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CA PARIS (5e ch. sect. A), 17 avril 1996

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (5e ch. sect. A), 17 avril 1996
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 5e ch. sect. A
Demande : 28249/94
Date : 17/04/1996
Nature de la décision : Réformation
Date de la demande : 3/11/1994
Décision antérieure : TGI PARIS (9e ch. 1re sect.), 31 mai 1994
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1282

CA PARIS (5e ch. sect. A), 17 avril 1996 : RG n° 28249/94

 

Extrait  : « Qu'ainsi contrairement à ce que soutient Madame Z. c'est à juste titre que Madame X. personne physique qui exploite un salon de coiffure sur les lieux duquel a été signé le contrat de fourniture de services lors de la visite effectuée par le représentant de l'entreprise Z., dont il importe peu qu'elle ait eu lieu à sa demande, excipe des dispositions de l'article L. 121.25 qui trouve à s'appliquer dès lors que la commande portait sur la fourniture d'une vitrine, prestation qui ne présente pas de rapport direct avec l'activité de coiffeuse par elle exercée ».             

 

COUR D’APPEL DE PARIS

CINQUIÈME CHAMBRE SECTION A

ARRÊT DU 17 AVRIL 1996

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 28249/94. Date de l’ordonnance de clôture : 21 février 1996.

PARTIES EN CAUSE :

- Madame X. née Y.

demeurant [adresse]. APPELANTE. Représentée par SCP GOIRAND AVOUÉS.

 

- Madame Z.

demeurant [adresse] exerçant sous l'enseigne : « Z. SEF DIFFUSION » ; INTIMÉE. Représentée par MAÎTRE BAUFUME AVOUÉ. Assistée de MAÎTRE ABBOU COHEN AVOCAT.

 

COMPOSITION DE LA COUR : lors du délibéré :

Président : Madame VIGNERON. Conseillers : Madame JAUBERT. Madame PERCHERON.

GREFFIER : Madame LEFEVRE,

DÉBATS : À l'audience publique du 26 février 1996 Madame PERCHERON CONSEILLER a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés. Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRÊT : contradictoire. Prononcé publiquement par Madame PERCHERON CONSEILLER, MADAME VIGNERON PRÉSIDENT a signé la minute avec Madame LEFEVRE GREFFIER.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Madame Y. veuve X. a, par déclarations remises au secrétariat-greffe les 3 novembre 1994 et 7 mars 1995, interjeté appel du jugement rendu le 31 mai 1994 par le Tribunal de Grande instance de Paris qui l'a déboutée de son opposition au commandement de payer à elle délivré le 13 janvier 1992 et condamnée aux dépens. Elle prie la Cour, réformant cette décision, de dire que la somme de 8.000 Francs dont le paiement est poursuivi en vertu d'une commande passée le 5 août 1991, à titre d'acompte, n'est pas dû et de condamner la société Z. et Madame Z. à lui payer les sommes de 8.000 Francs au titre de la restitution du montant du chèque remis le 5 août 1991 assortie des intérêts de droit à compter de l'acte introductif d'instance, 8.000 Francs titre de dommages et intérêts et 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Madame X. fait valoir au soutien de son appel que le document par elle signé le 5 août 1991 est soumis aux dispositions d'ordre public de l'article 121-25 du Code de la Consommation, qu'elle a usé dans le délai de la faculté de rétractation prévue par ce texte, et qu'elle se trouve en conséquence déliée de tout engagement envers l'entreprise Z.

Madame Z. exerçant sous l'enseigne Z. SEF DIFFUSION demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s'est constituée aux lieu et place de la « Société Z. SEF DIFFUSION » qui n'existe pas et conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de Madame X. à lui payer les sommes de 50.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 15.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Elle soutient que les dispositions légales visées par Madame X. sont inapplicables à l'espèce car cette dernière est un professionnel et n'a subi aucun démarchage, le représentant s'étant déplacé à sa demande, et sollicite l'application des conditions générales de vente figurant au verso de la commande et expressément approuvées par Madame X.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

- Sur la procédure :

Considérant qu'après avoir intimé le 3 novembre 1994 une « SARL Z. SEF DIFFUSION » qui a constitué avoué le 26 décembre 1994, Madame X. a intimé le 7 mars 1995 [minute page 3] Madame Z. exerçant sous l'enseigne Z. SEF DIFFUSION laquelle ayant conclu dès le 17 janvier 1995 en se constituant par là même, demande par conclusions signifiées le 22 décembre 1995 qu'il lui en soit donné acte, la « société Z. SEF DIFFUSION » n'ayant aucune existence légale ;

Qu'il y a lieu de donner l'acte requis et de constater la régularité de la procédure ;

 

- Sur le fond :

Considérant qu'il est constant que le mardi 6 août 1991 Madame X. qui exploite un salon de coiffure [adresse] a signé une « proposition de fournitures » qui lui était présentée par M. W. représentant de l'entreprise Z. qui était venu sur place à sa demande portant sur des travaux de dépose et enlèvement des façades existantes et fourniture et pose d'une nouvelle devanture pour un prix de 23.000 Francs HT ; que le jour même Madame X. a remis un chèque de 8.000 Francs daté du 30 octobre 1991 ; que dès le lendemain, 7 août 1991 Madame X. a écrit à l'entreprise Z. par lettre recommandée avec avis de réception pour annuler la commande signée la veille et solliciter la restitution du chèque qu'elle avait établi ; que cette demande a été rejetée par l'entreprise Z. qui écrivait le 9 septembre 1991 qu'elle présenterait à sa date le chèque du 8.000 Francs, ses conditions générales de vente prévoyant en cas d'annulation une indemnité équivalente au montant de l'acompte ;

Considérant que l'entreprise Z. a effectivement présenté le chèque le 30 octobre 1991 mais n'a pu en obtenir paiement en raison d'une insuffisance de provision ; qu'elle a fait signifier à Madame X. le 13 janvier 1992 un certificat de non-paiement d'un chèque avec commandement de payer, puis un procès-verbal de saisie-exécution le 19 février 1992, enfin une signification de vente le 22 juin 1992 ;

Que Madame X. a formé opposition au commandement par assignation du 27 février 1992 devant le juge des référés du Tribunal d'Instance du 9ème arrondissement de Paris, lequel s'est déclaré incompétent par ordonnance du 24 avril 1992 ; qu'elle a alors saisi le Tribunal de grande instance par acte d'huissier du 9 juillet 1992 ;

Considérant qu'en cause d'appel Madame X. se prévaut des dispositions de l'article L. 121-25 du Code de la Consommation qui donne au client la faculté de renoncer à sa commande ou à son engagement d'achat par lettre [minute page 4] recommandée avec accusé de réception dans les 7 jours suivants et réputé nulle et non avenue toute clause du contrat par laquelle le client abandonne son droit de renoncer à sa commande ou à son engagement d'achat ;

Considérant que Madame Z. soutient que ce texte ne peut bénéficier à Madame X., car la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile dont il est issu ne s'applique pas à des professionnels et il n'y a eu en l'espèce aucun démarchage puisque c'est Madame X. elle même qui a sollicité le déplacement de son représentant ;

Mais considérant qu'il résulte de l'article L. 121-21 qu'est soumis aux soumis aux dispositions de la section relative au démarchage, dont fait partie l'article L. 121-25 susvisé, quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail même à sa demande, afin de lui proposer la fourniture de services ; qu'aux termes de l'article L. 121-22 4°/ les prestations de services n'échappent à l'application de l'article L. 121-25 que si elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle et commerciale ou artisanale au de tout autre profession ;

Qu'ainsi contrairement à ce que soutient Madame Z. c'est à juste titre que Madame X. personne physique qui exploite un salon de coiffure sur les lieux duquel a été signé le contrat de fourniture de services lors de la visite effectuée par le représentant de l'entreprise Z., dont il importe peu qu'elle ait eu lieu à sa demande, excipe des dispositions de l'article L. 121.25 qui trouve à s'appliquer dès lors que la commande portait sur la fourniture d'une vitrine, prestation qui ne présente pas de rapport direct avec l'activité de coiffeuse par elle exercée ;

Que c'est dès lors fautivement que Madame Z. a cru pouvoir refuser l'annulation de commande sollicitée par Madame X. ainsi que la restitution du chèque, et engager au contraire des poursuites de vente pour en obtenir le paiement alors que non seulement le contrat signé par Madame X. était nul comme ne comportant pas les énonciations exigées par l'article L. 121-23 7°, mais les infractions commises exposaient Madame Z. aux sanctions pénales prévues par l'article L. 121-28 ;

Qu'il y a lieu en conséquence de recevoir Madame X. en son opposition à commandement et de condamner Madame Z. d'une part à restituer le chèque postal de 8.000 Francs daté du 30 octobre 1991 émis par Madame X. ou à défaut à lui [minute page 5] payer la somme de 8.000 Francs assortie des intérêts au taux légal à compter du débit de cette somme, sur justification par Madame X. de ce débit, d'autre part à lui payer la somme de 5.000 Francs à titre de dommages et intérêts ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame X. les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer ; qu'il y a lieu de condamner Madame Z. à lui payer la somme de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Constate que la « SARL Z. SEF DIFFUSION » n'a pas d'existence légale et que Madame Z., intimée, s'est régulièrement constituée ;

Réforme le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Reçoit Madame X. en son opposition à commandement,

Condamne Madame Z. à lui restituer le chèque postal d'un montant de 8.000 Francs daté du 30 octobre 1991 établi à l'ordre de « Société Z. » dans le mois de la signification du présent arrêt, et à défaut à lui payer la somme de 8.000 Francs assortie des intérêts au taux légal à compter du débit de cette somme, sur justification de ce débit par Madame X.

Condamne Madame Z. à payer à Madame X. la somme de 5.000 Francs à titre de dommages et intérêts et de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel. Accorde à la SCP GOIRAND le bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.