TI VICHY, 24 octobre 1995
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 169
TI VICHY, 24 octobre 1995 : RG n° 344/95 ; jugement n° 432
(sur appel CA Riom (ch. civ. et com.), 2 octobre 1996 : RG n°427/96 ; arrêts n° 198/96 et 199/96)
Extrait : « Pour s'opposer à cette réclamation, les sociétés précitées soutiennent que dans la convention de prêt passée le 5 avril 1993, les cautions ont renoncé à toute répétition entre elles. Certes, il est stipulé à l'article 6 de ce contrat, au troisième alinéa, que les cautions : « déclarent encore renoncer, en cas de pluralité de cautions, à tout bénéfice de discussion et de division, à tout recours et à toute répétition entre cautions, quelle qu'en soit la cause ».
La licéité du renoncement des cautions au recours entre elles n’est pas contestée dans la mesure où les dispositions de l'article 2033 sus-évoquées ne revêtent pas un caractère d'ordre public.
Il convient toutefois que la renonciation soit expresse, c'est à dire qu'il soit établi que les parties auxquelles on l'oppose aient eu, de façon explicite et non équivoque, connaissance de la nature et de l'étendue de l'obligation ainsi contractée. Or, il ressort de l'examen du contrat que les cautions signataires n'ont repris dans leurs mentions manuscrites après l'indication de la somme sur laquelle portait leur engagement que la renonciation aux bénéfices de discussion et de division, à l'exclusion de la renonciation au recours. Par conséquent, en l'espèce, les cautions personnes physiques, de conditions modestes (Michel X., M. Z. et Mr Y. se trouvant aujourd'hui insolvables) ou non particulièrement averties des règles de la matière commerciale (Mme Y., institutrice et Mr Jacques X. employé), ne pouvaient pas déduire de cette clause stipulée en termes généraux et hypothétiques (en cas de pluralité de caution), qu'ils renonçaient à tout recours contre les cofidéjusseurs et surtout mesurer la portée d'un tel engagement alors qu'ils renonçaient aussi aux bénéfices de division et de discussion. Par conséquent, la clause de renonciation au recours stipulée en termes dactylographiés au troisième alinéa du contrat sera jugée non valable. ».
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL D’INSTANCE DE VICHY
JUGEMENT DU 24 OCTOBRE 1995
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 344/95. Jugement n° 432.
ENTRE :
Monsieur X.
demeurant [adresse], DEMANDEUR, représenté par Maître BENAZDIA, avocat au Barreau de CUSSET VICHY, D'UNE PART
ET :
- La SOCIÉTÉ BRASSERIE FISCHER
dont le siège est [adresse].
- La SARL BOURBONNAISE DE DISTRIBUTION
dont le siège est [adresse]. DÉFENDERESSES, représentées par Maître BLANC, Avocat au Barreau de CUSSET VICHY.
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Président : Monsieur B. CHEVALIER, Juge au Tribunal de Grande Instance de CUSSET, chargé du Tribunal d'Instance de VICHY.
Greffier : Madame B. PROST,
Débats : à l'audience publique du 3 octobre 1995, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré.
JUGEMENT RENDU EN AUDIENCE PUBLIQUE LE VINGT OCTOBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT QUINZE
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Aux termes d'une convention en date du 5 avril 1993, Mr X., associé de la société à responsabilité limitée MCM, s'est porté caution solidaire de la société avec ses quatre co-associés et la SARL société Bourbonnaise de Distribution ainsi que la SA Brasserie Fischer envers la Société Financière de Gestion et d'Exploitation du Rhin (SOGER), pour le remboursement d'un prêt de 116.173 Francs en principal et 69.467 Francs d'intérêts.
Par actes d'huissier en date des 10 et 12 octobre 1994, Mr X. a fait assigner la SARL Bourbonnaise de Distribution et la SA Fischer en paiement par chacune des sommes de 18.196,33 Francs en principal et solidairement de 2.000 Francs HT au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Aux termes d'un jugement rendu le 21 mars 1995, le Tribunal de céans s'est déclaré incompétent pour connaître de ce litige au profit de la Chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG.
Statuant sur contredit, la Cour d'Appel de RIOM, dans un arrêt du 29 juin 1995, a annulé le jugement susvisé et ordonné le renvoi de l'affaire devant cette juridiction.
Les débats ont été réouverts à l'audience du 3 octobre 1995.
Ce jour, les parties ont fait déposer leurs dossiers.
Mr X. a fait conclure au bénéfice de son assignation et valoir, en fait, que la société SOGER a inclus dans le contrat de financement une clause de non recours entre cautions de telle sorte que la caution des deux sociétés, Bourbonnaise de Distribution et Fischer est purement illusoire et de nature à le tromper, en droit que cette clause de non recours est contraire à la loi Scrivener du 10 janvier 1978, applicable en l'espèce compte tenu de son incompétence en matière de caution et à la directive européenne du 5 avril 1993 sur les clauses abusives, en outre qu'elle est potestative et enfin qu'elle est léonine.
La Sarl Bourbonnaise de Distribution et la SA Fischer ont conclu au rejet de ces réclamations et ont demandé pour chacune la somme de 2.372 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
[minute page 3] Elles ont exposé en défense que la clause de non recours entre caution était parfaitement licite, que l'engagement était valide, même non manuscrit, que le droit des clauses abusives n'était pas applicable car les parties sont intervenues à l'acte dans un but professionnel, enfin que les arguments aux termes desquels la clause serait léonine ou potestative sont « folkloriques ».
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DU TRIBUNAL :
Il résulte des pièces produites et des écritures des parties les faits suivants :
le 24 décembre 1992, Mr Y., Mr Michel X., Mr Z., Mme Y. et Mr Jacques X. ont créé la SARL MCM, ayant pour objet principal l'exploitation d'un fonds de commerce de bar, restaurant et animation spectacle ;
Mr Jacques X. a apporté la somme de 7.500 Francs pour la constitution du capital social de la société, fixé à 50.000 Francs, et s'est vu attribuer 75 parts sociales d'une valeur de 100 Francs, sur les 500 parts de la SARL ;
le 5 avril 1993, la SARL MCM, représentée par ses co-gérants, Michel X. et Pascal Y., a emprunté à la SOGER la somme de 116.173 Francs en principal, majorée de 69.467 Francs d'intérêts au taux de 14,50%, remboursable en 84 mensualités de 2.210 Francs payables à compter du 21 avril 1993 ;
A l'article 6 de cette convention, les cinq associés se portaient cautions solidaires de la SARL MCM, ainsi que la société Bourbonnaise de Distribution et la SA FISCHER mais celles-ci dans la limite de 50 % des sommes dues ; par acte du même jour, la SARL MCM donnait en gage à titre de nantissement à SOGER le fonds de commerce de café, bar restaurant [enseigne] [adresse] ;
Par ordonnance rendue le 23 novembre 1993, la deuxième chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG, sur assignation de SOGER, condamnait solidairement la SARL MCM et les cinq associés, pris en leur qualité de caution, au paiement provisionnel de 132.579,18 Francs, outre intérêts, et de 2.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
En exécution de cette ordonnance, Mr Jacques X. versait à SOGER la somme de 72.785.35 Francs.
En droit, Mr Jacques X. justifie du bien fondé de son action dans son principe par la production aux débats de la facture acquittée de la [minute page 4] somme de 72.785,35 Francs établie par la société SOGER. Aux termes de l'article 2033 du Code Civil, la caution qui a acquitté la dette, lorsqu’elle a payé dans un des cas visés par l'article 2032 du même code, a recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion. Mr X., qui a versé la somme de 72.785,35 Francs à la société SOGER en exécution de l'ordonnance de référé du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG, soit dans la circonstance correspondante à la première hypothèse de l'article 2032 susvisé, a donc recours contre la société Bourbonnaise de Distribution et la société FISCHER, cautions solidaires, pour la part qui leur revient.
Pour s'opposer à cette réclamation, les sociétés précitées soutiennent que dans la convention de prêt passée le 5 avril 1993, les cautions ont renoncé à toute répétition entre elles.
Certes, il est stipulé à l'article 6 de ce contrat, au troisième alinéa, que les cautions : « déclarent encore renoncer, en cas de pluralité de cautions, à tout bénéfice de discussion et de division, à tout recours et à toute répétition entre cautions, quelle qu'en soit la cause ».
La licéité du renoncement des cautions au recours entre elles n’est pas contestée dans la mesure où les dispositions de l'article 2033 sus-évoquées ne revêtent pas un caractère d'ordre public.
Il convient toutefois que la renonciation soit expresse, c'est à dire qu'il soit établi que les parties auxquelles on l'oppose aient eu, de façon explicite et non équivoque, connaissance de la nature et de l'étendue de l'obligation ainsi contractée.
Or, il ressort de l'examen du contrat que les cautions signataires n'ont repris dans leurs mentions manuscrites après l'indication de la somme sur laquelle portait leur engagement que la renonciation aux bénéfices de discussion et de division, à l'exclusion de la renonciation au recours. Par conséquent, en l'espèce, les cautions personnes physiques, de conditions modestes (Michel X., M. Z. et Mr Y. se trouvant aujourd'hui insolvables) ou non particulièrement averties des règles de la matière commerciale (Mme Y., institutrice et Mr Jacques X. employé), ne pouvaient pas déduire de cette clause stipulée en termes généraux et hypothétiques (en cas de pluralité de caution), qu'ils renonçaient à tout recours contre les cofidéjusseurs et surtout mesurer la portée d'un tel engagement alors qu'ils renonçaient aussi aux bénéfices de division et de discussion.
Par conséquent, la clause de renonciation au recours stipulée en termes dactylographiés au troisième alinéa du contrat sera jugée non valable.
[minute page 5] Le recours de Mr X. est par conséquent bien fondé.
Surabondamment, il convient de remarquer que la SOGER n'a assigné en référé devant le Tribunal de STRASBOURG, avec la SARL MCM, que les cinq cautions, personnes physiques, associées de la SARL, sans attraire également les deux autres cautions solidaires, la SARL Bourbonnaise de Distribution et la SA Brasserie FISCHER, comme l'aurait fait un créancier désireux de rechercher un titre contre tous ses débiteurs et a priori contre les plus solvables. Cet élément confirme a posteriori l'analyse faite ci-dessus quant à l'invalidité de la clause de renonciation dans la mesure où il démontre que l'engagement comme caution solidaire dans l'acte de prêt des deux sociétés avaient un caractère purement factice, destiné à faire accroire aux cinq associés qu'ils ne s'engageaient pas seuls comme cautions solidaires de la SARL MCM.
Sur le quantum de la demande, il convient en premier lieu de prendre en compte le fait que les deux sociétés défenderesses ont limité leur engagement de caution à la moitié du capital, intérêts et accessoires soit à la moitié de l'obligation de Mr X.
S'agissant de l'insolvabilité alléguée de trois des cinq cautions personnes physiques, elle est justifiée au dossier en ce qui concerne Michel X., par la production aux débats du courrier des Assedic en date du 4 janvier 1995 aux termes duquel il n'a perçu aucun revenu durant l'année 1994, en ce qui concerne Mr Z., par la notification de ses droits à indemnité en date du 26 décembre 1994, attestant de revenus modestes et dégressifs et quant à Mr Y. par la copie de sa feuille d'imposition sur ses revenus de 1993 et le courrier de son père attestant qu'il pourvoit complètement à son entretien.
Ces insolvabilités ne sont plus contestées par les sociétés défenderesses qui ont abandonné ce moyen dans leurs conclusions récapitulatives devant le Tribunal d'Instance.
En application des dispositions des articles 1214 et 2026 alinéa 2 du Code Civil, il convient de répartir la part qui aurait dû revenir aux trois cautions insolvables entre les cautions solvables au prorata de leurs engagements.
La proportion due par chacune des deux sociétés: Bourbonnaise de Distribution et Brasserie Fischer sur la somme acquittée par Mr X. s'élève par conséquent à un sixième.
[minute page 6] Compte tenu de ces éléments, la demande de Mr X. qui a versé à SOGER la somme de 72.785.35 Francs sera jugée bien fondée à l'encontre de chacune des sociétés défenderesses à concurrence de 12.130,89 Francs.
L'équité commande de décharger Mr Jacques X. de ses frais irrépétibles à hauteur de 1.600 Francs HT.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort :
Déclare Mr X. recevable en sa demande,
Condamne la SARL Société Bourbonnaise de Distribution et la SA Brasserie Fischer à payer chacune à Mr X. la somme de 12.130,89 Francs en principal avec intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 1994,
Déboute les parties pour le surplus,
Condamne la SARL Bourbonnaise de Distribution et la SA Brasserie Fischer aux dépens et à payer 1.600 Francs HT en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique, les jour, mois et an que dessus.
B. PROST B. CHEVALIER
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