CA COLMAR (1re ch. B), 25 février 2004
CERCLAB - DOCUMENT N° 1410
CA COLMAR (1re ch. B), 25 février 2004 : RG n° 02/02076
Publication : Juris-Data n° 243922
Extrait : « La clause litigieuse est inscrite en page 9 des conditions générales prévues par le Crédit Agricole Alsace Vosges pour les prêts établis conformément aux articles L. 312-1 à L. 313-16 et L. 331-1 à L. 331-8 du Code de la consommation. Elle est ainsi rédigée : « En cas de remboursement par anticipation de tout ou partie des prêts souscrits pour financer une opération immobilière déterminée l’emprunteur devra rembourser d’abord le prêt 0 % puis le (les) prêt(s) complémentaires (s). » » […] « En effet les époux X. ne précisent pas en quoi le fait d’éteindre prioritairement la dette qui était certes, pour eux, la moins onéreuse, introduirait un « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », alors que cette dette constituait sinon une charge pour le prêteur, tout au moins une opération qui n’entre pas dans le cadre habituel d’un établissement bancaire, auquel elle ne permet pas de réaliser des bénéfices. La circonstance que les avantages liés à ce type d’opération soient limités n’a pas pour effet de rendre ces restrictions abusives ou illicites, étant précisé que les réponses ministérielles ne constituent qu’un avis ou une interprétation et n’ont pas de valeur contraignante. »
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B
ARRÊT DU 25 FÉVRIER 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d’inscription au répertoire général : 1 B 02/02076. Décision déférée à la Cour : 16 avril 2002 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE STRASBOURG.
APPELANTS ET DEMANDEURS :
1) Monsieur X.,
2) Madame Y. épouse X.,
[adresse] Représentés par Maître Anne‑Marie BOUCON, Avocat à la Cour. Plaidant : Maître PIFFAUT, Avocat à STRASBOURG,
INTIMÉ ET DÉFENDEUR :
Le CRÉDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES venant aux droits de la CRCAM D’ALSACE,
ayant son siège social [adresse], prise en la personne de son représentant légal. Représenté par Maître Bernard WEMAERE, Avocat à la Cour,
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 8 janvier 2004, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme VIEILLEDENT, Conseiller, et M. DIE, Conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme GOYET, Président de chambre, Mme VIEILLEDENT, Conseiller, M. DIE, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme ARMSPACH‑SENGLE,
ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par Mme Marie-Louise GOYET, président - signé par Mme Marie-Louise GOYET, président et Mme Corinne ARMSPACH‑SENGLE, greffier présent au prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Fin 1997, les époux X. se sont adressés à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Haguenau-Centre pour financer l’acquisition d’un terrain et la construction d’une maison d’habitation à [ville].
Suivant offre du 30 décembre 1997, acceptée le 11 janvier 1998, la banque a proposé un prêt portant sur un capital de 799.310 francs se décomposant comme suit :
- prêt d’accession sociale (PAS) n° XX.801 de 689.310 francs remboursable sur 20 ans moyennant un taux effectif global de 6,71 % ;
- prêt à taux zéro n° XX.803 d’un montant de 110.000 francs.
Par acte authentique passé en l’étude de Maître Z., notaire à [ville], le 12 février 1998, les emprunteurs ont consenti une hypothèque sur leur immeuble en garantie du remboursement de ce prêt.
Les relations entre les parties se sont rapidement dégradées au point que les époux X. ont décidé de changer de banque et de transférer leurs comptes à la Caisse de Crédit Mutuel de Hoenheim
Par lettre du 12 novembre 1999, la caisse de Crédit Agricole a attiré l’attention des époux X. - dont elle avait appris qu’ils souhaitaient rembourser leur prêt XX.801 par anticipation - sur le fait qu’il était « impératif que votre prêt XX.803 à taux zéro soit également remboursé ».
Le 25 octobre 1999, l’agence de Haguenau de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel a établi un arrêté définitif du PAS, portant sur une somme de 708.738,20 francs, que :
- la Caisse de Crédit Mutuel a intégralement versée à l’agence de Haguenau, au titre du remboursement anticipé du prêt XX.801 ;
- l’agence de Haguenau du Crédit Agricole a prioritairement affectée au remboursement du prêt à taux zéro et pour le reste au remboursement du PAS, soit un solde de 105.164,05 francs restant dû sur ce prêt.
Les époux X. ont immédiatement protesté en faisant valoir que l’intégralité de la somme versée par la Caisse de Crédit Mutuel aurait dû être affectée au compte XX.801, « conformément à leurs instructions », à quoi le Crédit Agricole d’Alsace a répondu que le remboursement prioritaire du prêt à taux zéro était conforme à la convention conclue par les époux X.
Suivant acte signifié le 13 décembre 2000, M. X. et Mme X. née Y. ont fait assigner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d’Alsace à comparaître devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre civile, pour entendre :
- déclarer abusive, voire illicite la clause de remboursement anticipé du prêt à taux zéro ;
- condamner le Crédit Agricole d’Alsace à leur payer la somme de 83.711,17 francs avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 août 2000, au titre du préjudice matériel subi ;
- condamner le Crédit Agricole d’Alsace à payer la somme de 6.000 francs au titre du préjudice matériel pour les commissions indûment prélevées ;
- condamner le Crédit Agricole d’Alsace à payer aux époux X. la somme de 25.000 francs avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement à intervenir à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;
- de condamner le Crédit Agricole d’Alsace aux entiers frais et dépens ainsi qu’au paiement ‘une somme de 15.000 francs par application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le Crédit Agricole Alsace Vosges a conclu à l’irrecevabilité de la demande et à son absence de fondement, au débouté des demandeurs et à leur condamnation aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 12.000 francs à titre d’indemnité de procédure.
Par jugement prononcé le 16 avril 2002, le tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné le Crédit Agricole à payer aux époux X., les intérêts au taux légal calculés sur la somme de 152,45 €, du 18 février 1998 au 4 septembre 2000. Il a en revanche débouté les demandeurs pour le surplus de leurs prétentions. Il les a condamnés aux dépens et dit qu’il n’y avait pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le tribunal a en effet considéré que la clause du contrat qui autorisait la banque à rembourser prioritairement le prêt à taux zéro, en cas de remboursement anticipé :
- ne constituait pas nécessairement un obstacle à l’exercice de cette faculté ;
- n’était pas assimilable aux clauses abusives énoncées par l’article L. 132-1 du Code de la consommation ;
- avait été acceptée par les époux X. ;
en sorte qu’elle devait être considérée comme valable.
Il a estimé que les autres griefs des époux X. n’étaient pas établis et que la seule prétention susceptible d’être accueillie portait sur les intérêts de la somme que la banque avait remboursée avec deux ans de retard aux époux X. et qui correspondait à un trop perçu sur frais de dossier.
Suivant déclaration enregistrée au greffe le 2 mai 2002, M. X. et Mme X. née Y. ont interjeté appel de ce jugement.
En l’état de leurs conclusions récapitulatives déposées le 6 juin 2003, les appelants demandent à la cour :
- de déclarer l’appel recevable et fondé ;
- d’infirmer le jugement entrepris.
Et statuant à nouveau :
- de dire que la clause de remboursement prioritaire anticipé du prêt à taux zéro insérée au contrat de prêt liant les parties est illicite et abusive ;
- de prononcer en conséquence l’annulation de cette clause avec toutes les conséquences de droit ;
- de condamner le Crédit Agricole d’Alsace à payer aux époux X. les montants suivants :
* 12.761,68 € (83.711,17 francs) avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 août 2000 en réparation du préjudice matériel subi ;
* 914,69 € (6.000 francs) avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 août 2000 en réparation du préjudice matériel subi du fait de la perception indue de commissions d’intervention ;
* 3.811,22 € (25.000 francs) avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement à intervenir à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des agissements fautifs du Crédit Agricole d’Alsace ;
- de condamner le Crédit Agricole d’Alsace aux entiers frais et dépens et au paiement d’une somme de 2.300 € au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les époux X. font valoir que la clause de remboursement prioritaire du prêt à taux zéro en cas de remboursement anticipé limite « à l’évidence » la faculté accordée à l’emprunteur (voir article L. 313-21 du Code de la consommation), de rembourser par anticipation le prêt d’accession sociale : en effet l’emprunteur a intérêt à rembourser par priorité le prêt qui est pour lui le plus onéreux.
Dans la mesure où l’article L. 313-6 du Code de la consommation fait de l’article L. 313-21 du même code une disposition d’ordre public, toute stipulation contraire est nulle en sorte que le tribunal ne pouvait estimer qu’il s’agissait d’une « question de fait et d’espèce ».
Les appelants ajoutent que cette clause contrevient aux dispositions de l’article 132-1 du Code de la consommation qui déclare abusives les clauses ayant pour objet ou effet de « créer au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat ».
Or la faculté que s’accorde le prêteur, d’affecter le montant du remboursement à un prêt spécifique, met l’emprunteur dans une situation défavorable par rapport à lui. C’est d’ailleurs en ce sens que s’est prononcé le Ministre du Logement dans une réponse ministérielle du 22 novembre 1999.
De plus, la circonstance que la majorité des banques prévoient des clauses similaires dans leurs contrats ne constitue pas un argument pertinent.
Enfin, cette clause contrevient également aux dispositions de l’article 1256 du Code civil.
Contrairement à ce que soutient la banque, le remboursement anticipé du prêt à l’accession sociale n’entraîne aucun préjudice pour l’établissement financier car la subvention de l’Etat qu’il perçoit pour les prêts à taux zéro correspond au montant des intérêts qui sont en principe dus par le prêteur.
En second lieu, les appelants exposent que la clause opposée par le Crédit Agricole d’Alsace n’a pas été librement négociée et qu’ils en ignoraient même la teneur, que la banque ne pouvait affecter les fonds perçus sans l’accord des leurs propriétaires. Or les époux X. avaient clairement fait savoir au Crédit Agricole d’Alsace qu’ils souhaitaient rembourser en totalité le PAS, ce que l’intimé ne conteste pas. Dès lors, en ne respectant pas les instructions d’affectation de ses clients, le Crédit Agricole Alsace Vosges a engagé sa responsabilité à leur égard.
En troisième lieu, les époux X. reprochent à l’intimé de s’être immiscé dans la conduite de leurs affaires. Ils font valoir que le Crédit Agricole Alsace Vosges a systématiquement retardé le versement des fonds pour le paiement des factures, ce qui a généré d’importants frais (commissions d’intervention et frais pour rejet de chèque sans provision). Les appelants citent à titre d’exemple le déblocage des 5 % de solde du prêt qui devait être effectué à réception de la déclaration d’achèvement des travaux et qui n’a été fait qu’avec plusieurs mois de retard, ou encore le remboursement des 1.000 francs de trop perçu sur frais de dossier que les époux X. n’ont réussi à obtenir que deux ans après leur versement.
Ils relèvent encore que contrairement aux stipulations contractuelles, la banque a dénoncé un contrat d’ouverture de crédit de 5.000 francs, un jour après la date d’échéance (1er septembre 2000 au lieu du 31 août 2000) et réclament également réparation pour ce comportement fautif.
Suivant conclusions déposées le 6 janvier 2003, le Crédit Agricole Alsace Vosges (anciennement Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d’Alsace) demande à la cour :
- de rejeter l’appel ;
- de confirmer le jugement entrepris ;
- de condamner les appelants en tous les frais et dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 1.500 € en application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L’intimé rappelle en premier lieu que les conditions générales des prêts immobiliers figuraient parmi les pièces notifiées aux époux X., avec l’offre de prêt, pièces dont ils ont reconnu être restés en possession aux termes de leur lettre d’acceptation du 11 janvier 1998. Il en déduit la mauvaise foi des époux X. qui persistent à contester leur connaissance de la clause litigieuse.
S’agissant ensuite de la validité de la clause de remboursement prioritaire des prêts à taux zéro en cas de remboursement anticipé, le Crédit Agricole Alsace Vosges considère que la réponse du Ministre du Logement n’engage que son auteur et que ce raisonnement ajoute aux dispositions de l’article L. 312-21 du Code de la consommation. Le Crédit Agricole Alsace Vosges soutient en effet que l’autonomie de gestion des prêts à taux zéro par rapport aux autres prêts bancaires accordés pour le financement d’une même opération n’interdit pas de coordonner la gestion des différents concours mis en place. Le droit au remboursement anticipé n’est en rien contrarié par l’ordre des remboursements convenu entre les parties.
Le Crédit Agricole Alsace Vosges relève d’ailleurs que le contrat conclu par les époux X. avec la Caisse de Crédit Mutuel comporte une clause selon laquelle :
« Au cas où le contrat comporte plusieurs prêts, le prêteur se réserve d’affecter en priorité le montant du remboursement anticipé partiel ou total au prêt immobilier bénéficiant du taux le plus faible ».
Quant à l’article L. 312-1 du Code de la consommation, le Crédit Agricole Alsace Vosges conteste l’affirmation des appelants selon laquelle la clause litigieuse aurait pour effet de créer au détriment de l’emprunteur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, elle a, au contraire, pour objet de pallier le déséquilibre qui résulterait pour le prêteur d’un remboursement anticipé du ou des seuls prêts lui assurant une rémunération, la subvention versée par l’Etat ne faisant que compenser le coût de l’absence d’intérêts sur la base du taux de rendement des emprunts d’Etat.
Sur les fautes qui lui sont reprochées enfin, la banque rappelle qu’elle s’en est strictement tenue à l’application des conventions conclues avec les époux X.
Il affirme que contrairement à ce qui est soutenu par les appelants, les fonds ont été débloqués dans les meilleurs délais par rapport aux dates de présentation des factures par les emprunteurs. D’ailleurs, si les époux X. ont subi des « tensions de trésorerie » c’est en raison d’un dépassement de leur budget ou de dépenses mal budgétisées (comme l’achat d’une cuisine).
S’agissant du trop perçu pour frais de dossier, la banque fait observer que le tribunal en a tiré les conséquences en le condamnant au paiement des intérêts.
L’intimé considère que l’appel des époux X. est manifestement abusif et justifie que soient laissés à leur charge les frais irrépétibles découlant de la procédure d’appel.
Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées au dossier et les mémoires des parties auxquels la cour se réfère pour plus ample exposé de leurs moyens ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur la méconnaissance par les époux X. des clauses contractuelles :
Il suffit à ce stade de constater que les époux X. :
- ont paraphé toutes les pages des conditions générales dans lesquelles figure la clause litigieuse,
- ont en outre reconnu, en signant le 11 janvier 1998 la lettre d’acceptation du prêt, « rester en possession d’un exemplaire de cette offre qui comprend outre sa présentation, les conditions affectant le conclusion du contrat, un cahier de conditions générales (...) ».
Le moyen selon lequel la clause litigieuse n’aurait pas été portée à leur connaissance et ne leur serait dès lors pas opposable, n’est pas fondé.
Sur la licéité de la clause de remboursement prioritaire du prêt à taux zéro en cas de remboursement anticipé :
La clause litigieuse est inscrite en page 9 des conditions générales prévues par le Crédit Agricole Alsace Vosges pour les prêts établis conformément aux articles L. 312-1 à L. 313-16 et L. 331-1 à L. 331-8 du Code de la consommation. Elle est ainsi rédigée :
« En cas de remboursement par anticipation de tout ou partie des prêts souscrits pour financer une opération immobilière déterminée l’emprunteur devra rembourser d’abord le prêt 0 % puis le (les) prêt(s) complémentaires (s). »
Les époux X. soutiennent à tort que cette clause ferait obstacle à l’application des dispositions d’ordre public de l’article L. 312-21 du Code de la consommation selon lesquelles :
« L’emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, en partie ou en totalité, les prêts régis par les sections 1 à 3 du présent chapitre »
dans la mesure où la clause de remboursement prioritaire du prêt à taux zéro n’a pas pour effet de rendre le remboursement anticipé du prêt plus onéreux pour l’emprunteur, mais seulement de le priver de l’option qui aurait pu être pour lui la plus favorable sur le plan financier.
Cette clause ne peut pas non plus être qualifiée de « clause abusive » au sens de l’article L. 132 du Code de la consommation, définies comme celles qui ont « pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
En effet les époux X. ne précisent pas en quoi le fait d’éteindre prioritairement la dette qui était certes, pour eux, la moins onéreuse, introduirait un « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », alors que cette dette constituait sinon une charge pour le prêteur, tout au moins une opération qui n’entre pas dans le cadre habituel d’un établissement bancaire, auquel elle ne permet pas de réaliser des bénéfices.
La circonstance que les avantages liés à ce type d’opération soient limités n’a pas pour effet de rendre ces restrictions abusives ou illicites, étant précisé que les réponses ministérielles ne constituent qu’un avis ou une interprétation et n’ont pas de valeur contraignante.
Sur la responsabilité du Crédit Agricole Alsace Vosges :
Aux termes de l’article 1134 du Code civil « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
En revanche, les dispositions de l’article 1256 du Code civil aux termes desquelles : « Lorsque la quittance ne porte aucune imputation, le paiement doit être imputée sur la dette que le débiteur avait pour lors le plus d’intérêt d’acquitter entre celles qui sont pareillement échues (...) » sont supplétives de la volonté des parties.
Dès lors, en acceptant les conditions du prêt qui leur avait été proposé par le Crédit Agricole Alsace Vosges, sans émettre la moindre réserve lors de cette souscription, les époux X. ont nécessairement agréé la clause de remboursement prioritaire du prêt à taux zéro qui est énoncée sans ambiguïté dans ces conditions générales. Ils ne pouvaient en conséquence unilatéralement imposer à l’organisme prêteur, en cours d’exécution de contrat, un ordre de remboursement différent de celui qui avait initialement convenu, en sorte que les « instructions » qu’ils ont pu donner au Crédit Agricole Alsace Vosges, au mois d’octobre ou novembre 1999, n’avaient aucun caractère impératif pour cette agence bancaire.
De même, il ne peut être tiré aucune conséquence de l’envoi, par la caisse de Haguenau, du seul arrêté concernant le compte n° XX.801 (PAS), cette communication, qui a été faite sur demande des époux X., ne pouvant être interprétée comme une renonciation implicite de la banque, au remboursement prioritaire du prêt à taux zéro. L’agence de Haguenau a d’ailleurs rappelé à cette occasion aux emprunteurs l’obligation qui leur incombait de rembourser « également » le prêt n° XX.803 (voir lettre du 12 novembre 1999 : « A ce titre, nous vous confirmons qu’il est impératif que votre prêt n° XX.803 à taux zéro soit également remboursé. En effet ces prêts liés par le même objet vous ont été accordés par notre organisme dans le cadre d’un contrat qui stipule expressément qu’en cas de remboursement par anticipation de tout ou partie des prêts souscrits pour financer une opération immobilière déterminée, l’emprunteur devra rembourser d’abord le prêt 0 % puis le(s) prêt(s) complémentaire(s) »).
La simple mise en œuvre des clauses du contrat ne s’analyse pas comme une « ingérence dans la conduite des affaires du client de la banque » dès lors que la convention exprime l’accord de volonté des parties.
Les époux X. sont enfin mal venus d’affirmer que s’agissant d’un contrat d’adhésion, cette clause n’a pas été librement négociée – et ne leur serait donc pas opposable – alors que :
- avant de conclure, ils ont bénéficié d’un délai de réflexion qui a précisément pour objet de leur permettre d’étudier et d’apprécier la portée des engagements qu’ils s’apprêtaient à contracter ;
- ils n’ont jamais soutenu qu’ils avaient tenté de négocier cette clause ;
- l’opération financière en cause leur était globalement favorable.
Il en résulte que le moyen n’est pas fondé.
Sur les autres griefs évoqués par les époux X., il suffit de rappeler à la suite du premier juge, que :
- les emprunteurs, qui ont la charge de la preuve de la faute commise par la banque, ne démontrent ni que le Crédit Agricole Alsace Vosges aurait tardé à verser les fonds nécessaires au paiement des factures de travaux, ni que la situation de découvert quasi permanent dans lequel s’est trouvé leur compte au cours du premier trimestre 1999 serait imputable à la banque. Il doit d’ailleurs être relevé sur ce point que c’est seulement au mois d’août 2000, soit plus d’un an et demi après la fin des travaux, que les époux X. ont pour la première fois formulé ce reproche à la banque, et qu’ils ne justifient d’aucune lettre de rappel ou intervention auprès de l’agence bancaire en vue d’un déblocage plus rapide des fonds ;
- le préjudice résultant d’un trop perçu sur frais de dossier a été exactement apprécié par le premier juge ;
- aucun moyen nouveau ou pièce nouvelle n’est invoqué ou produit au soutien des prétentions relatives à la dénonciation tardive du contrat d’ouverture de crédit de 5.000 francs, que le premier juge a écartées pour des motifs pertinents qui ne sont d’ailleurs pas critiqués par les appelants.
Il y a donc lieu de débouter les époux X. de leur appel, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de condamner les appelants aux dépens de l’instance d’appel ainsi qu’au paiement d’une somme de 1.500 € en application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile .
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONSTATE que la recevabilité non plus que la régularité formelle de l’appel ne sont contestées ;
AU FOND :
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE M. X. et Mme X. née Y. aux dépens de l’instance d’appel, ainsi qu’au paiement de la somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) par application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Et le présent arrêt a été signé par Mme GOYET, Président, et par Mme ARMSPACH-SENGLE, Greffier présent au prononcé.
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