CA NANCY (1re ch. civ.), 6 septembre 2004
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1558
CA NANCY (1re ch. civ.), 6 septembre 2004 : RG n° 01/02181 ; arrêt n° 1538/04
Extrait « S'agissant du risque de vol du véhicule assuré, les conditions générales de la police énoncent à la page 20 que l'événement objet de la garantie est le vol tel que défini à la page 46 où, sous la rubrique « lexique » il est précisé que le vol du véhicule est « la soustraction frauduleuse du véhicule commise par effraction du véhicule et des organes de direction ou du garage dans lequel est stationné le véhicule ou consécutive à un acte de violence à l'encontre du gardien du véhicule ». Étant précisé que la garantie est expressément exclue lorsque le véhicule est soustrait alors que la clé se trouvait sur le contact ou dans le véhicule ou lorsque celui-ci n'était pas verrouillé, Monsieur X. ne soutient pas que les restrictions apportées à l'étendue de la garantie par le biais de la définition contractuelle du risque s'analysent en des exclusions indirectes susceptibles d'être régies par le dernier alinéa de l'article L. 112-4 du Code des Assurances. Cette définition du vol n'est pas non plus de nature à annuler toutes les garanties prévues dans le contrat et en l'espèce, elle n'est pas invoquée par l'assureur pour soutenir qu'il incombe à l'assuré de rapporter la preuve de l'effraction puisqu'il est au contraire soutenu par la SA MAAF ASSURANCES qu'elle prouve elle-même qu'il n'y a eu effraction ni des ouvrants du véhicule, ni des organes de direction. C'est donc à tort que le premier juge, pour refuser d'appliquer la définition conventionnelle du vol, a déclaré cette clause abusive, en faisant ainsi application de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, alors que de surcroît Monsieur X. ne produit pas le moindre élément pour caractériser le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties qui résulterait de l'application de cette clause. »
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 6 SEPTEMBRE 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 01/02181. Arrêt n° 1538/04. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de NANCY, R.G. n° 00/05213, en date du 26 juillet 2001.
APPELANTE :
SA MAAF ASSURANCES
ayant son siège [adresse], agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général et de tous représentants légaux pour ce domiciliés audit siège, représentée par la SCP MILLOT - LOGIER - FONTAINE, avoués à la Cour ; assistée de Maître VILMIN, avocat au barreau de NANCY ;
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le […] à [ville], demeurant [adresse] représenté par la SCP MERLINGE - BACH-WASSERMANN, avoués à la Cour ;
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 07 juin 2004, en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Guy DORY, Président de Chambre, Monsieur Gérard SCHAMBER, Conseiller, Madame Pascale TOMASINI, Conseiller, qui en ont délibéré ;
Greffier lors des débats : Madame Agnès STUTZMANN,
ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement par Monsieur DORY, Président ; signé par Monsieur DORY, Président, et par Madame STUTZMANN, greffier présent lors du prononcé ;
[minute page 2]
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 4 octobre 1999, Monsieur X. a acheté un véhicule de marque PEUGEOT, type 306, qu'il a fait assurer par la SA MAAF ASSURANCES. Les conditions générales de la police d'assurance définissent le vol comme étant « la soustraction frauduleuse du véhicule commise par effraction du véhicule et des organes de direction ou du garage dans lequel est stationné le véhicule ».
Le 28 mai 2000, Monsieur X. s'est présenté au commissariat de police de NANCY pour porter plainte pour vol de son véhicule, survenu au cours de la nuit précédente boulevard Joffre à NANCY. Le même jour le véhicule a été retrouvé entièrement détruit par incendie.
Invoquant les constatations de l'expert mandaté par elle, la SA MAAF ASSURANCES, par lettre du 23 juin 2000, a refusé sa garantie au motif qu'aucune trace d'effraction n'a été constatée sur le véhicule.
Faisant valoir que les services de gendarmerie qui ont retrouvé le véhicule ont quant à eux relevé des traces d'effraction sur la portière avant gauche et contestant la valeur probante de l'expertise non contradictoire invoquée par l'assureur, Monsieur X., par acte du 21 septembre 2000, a fait assigner la SA MAAF ASSURANCES devant le Tribunal de Grande Instance de NANCY, pour obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
- 104.000 Francs à titre d'indemnité de sinistre, outre intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2000, date de la mise en demeure,
- 30.000 Francs à titre de dommages et intérêts,
- 5.000 Francs au titre des frais non compris dans les dépens.
Par jugement du 26 juillet 2001, assorti de l'exécution provisoire en ce qui concerne le premier chef de condamnation, le tribunal a condamné la SA MAAF ASSURANCES à payer à Monsieur X. les sommes suivantes :
- 81.000 Francs outre intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2000,
- 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts,
- 4.000 Francs au titre des frais irrépétibles de procédure.
Pour se déterminer ainsi, le tribunal a énoncé d'une part qu'il incombe à l'assureur qui oppose la non garantie d'établir la réunion des éléments de fait de la cause de non garantie invoquée, et d'autre part que [minute page 3] l'assureur ne peut abusivement limiter la garantie du vol à la soustraction commise à la fois sur les ouvrants et sur les organes de direction du véhicule assuré. Pour retenir que le sinistre doit être garanti, le tribunal a ensuite constaté que les services de gendarmerie ont bien relevé une trace d'effraction sur l'une des portes du véhicule, et il a considéré que l'absence d'effraction de la colonne de direction n'exclut pas la réalité du vol, dès lors que le véhicule a pu être remorqué. Le tribunal a fixé l'indemnité par référence à l'évaluation faite par l'expert de l'assureur de la valeur du véhicule au jour du vol et a considéré que Monsieur X. doit être dédommagé du préjudice qu'il a subi du fait de la privation d'un véhicule de remplacement qu'il était dans l'impossibilité de financer.
La SA MAAF ASSURANCES a interjeté appel par déclaration du 7 août 2001.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 28 août 2003, la SA MAAF ASSURANCES demande à la Cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de débouter Monsieur X. de toutes ses prétentions et de le condamner à la restitution d'une somme de 12.348,37 €, versée au titre de l'exécution provisoire, outre intérêts à compter du paiement. Elle réclame en outre une somme de 762,25 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une somme de 1.067,14 € en remboursement de ses frais non compris dans les dépens.
La SA MAAF ASSURANCES fait valoir qu'il incombe à l'assuré qui réclame une indemnité de sinistre, d'établir la réalité de l'événement qui constitue la réalisation du risque. Elle soutient que la vraisemblance d'un vol n'est pas établie par le seul dépôt de plainte alors que par ailleurs il a pu être constaté que le dispositif bloquant la direction du véhicule était intact lorsque le véhicule a été retrouvé. Elle ajoute que l'exigence d'une effraction sur les organes de direction résulte de la définition du risque garanti et soutient que les constatations de son expert ont la valeur probante d'un renseignement, d'autant plus que Monsieur X., par lettre du 9 juin 2000, a été informé de la désignation de l'expert, avant d'être invité, par lettre du 23 juin 2000, a sollicité une expertise contradictoire.
[minute page 4] Par ses écritures dernières, notifiées le 24 février 2003 et déposées le 25 février 2003, Monsieur X. conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la SA MAAF ASSURANCES au paiement d'une somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts et d'une somme de 1.000 € en remboursement de ses frais irrépétibles de procédure.
Il réplique que l'expertise non contradictoire invoquée par l'assureur ne saurait prévaloir sur les constatations objectives des gendarmes qui ont relevé des traces d'effraction sur la portière conducteur et la disparition de la structure du volant. Il ajoute qu'il n'est pas établi que les conditions générales définissant le vol ont été portées à sa connaissance avant la souscription de la police et soutient qu'est abusive la clause qui subordonne, en cas de vol, l'indemnisation de l'assuré à la preuve par ce dernier d'une effraction.
L'instruction a été déclarée close le 4 décembre 2003.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il résulte des pièces régulièrement produites que le 16 octobre 1999, Monsieur X. s'est adressé à un conseiller de la SA MAAF ASSURANCES dans le but d'assurer son véhicule alors immatriculé […] selon la formule « garantie tous risques ». La proposition d'assurance, signée par Monsieur X., énonce que ce dernier a été mis en possession d'un exemplaire du « contrat auto référence 18.10.93 ». Les conditions générales portant cette référence sont du reste versées aux débats par Monsieur X. lui-même, éléments concordants dont il résulte qu'avant de souscrire la police d'assurance, Monsieur X. a bien été mis en mesure de connaître les conditions du contrat qui lui sont donc intégralement opposables.
S'agissant du risque de vol du véhicule assuré, les conditions générales de la police énoncent à la page 20 que l'événement objet de la garantie est le vol tel que défini à la page 46 où, sous la rubrique « lexique » il est précisé que le vol du véhicule est « la soustraction frauduleuse du véhicule commise par effraction du véhicule et des organes de direction ou du garage dans lequel est stationné le véhicule ou consécutive à un acte de violence à l'encontre du gardien du véhicule ». Étant précisé que la garantie est expressément exclue lorsque le véhicule est soustrait alors que la clé se trouvait sur le contact ou dans le véhicule ou lorsque celui-ci n'était pas [minute page 5] verrouillé, Monsieur X. ne soutient pas que les restrictions apportées à l'étendue de la garantie par le biais de la définition contractuelle du risque s'analysent en des exclusions indirectes susceptibles d'être régies par le dernier alinéa de l'article L. 112-4 du Code des Assurances. Cette définition du vol n'est pas non plus de nature à annuler toutes les garanties prévues dans le contrat et en l'espèce, elle n'est pas invoquée par l'assureur pour soutenir qu'il incombe à l'assuré de rapporter la preuve de l'effraction puisqu'il est au contraire soutenu par la SA MAAF ASSURANCES qu'elle prouve elle-même qu'il n'y a eu effraction ni des ouvrants du véhicule, ni des organes de direction. C'est donc à tort que le premier juge, pour refuser d'appliquer la définition conventionnelle du vol, a déclaré cette clause abusive, en faisant ainsi application de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, alors que de surcroît Monsieur X. ne produit pas le moindre élément pour caractériser le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties qui résulterait de l'application de cette clause.
Les termes de cette clause étant clairs et précis, la SA MAAF ASSURANCES soutient à bon droit que l'application de la garantie vol est subordonnée aux circonstances cumulatives d'une effraction sur un ou plusieurs ouvrants du véhicule et sur les organes de direction. Or il est établi par un procès-verbal daté du 3 juin 2000, que le véhicule assuré a été découvert le 28 mai 2000 par la brigade de gendarmerie d'ÉPINAL. Ce procès-verbal, qui mentionne que le véhicule était calciné, précise d'une part que la portière coté conducteur présentait une trace d'effraction et d'autre part que « la structure du volant est absente ». Cette dernière indication ne signifie cependant pas que les enquêteurs ont constaté des traces d'effraction sur les organes de direction. La SA MAAF ASSURANCES produit quant à elle le rapport établi le 16 juin 2000 par l'expert automobile mandaté par elle pour examiner le véhicule. Dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une expertise judiciaire, le fait pour le technicien commis d'avoir exécuté sa mission de façon non contradictoire ne prive pas en soi de valeur probante cet élément d'appréciation, porté à la connaissance de Monsieur X. par lettre du 23 juin 2000 qui précise les modalités à mettre en oeuvre pour le contester.
Or dans une annexe à son rapport, Monsieur Y., membre du cabinet d'expertise automobile ABT mentionne avoir constaté le 15 juin 2000 que la colonne de direction du véhicule déclaré volé était verrouillée et que le neimann était intact. Dès lors qu'aucun autre élément ne permet de mettre en doute l'objectivité de ces constatations, il y a lieu [minute page 6] de reconnaître à cet élément une entière valeur probante si bien qu'il est établi que les organes de direction du véhicule n'ont pas subi d'effraction. Par conséquent l'une des conditions de la garantie n'est pas remplie et par infirmation du jugement déféré, Monsieur X. sera débouté de sa demande et condamné à restituer la somme versée au titre de l'exécution provisoire. Toutefois, cette somme de 12.348,37 € ne sera productive d'intérêts au taux légal qu'à compter de la notification du présent arrêt infirmatif.
Eu égard aux moyens soutenus, aucune faute n'est caractérisée dans l'exercice par Monsieur X. de son droit d'agir en justice, étant ajouté que ses prétentions ont été reconnues fondées en première instance. En outre, même si Monsieur X. est tenu aux dépens, l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare l'appel recevable ;
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :
Déboute Monsieur X. de toutes ses demandes ;
Condamne Monsieur X. à restituer à la SA MAAF ASSURANCES la somme de DOUZE MILLE TROIS CENT QUARANTE HUIT EUROS ET TRENTE SEPT CENTIMES (12.348,37 €) outre intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt ;
Déboute la SA MAAF ASSURANCES de sa demande de dommages et intérêts ;
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne Monsieur X. aux dépens de première instance et d'appel et accorde à la SCP MILLOT-LOGIER & FONTAINE, avoués [minute page 7] associés à la Cour, un droit de recouvrement direct dans les conditions prévues par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
L'arrêt a été prononcé à l'audience publique du six septembre deux mille quatre par Monsieur DORY, Président de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Madame STUTZMANN, greffier.
Et Monsieur le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.
Minute en sept pages.
- 5984 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Règles de preuve
- 6089 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions ne figurant pas sur l’écrit signé par le consommateur
- 6375 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances multirisques - Véhicule automobile - Obligations de l’assureur - Vol