T. COM. PARIS (6e ch.), 17 juin 2002

CERCLAB - DOCUMENT N° 1610
T. COM. PARIS (6e ch.), 17 juin 2002 : RG n° 2001/049439
(sur appel CA Paris (5e ch. sect. A), 2 juillet 2003 : RG n° 2002/13446)
Extrait : « Attendu au surplus, que la Cour de Cassation dans son arrêt en date du 25 mai 1992 a étendu le bénéfice les dispositions du Code de la Consommation, concernant le démarchage à domicile, aux commerçants démarchés, au motif qu'ils se trouvaient dans « un même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur » ».
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS
SIXIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 17 JUIN 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2001/049439.
ENTRE :
LA SOCIÉTÉ ANONYME FOCADINE,
dont le siège social est [adresse]. DEMANDERESSE comparant par Maître LE GUERN, avocat (M330).
ET :
Madame X., exerçant sous l'enseigne « W. »,
[adresse]. DÉFENDERESSE assistée de la SCP GAUTHIER BLANDEL BEJERMI MARTINEAU-FONDIN, avocats au Barreau de Saint Nazaire, demeurant [adresse], comparant par la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD, avocats (P240).
APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LES FAITS :
La Société FOCADINE s'est engagée à louer à la Société W. du matériel informatique, et à lui créer un site Internet, au terme d'un bon de commande en date du 14 décembre 2000, auquel était joint un chèque de garantie de 9.000 Francs. Le même jour, W. signait avec FOCADINE un contrat de participation commerciale pour un montant de 10 % sur toutes les ventes réalisées au moyen du site Internet ainsi créé.
Le 19 décembre 2000, W. informait FOCADINE, par lettre recommandée avec accusé de réception, de son intention de mettre fin au contrat de participation, ainsi qu'au bon de commande, et demandait la restitution de son chèque de caution.
FOCADINE conteste cette rétractation. Elle réclame à W. l'indemnité contractuelle prévue en cas de résolution du contrat. La lettre de mise en demeure étant demeurée sans effet, c'est dans ces conditions que naît la présente instance.
LA PROCÉDURE :
* Par Assignation en date 19 juin 2001 La Société FOCADINE demande au Tribunal de condamner la Société W. à lui payer :
- 13.216,90 Francs, avec intérêts à taux légal à compter de la mise en demeure du 11 janvier 2001 ;
- 12.000 Francs de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- [minute page 2] 3.000 Francs au titre de l'Article 700 du NCPC ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l'Article 1154 du Code Civil
- Ordonner l'exécution provisoire.
* Par conclusions motivées et reconventionnelles, en date du 8 octobre 2001, La Société W. demande au Tribunal de rejeter les demandes de la Société FOCADINE et de la condamner à :
- Rembourser à W. la somme de 9.000 Francs avec intérêts à taux légal à compter du 12 février 2001 ;
- A payer à W. une somme de 12.000 Francs pour action abusive ;
- A payer à W. 3.000 Francs au titre de l'Article 700 du NCPC ;
- De condamner FOCADINE aux entiers dépens ;
- d'ordonner l'exécution provisoire ;
De donner acte à W. de ce qu'elle se réserve la possibilité de porter plainte pour infraction aux règles du démarchage à domicile.
* Par conclusions récapitulatives en date du 8 octobre 2001, FOCADINE réitère ses précédentes écritures.
MOYENS DES PARTIES :
A l'appui de sa demande FOCADINE verse au débat le bon de commande signé par Mme X., Gérante de W., pour la location de matériel informatique et la création d'un site Internet, moyennant un loyer mensuel de 1.555,74 Francs et pour une durée de 48 mois, ainsi que le contrat de participation commerciale signé entre les parties. A la rétractation de W., elle oppose la validité du contrat et l'application de son Article 1 : « Toute commande est ferme et définitive par le client », ainsi que l'Article 2 : « La résolution du contrat entraînera le versement, par le Client au Fournisseur, d'une indemnité égale à 30 % du montant total de la location. Le chèque de garantie remis lors de la signature du bon de commande restera acquis définitivement au Fournisseur à titre d'acompte sur le montant des loyers à venir, et à défaut il s'imputera sur l'indemnité ci-dessus précisée. »
- Elle repousse les affirmations selon lesquelles Mme X. aurait signé cet engagement en cédant à la pression de M. Z., démarcheur pour le compte de FOCADINE. Elle souligne que Mme X. a librement consenti à cet engagement, en apposant sur les documents les mentions « lu et [minute page 3] approuvé » et « bon pour accord », et en remettant le même jour un chèque de garantie de bonne fin du contrat.
- Elle conteste les prétentions de W. de se prévaloir des dispositions protectrices du Code de la Consommation, en matière de démarchage à domicile, en raison de la nature commerciale du contrat susvisé. A ce titre, elle rejette le prétexte avancé par W., concernant « l'état d'ignorance » de Mme X., en matière d'informatique et d'Internet, celle-ci ayant répondu par l'affirmative à toutes les questions, portant sur la connaissance de ces points, contenus dans un questionnaire joint aux documents.
De son côté, W. rétorque qu'elle aurait été abusée par M. Z., démarcheur de FOCADINE. Celui-ci, lui aurait fait miroiter quelle avait été sélectionnée pour un site Internet, et l'aurait influencée pour qu'elle signe le jour même le contrat. Que de guerre lasse, et sans se rendre compte de ce à quoi elle s'engageait, ni de l'inutilité de la prestation proposée pour son activité, elle avait finit par souscrire le contrat. Se rendant compte qu'elle s'était fait manipulée » W. adressait une lettre recommandée avec AR [N.B. accusé de réception] entendant ainsi faire annuler la commande, pensant que le délai de rétractation de 7 jours la concernait Elle affirme que c'est dans un réel état d'ignorance qu'elle a signé ce contrat. En effet, son commerce, débutant, de vente de vêtements pour adolescents, n'a rien à voir avec le secteur de l'électronique et du web développement. Elle entend se prévaloir des dispositions des articles L. 121-22 du Code de la Consommation, concernant le démarchage à domicile, et cite à cet égard, une Jurisprudence de la Cour de Cassation en date du 25 mai 1992 étendant le bénéfice de ces dispositions à un commerçant démarché, au motif qu'il se trouvait dans un même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur. » En conséquence, W. conclut à la nullité du contrat.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Attendu que le Bon de Commande pour la fourniture de matériel informatique ne comprend, dans la rubrique « Description Configuration Matérielle », en page 1, que le descriptif suivant : (Unité Centrale PC, Ecran 15", clavier, souris, modem, haut-parleur » - sans aucune autre précision) ;
- que ces descriptions sont insuffisantes pour décrire la nature de la prestation ;
- que cette insuffisance fait peser sur ce contrat une incertitude inhabituelle ;
- [minute page 4] que le cocontractant ne pouvait s'engager sur des éléments aussi imprécis ;
Attendu au surplus, que la Cour de Cassation dans son arrêt en date du 25 mai 1992 a étendu le bénéfice les dispositions du Code de la Consommation, concernant le démarchage à domicile, aux commerçants démarchés, au motif qu'ils se trouvaient dans « un même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur » ;
Le Tribunal dira ce contrat frappé de nullité ; en conséquence déboutera FOCADINE de l'ensemble de ses demandes et la condamnera à payer à W. la somme de 1.372,04 € à titre de restitution avec Intérêts au taux légal à compter du 12 février 2001.
Sur la demande reconventionnelle de W. d'une somme de (12.000 Francs) 1.829,39 Euros, à titre d'indemnité pour action abusive, le Tribunal, usant de son pouvoir d'appréciation, lui accordera la somme de 500 €, la déboutant pour le surplus.
Sur l'exécution provisoire :
Attendu que W. sollicite l'exécution provisoire, le Tribunal, estimant qu'il convient que W. reçoive sans plus tarder la restitution de la somme qu'elle a versée, dira qu'il y a lieu de l'ordonner.
Attendu que pour assurer sa défense et faire reconnaître ses droits, de défendeur a dû exposer des frais non compris dans les dépens, qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge, le Tribunal condamnera FOCADINE à payer à W. la somme (3.000 Francs) 457,35 € au titre de l'Article 700 du NCPC.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant par un jugement contradictoire et en premier ressort :
- Dit le contrat frappé de nullité.
- Déboute la Société Anonyme FOCADINE de l'ensemble de ses demandes.
- Condamne la Société Anonyme FOCADINE à rembourser à Madame X., exerçant sous l'enseigne « W. » la somme de 1.372,04 Euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 février 2001.
- Condamne la Société Anonyme FOCADINE à payer à Madame X., exerçant sous l'enseigne « W. » la somme de 500 euros à titre d'indemnité pour action abusive
- [minute page 5] Condamne la Société Anonyme FOCADINE à payer à Madame X., exerçant sous l'enseigne « W. » une somme de 457,35 Euros au titre de l'Article 700 du NCPC.
Déboute Madame X., exerçant sous l'enseigne « W. » du surplus de ses demandes.
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.
Condamne la Société Anonyme FOCADINE aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le Greffe, liquidés à la somme de 39,05 euros TTC (TVA 6,09).
Confié lors de l'audience du 11 mars 2002 à Madame MONNINI, en qualité de Juge-Rapporteur.
Mis en délibéré le 6 mai 2002.
Délibéré par Messieurs CHARTIER, JURIS, Madame MONNINI, et prononcé à l'Audience Publique où siégeaient : Monsieur CHARTIER, Président, Mesdames HUERTAS-ESPAZE et MONNINI, Juges, assistés de Madame DELAPLACE, Greffier. Les parties en ayant été préalablement avisées.
La minute du jugement est signée par le Président du délibéré et le Greffier.
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