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CA NANCY (1re ch. civ.), 4 avril 2006

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (1re ch. civ.), 4 avril 2006
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), 1re ch. civ.
Demande : 00/02328
Décision : 1147/06
Date : 4/04/2006
Nature de la décision : Infirmation
Date de la demande : 29/08/2000
Décision antérieure : TGI NANCY (2e ch.), 22 juin 2000
Numéro de la décision : 1147
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1527

CA NANCY (1re ch. civ.), 4 avril 2006 : RG n° 00/02328 ; arrêt n° 1147/06

 

Extrait : « La MATMUT, assureur responsabilité civile de Madame W., invoque la limitation de garantie contenue dans le contrat d'assurance multigaranties responsabilité civile - habitation souscrit par son assurée, à l'article 63. Cet article stipule : « lorsque la responsabilité de l'assuré se trouve engagée solidairement ou « in solidum », notre garantie est limitée à sa propre part de responsabilité dans ses rapports avec le ou les co-obligés ».

Une telle clause n'est pas relative à la nature ou la gravité de la faute commise par celui dont l'assuré est civilement responsable et se trouve dès lors opposable au tiers lésé, l’objet de ladite clause étant de limiter l'obligation de l'assureur à la prise en charge de la part contributive incombant à son assuré dans la réalisation du dommage.

Par conséquent, la décision querellée sera infirmée en ce qu'elle a condamné la MATMUT in solidum avec son assurée, Monsieur et Madame X. en leur assureur dans la limite de la garantie de ce dernier en ce qui concerne le GAN, à indemniser le GAN et le GAEC A. de la totalité des préjudices. Les deux fillettes ayant participé à part égale dans le déclenchement de l'incendie, leur responsabilité doit être partagée par moitié. La condamnation de la MATMUT ne pourra dès lors être retenue que dans la limite de la moitié des sommes mises à la charge des co-obligés. »

           

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

COUR D’APPEL DE NANCY

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 4 AVRIL 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : 00/02328. Arrêt n°1147/06 du 04 avril 2006. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de NANCY, RG n° 9903975, en date du 22 juin 2000,

 

APPELANTE :

MATMUT

représentée par son Président domicilié en cette qualité audit siège, dont le siège est [adresse], représentée par la SCP CHARDON - NAVREZ, avoués à la Cour, assistée de Maître Claude BOURGAUX, avocat au barreau de NANCY

 

INTIMÉS :

- GAEC A.

représenté par son Gérant pour ce domicilié audit siège, dont le siège est [adresse], représentée par Maître GRÉTÉRÉ, avoué à la Cour, assistée de Maître Bertrand GASSE, avocat au barreau de NANCY

- SA GAN ASSURANCES

représentée par son PDG pour ce domicilié audit siège, dont le siège est [adresse], représentée par Maître GRÉTÉRÉ, avoué à la Cour

- Monsieur X., pris tant à titre personnel qu'es qualité d'administrateur légal de la personne et des biens de sa fille mineure, Jennifer X.

demeurant [adresse], défaillant, n'ayant pas constitué avoué, régulièrement assigné à personne par acte du [date]

- Madame X. prise tant à titre personnel qu'es qualité d'administratrice légale de la personne et des biens de sa fille mineure Jennifer X.

demeurant [adresse], défaillante, n'ayant pas constitué avoué, régulièrement assignée à domicile par acte du [date], puis réassignée par acte du [date] (PV de recherches infructueuses article 659 NCPC)

- SA DE DÉFENSE ET DE PROTECTION (SADA)

représentée par son PDG pour ce domicilié audit siège, dont le siège est [adresse], représentée par la SCP BONET-LEINSTER-WISNIEWSKI, avoués à la Cour, assistée de Maître CHAUDEUR-COLIN, avocat au barreau de NANCY

- Madame Y. née W. prise tant à titre personnel qu'es qualité d'administratrice légale de la personne et des biens de sa fille mineure Roseline Z.

demeurant [adresse], défaillante, n'ayant pas constitué avoué, régulièrement assignée à mairie par acte du 20/09/01

- Mademoiselle Roselyne Z.

appelée en intervention, demeurant [adresse], défaillante, n'ayant pas constitué avoué, régulièrement assignée par acte du [date] (PV de recherches infructueuses article 659 NCPC)

[minute page 2]

- Mademoiselle Jennifer X.

appelée en intervention, demeurant [adresse], défaillante, n'ayant pas constitué avoué, régulièrement assignée par acte du [date] (PV de recherches infructueuses article 659 NCPC)

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 07 mars 2006, en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Guy DORY, Président de Chambre, Monsieur Gérard SCHAMBER, Conseiller, Madame Pascale TOMASINI, Conseiller, en son rapport, qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Laïla CHOUIEB ;

ARRÊT : par défaut, prononcé à l'audience publique du 04 avril 2006 date indiquée à l'issue des débats, par Monsieur DORY, Président, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Guy DORY, Président, et par Mademoiselle Laïla CHOUIEB , greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte des 9, 11 et 14 juin 1999, le GAEC A. et le GAN ont fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de NANCY Monsieur et Madame X., personnellement et en tant que civilement responsables de leur fille Jennifer, la société SADA leur assureur, Madame W. comme civilement responsable et administrateur de sa fille Roseline Z. et la MATMUT son assureur, pour voir, avec exécution provisoire, reconnaître la responsabilité de Jennifer X. et Roseline Z. dans l'incendie ayant eu lieu le 11 août 1997 dans la grange du GAEC A., condamner in solidum les requis à rembourser au GAN la somme de 1.142.636 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 1997, date de la signature de la quittance subrogative et à payer au GAEC A. la somme de 260.000 Francs pour perte d'exploitation avec intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 1997, date du procès-verbal de dommage, outre une indemnité de procédure de 7.000 Francs.

Les demandeurs ont exposé que Jennifer X. et Roseline Z. ont incendié un hangar agricole appartenant au GAEC A., que le dommage a été évalué à 1.402.636 Francs, que l'assureur est subrogé dans les droits du GAEC à hauteur de 1.142.636 Francs et que le GAEC demande au titre de son préjudice d'exploitation la somme de 260.000 Francs.

Madame W. et la MATMUT ont conclu au débouté des prétentions du GAEC A. et du GAN et à leur condamnation aux dépens.

Elles ont fait valoir que le GAEC et le GAN ont attendu deux ans avant d'agir, que Roseline Z. ne peut être considérée comme responsable puisqu'il ressort des déclarations faites à la gendarmerie qu'elle n'a eu qu'un rôle passif.

Elles ont prétendu que la responsabilité de la mère et celle de son assureur ne peuvent être engagées pour cause de défaut de cohabitation au moment du sinistre et ont affirmé que Roseline Z., à la date de l'incendie, ne se trouvait pas chez sa mère mais chez les parents de Jennifer.

[minute page 4] A titre subsidiaire, elles ont considéré que la demande d'intérêts moratoires n'est pas fondée par application du principe édicté par l'article 1153-1 du code civil.

La SADA a conclu au débouté des demandes, demandé qu'il soit constaté qu'elle a adressé une quittance de règlement de sinistre d'un montant de 219.030 Francs correspondant à son plafond de garantie, qu'elle renouvelle cette offre qui doit être considérée comme satisfactoire. Elle a réclamé 3.000 Francs pour procédure abusive outre 7.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle a fait valoir qu'elle a observé les conventions inter-compagnie, qu'elle ne peut être tenue au-delà de ses obligations contractuelles et que le GAEC A. et le GAN ont attendu plus d'un an avant d'agir.

Le GAEC A. et le GAN ont répliqué qu'ils ont tenté un recours amiable qui a duré un an et demi, que le procès-verbal de gendarmerie établit la responsabilité de Roseline Z. qui a prétendu avoir tenu le papier pendant que Jennifer y mettait le feu, que Madame W. doit établir la non cohabitation, qu'en l'espèce, la cohabitation existait dès lors que l'enfant a passé quelques jours chez les parents de Jennifer.

Par jugement réputé contradictoire en date du 22 juin 2000, Monsieur et Madame X. n'ayant pas comparu, le Tribunal de Grande Instance de NANCY a :

- déclaré Jennifer X. et Roseline Z. responsables de l'incendie survenu le 11 août 1997 dans le hangar agricole du GAEC A.,

- déclaré Monsieur et Madame X. civilement responsables de leur fille Jennifer et Madame W. civilement responsable de sa fille Roseline Z.,

- condamné in solidum Monsieur et Madame X., Madame W., la compagnie MATMUT et la compagnie SADA, celle-ci dans la limite de 219.030 Francs, à payer à la compagnie GAN la somme de 1.142.636 Francs outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné in solidum Monsieur et Madame X., Madame W., la compagnie MATMUT à payer la somme de 260.000 Francs au GAEC A. outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- débouté la SADA de sa demande de dommages-intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- [minute page 5] condamné in solidum Monsieur et Madame X., Madame W., la compagnie MATMUT à payer au GAEC A. et à la compagnie GAN la somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- condamné in solidum le GAEC A. et le GAN à payer à la SADA la somme de 3.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- condamné in solidum Monsieur et Madame X., Madame W., la compagnie MATMUT aux dépens,

- condamné in solidum le GAEC A. et le GAN à payer les dépens engagés par la SADA.

Le premier juge, en application de l'article 1384 alinéas 4 et 7 du code civil prévoyant une responsabilité de plein droit des parents servant à réparer un risque objectif attaché à l'activité des mineurs, et au vu des procès-verbaux d'audition de Jennifer X. et de Roseline Z. du 17 août 1997, a retenu que Roseline a pris directement part à l'acte ayant engendré l'incendie du hangar, en maintenant la feuille de papier que Jennifer enflammait, qu’elle n'a pas eu un comportement passif, qu’elle n'a pas protesté, que son attitude doit être considérée comme l’une des cause du dommage occasionné au GAEC, que les deux enfants doivent être déclarées responsables de l'incendie du GAEC A.

Il a par ailleurs relevé que le faible nombre de jours du séjour (du 9/8/1997 au 13/8/1997) de Roseline chez les parents de Jennifer ne suffit pas à faire disparaître la condition de cohabitation et a par conséquent retenu la responsabilité en tant que civilement responsable de Monsieur et Madame X. et de Madame W.

Le tribunal a rappelé qu'en application de l'article L. 113-5 du code des assurances, l'assureur ne peut être tenu au-delà de son obligation contractuelle, que la SADA ne peut être condamnée au-delà de son plafond de garantie de 219.030 Francs.

La MATMUT a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 29 août 2000 enregistrée au Greffe le même jour.

Dans ses dernières écritures signifiées et déposées le 19 juillet 2005, l'appelante a conclu à l'infirmation de la décision querellée. Elle demande à la Cour de :

- [minute page 6] dire et juger recevables et bien fondées les assignations en intervention forcée de Roseline Z. et Jennifer X., devenues majeures en cours de procédure,

- débouter le GAEC A. et le GAN ASSURANCES de toutes demandes dirigées à son encontre,

subsidiairement,

- constater qu'en application de l'article 63 des conditions générales du contrat d'assurance, sa garantie est limitée à la part propre de responsabilité de Roseline Z. dans ses rapports avec le GAEC A.,

- limiter sa condamnation à la somme de 87.096,87 € (571.318 Francs) à l'égard de la compagnie GAN et à la somme de 19.818,37 € (130.000 Francs) à l'égard du GAEC A., soit la moitié du dommage principal en tout état de cause,

- condamner le GAEC A. et le GAN in solidum à lui payer la somme de 1.524,90 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que les dépens d'instance et d'appel.

L'appelante maintient que la responsabilité de Roseline Z. n'est pas engagée, qu'il ressort de l'enquête que c'est Jennifer X. qui a allumé la feuille de papier alors qu'elle se trouvait dans le hangar exploité par le GAEC A., que Roseline n'a eu qu'un rôle passif, que selon la jurisprudence de la cour de cassation du 3 février 1993, « la simple participation à un jeu, même dangereux, est insuffisante pour engager la responsabilité des autres participants dès lors qu'aucune faute en relation directe avec le dommage n'est établie à leur encontre... ».

La MATMUT soutient qu'aucune faute ne peut en l'espèce être reprochée à Roseline Z., celle-ci n'ayant commis aucun acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime et la responsabilité de Jennifer X. étant incontestablement établie.

Elle précise en effet que seule cette dernière exerçait la garde sur le briquet qui a servi à mettre le feu à la feuille.

Subsidiairement, l'appelante fait valoir que les conditions d'application de l'article 1384 alinéa 4 ne sont pas remplies dès lors que lorsque le sinistre est intervenu, Roseline Z. ne se trouvait plus au domicile de sa maman mais chez les parents de Jennifer X. et que la présomption légale de responsabilité du père ou de la mère cesse avec la cohabitation, s'il y a une cause légitime à cette cessation. Elle soutient que [minute page 7] Roseline est passée sous la surveillance et la direction des parents X.

A titre subsidiaire également, la MATMUT invoque l'article 63 des conditions générales du contrat multigaranties responsabilité civile - habitation souscrit par Madame W. qui énonce : « lorsque la garantie de l'assuré se trouve engagée solidairement ou in solidum, notre garantie est limitée à sa propre part de responsabilité dans ses rapports avec le ou les coobligés ».

Elle souligne que cette clause, qui n'est pas fondée sur la nature et la gravité de la faute commise par les personnes dont l'assuré est responsable, n'est pas contraire aux dispositions de l'article L. 121-2 du code des assurances, qu'elle est par conséquent opposable à la victime et doit recevoir application. Elle en conclut que sa garantie ne peut porter que sur la moitié de la condamnation mise à sa charge in solidum avec Monsieur et Madame X. et la SADA.

Elle observe enfin que son appel tendant à une exonération de garantie et subsidiairement à une limitation de celle-ci, l'arrêt à intervenir doit être opposable à tous les assureurs, que c'est à bon droit qu'elle a intimé la SADA.

Dans leurs dernières écritures signifiées et déposées le 6 octobre 2005, le GAEC A. et le GAN ASSURANCES ont conclu à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de la MATMUT à leur payer la somme de 1.525 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que les dépens.

Les intimés contestent que Roseline Z. ait eu une attitude passive lors du sinistre et en veulent pour preuve ses propres déclarations aux enquêteurs qui établissent que les deux enfants ont allumé de concert la feuille, Roseline la tenant, Jennifer l'allumant avec un briquet.

Ils maintiennent que la jurisprudence citée par l'appelante est inapplicable à l'espèce puisque le cas soumis à la Cour suprême était différent, l'enfant ayant seul enflammé de la paille chez un fermier, en présence de ses camarades.

[minute page 8] Ils ajoutent que la police souscrite auprès de la MATMUT couvrait la responsabilité personnelle des enfants, que pour ce seul motif, la MATMUT doit être tenue à garantir le sinistre.

Les intimés observent par ailleurs que Madame W. n'établit pas que toute cohabitation avec sa fille aurait cessé, qu'il est acquis en jurisprudence que la cohabitation ne cesse pas en cas de séparation temporaire de l'enfant avec ses parents, comme en l'espèce. Ils relèvent que la police souscrite auprès de la MATMUT considère que dans le cas d'espèce, la cohabitation ne cesse pas puisque les événements occasionnés par les enfants en colonie de vacances sont couverts, qu'il en est de même lorsque l'enfant est confié pour quelques jours à des tiers.

S'agissant de la limitation de garantie opposée par l'appelante, les intimés font observer qu'il convient de dissocier la notion d'obligation à la dette et celle de contribution à la dette, qu'en application de l'obligation à la dette, l'auteur du sinistre et son assureur sont tenus pour le tout envers la victime, que ce n'est que dans les rapports entre contributaires que la limitation de garantie intervient, que cette limitation de garantie leur est donc inopposable. Ils soulignent par ailleurs que le tribunal n'a pas prononcé de partage de responsabilité.

Dans ses dernières écritures signifiées et déposées le 4 janvier 2002, la SOCIÉTÉ ANONYME DE DÉFENSE ET DE PROTECTION (SADA) a conclu à l'irrecevabilité de l'appel de la MATMUT dirigé à son encontre, à la confirmation du jugement entrepris en ses dispositions ayant limité sa condamnation au paiement de la somme de 219.030 Francs et à la condamnation du GAEC et de son assureur à lui payer une indemnité de procédure. Elle a réclamé une somme de 6.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La SADA rappelle que le contrat souscrit par Monsieur X. comprenant notamment la garantie responsabilité civile familiale comportait pour les dommages résultant d'incendie, un plafond de garantie de 200.000 Francs, que la responsabilité de la jeune X. n'étant pas contestée, elle est redevable d'une somme de 219.030 Francs, montant qu'elle a proposé au GAN de verser.

Elle fait valoir que l'appel dirigé à son encontre est irrecevable, l'appelante ne lui demandant rien.

[minute page 9] Madame Catherine X. a été assignée le 9 janvier 2004 selon les dispositions de l'article 659 du nouveau code de procédure civile tout comme Jennifer X. le 26 septembre 2005 et Roseline Z. le même jour.

Madame Y.-W. a été assignée en mairie le 27 décembre 2001.

Monsieur Serge X. a été assigné à sa personne le 5 février 2001

La présente décision sera rendue par défaut en application de l'article 474 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005.

La procédure a été clôturée suivant ordonnance du 19 janvier 2006.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Jennifer X. et Roseline Z. étant devenues majeures en cours de procédure, les assignations en intervention forcée qui leur ont été délivrées par la MATMUT seront déclarées recevables et bien fondées.

 

Sur l'irrecevabilité de l'appel dirigée contre la SOCIÉTÉ ANONYME DE DÉFENSE ET DE PROTECTION (SADA) :

En application de l'article 547 du nouveau code de procédure civile, tous ceux qui ont été parties peuvent être intimés. Dès lors, la SADA ayant été partie devant le Tribunal de Grande Instance de NANCY, c'est à bon droit que la MATMUT l'a intimée quand bien même elle ne forme, à hauteur d'appel, aucune prétention contre elle.

L'appel dirigé contre la SADA sera par conséquent déclaré recevable.           

 

Sur la responsabilité de Roseline Z. :

L'article 1384 alinéa 4 du code civil dispose : « Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».

[minute page 10] En application de cet article, pour que soit présumée la responsabilité des père et mère d'un mineur habitant avec eux, il suffit que celui-ci ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime, sans que soit exigée l'existence d'une faute de l'enfant.

En l'espèce, il résulte de l'enquête de gendarmerie diligentée à la suite de l'incendie que Jennifer X. a déclaré : « J'ai décidé de la brûler (la feuille de papier). J'ai dit mes intentions à Roseline. Elle était d'accord avec moi ». ... « J'ai pris le Zippo que j'avais dans le sac et j'ai allumé la feuille de papier » ... « Je confirme que c'est moi qui ai allumé le Zippo, mais c'est Roseline qui tenait la feuille. »

Il est également établi par l'audition de Roseline Z. que celle-ci a reconnu avoir participé à l'incendie : « Je vous dis tout de suite que c'est moi et Jennifer X. qui avons mis le feu à ce hangar accidentellement », qu'elle a également déclaré « Jennifer a pris la feuille de papier déjà déchirée auparavant puis a pris le Zippo et a enflammé cette feuille, pour ma part, je ne disais rien à Jennifer, je n'étais pas contre, ni pour brûler la feuille ». Elle a poursuivi pour conclure : « je répète que c'est Jennifer qui a allumé la feuille de papier. Néanmoins, je précise qu'au départ, c'est à dire quand Jennifer a enflammé la feuille de papier, c'est moi qui la tenais puis je lui ai redonné aussitôt, une fois la feuille enflammée ».

C'est par conséquent à juste titre que le premier juge a retenu que Roseline a pris directement part à l'acte ayant engendré l'incendie du hangar, en maintenant la feuille, qu'elle n'a pas eu un comportement passif, que son attitude doit être considérée comme une des cause du dommage occasionné au GAEC et qu'il a déclaré tant Jennifer que Roseline responsables de l'incendie du 11 août 1997.

S'agissant de l'absence de cohabitation alléguée par la MATMUT pour dénier sa responsabilité, il convient d'observer que le séjour de Roseline dans la famille X. n'a duré que quelques jours, du 9 août au 13 août 1997, que la notion de cohabitation de l'enfant avec ses père et mère visée à l'article 1384 alinéa 4 du code civil résulte de la résidence habituelle de l'enfant au domicile des parents ou de l'un d'eux, qu'en l'espèce, un séjour temporaire et nécessairement provisoire auprès d'amis n'emporte pas modification de la résidence habituelle de l'enfant.

[minute page 11] C'est également à bon droit que le tribunal a déclaré les parents de Jennifer et la mère de Roseline responsables des dommages causés par leurs enfants, en tant que civilement responsables.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

 

Sur la limitation de garantie invoquée par la MATMUT :

La MATMUT, assureur responsabilité civile de Madame W., invoque la limitation de garantie contenue dans le contrat d'assurance multigaranties responsabilité civile - habitation souscrit par son assurée, à l'article 63. Cet article stipule : « lorsque la responsabilité de l'assuré se trouve engagée solidairement ou « in solidum », notre garantie est limitée à sa propre part de responsabilité dans ses rapports avec le ou les co-obligés ».

Une telle clause n'est pas relative à la nature ou la gravité de la faute commise par celui dont l'assuré est civilement responsable et se trouve dès lors opposable au tiers lésé, l’objet de ladite clause étant de limiter l'obligation de l'assureur à la prise en charge de la part contributive incombant à son assuré dans la réalisation du dommage.

Par conséquent, la décision querellée sera infirmée en ce qu'elle a condamné la MATMUT in solidum avec son assurée, Monsieur et Madame X. en leur assureur dans la limite de la garantie de ce dernier en ce qui concerne le GAN, à indemniser le GAN et le GAEC A. de la totalité des préjudices.

Les deux fillettes ayant participé à part égale dans le déclenchement de l'incendie, leur responsabilité doit être partagée par moitié.

La condamnation de la MATMUT ne pourra dès lors être retenue que dans la limite de la moitié des sommes mises à la charge des co-obligés.

Le jugement querellé sera infirmé de ce seul chef.

L'équité impose de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

[minute page 12] Le GAN et le GAEC A. qui succombent, seront condamnés aux dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant en audience publique et par défaut,

Déclare recevables et bien fondées les assignations en intervention forcée de Roseline Z. et Jennifer X., devenues majeures en cours de procédure ;

Déclare recevable l'appel diligenté par la MATMUT à l'encontre de la SOCIÉTÉ ANONYME DE DÉFENSE ET DE PROTECTION (SADA) ;

Infirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de NANCY en date du 22 juin 2000 uniquement en ce qu'il a :

- condamné in solidum Monsieur et Madame X., Madame W., la compagnie MATMUT et la compagnie SADA, celle-ci dans la limite de DEUX CENT DIX NEUF MILLE TRENTE FRANCS (219.030 Francs), à payer à la compagnie GAN la somme de UN MILLION CENT QUARANTE DEUX MILLE SIX CENT TRENTE SIX FRANCS (1.142.636 Francs), outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamné in solidum Monsieur et Madame X., Madame W., la compagnie MATMUT à payer la somme de DEUX CENT SOIXANTE MILLE FRANCS (260.000 Francs) au GAEC A. outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

Statuant à nouveau de ce seul chef :

Condamne in solidum Monsieur et Madame X., Madame W., la compagnie MATMUT dans la limite de QUATRE VINGT SEPT MILLE QUATRE VINGT SEIZE EUROS ET QUATRE VINGT SEPT CENTIMES (87.096,87 €) et la compagnie SADA, celle-ci dans la limite de TRENTE TROIS MILLE TROIS CENT QUATRE VINGT DIX EUROS ET QUATRE VINGT ONZE CENTIMES (33.390,91 €) à payer à la compagnie GAN la somme de CENT SOIXANTE QUATORZE MILLE CENT QUATRE VINGT TREIZE EUROS ET SOIXANTE QUATORZE CENTIMES (174.193,74 €) outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

[minute page 13] Condamne in solidum Monsieur et Madame X., Madame W., la compagnie MATMUT dans la limite de DIX NEUF MILLE HUIT CENT DIX HUIT EUROS ET TRENTE SEPT CENTIMES (19.818,37 €) à payer la somme de TRENTE NEUF MILLE SIX CENT TRENTE SIX EUROS ET SOIXANTE QUATORZE CENTIMES (39.636,74 €) au GAEC A. outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

Confirme le jugement querellé pour le surplus de ses dispositions ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Condamne le GAN et la GAEC A. aux dépens d'appel et autorise la SCP CHARDON NAVREZ et la SCP BONET LEINSTER WISNIEWSKI, avoués associés, à faire application des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Signé : L. CHOUIEB. Signé G. DORY.

Minute en treize pages.