TI LILLE, 23 mars 2009

CERCLAB - DOCUMENT N° 1265
TI LILLE, 23 mars 2009 : RG n° 09-000284 ; jugt n° 284/09
(sur appel CA Douai (8e ch. sect. 1), 27 mai 2010 : RG n° 09/03333)
Extrait : « Aux termes de l'article L. 141-4 du Code de la consommation, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.
Un découvert en compte se prolongeant plus de trois mois cesse d'être une simple tolérance ou une facilité de caisse pour constituer une ouverture de crédit soumise aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du Code de la Consommation. Dès lors, à l'expiration de ce délai de trois mois, l'établissement bancaire doit soumettre à son client une offre préalable de crédit respectant les conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 du Code de la Consommation ou une mise en demeure d'avoir à couvrir le solde débiteur suivie, si elle reste sans effet, d'une clôture du compte. A défaut, en vertu de l'article L. 311-33 de ce même code, le prêteur est déchu du droit aux intérêts, déchéance qui s'applique aux intérêts courus depuis la survenance du découvert et non simplement depuis l'expiation du délai de trois mois (avis de la Cour de cassation du 8 octobre 1993). »
2/ « En outre, le prêteur pourrait très facilement en justifier si l'offre préalable avait réellement été émise en double exemplaire, ainsi que le prévoit l'article L. 311-8 du Code de la consommation, et si ces deux originaux étaient réellement identiques, ainsi qu'il résulte tant du texte susvisé que de l'article 1325 du Code civil. A cet égard, il importe de rappeler qu'il appartient bien au prêteur, conformément à l'article 1315 du Code civil, de justifier de la régularité du bordereau de rétractation, qui doit comporter au recto et au verso les mentions requises par l'article R. 311-7 du Code de la consommation, en produisant son propre exemplaire. Il est bien évident que la reconnaissance de l'emprunteur quant à la détention d'un exemplaire de l'offre doté d'un bordereau détachable ne saurait démontrer la régularité dudit bordereau. En effet la reconnaissance ou l'aveu de l'emprunteur ne peut porter que sur un élément de fait et non sur un point de droit, ainsi qu'il résulte des articles 1354 et suivants du Code civil. Dès lors, cette reconnaissance ne peut constituer la preuve de l'existence d'un contrat ou de sa régularité. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE LILLE
JUGEMENT DU 23 MARS 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09-000284. Jugement n° 284/09.
DEMANDEURS :
Société La Caisse de CRÉDIT MUTUEL de LA MADELEINE
[adresse], représenté(e) par Maître SION Yves, avocat du barreau de LILLE
DÉFENDEURS :
Monsieur X.
[adresse], non comparant
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Lorraine BIGOT
Greffier : Dominique DEBRUYNE
DÉBATS : Audience publique du : 9 février 2009
JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, rendu le 23 mars 2009, par Lorraine DIGOT, Président, assisté de Dominique DEBRUYNE, Greffier, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 8 août 1997, Monsieur X. a ouvert un compte de dépôt auprès de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de LA MADELEINE (ci-après la Caisse).
En outre, suivant offre préalable, émise et acceptée le 24 février 2004, la Caisse lui a consenti un prêt personnel d'un montant de 12.200 euros, remboursable en 72 mensualités, incluant les intérêts au taux nominal annuel de 5,90 %.
Monsieur X. ayant cessé de rembourser les échéances convenues et son compte présentant un solde débiteur persistant, la Caisse lui a adressé, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 17 septembre 2008, une mise en demeure prononçant la déchéance du terme et la clôture du compte de dépôt rendant exigibles les sommes restant dues, en vain.
Par exploit d'huissier en date du 17 janvier 2009, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de LA MADELEINE a fait citer Monsieur X. à comparaître devant le Tribunal de céans pour obtenir sa condamnation, assortie de l'exécution provisoire, à lui payer les sommes suivantes :
* 120,47 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2008, au titre du solde débiteur du compte de dépôt,
* 5.963,63 euros avec intérêts au taux de 5,90 % l'an sur la somme de 5.231,28 euros à compter du 15 décembre 2008, au titre du solde du prêt,
* 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'audience du 9 février 2009, les parties sont invitées à s'expliquer sur deux moyens suivants relevés d'office :
* les sanctions encourues en l'absence d'émission d'une offre de crédit malgré la persistance d’un solde débiteur pendant plus de trois mois sur le compte de dépôt,
* les sanctions attachées à l'irrégularité de l'offre de prêt ne comportant pas de bordereau de rétractation.
La Caisse sollicite le bénéfice de son acte introductif d'instance faisant valoir qu'il n'y pas eu de solde débiteur pendant plus de trois mois sur le compte de dépôt et que :
* aucune disposition n'impose au prêteur de prouver la régularité du bordereau ni d'en remettre un double au juge ;
* aucune confusion ne doit être faite entre le bordereau de rétractation et le contrat, distincts l'un de l'autre, l'obligation de conserver autant d'exemplaires que de contrats ne concernant pas le bordereau de rétractation ;
* l'emprunteur a reconnu rester en possession d'un exemplaire de l'offre doté du bordereau de rétractation.
[minute page 3] Monsieur X., bien que régulièrement cité en l'étude, citation doublée d'une convocation par lettre simple, ne comparaît pas, n'est pas représenté et n'a pas fait connaître les motifs de son absence.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
En application des dispositions des articles 472 et 473 du Code de procédure civile, il sera statué sur le fond, en dépit de l'absence de comparution de Monsieur X. et sans qu'il y ait lieu à nouvelle citation, par un jugement qui eu égard au montant du litige sera réputé contradictoire et rendu en premier ressort.
Sur la recevabilité :
Il ressort des pièces produites aux débats, en particulier de l'offre préalable et des historiques de compte, que la présente action a été engagée avant l'expiration d'un délai de deux années à compter des premiers incidents de paiement non régularisés, conformément aux prescriptions de l'article L. 311-37 du Code de la consommation.
En conséquence, la Caisse sera dite recevable en ses demandes.
Sur le solde débiteur du compte de dépôt :
La requérante démontre l'existence de l'obligation dont elle se prévaut en produisant la convention de compte bancaire signée le 8 août 1997, un historique de compte, et une lettre de mise en demeure du 17 septembre 2008.
Aux termes de l'article L. 141-4 du Code de la consommation, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.
Un découvert en compte se prolongeant plus de trois mois cesse d'être une simple tolérance ou une facilité de caisse pour constituer une ouverture de crédit soumise aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du Code de la Consommation.
Dès lors, à l'expiration de ce délai de trois mois, l'établissement bancaire doit soumettre à son client une offre préalable de crédit respectant les conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 du Code de la Consommation ou une mise en demeure d'avoir à couvrir le solde débiteur suivie, si elle reste sans effet, d'une clôture du compte.
A défaut, en vertu de l'article L. 311-33 de ce même code, le prêteur est déchu du droit aux intérêts, déchéance qui s'applique aux intérêts courus depuis la survenance du découvert et non simplement depuis l'expiation du délai de trois mois (avis de la Cour de cassation du 8 octobre 1993).
En l'espèce, l'historique de compte fait apparaître un solde débiteur à compter du 3 avril 2008 qui s'est prolongé plus de trois mois et n'a pas cessé de s'aggraver jusqu'à la clôture du compte le 17 septembre 2008.
[minute page 4] Or, la Caisse ne justifie de l'existence d'aucune offre préalable de crédit dans les termes rappelés ci-dessus.
Les intérêts portés au débit du compte pour une somme totale de 12,77 euros seront donc déduits du solde.
En outre, le créancier ne saurait prétendre au paiement de frais et pénalités liés aux incidents de paiement et ce, en application des dispositions de l'article L. 311-32 du Code de la consommation, les frais faisant partie des indemnités et coûts non prévus par les articles L. 311-29 à L. 311-31, qui ne peuvent donc être mis à la charge du débiteur défaillant.
Ces frais représentent une somme totale de 110 euros.
Le solde réclamé étant de 120,47 euros, Monsieur X. n’est plus redevable d'aucune somme. En conséquence, la Caisse sera déboutée de la demande présentée à ce titre.
Sur le prêt personnel :
En application des dispositions de l'article L. 141-4 du Code de la consommation, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.
Or, aux termes de l'article L. 311-33 du Code de la consommation, le prêteur qui ne saisit pas l'emprunteur ou la caution d'une offre conforme aux dispositions d'ordre public des articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts.
L'article L. 311-34 du Code de la consommation incrimine le fait pour le prêteur d'omettre de « prévoir un formulaire détachable dans l'offre préalable » ce qui démontre bien que le bordereau détachable, qui selon l'article L. 311-15 est joint à l'offre préalable, fait bien partie intégrante de cet acte.
De surcroît, la présence du bordereau est exigée par les modèles-types d'offres préalables fixés par les articles R. 311-6 et R. 311-7 du Code de la consommation.
En outre, le prêteur pourrait très facilement en justifier si l'offre préalable avait réellement été émise en double exemplaire, ainsi que le prévoit l'article L. 311-8 du Code de la consommation, et si ces deux originaux étaient réellement identiques, ainsi qu'il résulte tant du texte susvisé que de l'article 1325 du Code civil.
A cet égard, il importe de rappeler qu'il appartient bien au prêteur, conformément à l'article 1315 du Code civil, de justifier de la régularité du bordereau de rétractation, qui doit comporter au recto et au verso les mentions requises par l'article R. 311-7 du Code de la consommation, en produisant son propre exemplaire.
Il est bien évident que la reconnaissance de l'emprunteur quant à la détention d'un exemplaire de l'offre doté d'un bordereau détachable ne saurait démontrer la régularité dudit bordereau.
[minute page 5] En effet la reconnaissance ou l'aveu de l'emprunteur ne peut porter que sur un élément de fait et non sur un point de droit, ainsi qu'il résulte des articles 1354 et suivants du Code civil.
Dès lors, cette reconnaissance ne peut constituer la preuve de l'existence d'un contrat ou de sa régularité.
Par ailleurs, le fait que l'emprunteur puisse se rétracter par tout moyen, y compris sur papier libre, n'a aucune incidence sur l'obligation pour le prêteur de remettre, avec l'offre préalable, un bordereau de rétractation régulier destiné à faciliter l'usage du délai de réflexion.
Enfin, le modèle-type de bordereau de rétractation fixé par l'article R. 311-7 du Code de la consommation impose la mention de la date d'expiration du délai de réflexion de l'offre.
A cet égard, le simple rappel des dispositions de l'article L. 311-15 du Code de la consommation est insuffisant puisqu'il ne permet pas à l'emprunteur de connaître les conditions de computation des délais, ni de prorogation lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé.
Ainsi, la seule indication du délai de sept jours peut induire l'emprunteur en erreur sur ses possibilités réelles d'exercice de la faculté de rétractation.
En l'espèce, l'offre produite aux débats ne comporte pas de bordereau de rétractation.
Ce défaut de régularité est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts, l'article L. 311-13 du Code de la consommation prévoyant que les modèles-types, dont le respect est sanctionné par l'article L. 311-33, sont établis par décret, à savoir les articles R. 311-6 et R. 311-7.
Cette déchéance du droit aux intérêts, destinée à assurer le respect des règles protectrices instaurées par les articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation en faveur de l'ensemble des consommateurs, n'est pas subordonnée à l'existence d'un préjudice quelconque ou d'un grief pour l'emprunteur.
Il s'ensuit que, conformément à l'article L. 311-33 du Code de la consommation, le débiteur n'est tenu qu'au remboursement du seul capital restant dû, après déduction des intérêts réglés à tort.
Cette limitation légale de la créance du prêteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de l'indemnité prévue par les articles L. 311-30 et D. 311-11 du Code de la consommation.
Dès lors, la créance de la Caisse s'établit comme suit :
* capital emprunté depuis l'origine : 12.200 euros
* sous déduction des versements : 9.111,52 euros
soit une somme totale de 3.088,48 euros au paiement de laquelle Monsieur X. sera condamné avec intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2009, date de l'assignation en l'absence de réception de la lettre de mise en demeure, conformément à l'article 1153 du Code civil.
[minute page 6] Sur les autres demandes
Les deux parties succombant partiellement à l'instance, chacune d'elles conservera la charge de ses dépens et frais irrépétibles.
Aucune circonstance particulière ne justifie le prononcé l'exécution provisoire.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition du jugement au Greffe à la date indiquée à l'issue des débats en audience publique en application de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, par jugement réputé contradictoire et rendu en premier ressort,
DIT la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de LA MADELEINE recevable en ses demandes ;
LA DÉBOUTE de ses demandes présentées au titre du solde débiteur du compte de dépôt ouvert le 8 août 1997 par Monsieur X. ;
CONDAMNE Monsieur X. à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de LA MADELEINE la somme de 3.088,48 euros (trois mille quatre vingt huit euros et quarante huit centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2009 et jusqu'à complet paiement ;
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.
Ainsi jugé et prononcé à LILLE, le 23 mars 2009, la minute étant signée par Mademoiselle DIGOT, Présidente, et Madame DEBRUYNE, Greffière, à laquelle cette minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
- 5716 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Loi du 3 janvier 2008
- 6083 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Permanence du Consentement - Consommateur - Droit de rétractation
- 6089 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions ne figurant pas sur l’écrit signé par le consommateur