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CA NANCY (2e ch.), 15 avril 1993

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (2e ch.), 15 avril 1993
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), 2e ch.
Demande : 1846/91
Décision : 886/93
Date : 15/04/1993
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 10/07/1991
Décision antérieure : T. COM. ÉPINAL, 7 mai 1991
Numéro de la décision : 886
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1574

CA NANCY (2e ch.), 15 avril 1993 : RG n° 1846/91 ; arrêt n° 886/93

Publication : Juris-Data n° 042980

 

Extrait  : « Attendu qu'il est constant que le prêt (placé formellement sur l'empire de la Loi du 18 janvier 1951) concernait l'installation d'une pompe à chaleur dans un hôtel-restaurant exploité par Monsieur X. ; Attendu que s'il est concevable que le professionnel puisse être le consommateur protégé par la Loi du 10 janvier 1978 lorsqu'il contracte à l'occasion de l'exercice de son activité professionnelle et alors que le contrat échappe à sa compétence professionnelle, il perd nécessairement le bénéfice des dispositions de la Loi de 1978, lorsqu'il accomplit un acte indispensable, nécessaire à l'exercice de cette activité, à moins de dénaturer le droit de la consommation en l'appliquant à des co-contractants qui agissent au soutien direct de leurs intérêts économiques et professionnels ; Attendu qu'en l'espèce, il s'agit d'un hôtelier dont l'essentiel des prestations, particulièrement en montagne, est de procurer un accueil chaleureux à ses hôtes, en leur ouvrant un gîte correctement chauffé, que l'installation d'un système de chauffage est indispensable à l'activité, à un rapport direct avec celle-ci ; Qu'en conséquence, il ne saurait être fait droit à la demande afférente à l'application de la Loi du 10 juillet 1978, permettant d'invoquer la prescription et l'interdépendance du contrat de fourniture et de financement ».               

 

COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 15 AVRIL 1993

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

M.R. 1846/91. Arrêt n° 886/93.

APPELANT (S) :

Monsieur X.,

le […] à […], demeurant [adresse], Suivant déclaration d'appel déposée au Greffe de la Cour d'Appel de NANCY le 10 juillet 1991 d'un jugement rendu le 7 mai 1991 par le Tribunal de commerce d'ÉPINAL, Comparant et procédant par le ministère de Maître GRETERE, son avoué constitué, plaidant par Maître GAUCHER, avocat à la Cour,

INTIMÉS :

- Monsieur Y.,

demeurant [adresse], Comparant et procédant par le ministère de la SCP Laurent CYFERMAN et Alain CHARDON, ses avoués associés constitués, plaidant par Maître BOURDEAUX, avocat au barreau d'ÉPINAL,

- SOCIÉTÉ POUR LE FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS DU CONFORT DE L'AMÉNAGEMENT ET DE L'AUTOMOBILE (FICA) SA

dont le siège est [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège, Comparant et procédant par le ministère de la SCP Louis BONET, Rémy LEINSTER et Christine WISNIEWSKI, ses avoués associés constitués, plaidant par Maître BOURDELLE, avocat au barreau d'ÉPINAL,

 

DÉBATS : La cause a été débattue à l'audience publique du dix huit mars mil neuf cent quatre vingt treize, devant Madame GARRIGUE, Conseiller faisant fonction de Président en l'absence, du titulaire empêché et en sa qualité de suppléant désigné par ordonnance pour remplacer celui-ci, Messieurs COURTOIS et BLOCH, Conseillers, assistés de Madame DEANA, Greffier divisionnaire, Les avocats assistés des avoués des parties ayant été entendus, Le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu à l'audience publique du quinze avril mil neuf cent quatre vingt treize, Il a été délibéré de la cause par les magistrats susdits qui ont assisté aux débats.

Et, à l'audience publique de ce jour, quinze avril mil neuf cent quatre vingt treize, la cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Monsieur X. a souscrit auprès de la SA FICA un contrat de financement devant lui permettre d'acquérir une pompe à chaleur fournie par les Établissements Y., destinée au chauffage de l'hôtel « […] » qu'il exploitait.

Assigné en paiement des échéances du prêt par la SA FICA, Monsieur X. faisait valoir que la pompe litigieuse n'avait jamais été livrée et appelait en garantie Jacques Y.

Par jugement du Tribunal de Commerce d'ÉPINAL du 7 mai 1991 il était fait droit aux demandes de la SA FICA (82.794,64 Francs en principal) et l'appel en garantie était rejeté.

Monsieur X. a interjeté appel de cette décision et conclut à l'infirmation aux fins de voir prononcer la nullité, la résiliation du contrat de vente, la prescription de l'action de la SA FICA et forme subsidiairement un appel en garantie contre Monsieur Jacques Y.

Il soutient que la pompe à chaleur n'a jamais été livrée, que la signature du bon de livraison du 15 novembre 1985 lui a été extorqué et que la pompe à chaleur est toujours chez Monsieur Y. (constat du 2 juillet 1991).

Il requiert l'application de l'article 9 de la Loi du 10 janvier 1978.

Il ajoute que l'installation était nécessairement prévue avant l'hiver (attestation Z.), que la mise en demeure n'est pas nécessaire, en particulier lorsque le maintien du contrat cause au créancier un préjudice irréparable.

Il expose que la Loi du 10 janvier 1978 est applicable à l'espèce dès lors qu'il ne peut, en tant que prétendu professionnel, qu'être assimilé à un consommateur ordinaire, l'installation étant une opération particulièrement complexe, que le délai d'action est prescrit et que la SA FICA ne démontre nullement une faute à son encontre.

Il ajoute que le contrat de prêt est dépourvu de cause et qu'il a été induit en erreur, compte tenu du dol émanant de Jacques Y.

La SA FICA forme un appel incident sur le quantum de la condamnation portant sur le règlement intégral du prix soit 129.925,38 Francs, conclut au débouté de l'appel, subsidiairement, dit que Monsieur Y. a bénéficié d'un enrichissement sans cause et sollicite sa condamnation à rembourser les sommes versées au titre de l'achat et les intérêts au taux légal.

Elle soutient que la Loi du 10 janvier 1978 n'est pas applicable à l'espèce, s’agissant d'un prêt destiné à financer les besoins d'une activité professionnelle en l'occurrence l'hôtel restaurant exploité par l'appelant.

Elle expose en outre que le contrat de financement est parfaitement causé, dès lors que Monsieur X. a signé le bon de livraison le 19 novembre 1985, sans réserve et a permis le règlement de Monsieur Y. du montant de sa facture.

Elle ajoute que 4 échéances ont été réglées et que Monsieur X. avait versé un acompte de 16.805,06 Francs.

Elle précise que Monsieur X. n'a avisé la société qu'en juin 1986 pour une installation réalisée en automne 1985.

Elle ajoute même que dans le cadre de la Loi de 1978, les éléments de fait soulignés supra démontrent que la faute de Monsieur X. est à l'origine de son préjudice et de la privation de revenus.

Elle conclut subsidiairement à l'application de l'article 10 de la Loi de 1978.

Elle ajoute enfin, que si la Cour retenait la prescription de l'action, elle serait en droit de réclamer à Monsieur Y. la valeur d'achat du matériel.

Jacques Y. conclut à la confirmation de la décision, il soutient, qu'après avoir commandé la pompe à chaleur, Monsieur X. n'a plus voulu l'exécution et a fait appel à un autre installateur, qui a mis en place une chaudière traditionnelle, soulignant qu'aucune mise en demeure ne lui avait été adressée.

Il prétend n'avoir pu procéder à l'installation de la pompe et conclut à ce qu'il soit dit et jugé que Monsieur X. sera tenu de prendre livraison de la pompe sous astreinte.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

1) Sur l'exécution du contrat par les établissements Y. :

Attendu qu'il est constant que la livraison et l'installation d'une pompe à chaleur attestée par trois documents datés du 19 novembre 1985 (devis, facture et bon de livraison) n'a jamais été exécutée ;

Attendu que les établissements Y., qui contestent la réalité d'une inexécution avant mise en demeure, ne peuvent sérieusement dénier qu'ils s'étaient nécessairement engagés à cette installation qui devait compte tenu de sa nature technique être exécutée avant l'hiver ;

Qu'à cet argument de fait, qui dispensait l'appelant d'une mise en demeure, la signature conjointe du procès verbal de « livraison », impliquait nécessairement de la part du créancier, l'exigence de cette livraison, qui déclenchait le paiement du prêteur (l'offre de crédit ayant été également acceptée le 15 novembre 1985) ;

Attendu que les établissements Y., tenus d'une obligation de résultat, en demeure de livrer, ne rapportent pas la preuve d'une cause étrangère à l'inexécution de leur contrat, en particulier des conditions techniques rendant impossibles l'installation, ou même plus, la faute elle même du créancier qui aurait refusé l'installation ;

Qu'il y a lieu de rappeler, pour caractériser l'inexécution fautive, que les établissements Y. ont perçu le prix du matériel par l'intermédiaire de FICA et n'ont pas sollicité officiellement leur créancier de prendre livraison avant la présente procédure en appel ; qu'ils ne critiquent même pas les assertions de Monsieur X. selon lesquelles le bon de livraison lui aurait été "extorqué" et même les affirmations de "dol" commis par Monsieur Y.

Que sur ce dernier point, il convient de souligner que le "dol" ne peut concerner la formation du contrat d'entreprise, mais les manœuvres non caractérisées au demeurant des établissements Y. qui aurait déterminé Monsieur X. à signer un procès-verbal de livraison pour du matériel non livré ;

Attendu qu'il convient en conséquence, de considérer que la demande de résiliation du contrat est fondée aux torts exclusifs de Monsieur Y. ;

 

2) Sur la Loi applicable au contrat de financement :

Attendu qu'il est constant que le prêt (placé formellement sur l'empire de la Loi du 18 janvier 1951) concernait l'installation d'une pompe à chaleur dans un hôtel-restaurant exploité par Monsieur X. ;

Attendu que s'il est concevable que le professionnel puisse être le consommateur protégé par la Loi du 10 janvier 1978 lorsqu'il contracte à l'occasion de l'exercice de son activité professionnelle et alors que le contrat échappe à sa compétence professionnelle, il perd nécessairement le bénéfice des dispositions de la Loi de 1978, lorsqu'il accomplit un acte indispensable, nécessaire à l'exercice de cette activité, à moins de dénaturer le droit de la consommation en l'appliquant à des co-contractants qui agissent au soutien direct de leurs intérêts économiques et professionnels ;

Attendu qu'en l'espèce, il s'agit d'un hôtelier dont l'essentiel des prestations, particulièrement en montagne, est de procurer un accueil chaleureux à ses hôtes, en leur ouvrant un gîte correctement chauffé, que l'installation d'un système de chauffage est indispensable à l'activité, à un rapport direct avec celle-ci ;

Qu'en conséquence, il ne saurait être fait droit à la demande afférente à l'application de la Loi du 10 juillet 1978, permettant d'invoquer la prescription et l'interdépendance du contrat de fourniture et de financement ;

Que Monsieur X. ne peut soutenir en raison de l'absence d'annulation du contrat de fourniture, l'absence de cause au soutien du contrat de financement ;

Qu'il convient de considérer que Monsieur Y. est toujours lié à la société FICA et est redevable des montants - nés de la déchéance du terme ;

 

3) Sur le montant de la demande de la société FICA :

Attendu que le contrat de financement, qu'il convient d'appliquer (art. 7) dispose que la sanction entraîne l'exigibilité immédiate « des sommes restant dues » ;

Que cette disposition (corrélative de l'appréhension d'un gage non inscrit dans ce cas) est exclusive d'une indemnité de résiliation, calculée sur les loyers restant dus, qu'il convient de confirmer les Premiers Juges qui ont retenu le montant du capital du prêt restant dû lors de la déchéance du terme le 20 mars 1986 ;

Que l'article 7.2 prévoit cependant la mise en compte d'un intérêt de retard au taux de contrat (17,5 %) ;

 

4) Sur  l'appel en garantie de Monsieur X. à l'encontre de Monsieur Y. :

Attendu que la résiliation du contrat aux torts de Monsieur Y. a pour conséquence la nécessaire réparation du préjudice subi par l'appelant à savoir le règlement du prêteur, d'autant plus que Jacques Y. a perçu de la société FICA en mars 1986 la somme de 76.450,94 Francs ;

Attendu que l'équité n'exige pas l'allocation d'une indemnité au bénéfice de la SA FICA, au cours des deux instances ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement ;

En la forme, déclare l'appel recevable ;

Au fond, Réforme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau :

Condamne X. à payer à la SA FICA la somme de QUATRE VINGT DEUX MILLE SEPT CENT QUATRE VINGT QUATORZE FRANCS SOIXANTE QUATRE CENTIMES (82.794,64 Francs) avec intérêts au taux contractuels à compter du 11 septembre 1987,

Prononce la résolution du contrat de fourniture portant sur le matériel financé aux torts exclusifs de Y.,

Condamne Y. à garantir X. des condamnations prononcées contre lui en principal, intérêts et frais au bénéfice de la SA FICA,

Déboute les parties du surplus de leurs conclusions,

Condamne X. aux entiers dépens de la demande formée par la SA FICA et Y. aux entiers dépens de l'appel en garantie et autorise les Avoués de la cause à bénéficier des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

L'arrêt a été prononcé à l'audience publique du quinze avril mil neuf cent quatre vingt treize par Madame GARRIGUE, Conseiller faisant fonction de Président, en application de l'article 452 du nouveau code de procédure civile, assistée de Madame DEANA, Greffier Divisionnaire.

Et Madame GARRIGUE, Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.

Minute en 6 pages