CA PARIS (5e ch. sect. C), 5 juillet 1996
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1276
CA PARIS (5e ch. sect. C), 5 juillet 1996 : RG n° 95/023849
Publication : Juris-Data n° 022481
Extrait : « Considérant que ne peut être qualifiée de léonine la clause du contrat litigieux par laquelle Monsieur X. a renoncé au bénéfice de l'article 1724 du Code Civil [N.B. : 1721 ?] pour le cas où le matériel loué serait inutilisable ; qu'en effet, la renonciation à ce droit avait pour contrepartie la transmission donnée par avance au locataire du droit d'exercer les droits du bailleur à l'encontre du fournisseur d'un matériel défectueux ; qu'il n'y a donc aucun déséquilibre, le preneur conservant ainsi la possibilité de s'adresser à la venderesse aux fins de la résolution pour vices cachés ou nullité du contrat ; que d'ailleurs, les conséquences juridiques de cette résolution ont été normalement prévues par l'article 6 bis du contrat de location litigieux »
COUR D’APPEL DE PARIS
CINQUIÈME CHAMBRE SECTION C
ARRÊT DU 5 JUILLET 1996
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° Répertoire Général : 95-023849. Date de l’ordonnance de clôture : 31 mai 1996. Sur appel d’un jugement du TI de PARIS 4ème arrdt en date du 15 juin 1995 rendu par Mme Breneau.
PARTIES EN CAUSE :
1°) La Société SOCREA LOCATION, SA
ayant son siège [adresse], APPELANTE, Représentée par la SCP GAULTIER-KISTNER, Avoués, Assistée de Maître M. MOREAU, Avocat au barreau de Lyon
2°) Monsieur X.,
demeurant [adresse], INTIMÉ, Représenté par Maître BETTINGER, Avoué assisté de Maître A. LAUNIER, Avocat
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : Monsieur ROGNON, Président Madame CABAT, Conseiller Monsieur BETCH, Conseiller
GREFFIER : Madame BAUDUIN, ayant assisté aux débats,
DÉBATS : à l'audience publique du 4 juin 1996, tenue par Madame CABAT, Conseiller, chargée du rapport, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, conformément à l'article 786 du nouveau code de procédure civile, [minute page 2]
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé publiquement par Monsieur le Président ROGNON, qui a signé la minute avec Madame ARDES, Greffier, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La Cour statue sur l'appel formé par la SA SOCREA LOCATION à l'encontre d'un jugement prononcé le 15 juin 1995 par le Tribunal d'Instance du 4ème arrondissement de Paris qui a déclaré irrecevable sa demande formée contre Monsieur X. au motif que cette société demanderesse n'a pas comparu et n'a fait état d'aucun motif légitime de non comparution.
La Société SOCREA LOCATION, appelante, réclame le paiement de la somme de 24.475,81 Francs qui correspond selon elle, à l'exécution d'un contrat de location du 15 juin 1993 portant sur un matériel de télésurveillance choisi auprès d'un tiers, la Société CIPE.
Elle expose qu'elle demeure étrangère au non fonctionnement de ce matériel et que le non paiement de plusieurs loyers justifie, après infirmation du jugement entrepris, la condamnation de Monsieur X. au paiement de la somme susvisée avec intérêts au taux légal courus à compter du 8 décembre 1994, date de la mise en demeure, outre de celle de 5.000 Francs au titre de l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle sollicite en outre la condamnation de l'intimé à la restitution sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt, du matériel loué.
Monsieur X., intimé, conclut à la confirmation du jugement entrepris, subsidiairement, au rejet demandes en paiement formées à son encontre et sollicite reconventionnellement le prononcé de la nullité du bail « pour cause de contrat léonin, ou tous autres motifs éventuels » et la condamnation subséquente de la Société SOCREA LOCATION à lui rembourser « 13 mois de loyers, à raison de 646 Francs par mois, avec intérêts de droit à compter des versements ; subsidiairement, de reconnaître l’existence d’un manquement de la société bailleresse à son obligation de conseil et d'en tirer « toutes conséquences de droit au bénéfice de Monsieur X. » et enfin, de condamner la société appelante à lui régler la somme de 10.000 Francs au titre de ses frais irrépétibles ; à ces fins, il soutient que le matériel était défectueux et que les clauses du bail sont léonines ; en réponse à ces demandes, la Société SOCREA réclame l'application des articles 2-2, 3 bis, 4 bis, 5 et 6 du contrat en rappelant que le choix [minute page 3] du matériel appartient au seul locataire.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
1) Sur la fin de non recevoir admise par le Premier Juge :
Considérant que l'article 468 du nouveau code de procédure civile appliqué par le Tribunal d'Instance est une règle de portée générale concernant non seulement les procédures avec représentation obligatoire mais encore celles sans représentation obligatoire, ce comme l'indique expressément l'article 467 du nouveau code de procédure civile ; qu'il s'applique donc lorsque, comme en l'espèce, le demandeur s'est abstenu, sans motif légitime, de comparaître, les modes de comparution étant définis selon les modalités propres à la juridiction saisie ;
Considérant que ce texte vise donc le cas où celui à la requête duquel a été lancée l'assignation, ne se présente pas pour développer oralement ses demandes ; qu'en un tel cas, le juge a plusieurs possibilités lesquelles sont fonction notamment de ce que requiert le défendeur ; qu'en l'espèce, ce dernier a utilisé le droit de requérir un jugement sur le fond expressément prévu par le texte susvisé ;
Considérant que si le Premier Juge a, à bon droit, admis que cette faculté s'étendait aux fins de non recevoir que le défendeur soulevait devant lui, il a néanmoins accueilli è tort la fin de non recevoir portant sur la demande elle-même ; qu'en effet, aucune irrecevabilité ne peut être tirée du fait qu'en infraction à l'article 843 du nouveau code de procédure civile, la Société SOCREA LOCATION n'a pas présentée sa demande oralement dès lors que l'article 648 du nouveau code de procédure civile de portée générale, définit les règles de procédure régissant la non comparution du demandeur ; qu'il y a donc lieu d'infirmer la décision de ce chef, la caducité de la citation n'ayant pas été demandée ; qu'il appartenait ainsi au Premier Juge de statuer sur le fond du litige ;
Considérant que le pouvoir dévolutif de l'appel permet à la Cour de statuer de ce chef ;
[minute page 4]
2) Sur le fond du litige :
Considérant que ne peut être qualifiée de léonine la clause du contrat litigieux par laquelle Monsieur X. a renoncé au bénéfice de l'article 1724 du Code Civil [N.B. : 1721 ?] pour le cas où le matériel loué serait inutilisable ; qu'en effet, la renonciation à ce droit avait pour contrepartie la transmission donnée par avance au locataire du droit d'exercer les droits du bailleur à l'encontre du fournisseur d'un matériel défectueux ; qu'il n'y a donc aucun déséquilibre, le preneur conservant ainsi la possibilité de s'adresser à la venderesse aux fins de la résolution pour vices cachés ou nullité du contrat ; que d'ailleurs, les conséquences juridiques de cette résolution ont été normalement prévues par l'article 6 bis du contrat de location litigieux ;
Considérant que cette clause ne sera néanmoins pas appliquée en l'espèce, le preneur n'ayant pas exercé contre la CIPE, l'action en résolution ; qu'il y a donc lieu de s'en tenir à l'exécution du contrat de location qui exclut expressément toute possibilité pour le preneur de se prévaloir du non fonctionnement du matériel, afin de cesser le versement des loyers mensuels comme il le fit avant que le 8 décembre 1994, la Société SOCREA LOCATION ne lui notifie normalement la résiliation du contrat en lui réclamant le paiement de la somme de 24.475,81 Francs dont le détail fourni par la bailleresse ne fait l'objet d'aucune critique ;
Considérant qu'aucune responsabilité contractuelle de la bailleresse ne peut davantage être recherchée au titre d'un manquement à l'obligation de conseil ; qu’en effet, la Société SOCREA LOCATION n’avait pas en sa qualité de « loueur professionnel » l’obligation de conseiller à Monsieur X. de souscrire une assurance destinée à la couverture des loyers en cas de non fonctionnement du matériel de télé-alarme, ladite obligation ne résultant d'aucun texte et n'étant d'ailleurs utile que pour le cas où le preneur aurait été privé de tout recours contre le vendeur, ce qui ne correspond pas à l’espèce ; qu'elle n'avait pas davantage et ce pour les mêmes motifs, l'obligation de s'enquérir par avance de la qualité du matériel que pouvait choisir Monsieur X. ;
Considérant qu'il échet en conséquence de débouter ce dernier de ses demandes en remboursement et de le condamner au paiement réclamé en conformité aux clauses contractuelles, ainsi qu'à la restitution du matériel, ce sans assortir cette dernière disposition d'une astreinte ;
Considérant que Monsieur X., qui succombe et [minute page 5] qui sera condamné aux dépens, ne peut utilement prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Considérant que l'équité ne commande pas pour autant de faire au profit de l'appelante une application de ce texte ;
Considérant qu'à la date de la demande de capitalisation du 26 janvier 1996 portant sur les intérêts courus à compter de la mise en demeure du 8 décembre 1994, plus d'une année s'était écoulée depuis l'envoi de la lettre recommandée ; qu'il est donc nécessaire d'accueillir cette demande, les conditions d'application de l'article 1154 du Code Civil étant remplies ;
Dit que les intérêts ainsi courus et arrêtés au 26 janvier 1996, porteront eux-mêmes intérêts au taux légal à compter de cette dernière date ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Infirme en toutes ses dispositions la décision déférée ;
Et statuant de nouveau :
Condamne Monsieur X. à payer à la Société SOCREA LOCATION la somme de 24.475,81 Francs avec intérêts au taux légal courus à compter du 8 décembre 1994 ;
Condamne Monsieur X. à restituer à la Société SOCREA LOCATION, le matériel, objet de la location ;
Déboute les parties de leurs demandes incompatibles avec la motivation ci-dessus retenue, en ce comprises celles formées sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne Monsieur X. aux dépens de première instance et d'appel, et admet pour ces derniers la SCP GAULTIER-KISTNER, titulaire d'un Office d'Avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
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