CA TOULOUSE (2e ch. 2e sect.), 21 février 2006
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 818
CA TOULOUSE (2e ch. 2e sect.), 21 février 2006 : RG n° 05/00793 ; arrêt n° 61
Publication : Juris-Data n° 295985
Extrait : « Le contrat souscrit par Mme Y. lui garantit le versement d'une indemnité journalière si elle se trouve « dans l'obligation de cesser temporairement toute activité du fait d'une maladie ou d'un accident », et ce pendant une durée maximale de 3 ans si l'incapacité survient avant l'âge de 55 ans. Une telle clause est claire, et ne nécessite aucune interprétation du terme « activité », qui n'est assorti d'aucun qualificatif. […] Il ne peut être soutenu que la clause litigieuse serait abusive : le contrat prévoit la possibilité de percevoir une indemnité de 7,62 € par jour (soit 230 € par mois pendant 36 mois au maximum) en contrepartie d'une prime mensuelle de 22,87 € (dont le paiement est suspendu en cas d'indemnisation), et alors que l'assurée conserve le droit au versement d'un capital au terme : un tel contrat ne crée aucun déséquilibre en faveur de la compagnie, et la référence à des recommandations émises en matière de contrat d'assurance de groupe accessoire à un contrat de prêt est sans objet en l'espèce, où est en cause une assurance vie librement souscrite à titre individuel dans un but principalement d'épargne, indépendamment de tout engagement financier. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 2
ARRÊT DU 21 FÉVRIER 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 05/00793. Arrêt n° 61.
APPELANT(E/S) :
SA GAN VIE PRÉVOYANCE
[adresse], représentée par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI, avoués à la Cour, assistée de Maître Bruno VACARIE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ(E/S) :
Madame X. épouse Y.
[adresse], représentée par la SCP RIVES-PODESTA, avoués à la Cour, assistée de la SCP ALBAREDE ET ASSOCIES, avocats au barreau d'ALBI (bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro XX/YY/ZZ du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [ville])
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 10 janvier 2006 en audience publique, devant la Cour composée de : M. LEBREUIL, président, D. GRIMAUD, conseiller C. BABY, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : R. GARCIA
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par M. LEBREUIL, président, et par R. GARCIA, greffier de Chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :
Mme Y. a souscrit le 21 novembre 1996 auprès de la SA GAN Vie Prévoyance un contrat garantissant les risques décès, incapacité temporaire totale, invalidité permanente et hospitalisation. Elle exerce la profession de vendeuse retoucheuse et a été victime, le 15 avril 2002, d'un accident du travail indemnisé comme tel par la caisse primaire d'assurance maladie. Elle a en outre perçu, à compter du 15 avril 2002, une indemnité journalière de 10,21 € de la part de son assureur, jusqu'au 6 août 2003, date à laquelle le médecin conseil mandaté par la compagnie a estimé que son état n'était pas consolidé et qu'elle ne pouvait continuer d'exercer sa profession, en raison des séquelles affectant sa jambe droite, mais qu'elle pouvait exercer une autre activité, de bureau par exemple. La compagnie a donc cessé toute indemnisation, eu égard à la définition contractuelle de l'incapacité temporaire totale.
Mme Y. a contesté cette décision, et saisi le 19 mai 2004 le tribunal d'instance d'Albi, qui, par jugement du 10 janvier 2005, a considéré, au visa de l'article 1162 du Code civil, qu'il convenait d'interpréter la clause litigieuse comme justifiant l'indemnisation dès lors que l'assurée n'était pas en mesure de reprendre l'exécution normale de son contrat de travail. Il ajoutait que l'état physique de l'assurée n'avait pas évolué depuis la date de l'accident, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de cesser de verser au 6 août 2003 une prestation versée jusque là sans discussion. Il a donc condamné la compagnie à payer les indemnités journalières à concurrence de 5.880,42 €, selon décompte arrêté à la date de sa décision, et à prendre en charge les cotisations correspondant à la période postérieure au 6 août 2003, allouant en outre à Mme Y. une indemnité de 500 € en indemnisation de ses frais irrépétibles.
La SA Gan Vie Prévoyance a relevé appel de cette décision par déclaration remise le 8 février 2005 au greffe de la cour.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
L'appelante considère que le tribunal a dénaturé une clause claire et précise du contrat, l'expression « toute activité » visant nécessairement « n'importe quelle activité », et non la seule activité professionnelle effectivement exercée par l'assurée, les critères d'appréciation étant exclusivement d'ordre fonctionnel. D'ailleurs, la profession de l'assurée n'est indiquée à aucun moment dans le contrat, et il ressort même de sa déclaration lors de la souscription du contrat qu'elle était alors sans profession. Il y a donc lieu d'appliquer la clause claire du contrat, conformément à une jurisprudence constante. En outre, le tribunal, sans [minute page 3] aucun avis médical, a estimé que l'indemnisation était due tant que Mme Y. percevait des indemnités journalières de CPAM, alors que les critères de versement de ces indemnités ne sont pas ceux du contrat d'assurance.
Elle conclut donc à la réformation du jugement, et, subsidiairement, sollicite une expertise, aux fins de vérifier si l'état de Mme Y. justifie ou non la poursuite du versement des indemnités d'assurance, compte tenu des termes du contrat.
Elle demande en outre 1.500 € en indemnisation de ses frais irrépétibles.
L'intimée conclut à la confirmation, maintenant que la clause contractuelle ne peut viser que l'impossibilité pour elle d'exercer sa profession habituelle. Toute autre lecture de cette clause en ferait une clause abusive, mettant à néant la garantie souscrite. Le tribunal a en outre relevé à juste titre que la situation de Mme Y. n'avait pas évolué depuis l'accident, de sorte que si l'interprétation du contrat faite par la compagnie était la bonne, elle n'aurait jamais dû payer d'indemnité. Mme Y. a d'ailleurs été hospitalisée en mars 2004, postérieurement à la cessation d'indemnisation par la compagnie.
A titre subsidiaire, elle demande une expertise médicale, l'intervention subie en 2004 rendant obsolètes les conclusions du médecin conseil de la compagnie.
Elle demande enfin 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Le contrat souscrit par Mme Y. lui garantit le versement d'une indemnité journalière si elle se trouve « dans l'obligation de cesser temporairement toute activité du fait d'une maladie ou d'un accident », et ce pendant une durée maximale de 3 ans si l'incapacité survient avant l'âge de 55 ans. Une telle clause est claire, et ne nécessite aucune interprétation du terme « activité », qui n'est assorti d'aucun qualificatif.
La situation professionnelle de Mme Y. n'est à l'évidence pas entrée dans le champ contractuel : le terme du contrat est le 1er novembre 2018, date à laquelle Mme Y. n'aura pas atteint l'âge de la retraite, puisqu'elle n'aura que 50 ans ; il ne précise pas si Mme Y. exerce ou non une activité rémunératrice, salariée ou non, et ne fait à aucun moment référence à l'exercice éventuel d'une activité professionnelle. Il est en outre [minute page 4] exact que le questionnaire qu'elle a rempli à la souscription mentionne qu'elle est alors sans profession. Il n'existe donc aucune raison de considérer que le terme « activité » signifierait « activité professionnelle », ni de s'interroger sur la question de savoir si Mme Y. peut ou non reprendre l'activité qu'elle exerçait, le cas échéant, avant l'accident à l'origine de l'indemnisation, ou est en mesure d'en exercer une autre, quelle qu'elle soit. Le versement de l'indemnité journalière n'est pas davantage subordonné à l'indemnisation par la Sécurité Sociale, puisqu'il est seulement précisé qu'elle s'ajoute « aux sommes qui peuvent éventuellement être versées à l'assuré par la Sécurité Sociale ». Dans ces conditions, le terme « toute activité », employé sans autre précision, a nécessairement un sens large, ainsi que le soutient la compagnie, et ne peut être limité à l'activité professionnelle.
Or, il ressort du rapport du médecin expert de la compagnie que Mme Y. peut marcher, même si son périmètre de marche est limité, et si la station debout lui est pénible. Elle est donc en mesure d'avoir des activités pourvu qu'elles ne nécessitent ni marche ni station debout prolongée, et ne remplit plus les conditions visées par le contrat. Il n'y a pas lieu d'instaurer une expertise en cause d'appel pour le vérifier, Mme Y. ne faisant état d'aucune aggravation de son état postérieurement au mois d'août 2003. Elle évoque bien une nouvelle intervention chirurgicale en 2004, mais sans en justifier autrement que par un séjour en centre de rééducation fonctionnelle, en vue d'améliorer sa mobilité : cet élément n'est pas de nature à établir une incapacité au sens du contrat, ni à justifier une nouvelle expertise.
Il ne peut être soutenu que la clause litigieuse serait abusive : le contrat prévoit la possibilité de percevoir une indemnité de 7,62 € par jour (soit 230 € par mois pendant 36 mois au maximum) en contrepartie d'une prime mensuelle de 22,87 € (dont le paiement est suspendu en cas d'indemnisation), et alors que l'assurée conserve le droit au versement d'un capital au terme : un tel contrat ne crée aucun déséquilibre en faveur de la compagnie, et la référence à des recommandations émises en matière de contrat d'assurance de groupe accessoire à un contrat de prêt est sans objet en l'espèce, où est en cause une assurance vie librement souscrite à titre individuel dans un but principalement d'épargne, indépendamment de tout engagement financier.
Le jugement sera donc réformé.
L'équité n'impose pas en revanche, eu égard à la situation respective des parties, défaire application en faveur de la compagnie de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la demande de l'intimée de ce chef étant rejetée du fait de la réformation du jugement en faveur de l'appelante.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 5] PAR CES MOTIFS,
La Cour,
En la forme,
Reçoit la compagnie GAN Vie en son appel,
Y faisant droit,
Infirme le jugement déféré,
Rejette les demandes de Mme Y.,
Dit n'y avoir lieu à expertise judiciaire,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne Mme Y. aux entiers dépens, dont distraction, pour ceux d'appel, en faveur de la SCP Cantaloube-Ferrieu Cerri, étant précisé qu'ils seront, pour partie, recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER : R. GARCIA. LE PRÉSIDENT : M. LEBREUIL.
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