TGI NANCY (2e ch.), 22 juin 2000
CERCLAB - DOCUMENT N° 1456
TGI NANCY (2e ch.), 22 juin 2000 : RG n° 99/03975 ; jugement n° 667
(sur appel : CA NANCY 1re ch. civ. 4 avril 2006, RG n° 00/02328 ; arrêt n° 2495/03)
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 22 JUIN 2000
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R. G. n° 99/03975. Jugement n° 667. Codification 650 : demande de réparation contre les parents d’un mineur ou d’un majeur protégé.
DEMANDEURS :
- Nom et prénom ou dénomination :
GAEC DU CALMET
pris en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège. Représenté par Maîtres HOCQUET GASSE CARNEL, Avocats au Barreau de NANCY
- Nom et prénom ou dénomination :
Compagnie d'Assurance Groupe des Assurances Nationales (GAN),
prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège, Domicile ou siège social [adresse], Représenté par Maîtres HOCQUET GASSE CARNEL, avocats au Barreau de NANCY
DÉFENDEURS :
- Nom et prénom ou dénomination :
Monsieur X.
Domicile ou siège social : [adresse], NON REPRÉSENTÉ
- Nom et prénom ou dénomination :
Madame X.
Domicile ou siège social : [adresse], NON REPRÉSENTÉE
- [minute page 2] Nom et prénom ou dénomination :
Société Anonyme de Défense et Protection (SADA)
prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège, Domicile ou siège social [adresse], Représentée par Maître BAUMANN - BRUGEROLLE CHAUDEUR-DUGRAVOT, Avocats au Barreau de NANCY
- Nom et prénom ou dénomination :
Mme Y. en sa qualité de civilement responsable et d'administrateur de la personne de sa fille mineure Melle Z.,
Domicile ou siège social : [adresse], Représentée par Maître BOURGAUX Claude, Avocat au Barreau de NANCY
- Nom et prénom ou dénomination :
MATMUT
Domicile ou siège social [adresse], Représentée par Maître BOURGAUX Claude, Avocat au Barreau de NANCY
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Président : Monsieur Claude CRETON, siégeant en Juge Unique en application de l'article L. 311-10 du code de l'organisation judiciaire,
GREFFIER : Mademoiselle Ghislaine LACOUR,
MINISTÈRE PUBLIC : Auquel le dossier a été communiqué -/-
Représenté aux débats par -/‑
DÉBATS : à l'audience publique du 25 mai 2000, le Président a déclaré que le jugement serait rendu le 22 juin 2000,
JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Claude CRETON, et Mademoiselle LACOUR, Greffier, laquelle a assisté à son prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par actes des 9, 11 et 14 juin 1999, le GAEC du CALMET et le GAN ont fait citer M. et Mme X., personnellement et en tant que civilement responsable de leur fille Melle X., la société SADA, Mme Y. comme civilement responsable et administrateur de sa fille Melle Z. et la MATMUT ; ils sollicitent avec exécution provisoire que Melle X. et Melle Z. soient reconnues responsables de l'incendie ayant eu lieu le 11 août 97 dans la grange du GAEC du CALMET, la condamnation in solidum des requis à rembourser au GAN la somme de 1.142.636 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 97, date de la signature de la quittance subrogative et à payer au GAEC du CALMET la somme de 260.000 Francs pour perte d'exploitation avec intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 97, date du Procès-Verbal de dommage.
Ils demandent en outre la condamnation in solidum des requis à leur payer la somme de 7.000 Francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et leur condamnation sous la même solidarité aux dépens dont distraction au profit de la société HOCQUET GASSE CARNEL.
Le GAEC du CALMET et le GAN exposent que Melle X. et Melle Z. ont incendié un hangar agricole appartenant au GAEC du CALMET et que le dommage a été évalué à 1.402.636 Francs.
Les demandeurs précisent que l'assureur est subrogé dans les droits du GAEC à hauteur de 1.142.636 Francs et que le GAEC demande au titre de son préjudice d'exploitation la somme de 260.000 Francs.
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Par conclusions récapitulatives du 7 avril 2000, Mme Y. et la MATMUT concluent au débouté des demandes du GAEC du CALMET et du GAN et sollicitent leur condamnation aux dépens.
Elles font valoir que le GAEC du CALMET et le GAN ont attendu deux ans avant d'agir et que Melle Z. ne peut pas être considérée comme responsable, puisqu'il ressort des déclarations faites à la gendarmerie qu'elle n'a eu qu'un rôle passif.
Elles se fondent sur une décision de la Cour de Cassation du 3 février 93 pour dire qu'aucune faute en relation directe avec le dommage ne peut être reprochée à Melle Z.
Elles prétendent ensuite que la responsabilité de la mère et celle de son assureur ne peuvent être engagées pour cause de défaut de cohabitation au moment du sinistre et elles affirment que Melle Z., à la date de l'incendie, ne se trouvait pas chez elle mais chez les parents de Melle X.
A titre subsidiaire, elles considèrent que la demande d'intérêts moratoires depuis le 1er décembre 97 ou le 24 septembre 97 n'est pas fondée par application du principe édicté par l'article 1153-1 du Code Civil.
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[minute page 4] Par conclusions du 9 novembre 99, la SADA sollicite de dire que le GAEC du CALMET et le GAN sont mal fondés, de les débouter par conséquent de leurs demandes à son encontre, qu'il soit constater qu'elle a adressé une quittance de règlement de sinistre d'un montant de 219.030 Francs, correspondant à son plafond de garantie et qu'elle renouvelle cette offre qui doit être considérée comme satisfactoire.
Elle demande en outre la condamnation in solidum du GAEC du Calmet et du GAN à lui payer la somme de 3.000 Francs pour procédure abusive, la somme de 7.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et leur condamnation in solidum aux dépens dont distraction au profit de Maîtres BAUMANN BRUGEROLLE CHAUDEUR DUGRAVOT, SCP d'avocats.
Elle fait valoir qu'elle a observé les conventions inter-compagnie, qu'elle ne peut être tenue au-delà de ses obligations contractuelles et que le GAEC du CALMET et le GAN ont attendu plus d'un an avant d'agir.
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Par conclusions du 25 janvier 2000, le GAEC du CALMET et le GAN réitèrent leurs demandes introductives d'instance et rétorquent aux défendeurs qu'elles ont tenté un recours amiable qui a duré un an et demi.
Elles se réfèrent au Procès-Verbal de gendarmerie pour établir la responsabilité de Melle Z. et prétendent que cette dernière tenait le papier pendant que Melle X y mettait le feu. Elles contestent la référence à la décision du 3 février 93 par la mère de Melle Z., car dans ce cas un des enfants avaient allumé seul la paille.
Elles estiment que Mme Y. doit établir la non-cohabitation et que cette condition de cohabitation existe toujours dans le cas où l'enfant a passé quelques jours chez les parents de Melle X.
Bien que régulièrement convoqués, M. et Mme X. n'ont pas comparu et ne se sont pas faits représenter, il sera statué par conséquent par jugement réputé contradictoire.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Vus les Procès-Verbaux d'audition de Melle X et de Melle Z. du 17 août 97,
Attendu que les demandeurs se fondent sur l'article 1384 alinéas 4 et 7 du Code Civil pour réclamer le paiement du préjudice subi suite à l'incendie d'un hangar agricole appartenant au GAEC du Calmet,
Attendu que l'article 1384 alinéas 4 et 7 prévoit que les père et mère, en tant qu'ils exercent le droit de garde sont solidairement responsables du dommage causé par leur enfant mineur habitant avec eux, à moins de prouver un cas de force majeure ou une faute de la victime,
Attendu que cette responsabilité est une responsabilité de plein droit des parents servant à réparer un risque objectif attaché à l'activité des mineurs,
[minute page 5] Attendu que la victime doit rapporter la preuve d'un fait dommageable commis par l'enfant,
Attendu que dans le Procès-Verbal d'audition de la gendarmerie établi le 17 août 97 Melle X. déclare : « J'ai décidé de la brûler. J'ai dit mes intentions à Roseline. Elle était d'accord avec moi. »... « J'ai pris le Zippo que j'avais dans le sac et j'ai allumé la feuille de papier » ... « Je confirme que c'est moi qui aie allumé le Zippo, mais c'est Roseline qui tenait la feuille. »
Attendu d'autre part que Melle Z. reconnaît avoir participé à l'incendie : « Je vous dis tout de suite que c'est moi et Melle X. qui avons mis le feu à ce hangar accidentellement », qu'elle déclare ensuite « Melle X a pris la feuille de papier déjà déchirée auparavant puis a pris le Zippo et a enflammé cette feuille, pour ma part je ne disais rien à Melle X - je n'étais pas contre, ni pour brûler la feuille. »
Attendu que Melle Z. a pris directement part à l'acte ayant engendré l'incendie du hangar, en maintenant la feuille, qu'elle n'a pas eu qu'un comportement passif et qu'elle n'a pas protesté,
Attendu que son attitude doit être considérée comme une des causes du dommage occasionné au GAEC,
Attendu qu'il convient de déclarer que Melle X. et Melle Z. sont responsables de l'incendie ayant eu lieu le 11 août 97,
Attendu que Melle Z. se trouvait pour quelques jours du 9 août 97 au 13 août 97 chez les parents de Melle X, que la distance entre les deux habitations (Nancy et Lupcourt) ainsi que le nombre de jours du séjour ne suffisent pas à faire disparaître la condition de cohabitation,
Attendu que M. et Mme X., en tant que civilement responsables de leur fille de Melle X. et Mme Y., comme civilement responsable de Melle Z. seront reconnus responsables des dommages causés par leurs enfants,
Attendu que le montant du dommage a été évalué par le Cabinet d'Expertises A. à 1.402.636 Francs, que le GAN est subrogé dans les droits du GAEC du CALMET à hauteur de 1.142.636 Francs, qu'il reste à la charge du GAEC du CALMET un préjudice d'exploitation de 260.000 Francs,
Attendu que M. et Mme X., en tant que civilement responsables de leur fille Melle X, Mme Y., comme civilement responsable de sa fille Melle Z. et la MATMUT seront condamnés in solidum à payer la somme de 1.142.636 Francs au GAN et la somme de 260.000 Francs au GAEC du CALMET,
Attendu qu'il ressort de l'article 1153-1 que « la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement » et que « Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement »,
Attendu que les éléments fournis par les parties ne commandent pas de déroger au principe visé par l'article 1153-1 du Code civil et que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,
Attendu que par application de l'article L. 113-5 du Code des Assurances, l'assureur ne peut être tenu au-delà de son obligation contractuelle,
Attendu que la SADA renouvelle son offre de 219.030 Francs, correspondant au plafond de garantie compris dans le contrat signé par les époux X.,
Attendu que la SADA sera condamnée in solidum avec les autres requis à payer au GAEC du CALMET et au GAN, mais dans la limite de 219 030 Francs avec intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement,
Attendu que la SADA ne rapporte pas la preuve d'un préjudice autre que celui d'agir en justice, qu'elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts,
Attendu que la nature et l'ancienneté du litige commandent d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
Attendu que la SADA avait suivi les conventions de règlement inter-compagnie, que le GAEC du CALMET et le GAN seront condamnés in solidum à lui verser la somme de 3.000 Francs par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge du GAEC du CALMET et du GAN les autres frais irrépétibles d'instance, que M. et Mme X., Mme Y. et la MATMUT seront condamnés in solidum à lui payer la somme de 5.000 Francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Attendu que M. et Mme X., Mme Y. et la MATMUT seront condamnés in solidum aux dépens,
Attendu que le GREC du CALMET et le GAN seront condamnés in solidum à payer les dépens engagés par la SADA,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,
DÉCLARE Melle X. et Melle Z. responsables de l'incendie survenu le 11 août 97 dans le hangar agricole du GAEC du CALMET,
DÉCLARE M. et Mme X. civilement responsables de leur fille Melle X. et Mme Y. civilement responsable de sa fille Melle Z.,
CONDAMNE in solidum M. et Mme X., Mme Y., la compagnie MATMUT et la compagnie SADA, celle-ci dans la limite de 219.030 Francs, à payer à la [minute page 7] compagnie GAN la somme de 1.142.636 Francs, outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour,
CONDAMNE in solidum M. et Mme X., Mme Y., la compagnie MATMUT la somme de 260.000 Francs au GAEC du CALMET outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour,
DÉBOUTE la SADA de sa demande de dommages et intérêts,
ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement,
CONDAMNE in solidum M. et Mme X., Mme Y., la compagnie MATMUT à payer au GAEC du Calmet et à la compagnie GAN la somme de 5.000 Francs par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
CONDAMNE in solidum le GAEC du Calmet et le GAN à payer à la SADA la somme de 3.000 Francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
CONDAMNE in solidum M. et Mme X., Mme Y. et la MATMUT aux dépens dont distraction au profit de la société HOCQUET GASSE CARNEL, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile,
CONDAMNE in solidum le GAEC du Calmet et le GAN à payer les dépens engagés par la SADA, dont distraction au profit de Maîtres BAUMANN - BRUGEROLLE CHAUDEUR-DUGRAVOT, SCP d’avocats, conformément à l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
SIGNÉ : Le Greffier Le Président