CA AIX-EN-PROVENCE (1re ch. A), 20 janvier 2004
CERCLAB - DOCUMENT N° 1863
CA AIX-EN-PROVENCE (1re ch. A), 20 janvier 2004 : RG n° 03/04898 ; arrêt n° 2004/45
(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 30 mars 2005 : pourvoi n° 04-11831)
Publication : Juris-Data n° 238059
Extrait : « Attendu qu'invoquant la violation des dispositions des articles L. 121-21, L. 121-23 et suivants du Code de la Consommation relatives au démarchage à domicile M. X. conclut à l'annulation de la convention litigieuse ; Attendu que la réglementation commerciale protectrice des consommateurs s'impose à tout professionnel ayant pour activité de proposer (...) la location, la location-vente ou avec option d'achat de biens ou la fourniture de services ; [minute page 4] Attendu que SFR n'a proposé en l'espèce à X. aucun bien ni aucun service, ce dernier consentant simplement en qualité de propriétaire foncier à ladite société un bail soumis aux dispositions des articles 1713 et suivants du Code Civil ; Attendu que ce moyen de nullité ne peut en conséquence prospérer et doit être écarté ».
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
PREMIÈRE CHAMBRE A
ARRÊT DU 20 JANVIER 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 03/04898. Arrêt n° 2004/45.
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 4 février 2003 enregistré au répertoire général sous le n° 01/5214.
APPELANTE :
Société FRANCAISE DE RADIOTÉLÉPHONE (SFR) SA,
dont le siège est [adresse], prise en la personne de son Directeur, [adresse], représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, plaidant par Maître Eric SPAETH, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par Maître Jean-Claude SEBAG, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 8 décembre 2003 en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Gérard LAMBREY, Président, Monsieur Jean VEYRE, Conseiller, Monsieur Jean Noël GAGNAUX, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Radegonde DAMOUR.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé publiquement le 20 janvier 2004 par Monsieur LAMBREY, Président. Signé par Monsieur Gérard LAMBREY, Président et Mademoiselle Radegonde DAMOUR, greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] Vu le jugement rendu le 4 février 2003 par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE entre M. X. et la SA SOCIÉTÉ FRANCAISE DE RADIOTÉLÉPHONE (SFR),
Vu l'appel interjeté le 14 février 2003 par la SOCIÉTÉ SFR,
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 10 novembre 2003 par l'appelante,
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 3 décembre 2003 par l'intimé contenant un appel incident,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 décembre 2003,
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
1 - Attendu que l'appel régulier en la forme, est recevable, ainsi que l'appel incident ;
2 - Attendu qu'a la suite de démarches à son domicile de représentants de la SFR, M. X. a signé le 6 janvier 2000 une convention par laquelle il autorisait la SFR après une étude de faisabilité à installer un local technique dans sa propriété sise à [adresse] ainsi qu'à poser une antenne d'émission réception en vue de créer une station relais de téléphonie mobile, moyennant le loyer annuel de 20.000 Francs pendant une durée de 12 années ; que par avenant du 29 septembre 2000, SFR obtenait l'autorisation d'utiliser deux fourreaux existants pour le raccordement électrique de son relais, moyennant un nouveau loyer de 22.500 Francs (3.430,10 euros) ;
Attendu que M. X. a reproché par la suite à SFR que le faisceau RF arrose une partie de la façade de la maison de sa fille à environ 25 mètres de l'antenne ;
3 - Attendu qu'invoquant la violation des dispositions des articles L. 121-21, L. 121-23 et suivants du Code de la Consommation relatives au démarchage à domicile M. X. conclut à l'annulation de la convention litigieuse ;
Attendu que la réglementation commerciale protectrice des consommateurs s'impose à tout professionnel ayant pour activité de proposer (...) la location, la location-vente ou avec option d'achat de biens ou la fourniture de services ;
[minute page 4] Attendu que SFR n'a proposé en l'espèce à X. aucun bien ni aucun service, ce dernier consentant simplement en qualité de propriétaire foncier à ladite société un bail soumis aux dispositions des articles 1713 et suivants du Code Civil ;
Attendu que ce moyen de nullité ne peut en conséquence prospérer et doit être écarté ;
4 - Attendu que le premier juge a annulé le contrat sur le fondement de l'article 1116 du Code Civil en retenant la réticence dolosive de SFR pour avoir gardé le silence au lieu d'en informer clairement M. X. [N.B. la minute mentionne ici un prénom différent de celui mentionné partout ailleurs] relativement à un risque sanitaire potentiel, relayé dès 1999 par des discussions scientifiques relatives à la répercussion des installations litigieuses sur la santé humaine, quoique « le danger causé par le rayonnement des antennes de téléphonie mobile ne soit pas scientifiquement démontré » ;
Attendu que SFR soutient par son appel qu’elle n'a nullement manqué à son obligation de mise en garde dès lors que ses installations respectaient largement les valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les installations radios électrique telles que fixées par la recommandation du conseil de l'U.E. du 12 juillet 1999, et que l'existence d'un risque sanitaire n'était nullement établie par le demandeur, lequel ne pouvait lui substituer l'existence d'une simple « polémique » au demeurant connue de l'intéressé au moment de la signature du bail ;
5 - Attendu en droit que le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter, constitue un dol de nature à entraîner la nullité du contrat ;
Attendu que M. X., reprochant à SFR de n'avoir pas eu la loyauté de reconnaître qu'il n'existait aucune certitude sur l'innocuité prétendue des ondes électromagnétiques, soutient qu'il n'aurait pas accepté de signer la convention s'il avait simplement été informé de la controverse scientifique en cours en 1998 et 1999 relayée par les pouvoirs publics, citant, outre divers articles, se faisant l'écho en avril et juin 1999 des inquiétudes du public (l'Évènement, Science et Vie, Science et Avenir):
- une réponse ministérielle au Sénat du 19 février 1998 : « l'état des connaissances ne permet pas non plus d'affirmer avec certitude l'absence de tout risque » ;
- une circulaire du Secrétaire d'État au logement du 15 avril 1999 : « Il ne peut être établi qu'il n'existe aucun risque, compte tenu du développement récent de telles technologies... Vous recommanderez à ces organismes qu'ils procèdent sans attendre à un repérage (qui devra être tenu à jour) des installations de téléphonie mobile installées sur les constructions dont ils assurent la gestion en identifiant celles qui sont situées sur des balcons ou à proximité immédiate et en demandant aux sociétés de téléphonie concernées, les valeurs des champs magnétiques et électriques à 900 MHZ » ;
[minute page 5] Attendu que ces deux avis, qui concernent l'exposition générale du public et le problème de la zone de sécurité de 2,5 m, ne sont pas des informations pertinentes quant à l'objet du contrat litigieux ;
Attendu que pour étayer sa démonstration M. X. cite des extraits du rapport du 16 janvier 2002 au Ministre de la Santé (dit ZMIROU) qui n'exclut pas un risque de cancer au cerveau (mais il s'agit de l'usage des téléphones portables) et quant au débat en litige, se borne à préconiser dans une approche s'inspirant du principe de précaution, une réduction au minimum possible du niveau d'exposition au public stationnant plusieurs heures par jour à découvert en particulier des personnes potentiellement sensibles (enfants, malades) ou des bâtiments sensibles (hôpitaux, crèches, écoles) lesquels ne devront pas être atteints directement à moins de 100 mètres d'une station de base par le faisceau de l'antenne ;
Attendu que ledit rapport poursuit immédiatement sur ce commentaire :
« Le groupe d'expert pense que ces mesures par les opérateurs est de nature à atténuer les craintes du public, tout spécialement de parents préoccupés par l'exposition de leurs enfants dans les établissements scolaires, d'autant que le groupe d'experts ne retient pas l'hypothèse d'un risque pour la santé des populations vivant à proximité des stations de base compte tenu des niveaux d'exposition constatés », de sorte que pas plus en 1999 que par la suite, l'existence d'un risque sanitaire dans la configuration présente n’est avérée ;
Attendu que de son côté, SFR rappelle qu'elle a respecté le principe de précaution prévu par la recommandation européenne du 12 juillet 1999 en ne créant qu'un champ électrique maximum de 0,84 V/m au lieu de la limite d'exposition grand public (41 V/m) ou grand public à risque (E = 12,9 V/m) et que l'installation elle-même satisfait au cahier des charges quant au périmètre de sécurité ;
Attendu que M. X., qui se présente comme le coauteur matériel des émissions de radiofréquence et non comme un tiers exposé à un éventuel trouble anormal de voisinage, ne caractérise pas la dissimulation d'une information par SFR sur un « risque sanitaire grave », non avéré à ce jour, ni sur l'existence d'un débat scientifique et politique d'ordre général relayé par les médias en 1999, nécessairement connu de M. X. par la publicité donnée aux circulaires ministérielles ou aux réponses ministérielles, en tout cas accessible à ce dernier, doté d'une intelligence et d'une vigilance normale et sans que cette ignorance éventuelle puisse être considérée comme légitime, dès lors qu'il connaissait la nature et les fonctions du matériel dont il autorisait la pose sur sa maison, « rassuré par la présence d'une antenne sur le toit de l'école » (cf. Le Point 26 avril 2003) ;
Attendu qu'en l'espèce, il est permis de relever, à l'inverse, que si M. X. connaissait la présence du domicile de sa fille dans la zone d'exposition rapprochée de l'antenne, cet élément n'a été révélé à SFR qu'en septembre 2000 ;
[minute page 6] Attendu qu'en définitive SFR qui n'était ni auteur des controverses, ni détentrice d'informations susceptibles de révéler un risque sanitaire particulier dans le cas de l'installation au domicile de l'intimé, n'avait en l'espèce aucune obligation de rappeler une simple polémique vulgarisée dans l'opinion publique, une « controverse » voire un débat scientifique (comportant nécessairement des points de vue favorables aux opérateurs eux-mêmes)n'étant pas assimilables à des « faits » émanant de la partie envers laquelle l'obligation est contractée, seuls à prendre en compte dans le champ contractuel pour vérifier la validité d'un consentement et qualifier l'existence éventuelle d'un dol, les motifs vrais ou erronés qui peuvent inciter une partie à conclure une opération à titre onéreux étant sans influence sur la validité de l'opération, dès lors que X. n'avait pas convenu - et ne le démontre pas - de faire de l'absence de « polémique » sur un risque sanitaire « éventuel » la condition de son engagement ;
6 - Attendu que M. X. invoque par ailleurs un dol commis par SFR en ce que l'opérateur lui aurait caché lors de la signature des documents émanant pour certains de l'appelant lui-même ; qu'ayant en effet reçu à sa demande le 6 octobre 2000 certains documents techniques, complétés par une lettre d'explication du 26 octobre 2000, X. a en effet découvert à cette occasion l'existence d'une circulaire de SFR datée du 8 juin 1999 destinée à répondre aux interrogations des propriétaires ;
Attendu que ce document, loin de se faire l'écho d'une controverse quelconque est une information générale sur les « restrictions à l'exposition à des champs électromagnétiques statiques et variables dans le temps applicable aux ingénieries des sites », dont l'installation litigieuse respecte les préconisations, ce qui permet d'en déduire qu'il n'aurait eu aucune influence particulière sur le consentement de M. X., dès lors qu'il se rapporte à des caractéristiques étrangères aux circonstances invoquées par ce dernier au soutien de la nullité de la convention, notamment en terme de risques à une exposition au delà du périmètre de sécurité
7 - Attendu que l'issue de l'appel rend sans objet les demandes indemnitaires formées par voie d'appel incident à l'encontre de SFR;
Vu l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
Reçoit l'appel et l'appel incident,
Infirme le jugement,
[minute page 7] Déboute M. X. de l'ensemble de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne X. aux entiers dépens,
Autorise la SCP SIDER avoué, à recouvrer directement contre celui-ci le montant de ses avances.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.