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6393 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (1) - Présentation générale

Nature : Synthèse
Titre : 6393 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (1) - Présentation générale
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
Notice :
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6393 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CONTRAT

LOCATION D’IMMEUBLES (BAIL IMMOBILIER)

BAIL D’HABITATION (1) - PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

Recommandations. Recommandation n° 80-04 du 4 février 1980 relative aux contrats de location de locaux à usage d’habitation : BOSP, 17 octobre 1980 ; Cerclab n° 2147. § Recommandation n° 00-01, du 17 février 2000, complétant la recommandation n° 80-04 concernant les contrats de location de locaux à usage d'habitation : Boccrf 22 juin 2000 ; Cerclab n° 2194.

Articulation des législations des baux d'habitation avec les recommandations. La première recommandation n° 80-04 du 4 février 1980 a visé la loi du 1er septembre 1948 mais n'a pu prendre en compte les lois ultérieures qui ont successivement régi les baux d'habitation : loi n° 82-526 du 22 juin 1982 (dite loi Quilliot), remplacée par la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 (dite loi Méhaignerie), elle-même reprise et modifiée par la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (dite loi Mermaz). Ces textes fixent les droits et les obligations des parties et comme ils sont sur ce point d'ordre public (V. en dernier lieu : art. 2 L. 6 juillet 1989), ils rendent illicites toute clause qui tenterait de les contourner. Par ailleurs, chaque loi contient un article (V. en dernier lieu l'art. 4 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version résultant de la loi du 24 mars 2014) qui répute non écrites un certain nombre de stipulations « abusives » (qualification implicite), protection d'autant plus importante qu'elle joue quelle que soit la qualité du bailleur, même s'il n'est pas professionnel. Cette situation nouvelle a été prise en compte par la Commission des clauses abusives dans sa seconde recommandation n° 00-01 du 17 février 2000 qui a distingué les baux réglementés de ceux soumis au Code civil et qui a ajouté en annexe une liste de clauses illicites. Deux situations peuvent donc se présenter.

* Le bail est soumis à un régime spécifique (L. 1er septembre 1948, L. 6 juillet 1989, régime spécial). La protection contre les clauses abusives, si le bailleur est professionnel, constitue une protection supplémentaire pouvant permettre d'écarter certaines clauses qui ne sont pas sanctionnées par les législations d’ordre public des baux (sur la contestation de cette solution, V. Cerclab n° 5840). Le caractère abusif peut s'inspirer dans ce cas de la recommandation n° 80-04 et des dispositions de la recommandation n° 00-01, qu'il s'agisse de ses dispositions communes ou de celles visant spécifiquement les baux réglementés.

Sur l’articulation : dès lors qu’une clause est déclarée illicite par application de la loi du 6 juillet 1989, il est inutile de rechercher son caractère abusif. TI Saint-Brieuc, 27 avril 1992 : RG n° 77/92 ; Cerclab n° 125. § Comp. admettant simultanément le caractère illicite et le caractère abusif : TI Paris (16e arrdt), 20 février 2007 : RG n° 11-06-000528 et n° 11-06-000939 ; Cerclab n° 444 (« clause illicite voire abusive ») - CA Grenoble (2e ch. civ.), 19 octobre 2004 : RG n° 03/00333 ; arrêt n° 844 ; Cerclab n° 3128 (clause relative aux frais de recouvrement illicite et abusive) - CA Versailles (1re ch. B), 5 décembre 1997 : RG n° 1995/5679 ; Lamyline ; Cerclab n° 1748. § Comp. erroné : une telle clause de solidarité entre concubins n’étant pas visée par l'art. 4 de la loi du 6 juillet 1989 prévoyant les clauses interdites en matière de bail, il ne s'agit aucunement d'une clause abusive. CA Douai (3e ch.), 12 novembre 2015 : RG n° 14/03926, 14/5879 ; arrêt n° 15/827 ; Cerclab n° 5423 (N.B. contrairement à ce qu’affirme l’arrêt, s’agissant d’un bail HLM, donc d’un bailleur professionnel, le fait qu’une clause ne figure pas à l’art. 4 de la loi n’interdit nullement l’application des textes du Code de la consommation), sur appel de TI Béthune, 13 mai 2014 : RG n° 1113001554 ; Dnd.

N.B. Il serait pourtant possible d’adopter en la matière le raisonnement utilisé de façon générale selon lequel une clause contraire à un texte d’ordre public est illicite et, maintenue dans le contrat, abusive, en ce qu’elle trompe le consommateur sur ses droits.

* Le bail est soumis à la liberté contractuelle et au régime supplétif du Code civil. Dans ce cas, à condition que le bailleur soit un professionnel, la protection contre les clauses abusives est un instrument essentiel de protection du locataire. A cet égard, il faut rappeler que l'art. 2 de la loi du 6 juillet 1989 précise que ses dispositions « ne s'appliquent ni aux locations à caractère saisonnier, à l'exception de l'art. 3-1, ni aux logements foyers, à l'exception des deux premiers alinéas de l'art. 6 et de l'art. 20-1. Elles ne s'appliquent pas non plus, à l'exception de l'art. 3-1, des deux premiers alinéas de l'art. 6 et de l'art. 20-1, aux locaux meublés, aux logements attribués ou loués en raison de l'exercice d'une fonction ou de l'occupation d'un emploi, aux locations consenties aux travailleurs saisonniers ».

Le texte a été modifié par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 : l’art. 2 in fine dispose désormais que le titre 1er de la loi du 6 juillet 1989 « ne applique pas : 1° Aux logements-foyers, à l'exception du premier alinéa de l'article 6 et de l'article 20-1 ; 2° Aux logements meublés, régis par le titre Ier bis ; 3° Aux logements attribués ou loués en raison de l'exercice d'une fonction ou de l'occupation d'un emploi et aux locations consenties aux travailleurs saisonniers, à l'exception de l'article 3-3, des deux premiers alinéas de l'article 6, de l'article 20-1 et de l'article 24-1. Le caractère abusif peut ici s'inspirer de la recommandation n° 80-04 et des dispositions de la recommandation n° 00-01, qu'il s'agisse de ses dispositions communes ou de celles visant spécifiquement les baux soumis au régime du Code civil. § V. aussi pour des situations plus spécifiques : location en meublé (Cerclab n° 6403), location saisonnière (Cerclab n° 6404), location d’emplacement publicitaire (Cerclab n° 6411), location d’emplacement d’hôtellerie de plein air ou pour mobile-home (Cerclab n° 6414).

Articulation des domaines des législations des baux d'habitation et de la protection contre les clauses abusives. La réglementation des clauses abusives de l'art. L. 212-1 C. consom. suppose que le contrat soit conclu entre un consommateur ou un non-professionnel (nécessairement une personne morale depuis l’ordonnance du 14 mars 2016 et la création de l’alinéa 2 de l’art. liminaire) ou d'une part, et un professionnel d'autre part. Il importe que le bailleur soit donc un professionnel du bail : personne morale professionnelle (notamment organisme HLM), personne physique ayant la qualité de loueur professionnel (V. Recomm. n° 00-01, considérant n° 3).

Un contrat conclu avec un simple particulier échappe donc au texte (V. Cerclab n° 5848 et n° 5849). § Application de la protection contre les clauses abusives à un bailleur, publicitaire de profession, mais louant habituellement plusieurs studios ou chambres meublées dans un but lucratif, ce qui coïncide avec la définition du loueur professionnel donnée par l'art. 2 alinéa 1er de la loi du 2 avril 1949. CA Chambéry (ch. civ.), 19 janvier 2000 : RG n° 97-00472 ; arrêt n° 182 ; Site CCA ; Cerclab n° 583. § Refus d’appliquer l’ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom. dès lors que le locataire ne démontre pas que la SCI bailleresse avait la qualité de professionnel. CA Douai (3e ch.), 19 avril 2012 : RG n° 11/02678 ; Cerclab n° 3796 (location en meublé), sur appel de TI Béthune, 17 mars 2011 : Dnd.

Une autre particularité tient au fait que le bailleur fait souvent appel à un mandataire professionnel (agence immobilière) qui, tout en agissant en qualité d'intermédiaire, en profite pour imposer ses conditions générales. Sur la question de l'applicabilité de la protection contre les clauses abusives, dans cette hypothèse, V. Cerclab n° 5848 et n° 5849 et pour l’application de l’ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom. à des conditions générales de location imposées par une agence : CA Grenoble (2e ch. civ.), 19 octobre 2004 : RG n° 03/00333 ; arrêt n° 844 ; Cerclab n° 3128, confirmant TGI Grenoble (4e ch. civ.), 2 décembre 2002 : RG 2001/03310 ; jugt n° 223 ; site CCA ; Cerclab n° 3169 - TGI Grenoble (4e ch.), 4 novembre 2013 : RG n° 11/02833 ; site CCA ; Cerclab n° 7031 (bail d’habitation proposé par un agent immobilier). § Comp. CA Lyon (8e ch.), 6 mars 2012 : RG n° 10/09261 ; Legifrance ; Cerclab n° 3762 (le fait que le bailleur soit passé par l'intermédiaire d'une agence immobilière pour signer le contrat est indifférent à la solution en droit ; clause au surplus non abusive), sur appel de TI Villeurbanne, 2 décembre 2010 : RG n° 11-10-000600 ; Dnd.

Comp. dans le cadre de la prescription de l’art. L. 218-2, anciennement L. 137-2 C. consom. : le bail d’habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 obéit à des règles spécifiques exclusives du droit de la consommation, de sorte que la prescription édictée par l’article 7-1 de cette loi est seule applicable à l’action en recouvrement des réparations locatives et des loyers impayés, ce qui exclut l’application de l’ancien art. L. 137-2 C. consom. Cass. civ. 3e, 26 janvier 2017, : pourvoi n° 15-25791 ; arrêt n° 110 ; Cerclab n° 6711 (logement social donné à bail), cassant TI Dieppe, 7 août 2015 : Dnd - Cass. civ. 3e, 26 janvier 2017, : pourvoi n° 15-27688 ; arrêt n° 111 ; Cerclab n° 6712 (idem), cassant TI Dieppe, 7 août 2015 : Dnd. § N.B. Si la sanction des clauses abusives, réputées non écrites, n’est pas soumise à l’imprescriptibilité, la solution posée par la Cour de cassation dans ces arrêts concerne avec certitude les clauses prohibées par la loi du 6 juillet 1989 et pourrait éventuellement s’appliquer aussi aux clauses abusives sur le fondement de l’art. L. 212-1 C. consom., l’affirmation selon laquelle la « loi du 6 juillet 1989 obéit à des règles spécifiques exclusives du droit de la consommation » ne pouvant avoir une portée générale, puisque les baux d’habitation, même soumis à la loi du 6 juillet 1989 ont été constamment inclus dans le cadre de la protection générale contre les clauses abusives, dès lors que le bailleur est un professionnel (sur cette discussion, V. Cerclab n° 5840).

Articulation des sanctions. * Clauses abusives au regard de la loi du 6 juillet 1989. Si une clause figure dans la liste des clauses abusives prohibées par la loi du 6 juillet 1989 (ce qui équivaut à une liste de clauses noires), la référence aux textes spécifiques protégeant le consommateur est inutile.

* Clauses illicites au regard de la loi du 6 juillet 1989. Si une clause contrevient aux dispositions d’ordre public de la loi du 6 juillet 1989, elle sera déclarée illicite, situation qui n’exclut pas nécessairement l’existence d’un déséquilibre significatif. La solution vaut notamment si la clause est considérée comme la source d’une asymétrie d’informations trompant le consommateur sur ses droits et peut être intéressante pour les clauses dont la rédaction est ambiguë. Pour une illustration : TGI Grenoble (4e ch.), 4 novembre 2013 : RG n° 11/02833 ; site CCA ; Cerclab n° 7031 (bail d’habitation proposé par un agent immobilier ; 1/ est abusive la clause ambiguë, au regard du décret n° 87-713 du 26 août 1987… : 2/ clause abusive en raison de son ambiguïté sur les frais pouvant être exigés par l’agent immobilier).

En revanche, le caractère licite de la clause n’exclut pas son caractère abusif. Pour une illustration explicite : TGI Grenoble (4e ch.), 4 novembre 2013 : RG n° 11/02833 ; site CCA ; Cerclab n° 7031 (clause abusive même si elle respecte l'article 4-a) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 : limitation des visites à deux heures par jour, les jours ouvrables, mais imposition abusive d’un créneau précis).

Existence d’un fondement propre à la législation des baux d'habitation ? Pour certaines décisions, l’élimination des clauses abusives peut se fonder sur les textes spécifiques de la loi du 6 juillet 1989 (énumérant une liste de clauses prohibées), mais aussi sur le fondement plus général du dernier alinéa de l’article premier de la loi (ce qui permettrait de contourner l’exigence d’un bailleur professionnel posée par l’art. L. 212-1 C. consom.). V. en ce sens : le bail souscrit entre le bailleur (N.B. incontestablement professionnel) et le locataire est soumis aux dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989 qui dispose en son art. 1er alinéa 3 [N.B. devenu le dernier alinéa] « les droits et obligations réciproques des bailleurs et des locataires doivent être équilibrés dans leurs relations individuelles comme dans leurs relations collectives » ; doit donc être considérée comme abusive toute clause qui entraîne un déséquilibre excessif dans les relations contractuelles entre bailleur et locataire. TI Gonesse, 25 juin 2009 : RG n° 11-09-000031 ; jugt n° 409 : Cerclab n° 3727, sur appel CA Versailles (1re ch. sect. 2), 7 septembre 2010 : RG n° 09/06674 ; Cerclab n° 3037 (caractère abusif confirmé par adoption de motifs sans mention du texte).

Influence des accords collectifs. V. pour une décision n’ayant pu aborder la question que sous l’angle de la recevabilité, pour des raisons propres à l’espèce, le professionnel ayant renoncé à appliquer l’accord collectif conclu : CA Paris (pôle 4 ch. 3), 24 janvier 2019 : RG n° 16/07271 ; Cerclab n° 8096 ; Juris-Data n° 2019-000607 (action d’un locataire recevable, dès lors qu’à la date à laquelle elle a été intentée, le professionnel n’avait pas notifié sa décision de renonciation), sur appel de TI Paris (1er arrdt), 15 février 2016 : RG n° 11-15-000189 ; Dnd.