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TGI MARSEILLE (10e ch.), 9 novembre 1995

Nature : Décision
Titre : TGI MARSEILLE (10e ch.), 9 novembre 1995
Pays : France
Juridiction : TGI Marseille. 10e ch.
Demande : 13377/93
Date : 9/11/1995
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 2/12/1993
Décision antérieure : CA MONTPELLIER (1re ch. sect. AS), 2 mai 2005, CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch. civ.), 10 novembre 1999
Numéro de la décision : 924
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1353

TGI MARSEILLE (10e ch.), 9 novembre 1995 : RG n° 13377/93 ; jugement n° 924

(sur appel CA Aix-en-Provence (2e ch. civ.), 10 novembre 1999 : arrêt n° 604)

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MARSEILLE

DIXIÈME CHAMBRE

JUGEMENT DU 9 NOVEMBRE 1995

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13377/93. Jugement n° 924.

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS : Madame GAUDIN, Juge, Melle M. MATTEI, Greffier

A L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 14 septembre 1995 à l'issue de laquelle une date de délibéré a été indiquée 19 octobre 1995

PRONONCÉ A L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 9 NOVEMBRE 1995 APRÈS PROROGATION PAR :

Madame GAUDIN, Juge

Assistée de Melle A. TCHEUREKDJIAN, Greffier

NATURE DU JUGEMENT : Contradictoire et en premier ressort.

[minute page 2]

EN LA CAUSE DE :

Monsieur X.

le [date] à [ville], actuellement en invalidité, domicilié et demeurant [adresse], DEMANDEUR, AYANT pour Avocat Maître Pascale ALLOUCHE.

 

CONTRE :

1°) La Compagnie UNION & PHENIX ESPAGNOL,

dont le siège est [adresse], prise en la personne de son représentant légal,

2°) La Société GRANIER DÉMÉNAGEMENTS, SA

dont le siège est [adresse], prise en la personne de son représentant légal,

DÉFENDERESSES, AYANT pour Avocat la SCP BOLLET & Associés.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Monsieur X. a conclu, le 8 novembre 1991, un contrat de déménagement de meubles avec la Société GRANIER DÉMÉNAGEMENTS, après devis en date du même jour prévoyant les conditions dudit déménagement.

Monsieur X. a versé un chèque d'acompte de 5.000 Francs en date du 8 novembre 1991. Ledit déménagement a fait l'objet d'une déclaration de valeur pour 140.000 Francs dans le devis et dans la lettre de voiture de déménagement en date du 13 novembre 1991 signés par Monsieur X. le 21 novembre 1991 ? Monsieur X. a réglé le solde, soit la somme de 5.377 Francs le 21 novembre 1991. Les meubles ayant été placés en garde-meubles par la Société GRANIER DÉMÉNAGEMENTS, n'ont fait l'objet d'une première livraison que le 11 août 1992. Par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la Société GRANIER DÉMÉNAGEMENTS, Monsieur X. a adressé une réclamation le 14 août 1992 faisant état de manquants et d'avaries.

Un container ayant été égaré, une seconde livraison a été effectuée au domicile de Monsieur X. le 5 septembre 1992.

Le 27 septembre 1992, Monsieur X. a remis à la Société GRANIER DÉMÉNAGEMENTS deux inventaires de pertes et avaries.

Le 5 octobre 1992, la délégation régionale ROUGE CLARKSON SA a écrit à la Société GRANIER DÉMÉNAGEMENTS, en accusant réception de la déclaration de sinistre en date du 13 août 1992 et de l'ouverture d'un dossier et lui demandait de fournir des pièces pour traiter celui-ci.

[minute page 3] Par lettre en date du 20 octobre 1992, la délégation régionale ROUGE CLARKSON SA écrivait à Monsieur X. et l'informait de l'ouverture d'un dossier au titre du contrat garantissant la responsabilité contractuelle de déménageur de l'Entreprise GRANIER. Il lui était également demandé dans ladite correspondance d'adresser les factures d'achat d'origine de certains meubles.

Après un échange de courriers intervenu entre le conseil de Monsieur X. et la Société GRANIER DÉMÉNAGEMENTS et son assureur, par exploit d'huissier en date du 2 décembre 1993, Monsieur X. a assigné devant ce Tribunal la SA GRANIER DÉMÉNAGEMENTS et son assureur, la Compagnie UNION PHENIX ESPAGNOLE aux [fins ?] de s'entendre condamner ces dernières in solidum à lui payer la somme de 80.941,66 Francs avec intérêts de droit à compter du jour de la demande, outre une somme de 10.000 Francs pour résistance abusive et 10.000 en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, sous le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Monsieur X. a demandé le bénéfice de son exploit introductif d'instance. Il a fait valoir qu'il avait respecté les dispositions de l'article 105 du Code de Commerce en formulant une réclamation auprès des transports GRANIER pour leur faire part des avaries et des manquants dans le déménagement, et ce, le lendemain de la livraison, soit le 14 août 1992.

Il a ajouté que la déclaration de sinistre faite par les Établissements GRANIER auprès de leur assureur et invitant celui-ci à tout mettre en œuvre pour que le client soit indemnisé en vertu du contrat d'assurance, avait constitué une reconnaissance de responsabilité et avait interrompu la prescription annale édictée par l'article 108 du Code de Commerce.

Monsieur X. a précisé que le transporteur aurait dû lui remettre un certificat d'assurance au porteur, que tel n'avait pas été le cas qu'en outre, le chiffre de 140.000 Francs avancé par les transports GRANIER ne correspondait pas à la réalité du déménagement, que les effets transportés avaient une valeur largement supérieure à ce montant.

La Société GRANIER DÉMÉNAGEMENTS et son assureur, la Compagnie UNION PHENIX ESPAGNOLE ont conclu au débouté des demandes de Monsieur X. en faisant valoir que le contrat liant les parties est un contrat de déménagement régi par les articles 105 et 108 du Code de Commerce. Ils ont ajouté que Monsieur X. n'avait pas adressé de lettre de réserves suite à la dernière livraison en date du 4 septembre 1992 et ont revendiqué, en outre, le bénéfice de la prescription annale de l'article 108 du Code de Commerce. Ils ont contesté l'existence d'une reconnaissance de responsabilité de la part des transports GRANIER ou d'un engagement de ces derniers de réparer le préjudice.

Ils ont sollicité la condamnation reconventionnelle du demandeur à leur payer une somme de 5.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et sa condamnation aux entiers dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 4] SUR CE :

ATTENDU que Monsieur X. a confié à la Société GRANIER DÉMÉNAGEMENTS le déménagement de ses meubles de MADRID sur MARSEILLE suivant devis et contrat de déménagement signés le 8 novembre 1991.

ATTENDU que ledit devis prévoyait les conditions particulières d'exécution à savoir un déménagement par route pour 28 m3 de meubles, ledit mobilier ayant fait l'objet d'une déclaration de valeur de 140.000 Francs.

ATTENDU que, dès lors, Monsieur X., pour ce déménagement, n'a pas souscrit une assurance pour les marchandises transportées, dite « assurance facultés ». Que dès lors, la Société GRANIER DÉMÉNAGEMENTS n'avait pas à lui remettre un Certificat d'assurance au porteur pour les marchandises transportées.

ATTENDU qu'en considérant l'importance de la prestation « transport de meubles » par rapport à la prestation de garde-meubles, il convient de qualifier le contrat liant les parties de contrat de transport.

ATTENDU qu'en effet le déplacement du mobilier constitue, en l'espèce, l'essentiel de la prestation à fournir par les Établissements GRANIER à raison, notamment, de la part qu'il représentait dans le prix total facturé à Monsieur X. ; qu'en effet, les factures de garde-meubles versées au dossier s'élèvent à la somme de 1.679,66 Francs par trimestre, alors que le coût du déménagement s'élève à 10.377,50 Francs TTC.

ATTENDU que, dès lors, les articles 105 et 108 du Code de Commerce sont applicables, en l'espèce.

ATTENDU que, par la présente action, Monsieur X. entend engager la responsabilité contractuelle des transports GRANIER pour manquants et avaries dans le déménagement qu'il leur a confié.

ATTENDU qu'en vertu de l'article 105 du Code de Commerce, Monsieur X. devait adresser une protestation par lettre recommandée aux déménageurs, faisant état d'avaries ou de pertes dans les objets transportés et ce, dans les trois jours suivant la réception desdits objets.

ATTENDU qu'en l'espèce, l'expédition a été fractionnée en plusieurs envois, qu'il y a eu une première livraison d'une partie du mobilier en novembre 1991, puis une seconde livraison le 13 août 1992 et une dernière livraison le 4 septembre 1992.

ATTENDU que s'il est exact que Monsieur X. a adressé une lettre recommandée de réclamation en date du 14 août 1992, il n'a pas formulé de réserves suite à la dernière livraison du 4 septembre 1992.

[minute page 5] ATTENDU qu'il résulte des pièces versées au dossier que Monsieur X. a remis en mains propres à un préposé de la Société GRANIER DÉMÉNAGEMENTS le 7 septembre 1992 un inventaire chiffré de pertes et avaries affectant son mobilier.

ATTENDU qu'à considérer que cette remise d'inventaire vaut protestation au sens de l'article 105 du Code de Commerce, il n'en demeure pas moins que l'action en responsabilité contre le déménageur du chef du contrat de transport tombe sous le coup de l'article 108 du Code de Commerce ; qu'en effet ladite action pour avaries et pertes se prescrit dans le délai d'un an.

ATTENDU que le point de départ du délai de prescription est le jour de la dernière livraison, soit en l'espèce, le 4 septembre 1992.

ATTENDU que Monsieur X. devait intenter une action en responsabilité dans le délai d'un an à compter du 4 septembre 1992.

ATTENDU que tel n'a pas été le cas en l'espèce.

ATTENDU que, cependant, Monsieur X. fait état d'une interruption dudit délai de prescription par l'existence d'une reconnaissance de responsabilité de la part des transports GRANIER.

ATTENDU que Monsieur X. doit cependant établir une reconnaissance de responsabilité de la part des transports GRANIER.

ATTENDU que Monsieur X. déduit l'existence d'une reconnaissance de responsabilité des lettres adressées par la Compagnie d'Assurances aux transports GRANIER et à lui-même en octobre 1992.

ATTENDU que cependant, il a été jugé que l'annonce par un transporteur du fait qu'il transmettait le dossier à ses assureurs ne valait pas reconnaissance de responsabilité de sa part. Que, de même, l'annonce par la Compagnie d'Assurances de l'ouverture d'un dossier ne saurait valoir reconnaissance de responsabilité ni engagement de réparer le préjudice du demandeur.

ATTENDU que la lettre versée au dossier en date du 20 octobre 1992 émanant de la délégation régionale ROUGE CLARKSON dans laquelle il était réclamé des factures à Monsieur X. ne saurait valoir engagement d'indemnisation de la part de l'assureur. Que de même, il a été jugé que la demande par un transporteur d'un devis des réparations à effectuer ou des pertes et avaries en vue d'une indemnisation par son assureur ne constituait pas une reconnaissance de responsabilité.

Que dès lors, en l'espèce, Monsieur X. ne justifie pas d'une reconnaissance de son droit à réparation par le déménageur ou son assureur, de nature à interrompre ou à intervertir la prescription annale de l'article 108 du Code de Commerce.

[minute page 6] ATTENDU qu'en conséquence, Monsieur X. ayant engagé son action en justice le 2 décembre 1993, soit plus d'un an après la dernière livraison, il convient de dire et juger que ladite action était prescrite par application des dispositions de l'article 108 du Code de Commerce.

Qu'il y a lieu de le débouter de toutes ses demandes.

Que, cependant, il n'apparaît pas inéquitable de laisser supporter aux défenderesses les frais irrépétibles qu'elles ont dû exposer pour la présente procédure

Qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à leur profit

ATTENDU que Monsieur X., succombant en ses prétentions, sera condamné aux dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

DIT et JUGE prescrite l'action de Monsieur X.

LE DÉBOUTE de toutes ses demandes, fins et prétentions

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit des défenderesses.

CONDAMNE Monsieur X. aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP BOLLET.

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ EN AUDIENCE PUBLIQUE DE LA DIXIÈME CHAMBRE AU PALAIS DE JUSTICE DE MARSEILLE LE 9 NOVEMBRE 1995

LE GREFFIER                        LE PRÉSIDENT