause limitative de responsabilité figurant sur le reçu qui leur a été remis le 16 Juillet 1997 en échange de onze pellicules photos,
- condamner la Société CARREFOUR à leur verser la somme de 20.000,00 Francs à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- et 2.000,00 Francs en remboursement des honoraires payés à Monsieur A.,
avec exécution provisoire,
et 2.000,00 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Les époux X. D. et A.-C. née Y. répondaient à la Société CARREFOUR que leur demande est recevable et fondée sur l'article 1382 du Code Civil.
La Société CARREFOUR concluait à l'irrecevabilité des demandes et au débouté des Consorts Y. et X.
Reconventionnellement, elle demandait leur condamnation solidaire à lui payer 30.000,00 Francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 10.000,00 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI LE TRIBUNAL :
Vu les onze tickets attestant la remise des pellicules à la Société CARREFOUR, en vue de leur développement,
Vu les articles 1134, 1150, 1382 et 1383 du Code Civil,
I) SUR LA CLAUSE LIMITATIVE DE RESPONSABILITÉ :
Attendu qu'il sera donné acte aux époux Y. de leur intervention ;
[minute page 4] Attendu que le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est pas par son dol que l'obligation n'est pas exécutée ;
Attendu en l'espèce que sur le reçu remis aux époux J. Y. figure la mention suivante : « Clause de dédommagement forfaitaire en cas de perte ou de détérioration... La non-restitution ou la détérioration totale des clichés, films ou documents confiés donnera lieu à un dédommagement représenté par un film vierge et son traitement gratuit, ou par leur contre-valeur, au choix du client... Dans le cas de travaux ayant une importance exceptionnelle, il est recommandé d'en faire la déclaration lors de leur remise afin de faciliter une négociation de gré à gré. » ;
Attendu que les époux Y. ne contestent pas avoir été indemnisés par la Société CARREFOUR conformément aux stipulations contractuelles et ne pas avoir déclaré que les travaux remis, avaient une importance exceptionnelle ;
Attendu qu'ils ne justifient d'aucun dol de la part de la Société CARREFOUR ;
Attendu que le rapport contractuel liant le photographe qui reçoit de son client une pellicule photographique pour la développer lui-même ou par un sous-traitant ne constitue pas une vente mais s'analyse en un marché de travail à façon auquel ne s'appliquent pas les dispositions de l'article 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978 (Cour d'Appel de PARIS (8ème ch. Bè, 22 mai 1986) ;
Attendu ainsi que la clause limitative de responsabilité susvisée n'est pas abusive ; qu'en conséquence les époux Y. seront déboutés de leur demande ;
II) SUR LA RESPONSABILITÉ QUASI-DÉLICTUELLE DE LA SOCIÉTÉ CARREFOUR :
Attendu en application des articles 1382 et suivants du Code Civil que tout fait de celui qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ;
Attendu en l'espèce, que la Société CARREFOUR qui a accepté l'engagement de sa responsabilité contractuelle a reconnu, par son incapacité à restituer les films développés, avoir commis une faute ;
Attendu que cette même faute peut aussi exposer sa responsabilité quasi-délictuelle vis à vis des tiers au contrat ;
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier que la Société CARREFOUR qui a procédé à des retirages des photos du mariage au profit des époux Y. à titre de dommages et intérêts n'a pas contesté que ce mariage était bien l'objet des nombreuses pellicules qui lui avaient été confiées au développement ;
[minute page 5] Attendu en conséquence, qu'il existe bien un lien de causalité entre sa faute, la perte des films et le préjudice subi par les consorts X. ;
Attendu qu'ils sont recevables et fondés à demander réparation ;
Attendu s'agissant des photographies de leur mariage, que la Société CARREFOUR sera condamnée à payer aux époux D. X., la somme de 25.000,00 Francs à titre de dommages et intérêts, et aux époux G. X., leurs parents, la somme de 15.000,00 Francs ;
III) SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE :
Attendu que la demande reconventionnelle pour procédure abusive présentée par la Société CARREFOUR n'est pas fondée ; qu'elle en sera déboutée ;
Attendu que l'exécution provisoire paraît nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire ; qu'il convient de l'ordonner ;
Attendu que les époux Y. seront déboutés de leur demande présentée sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Attendu que la Société CARREFOUR sera condamnée à payer aux époux D. X. et G. X., par couple, la somme de 2.500,00 Francs, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Donne acte à Madame W. épouse Y., Monsieur J. Y., Madame V. épouse X. et Monsieur G. X., de leur intervention volontaire,
Déboute les époux Y. Jacques et [prénom] née COLLIBEAUX, de leur demande,
[minute page 6] Condamne la SA CARREFOUR à payer :
- aux époux X. D. et A.-C. née Y., la somme de VINGT CINQ MILLE FRANCS (25.000,00 Francs) à titre de dommages et intérêts,
- aux époux X. G. et [prénom] née V., la somme de QUINZE MILLE FRANCS (15.000,00 Francs) à titre de dommages et intérêts,
Ordonne l'exécution provisoire du présent Jugement,
Déboute la Société CARREFOUR de sa demande reconventionnelle,
Condamne la Société CARREFOUR à payer aux époux X. D. et A.-C. née Y., et aux époux X. G. et M.-M. née V., (par couple), la somme de DEUX MILLE CINQ CENTS FRANCS (2.500,00 Francs) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
et en tous dépens. Ainsi jugé et prononcé, à la date indiquée.
LE GREFFIER, LE JUGE
- 5802 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : principe
- 5805 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (4) - Loi n° 95-96 du 1er février 1995
- 6434 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Prestations de services - Photographie - Vidéos (2) - Description des clauses (droit antérieur au décret du 18 mars 2008)