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CA ROUEN (2e ch.), 5 février 2009

Nature : Décision
Titre : CA ROUEN (2e ch.), 5 février 2009
Pays : France
Juridiction : Rouen (CA), 2e ch.
Demande : 08/00800
Date : 5/02/2009
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Juris Data
Numéro de la décision : 94
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1832

CA ROUEN (2e ch.), 5 février 2009 : RG n° 08/00800 ; arrêt n° 94

Publication : Juris-Data n° 2009-000300

 

Extrait : « Le contrat de révélation de succession rentre dans le champ d'application des dispositions relatives au démarchage à domicile qui sont d'ordre public, peu important que le client potentiel ait été déterminé à l'avance et la méconnaissance de la règle prescrite par l'article L. 121-23 du Code de la consommation, protectrice d'un intérêt privé, qui ne peut être invoquée que par la personne qu'elle a vocation à protéger est sanctionnée par une nullité relative. Cependant, l'action en nullité fondée sur ce texte se prescrit par 5 ans de sorte que l’action en nullité relative s'éteint si elle n'a pas été exercée pendant cinq ans.

Or, il résulte des pièces contractuelles versées aux débats que le contrat de révélation de succession signé entre Madame Y. d'une part, Mademoiselle X. d'autre part et la société Aubrun Delcros Delabre a été conclu le 21 janvier 1997.Il s'ensuit que l'action en nullité relative fondée sur les articles 1304 du Code civil et les articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation était prescrite à la date de la demande en nullité formée par conclusions signifiées le 12 novembre 2008 ».

 

COUR D’APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 5 FÉVRIER 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 08/00800. Arrêt n° 94. DÉCISION DÉFÉRÉE : TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DU HAVRE du 28 septembre 2006.

 

APPELANTE :

SARL AUBRUN DELCROS DELABRE

[adresse], représentée par Maître COUPPEY, avoué à la Cour, assistée de Maître Bernard PRESCHEZ, avocat au barreau du Havre

 

INTIMÉES :

- Madame X., épouse Y.

représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour assistée de Maître Carole VILLARD, avocat au barreau de Rouen, (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2007/XX du 25 juin 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)

- Mademoiselle X.

représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour assistée de Maître Carole VILLARD, avocat au barreau de Rouen

[minute page 2]

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 26 novembre 2008 sans opposition des avocats devant Madame BARTHOLIN, Présidente, rapporteur, en présence de Monsieur LOTTIN, Conseiller. Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de Madame BARTHOLIN, Présidente, Monsieur LOTTIN, Conseiller, Madame VINOT, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame DURIEZ, Greffier

DÉBATS : À l'audience publique du 26 novembre 2008, où la présidente a été entendue en son rapport oral et l'affaire mise en délibéré au 15 janvier 2009, délibéré prorogé au 5 février 2009 afin de permettre le respect du contradictoire suite à une note de la présidente

ARRÊT : CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement le 5 février 2009, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame BARTHOLIN, Présidente et par Madame DURIEZ, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] EXPOSÉ DU LITIGE :

Faits et procédure :

Par acte en date du 16 novembre 2004, la SARL Aubrun Delcros Delabre, cabinet de généalogie a fait assigner Madame Y.et Mademoiselle X. en paiement solidaire de la somme de 11.713,11 € au titre de la rémunération de ses services relatifs à un contrat d'honoraires en date du 21 janvier 1997 conclu afin de leur révéler leurs droits dans la succession de leur grand-oncle, Monsieur Z., décédé le 30 août 1996.

Le Tribunal de Grande Instance du Havre par jugement en date du 28 septembre 2006 a :

- débouté la SARL AUBRUN DELCROS DELABRE de ses demandes,

- condamné la SARL AUBRUN DELCROS DELABRE à payer à Mesdames X. et Y. 1.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

- condamné la SARL AUBRUN DELCROS DELABRE aux dépens.

La Société Aubrun Delcros Delabre a interjeté appel de ce jugement.

 

Prétentions et moyens des parties :

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 12 février 2008 par la société Aubrun Delcros Delabre, et le 12 novembre 2008 par Mademoiselle X. et Madame Y. Leurs moyens seront examinés dans les motifs de l'arrêt.

La société Aubrun Delcros Delabre, qui sollicite la réformation du jugement intervenu, conclut au bien fondé de ses demandes au vu du compte définitif de la succession de Monsieur Z., pour demander la condamnation solidaire de Madame Y. et Mademoiselle X. à la somme de 9.290,98 € au titre de la rémunération convenue par le contrat de révélation de succession, outre le taux d'intérêt au taux légal à dater de la sommation de payer du 24 novembre 2003, ainsi qu'au paiement in solidum de la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles outre les dépens de première instance et d'appel.

[minute page 4] Madame Y. et Mademoiselle X. concluent à l'irrecevabilité de la société Aubrun Delcros Delabre et en tout cas au mal fondé ; elles demandent, à titre principal, de constater et en tout cas juger que le contrat est nul sur le fondement des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation ; subsidiairement de confirmer le jugement entrepris ; plus subsidiairement, de constater qu'aucune condamnation solidaire ne peut être prononcée et de dire que les intérêts au taux légal ne sont pas dus et que dans l'hypothèse où la cour ne ferait pas droit à leurs demandes, les honoraires soient réduits à 5 % compte tenu des graves carences de la société de généalogie dans l'exécution de ses obligations et en toute hypothèse, de la condamner à payer à chacune d'elles une somme de 1.800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Hamel Fagoo Duroy avoués.

Pour répondre à une interrogation de la cour pendant le cours du délibéré, la société appelante a procédé à une rectification de ses conclusions le 29 janvier 2009 signifiées à ses adversaires, sans modifier ni les moyens ni les demandes, ce à quoi les intimées ont fait savoir ce que cette précision était « sans intérêt et inopérante ».

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Madame Y. et Mademoiselle X., tout en soutenant que l'appel est irrecevable, n'invoquent aucun moyen d'irrecevabilité ; l'appel est recevable.

 

Sur la validité du contrat de révélation de succession :

Le contrat de révélation de succession est une convention par laquelle une personne, un généalogiste, promet à une autre de lui révéler un droit de succession qu'elle ignore.

Madame Y. et Mademoiselle X. font valoir que le contrat de généalogie est soumis aux dispositions du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile, que selon les dispositions de l'article L. 121-23 du même Code, le contrat devait comporter, à peine de nullité, la faculté de renonciation dans les sept jours suivant l'engagement, que ces dispositions ont été méconnues par la société Aubrun Delcros Delabre de sorte que le contrat qu'elle invoque doit être déclaré nul et de nul effet.

[minute page 5] Le contrat de révélation de succession rentre dans le champ d'application des dispositions relatives au démarchage à domicile qui sont d'ordre public, peu important que le client potentiel ait été déterminé à l'avance et la méconnaissance de la règle prescrite par l'article L. 121-23 du Code de la consommation, protectrice d'un intérêt privé, qui ne peut être invoquée que par la personne qu'elle a vocation à protéger est sanctionnée par une nullité relative.

Cependant, l'action en nullité fondée sur ce texte se prescrit par 5 ans de sorte que l’action en nullité relative s'éteint si elle n'a pas été exercée pendant cinq ans.

Or, il résulte des pièces contractuelles versées aux débats que le contrat de révélation de succession signé entre Madame Y. d'une part, Mademoiselle X. d'autre part et la société Aubrun Delcros Delabre a été conclu le 21 janvier 1997.

Il s'ensuit que l'action en nullité relative fondée sur les articles 1304 du Code civil et les articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation était prescrite à la date de la demande en nullité formée par conclusions signifiées le 12 novembre 2008.

 

Sur la demande en paiement des honoraires :

La société Aubrun Delcros Delabre sollicite la condamnation solidaire de Madame Y. et Mademoiselle X. à la somme de 9.290,98 € au titre de la rémunération convenue par le contrat de révélation de succession, outre le taux d'intérêt au taux légal à dater de la sommation de payer du 24 novembre 2003.

Madame Y. et Mademoiselle X. font valoir que le relevé comptable en date du 8 janvier 2007 émanant de l'étude notariale ne constitue pas un état liquidatif de la succession, qu'elles ne l'ont jamais reçu, qu'elles ne l'ont jamais approuvé, de sorte que ce document ne permet pas d'établir la créance de la société Aubrun Delcros Delabre.

Or, aux termes de chacun des contrats qu'elles ont signé avec l'étude Aubrun Delcros Delarbre, Madame Y. et Mademoiselle X. ont accepté de payer en cas de recueil de la succession de leur oncle décédé, « pour prix de la révélation de succession et en contrepartie des charges, des risques et responsabilités qu'elle aura assumées dans l'intérêt commun, un forfait représentant 15 % hors taxes de leur part nette dans la succession en ce inclus le capital de l'assurance ».

[minute page 6] Or aucune des deux héritières ne conteste avoir reçu des mains du notaire chargé de la liquidation de la succession une part nette dans la succession de :

100.000 francs soit 15.000 euros + 10.649, 73 euros = 25.649,73 euros

et la contestation qu'elles émettent quant au fait qu'elles n'auraient cependant ni reçu ni approuvé le compte liquidatif de la succession est inopérante et contredite par les éléments du débat dès lors qu'elles ne contestent pas sérieusement avoir reçu les fonds dont elles n'invoquent pas qu'ils n'auraient été reçus qu'a titre de provision, qu'elles ne justifient d'aucune revendication auprès du notaire, alors qu'il résulte au contraire d'un courrier adressé à chacune d'elles le 30 septembre 2002 que celui-ci s'inquiétait de ce qu'elles n'avaient toujours pas approuvé le compte de répartition qui leur était adressé en pièce jointe.

Mesdames Y. et X. soutiennent subsidiairement que les honoraires convenus sont excessifs au regard des diligences effectuées par le cabinet de généalogie.

Le caractère forfaitaire de la rémunération convenue dans le contrat de révélation de succession ne prive pas les héritières d'en demander la réduction ; mais elles se bornent à invoquer que la société de généalogie a fait preuve de graves carences au regard des obligations qui étaient les siennes en ne produisant pas le compte liquidatif.

Or si l'étude de généalogiste avait l'obligation aux termes de son contrat d'entreprendre toutes recherches et démarches, de fournir tous actes d'état civil et pièces justificatives de parenté, d'approuver ou de contester tous testaments, de traiter et de transiger et généralement de faire tout ce qui sera utile et nécessaire pour permettre à l'héritier de recueillir la succession, il n'entre dans ses obligations ni d'établir ni même de produire le compte liquidatif de la succession, ce qui est du ressort du notaire.

Il s'ensuit que faute de faire la preuve de ce que la société de généalogie n'aurait pas au regard de ses obligations conventionnelles rempli sa mission, il n'y a pas lieu de réduire le montant des honoraires convenu.

Madame Y. d'une part, Mademoiselle X. d'autre part seront condamnées à payer chacune :

25.649,73 X 15           = 3.847,45 + TVA à 19,6 soit 754,10
        100

= 4.601,55 euros.

[minute page 7] La société Aubrun Delcros Delarbre n'invoque pas que cette dette représente une dette de succession entraînant la solidarité des deux héritières de sorte qu'il n'y pas lieu à condamnation solidaire.

Les intérêts au taux légal courront à compter de la demande faite par conclusions du 17 janvier 2007.

 

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il y a lieu de condamner Madame Y. et Mademoiselle X. aux entiers dépens et d'allouer à la société Aubrun Delcros Delarbre la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Dit que l'action en nullité est prescrite,

Réformant le jugement déféré,

Condamne Madame Y. et Mademoiselle X. à payer chacune d'elles à la SARL Aubrun Delcros Delabre :

- la somme de 4.601,55 euros outre 1.500 € au titre des frais irrépétibles ;

Condamne Madame Y. et Mademoiselle X. aux entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct des avoués de la cause en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER,           LA PRÉSIDENTE,