CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA VERSAILLES (1re ch. B), 5 décembre 1997

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (1re ch. B), 5 décembre 1997
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 1995/5679
Date : 5/12/1997
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurinet
Décision antérieure : TI VERSAILLES, 20 mars 1995
Décision antérieure :
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 1748

CA VERSAILLES (1re ch. B), 5 décembre 1997 : RG n° 1995/5679

Publication : Jurinet

 

Extrait : « Considérant, ainsi que l'a exactement retenu le premier juge que le contrat de bail dont s'agit est soumis aux dispositions de la loi de l'ordre public du 6 juillet 1989 ; qu'en vertu de l'article 6) c) de cette loi, la bailleresse doit donc assurer à ses locataires une jouissance paisible du logement ; que certes l'article 22 du contrat faisant la loi des parties a stipulé, que le locataire ferait son affaire personnelle des troubles de fait qui pourraient lui être causés par des colocataires, mais que cette clause contrevient directement aux obligations édictées par l'article 6) c) et qu'elle doit donc être réputée non écrite, ainsi que l'a exactement motivé le jugement ; que cette clause, en effet, aboutit à autoriser le bailleur à diminuer ou a supprimer, sans contrepartie équivalente une prestation (jouissance paisible à assurer) prévue par la loi ; qu'elle est donc contraire à l'interdiction de telles clauses édictée par l'article 4) h) de cette loi ; que de surcroît, cette clause doit être réputée non écrite en vertu de l'article L 132-1 du code de la consommation ».

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

PREMIÈRE CHAMBRE B

ARRÊT DU 5 DÉCEMBRE 1997

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 1995-5679. Appel d’un jugement du Tribunal d’instance de Versailles du 20 mars 1995. Présidence : M. A. CHAIX.

 

APPELANTE :

SA LOGIREP

SCP FIEVET ROCHETTE, avoué

 

INTIMÉS :

Époux X.

Maître DELCAIRE, Avoué

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 25 juin 1985, la SA LOGIREP a donné à bail aux époux X. un logement au rez-de-chaussée, d'un immeuble situé […].

Suite à des troubles incessants du voisinage occasionnés par un groupe de personnes dans le hall de l'immeuble, les époux X. ont assigné la SA LOGIREP devant le tribunal d'instance de VERSAILLES aux fins de la voir condamner à prendre toutes mesures de nature à faire cesser le trouble dont ils sont victimes, et ce sous astreinte de 1.000 Francs par infraction constatée et à payer aux époux X. la somme de 30.000 Francs en réparation du préjudice de jouissance subi et celle de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le tout assorti de l'exécution provisoire.

 

Par jugement contradictoire et en premier ressort rendu le 20 mars 1995, le tribunal d'instance de VERSAILLES a :

- ordonné à la SA LOGIREP de faire cesser le trouble de jouissance résultant de la présence d'individus se tenant dans le hall d'entrée de l'immeuble sis […],

- condamné la SA LOGIREP aux dépens et à verser aux époux X. la somme de 20.000 Francs à titre de dommages-intérêts et celle de 4.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- rejeté la demande d'astreinte des époux X.,

le tout avec exécution provisoire.

 

La SA LOGIREP, appelante, soutient à l'appui de ses prétentions, qu'elle n'est pas responsable desdits troubles n'ayant aucun pouvoir coercitif à l'encontre des tiers à l'immeuble.

Par des conclusions en réponse, en date du 3 juillet 1997, la SA LOGIREP fait valoir que les époux X. ne prouvent nullement que les personnes causant des troubles dans le hall de l'immeuble sont également des locataires du bâtiment et que la demande d'indemnisation de Madame X. à la suite d'une rixe entre voisins au cours de laquelle elle avait été blessée, ne peut lui être opposée, les faits reprochés n'ayant aucun lien avec le contrat de bail.

Par conséquent, elle demande à la Cour de :

- dire recevable et bien fondé son appel à l'encontre du jugement du tribunal d'instance de VERSAILLES en date du 20 mars 1995,

Y faisant droit,

- infirmer cette décision en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- dire et juger qu'aucune responsabilité ne peut être retenue contre elle dans les troubles dont se plaignent les époux X.,

- condamner ces derniers au paiement d'une somme de 7.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

 

Les époux X., intimés, soutiennent que la SA LOGIREP a manqué à ses obligations de bailleur en ne faisant pas cesser le trouble de voisinage occasionné, dans le hall de l'immeuble par des individus identifiés, pour la plupart également locataires, et qui ne sont donc pas des tiers.

Par conséquent, ils prient la Cour de :

- dire et juger que la SA LOGIREP mal fondée en son appel, l'en débouter,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné à la SA LOGIREP de faire cesser le trouble de jouissance résultant de la présence d'individus dans le hall de l'immeuble,

- la confirmer encore du chef de la condamnation de la SA LOGIREP à réparer leur préjudice du fait de ces troubles de jouissance,

L'infirmant pour le surplus,

- porter à la somme de 50.000 Francs le montant des dommages-intérêts dus par la SA LOGIREP à titre de réparation,

- condamner la SA LOGIREP à leur régler une somme de 6.000 Francs en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Maître DELCAIRE, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 25 septembre 1997 et les parties ont fait déposer leurs dossiers à l'audience du 6 novembre 1997.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE LA COUR

I) Considérant, ainsi que l'a exactement retenu le premier juge que le contrat de bail dont s'agit est soumis aux dispositions de la loi de l'ordre public du 6 juillet 1989 ; qu'en vertu de l'article 6) c) de cette loi, la bailleresse doit donc assurer à ses locataires une jouissance paisible du logement ; que certes l'article 22 du contrat faisant la loi des parties a stipulé, que le locataire ferait son affaire personnelle des troubles de fait qui pourraient lui être causés par des colocataires, mais que cette clause contrevient directement aux obligations édictées par l'article 6) c) et qu'elle doit donc être réputée non écrite, ainsi que l'a exactement motivé le jugement ; que cette clause, en effet, aboutit à autoriser le bailleur à diminuer ou a supprimer, sans contrepartie équivalente une prestation (jouissance paisible à assurer) prévue par la loi ; qu'elle est donc contraire à l'interdiction de telles clauses édictée par l'article 4) h) de cette loi ; que de surcroît, cette clause doit être réputée non écrite en vertu de l'article L 132-1 du code de la consommation ;

Considérant que les époux X. ont porté à la connaissance de la SA LOGIREP les noms et adresse (…) de 8 personnes, au moins, locataires ou occupants, qui seraient les auteurs des troubles dénoncés mais que la bailleresse ne justifie d'aucune diligences faite par elle pour prévenir ou faire cesser ces faits qui sont constants et pour assurer une jouissance paisible à ses locataires ; que notamment, elle n'a pas assuré un service de gardiennage et de surveillance suffisant, qu'elle n'a pas fait constater par huissier la réalité et la gravité de ces désordres (violences physiques et verbales, rassemblements des individus bruyants, agressifs et consommateurs de drogues, dans les parties communes), ni fait installer des codes, des interphones ou des portes intermédiaires destinés à filtrer les intrus ; qu'elle ne justifie pas davantage de ses plaintes auprès des services de police, ni d'action en justice, à l'occasion de ces divers faits préjudiciables ; qu'en définitive, elle cherche à s'exonérer de ses obligations et de sa responsabilité en dressant un constat de son propre échec, consistant à prétendre que : « la réalité sociale des cités d'aujourd'hui ne permet plus au bailleur d'agir efficacement parce qu'il se trouve confronté à des réels problèmes de société et de sécurité » ;

Considérant que le premier juge dont la motivation pertinente est adoptée, a exactement apprécié les circonstances de la cause et a fait une juste application des textes (ci-dessus rappelés) engageant la responsabilité du bailleur ; que le jugement déféré est donc confirmé en son entier et que la SA LOGIREP est déboutée des fins de toutes ses demandes ;

 

II) Considérant que les dommages-intérêts devant réparer les dommages certains et directs subis par les époux X. ont été justement réparés par l'allocation de 20.000 Francs de dommages-intérêts qui sont confirmés et que les intimés sont donc déboutés de leur demande incidente en paiement de 50.000 Francs de dommages-intérêts de ce chef ;

Considérant par contre, que compte-tenu de l'équité, la somme allouée aux époux X. pour leurs frais irrépétibles en première instance et en appel, est élevée à un total de 6.000 Francs, en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

I) - DEBOUTE la SA LOGIREP des fins de son appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte ;

- CONFIRME en son entier le jugement déféré ;

II) Et réformant :

- CONDAMNE l'appelante à payer aux époux X. la somme de totale de 6.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SA LOGIREP en tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par Maître DELCAIRE, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : LE PRESIDENT, A. CHAIX et LE GREFFIER, S. RENOULT qui a assisté au prononcé .