TI Albi, 10 janvier 2005
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 16
TI ALBI, 10 janvier 2005 : RG n° 04/000190 ; jugement n° 9/2005
(sur appel CA Toulouse (2e ch. sect. 2), 21 février 2006 : RG n° 05/00798 ; arrêt n° 61)
Extrait : « En droit et aux termes de l'article 1162 du code civil, lorsque les parties donnent un sens différent à une clause du contrat d'assurances garantissant le versement d'indemnités journalières et la prise en charge des primes en cas d'incapacité temporaire totale, le contrat doit s'interpréter contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation. L'expression « toute activité » mentionnée dans le contrat liant Madame X. à la SA GAN VIE doit s'entendre de l'activité professionnelle exercée habituellement par Madame X. Le sens donnée à la clause par la SA GAN VIE conduirait à ne faire jouer la garantie qu'en cas d'impotence de Madame X., ce qui ne correspond pas à la volonté de l'assurée lors de la souscription. Par ailleurs, le contrat de travail de Madame X. est toujours en cours l'exigence de la SA GAN VIE, reprenant implicitement les indications de son médecin expert sur la possibilité pour Madame X., vendeuse dans un magasin, d'exercer un emploi de bureau, imposerait à Madame X. d'aller à l'encontre des obligations de son contrat de travail, à son employeur de procéder à son reclassement (alors que l'inaptitude définitive de Madame X. n'est pas établie), le tout sous réserve de la capacité de Madame X. de faire preuve d'une aptitude professionnelle à un emploi de bureau. »
TRIBUNAL D’INSTANCE D’ALBI
JUGEMENT DU 10 JANVIER 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R. G. n° 11-04-000190. Jugement n° 9/2005. JUGEMENT DU DIX JANVIER DEUX MILLE CINQ Sous la Présidence de Jean-Marc ANSELMI, Juge au Tribunal de Grande Instance d'ALBI chargé du service du Tribunal d'Instance de d'ALBI, Assisté de Martine LAVAL, Greffier,
DEMANDEUR :
Madame X. née Y.
née le [date], vendeuse retoucheuse, demeurant [adresse], représentée par la SCP ALBAREDE - BELLEN ROTGER avocats du barreau d'ALBI, Bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle : Décision du [date] n° XX.
DÉFENDEUR :
Société Anonyme GAN VIE PRÉVOYANCE
[adresse], représentée par la SCP DUPUY BONNECARRERE SERRES-PERRIN, SERVIERES, GIL, avocats du barreau d’ALBI
PROCÉDURE :
Date de la saisine : 19 mai 2004. Audience de plaidoirie : 06 décembre 2004.
A cette audience, les conseils des parties ont été entendus en leurs observations et conclusions, SUR QUOI, les débats étant clos, le Président a déclaré que le jugement serait prononcé le 10 janvier 2005.
Advenu ce jour, la décision suivante a été rendue
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
1 - Les faits et la procédure.
Le 21 novembre 1996, Madame Y. épouse X. a souscrit auprès de la SA GAN VIE PREVOYANCE un contrat « GAN SUPER 2000 » n° YY comprenant les garanties suivantes : décès, incapacité totale de plus de 60 jours, invalidité permanente totale, hospitalisation pendant plus de deux jours, incapacité temporaire totale (allocation journalière au delà du 30ème jour à la suite d'un accident ou d'une maladie).
Les cotisations mensuelles sont actuellement de 30,60 euros.
Le montant de l'allocation journalière est de 10,21 euros.
Le 15 avril 2002, Madame X. a été victime d'un accident du travail qui justifie un arrêt de travail toujours en cours au jour de l'assignation.
Depuis le mois de juin 2002 et l'expiration du délai de carence, Madame X. a perçu une allocation journalière versée par le GAN dans le cadre de la garantie ITT, outre les indemnités journalières servies par la CPAM dans le cadre de la législation professionnelle.
Le 6 août 2003, Madame X. a été examinée par le docteur A., mandaté par la compagnie GAN.
Le 20 août 2003, la compagnie GAN informait Madame X. de l'arrêt du versement des allocations journalières à compter du 6 août 2003 au motif que son état de santé ne lui ouvrait plus droit au bénéfice de la garantie ITT.
Le docteur A. estimait dans son rapport que « Madame X. ne peut être en incapacité temporaire totale au sens de la définition contractuelle ».
L'arrêt de l'allocation journalière implique l'arrêt de l'exonération de la cotisation de 30,60 euros.
Suivant acte d'huissier du 11 mai 2004, Mme X. a fait assigner la SA GAN VIE PREVOYANCE à comparaître devant le tribunal d'instance d'ALBI.
L'affaire a été retenue à l'audience du 6 décembre 2004 puis le jugement a ensuite été mis en délibéré au 10 janvier 2005.
2 - Les prétentions et moyens des parties.
Madame X. demande au tribunal de dire et juger que la SA GAN VIE est tenue de lui verser l'allocation journalière au taux de 10,21 euros depuis le 7 août 2003.
[minute page 3] La SA GAN VIE sera condamnée à lui payer les sommes de 2.736,28 euros (allocations journalières arrêtées au 30 avril 2004), 275,40 euros (primes d'assurance) et 500 euros (article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile).
Les deux premières sommes sont à parfaire au jour du jugement
Le jugement à intervenir sera assorti de l'exécution provisoire.
Madame X. expose que l'incapacité temporaire totale est ainsi définie par le contrat : « l'assuré se trouve dans l'obligation de cesser temporairement toute activité du fait d'une maladie ou d'un accident ».
Cette clause doit s'analyser comme la situation dans laquelle l'assuré est dans l'obligation de cesser son activité professionnelle.
A aucun moment, il n'est stipulé que l'état de santé de l'assuré doit rendre impossible « l'exercice d'une activité quelconque » (lettre du GAN du 16 octobre 2003).
Une telle lecture de la clause la rendrait abusive et conduirait à réduire à néant l'objet de la garantie souscrite.
Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, la clause abusive est celle qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Elle est réputée non écrite.
La Commission des Clauses Abusives a ainsi recommandé (pour les assurances accessoires d'un contrat de crédit, recommandation n° 90-01) que la définition de la garantie incapacité totale de travail et invalidité ne devait pas être de nature à induire en erreur un non spécialiste sur la portée de ces garanties.
L'article 15 des conditions générales du contrat « GAN SUPER 2000 » introduit un déséquilibre entre les parties, Madame X. étant tributaire de la définition fluctuante imposée par la compagnie GAN VIE.
Enfin, en application de l'article 1162 du code civil, la clause doit être interprétée dans un sens favorable à l'assuré.
Madame X. démontre qu'elle est toujours en situation d'incapacité temporaire depuis le mois d'août 2003, elle perçoit toujours les indemnités journalières de la CPAM et a à nouveau été hospitalisée en avril 2004.
La SA GAN VIE PREVOYANCE réplique que les articles 8 et 15 du contrat stipulent qu’ « est considéré en incapacité temporaire totale l'assuré qui se trouve dans l'obligation de cesser temporairement toute activité du fait d'une maladie ou d'un accident ».
[minute page 4] La notion de toute activité signifie n'importe quelle activité et pas seulement l'activité professionnelle exercée par l'assuré.
La jurisprudence (CA TOULOUSE 10 février 1994 B. / GAN VIE, CA AIX EN PROVENCE C. / GAN VIE) a confirmé cette analyse.
Le contrat garantit un risque de lésion physique et non l'incapacité professionnelle.
Aucune clause du contrat ne fait d'ailleurs référence à l'activité professionnelle de Madame X.
Le contrat faisant la loi des parties, Madame X. sera déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée à payer à la SA GAN VIE, la somme de 1.000 Euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1 - Sur la garantie incapacité totale de travail :
En droit et aux termes de l'article 1162 du code civil, lorsque les parties donnent un sens différent à une clause du contrat d'assurances garantissant le versement d'indemnités journalières et la prise en charge des primes en cas d'incapacité temporaire totale, le contrat doit s'interpréter contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.
L'expression « toute activité » mentionnée dans le contrat liant Madame X. à la SA GAN VIE doit s'entendre de l'activité professionnelle exercée habituellement par Madame X.
Le sens donné à la clause par la SA GAN VIE conduirait à ne faire jouer la garantie qu'en cas d'impotence de Madame X., ce qui ne correspond pas à la volonté de l'assurée lors de la souscription.
Par ailleurs, le contrat de travail de Madame X. est toujours en cours l'exigence de la SA GAN VIE, reprenant implicitement les indications de son médecin expert sur la possibilité pour Madame X., vendeuse dans un magasin, d'exercer un emploi de bureau, imposerait à Madame X. d'aller à l'encontre des obligations de son contrat de travail, à son employeur de procéder à son reclassement (alors que l'inaptitude définitive de Madame X. n'est pas établie), le tout sous réserve de la capacité de Madame X. de faire preuve d'une aptitude professionnelle à un emploi de bureau.
En fait, la position de la SA GAN VIE n'est pas soutenable dès lors que la pathologie présentée par Madame X. (blessure à un genou droit à la suite d'un choc et séquelles lui interdisant de travailler) n'a pas évolué depuis l'origine.
[minute page 5] A soutenir le point de vue de l'assureur, la garantie n'était pas due dès l'accident puisque ce dernier n'interdisait pas à Madame X. d'exercer un emploi de bureau.
Or la SA GAN VIE a servi à Madame X. l'allocation journalière de mai 2002 à août 2003.
En conséquence de quoi, il sera jugé que la SA GAN VIE PRÉVOYANCE est tenue de verser à Madame X. une allocation journalière de 10,21 euros et de prendre en charge les primes du contrat, et ce depuis le 7 août 2003 et pendant la durée de l'incapacité totale de travail de Madame X.
La compagnie GAN devra verser à Madame X.
- au titre des allocations journalières et pour la période 7 août 2003 au 10 janvier 2005, la somme de 5.329,62 euros.
- au titre des primes d'assurance et pour la même période, la somme de 550,80 euros.
Aux termes de l'article 15 des conditions générales du contrat le service des allocations journalières ne peut excéder une durée de trois années consécutives.
Au terme de cette période, Madame X. âgée de moins de 55 ans serait en droit de percevoir le capital prévu en cas d'invalidité permanente totale par l'article 11 des conditions générales.
Madame X. perçoit les allocations journalières depuis le 15 mai 2002 (délai de carence de 30 jours, article 15 du contrat) en non depuis le mois de juin 2002 comme indiqué dans l'assignation.
Les allocations journalières cesseront d'être dues à compter du 15 mai 2005.
Aux termes de l'article 8 des conditions générales du contrat relatif à la prise en charge des primes d'assurance, si l'assuré se trouve en état d'incapacité temporaire totale de manière ininterrompue pendant trois ans, il est en droit de percevoir le capital prévu en cas d'invalidité permanente totale par l'article 11 des conditions générales.
Madame X. bénéficie de cette garantie depuis le 15 juin 2002 (délai de carence de 60 jours, article 8 du contrat).
La période de garantie prendra fin le 15 juin 2005.
2 - Sur les autres demandes :
Il serait contraire à l'équité de laisser à la charge de Madame X. les frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Il n'existe en la cause aucun motif d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] PAR CES MOTIFS,
Le tribunal d'instance d'ALBI, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort,
DIT et JUGE que la SA GAN VIE PREVOYANCE est tenue de verser à Madame X. une allocation journalière de 10,21 euros depuis le 7 août 2003.
CONDAMNE la SA GAN VIE PRÉVOYANCE à prendre en charge les primes du contrat pendant la durée de l'incapacité.
CONSTATE qu'aux termes de l'article 15 des conditions générales du contrat le service des allocations journalières ne peut excéder une durée de trois années consécutives et qu'au terme de cette période, Madame X. âgée de moins de 55 ans serait en droit de percevoir le capital prévu en cas d'invalidité permanente totale par l'article 11 des conditions générales.
CONSTATE qu'aux termes de l'article 8 des conditions générales du contrat relatif à la prise en charge des primes d'assurance, si elle se trouvait en état d'incapacité temporaire totale de manière ininterrompue pendant trois ans, Madame X. âgée de moins de 55 ans serait en droit de percevoir le capital prévu en cas d'invalidité permanente totale par l'article 11 des conditions générales.
CONDAMNE la SA GAN VIE PREVOYANCE à payer à Madame X. la somme de 5.880,42 euros au titre des allocations journalières et des primes d'assurance selon décompte arrêté au 10 janvier 2005.
CONDAMNE, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la SA GAN VIE PRÉVOYANCE à payer à Madame X. la somme de 500 euros.
REJETTE les autres demandes des parties.
CONDAMNE la SA GAN VIE PRÉVOYANCE aux entiers dépens.
Le président du tribunal d'instance a signé avec la greffière.
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