CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA PARIS (5e ch. sect. A), 2 juillet 2003

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (5e ch. sect. A), 2 juillet 2003
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 5e ch. sect. A
Demande : 2002/13446
Date : 2/07/2003
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Lamyline
Date de la demande : 1/07/2002
Décision antérieure : T. COM. PARIS (6e ch.), 17 juin 2002
Imprimer ce document

 

CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1194

CA PARIS (5e ch. sect. A), 2 juillet 2003 : RG n° 2002/13446

Publication : Lamyline

 

Extrait : « Considérant que Madame Y. invoque aussi l'application de l'article L. 121-22 du code de la consommation relatif au démarchage et à la vente à domicile, en se prétendant dans le même état d'ignorance qu'un simple consommateur ; que cependant, en vertu de l'article 1er des conditions générales du bon de commande « le client [en l'espèce Madame Y.] reconnaît que le matériel... est commandé pour les besoins de son activité professionnelle » ; que d'ailleurs Madame Y. a signé, tant le bon de commande que le contrat prévoyant une participation commerciale de CYBERVITRINE à hauteur de 10 % du chiffre d'affaires hors taxe réalisé sur le net, dans le but de développer sa propre activité professionnelle de vente de vêtements pour adolescents par le biais d'internet et développer ainsi son chiffre d'affaires ; que ce rapport direct entre le contrat litigieux, signé entre commerçants, et l'activité professionnelle de Madame Y. entraîne l'exclusion du contrat litigieux du champ d'application des dispositions légales invoquées ci-dessus par l'intimée ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

CINQUIÈME CHAMBRE SECTION A

ARRÊT DU 2 JUILLET 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 2002/13446.

 

APPELANTE :

SA SOCIÉTÉ CYBERVITRINE anciennement dénommée FOCADINE

[adresse], représenté par Maître PAMART, avoué, assisté de Maître I. LE GUERN, Avocat

 

INTIMÉE :

Madame Béatrice X. épouse Y. exerçant sous le nom commercial W.

[adresse], représentée par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoué, assisté de Maître BLANDEL BEJERMI, Avocat

 

COMPOSITION DE LA COUR : Président : Madame RIFFAULT-SILK ; Conseillers : Monsieur FAUCHER, Monsieur PICQUE.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Madame X. épouse Y., commerçante à [ville] sous l'enseigne W. a dénoncé le 19 décembre 2000 le contrat de participation commerciale souscrit le 14 décembre précédent avec la société dénommée à l'époque, FOCADINE, et a rétracté la commande de matériels informatiques approuvée le même jour avec la même cocontractante.

La SA FOCADINE a dès lors attrait le 19 juin 2001, Madame Y. devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de l'entendre condamner à lui payer 13.216,90 francs, majorés des intérêts au taux légal à compter du 11 janvier précédent et anatocisme, au titre de l'indemnité de résiliation, 12.000 francs de dommages et intérêts pour résistance abusive et 3.000 francs de frais irrépétibles. Madame Y. a reconventionnellement sollicité le remboursement du dépôt de 9.000 francs versé au moment de la commande, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 12 février 2001, outre 12.000 francs de dommages et intérêts pour « action abusive » et 3.000 francs de frais non compris dans les dépens. Elle a aussi demandé qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réservait de porter plainte « pour infraction aux règles de démarchage à domicile ».

Par jugement contradictoire du 17 juin 2002 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a « dit le contrat frappé de nullité » au motif principalement que l'insuffisance de description de la prestation « fait peser sur le contrat une incertitude inhabituelle ». Il a en conséquence, rejeté les prétentions de la société FOCADINE et l'a condamnée à rembourser le dépôt de 1.372,04 euros (9.000 francs), majoré des intérêts au taux légal à compter du 12 février 2001, outre le versement à Madame Y. de 500 euros d'indemnité pour action abusive et 457,35 euros de frais irrépétibles.

Appelante le 1er juillet 2002, la société FOCADINE, qui déclare se dénommer désormais CYBERVITRINE, expose, dans le dernier état de ses écritures signifiées le 14 février 2003, que :

- suivant bon de commande du 14 décembre 2000, Madame Y. lui a commandé la création d'un site internet et a pris à bail pour 48 mois, le matériel informatique nécessaire, moyennant un loyer mensuel de 1.555,74 francs (237,17 euros), ledit bon de commande comprenant également un contrat de participation commerciale de 10 % en faveur de la société FOCADINE,

- l'intéressée lui a remis le même jour un chèque de 9.000 francs au sujet duquel l'article 2 du bon de commande stipule qu'il « sera acquis définitivement au fournisseur à titre d'acompte sur le montant des loyers à venir et, à défaut, s'imputera sur l'indemnité ci-dessus précisée ».

Elle précise que, par lettre recommandée du 19 décembre 2000, Madame Y. a voulu mettre fin au contrat de participation commerciale et annuler le bon de commande tout en sollicitant la restitution du chèque « de caution ».

L'appelante fait valoir :

- que le matériel informatique qui a été livré, était lié à la prestation de la société CYBERVITRINE de création d'un site marchand sur internet dédié à la vente de vêtements pour adolescents correspondant à l'activité en boutique de Madame Y., cette dernière ayant au surplus indiqué, aux termes d'un questionnaire de renseignements, avoir connaissance et avoir déjà utilisé personnellement internet et être aussi par ailleurs équipée informatiquement tout en disposant d'un modem,

- que les conditions générales du bon de commande stipulent que le matériel et la prestation ont été commandés pour les besoins de l'activité professionnelle, l'article 2 précisant que la résolution du contrat entraînera le versement au fournisseur d'une indemnité égale à 30 % du montant total de la location,

- que l'objet du démarchage de son représentant a abouti à la souscription d'un contrat par Madame Y., destiné tant à accroître les profits de son activité, qu'à créer une activité supplémentaire de vente par internet,

- que le bon de commande était suffisamment explicite en comprenant, outre la liste des matériels loués dans sa partie gauche, la description des prestations dans sa partie droite.

La société CYBERVITRINE conclut à l'infirmation du jugement déféré, renouvelle, en les exprimant en euros, les prétentions antérieurement formulées devant les premiers juges et sollicite 2.000 euros de frais irrépétibles.

Intimée, Madame Y. réplique, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 18 février 2003, qu'elle a été démarchée de « manière pressante » pendant les heures d'ouverture de son magasin de sorte que « de guerre lasse, sous la contrainte et sans se rendre réellement compte de ce à quoi elle s'engageait ni de l'inutilité de la prestation proposée » elle a signé l'engagement en « pensant bénéficier du délai de rétractation de sept jours comme n'importe quel autre particulier ».

Elle fait valoir :

- que les conclusions de la société CYBERVITRINE sont nulles à défaut de viser « les dispositions légales sur lesquelles ses demandes sont fondées »,

- que les insuffisances de définition du matériel visé au contrat font peser une incertitude sur celui-ci, l'outil de communication étant au surplus inadapté à son commerce et ses propres engagements avec ses fournisseurs de vêtements stipulant de surcroît, une interdiction de vente des produits ailleurs que dans son magasin,

- que le contrat est également nul en application des articles L. 121-22 et suivants du Code de la consommation , lesquels sont d'ordre public, Madame Y., indiquant « ne rien comprendre à l'informatique », estimant se trouver en l'espèce « dans le même état d'ignorance qu'un simple consommateur », le questionnaire visé par l'appelante ayant en réalité été rempli par son mari,

- qu'au surplus, le contrat ne s'est jamais formé puisque l'article 1er des conditions générales stipule que le consentement du fournisseur ne devient définitif qu'après avoir été accepté par les services habilités de son siège social, cette acceptation étant réputée tacitement donnée, si lesdits services n'ont pas notifié de refus dans les 30 jours de la réception du bon de commande, alors que Madame Y. a notifié sa rétractation avant toute acceptation de la commande par les services du fournisseur et avant l'expiration du délai au terme duquel leur accord était réputé tacitement acquis.

Madame Y. prie la cour d'annuler les conclusions de l'appelante et conclut à la confirmation du jugement entrepris en sollicitant 7.500 euros de dommages et intérêts pour appel abusif et 3.000 euros de frais non compris dans les dépens.

Elle renouvelle aussi sa demande de « donner acte » concernant la possibilité de déposer plainte pour infraction aux règles sur le démarchage à domicile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Considérant que Madame Y., invoque « in limine litis », la nullité des conclusions de l'appelante qui, selon elle, « ne visent pas les dispositions légales sur lesquelles ses demandes sont fondées » ; qu'en réalité, lesdites conclusions visent clairement les dispositions de l'article 1134 du Code civil, et ne laissent subsister aucune incertitude sur les moyens de fait et de droit présentés à l'appui des prétentions de la société CYBERVITRINE ; que dès lors lesdites conclusions répondent aux exigences imposées par l'article 954 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que Madame Y. ne peut non plus valablement soutenir la nullité du bon de commande au motif, retenu à tort par le tribunal, d'une prétendue incertitude concernant les prestations fournies par la société CYBERVITRINE ; qu'en effet la lecture du bon de commande permet de constater une description précise du matériel livré (unité centrale PC, écran 15, clavier souris, modem, haut parleur) avec installation et mise en service du site internet créé, outre quatre heures de formation du personnel utilisateur ; que les prestations concernant le suivi du site créé sont tout aussi détaillées ainsi que le contrat de participation commerciale, signé le même jour ; qu'ainsi, Madame Y. s'est engagée sur des éléments précis, après avoir rempli dûment un questionnaire prouvant ses connaissances tant en informatique que des sites internet, étant surabondamment observé qu'elle est la signataire du questionnaire de renseignements et qu'elle ne rapporte pas la preuve qu'il aurait été rempli à son insu par une tierce personne ;

Considérant que l'intimée ne peut non plus déclarer utilement que « les contrats de vente.... conclus avec ses fournisseurs stipulent qu'elle n'a pas le droit de vendre ses produits ailleurs que dans son magasin » dès lors qu'elle ne justifie pas de l'existence de cette clause insérée dans des contrats, qui sont, en tout état de cause, inopposables à la société CYBERVITRINE, tiers auxdits contrats ;

Considérant que Madame Y. invoque aussi l'application de l'article L. 121-22 du code de la consommation relatif au démarchage et à la vente à domicile, en se prétendant dans le même état d'ignorance qu'un simple consommateur ; que cependant, en vertu de l'article 1er des conditions générales du bon de commande « le client [en l'espèce Madame Y.] reconnaît que le matériel... est commandé pour les besoins de son activité professionnelle » ; que d'ailleurs Madame Y. a signé, tant le bon de commande que le contrat prévoyant une participation commerciale de CYBERVITRINE à hauteur de 10 % du chiffre d'affaires hors taxe réalisé sur le net, dans le but de développer sa propre activité professionnelle de vente de vêtements pour adolescents par le biais d'internet et développer ainsi son chiffre d'affaires ; que ce rapport direct entre le contrat litigieux, signé entre commerçants, et l'activité professionnelle de Madame Y. entraîne l'exclusion du contrat litigieux du champ d'application des dispositions légales invoquées ci-dessus par l'intimée ; que ce moyen est inopérant pour justifier la nullité du contrat litigieux ;

Considérant enfin, que Madame Y. fait valoir, surabondamment, qu'à la date de sa rétractation, le contrat n'était pas encore formé, la société CYBERVITRINE n'ayant ni expressément ni tacitement donné son consentement définitif et qu'à ses yeux, ce bon de commande ne peut dès lors donner lieu au versement d'une indemnité de résolution ; que, cependant, l'engagement de l'intimée était ferme et définitif, sans possibilité de rétractation de sa part, comme l'indique clairement l'article 1er des conditions générales : « toute commande passée est ferme et définitive pour le client et ne devient ferme et définitive pour le fournisseur qu'après avoir été acceptée par les services habilités de son siège social. Cette acceptation sera toutefois considérée comme tacitement donnée dans le cas où ses services n'auront pas notifié au client leur refus dans les trente jours de la réception du bon de commande » ; qu'il en résulte que, malgré le délai de rétractation envisagé au profit uniquement de la société CYBERVITRINE, le contrat était formé dès le jour de sa signature, l'échange de consentement ayant eu lieu sur l'objet, le prix de la location du matériel, l'installation du site internet et les modalités de la participation commerciale, le fournisseur ayant seul la faculté de se rétracter pendant 30 jours, ce qu'il n'a pas fait au jour où Madame Y. a prétendu exercer une rétractation que le contrat ne lui permettait pas ;

Qu'en outre, la commande étant ferme et définitive pour Madame Y. dès le jour de sa signature, elle ne pouvait se dédire sans verser une indemnité, ainsi que l'article 2 des conditions générales le stipule : « la commande sera résiliée de plein droit du fait du client, et ce sans l'accomplissement d'aucune formalité ni mise en demeure préalable : en cas d'annulation de la commande avant ou après l'acceptation du dossier financier, dans le cas où la commande n'aurait pu être menée à son terme, par la faute ou la défaillance du client. La résolution du contrat entraînera le versement par le client au fournisseur d'une indemnité égale à 30 % du montant total de la location. Le chèque de garantie remis lors de la signature du bon de commande restera acquis définitivement au fournisseur à titre d'acompte sur le montant des loyers à venir, et à défaut il s'imputera sur l'indemnité ci-dessus précisée. » ; qu'en conséquence Madame Y. qui, par lettre du 19 décembre 2000 a annulé purement et simplement la commande, sera condamnée à verser ladite indemnité, chiffrée à 2.014,90 euros, outre les intérêts au taux légal à partir de la mise en demeure du 11 janvier 2001 ; que dès lors toutes les demandes de l'intimée seront rejetées étant observé qu'il n'a pas été contesté que le montant de l'indemnité contractuelle sollicité par la société CYBERVITRINE inclut déjà la déduction de l'acompte de 9.000 francs initialement versé par Madame Y. le jour de la signature de bon de commande ;

Considérant que les conditions étant réunies, il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts échus dans les termes de l'article 1154 du code civil à compter du 19 juin 2001, date de la demande ;

Considérant que la société CYBERVITRINE ne justifie d'aucun préjudice autre que celui déjà réparé par le versement de l'indemnité de résiliation, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;

Qu'il est équitable que l'appelante soit indemnisée de ses frais irrépétibles pour lesquelles lui sera allouée la somme de 1.000 euros ;

 

DISPOSITIF  (décision proprement dite)                                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne Madame X. épouse Y., exerçant sous l'enseigne W., à payer à la société CYBERVITRINE 2.014,90 euros (13.216,88 francs) avec intérêts au taux légal à partir du 11 janvier 2001,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil à compter du 19 juin 2001,

Condamne Madame Y. aux dépens de première instance et d'appel et à verser 1.000 euros de frais irrépétibles à la société CYBERVITRINE,

Admet Maître Rémi PAMART au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.