TI PONT-L’ÉVÊQUE, 20 octobre 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 1918
TI PONT-L’ÉVÊQUE, 20 octobre 2005 : RG n° 11-05-000198 ; jugt n° 525
(sur appel CA Caen (1re ch. sect. civ. et com.), 22 mars 2007 : RG n° 05/03402)
Extrait : « Attendu que la déchéance du droit aux intérêts, qui est destinée à assurer le respect des règles protectrices instaurées par les articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation, en faveur de l'ensemble des consommateurs n'est absolument pas subordonnée à l'existence d'un préjudice quelconque ou d'un grief pour l'emprunteur (CA Paris, 27 octobre 1987, D. 87, IR, 249) ».
TRIBUNAL D’INSTANCE DE PONT-L’ÉVÊQUE
JUGEMENT DU 20 OCTOBRE 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-05-000198. Jugement n° 525.
DEMANDERESSE :
La SAS SOGEFINANCEMENT
dont le siège social est situé [adresse]. Représentée par Maîtres DESOUCHES EDET, BLANCHARD, HOUDAN, avocats au barreau de CAEN, substitués par Maître MOISAN, avocat au barreau de CAEN.D'UNE PART,
DÉFENDEURS :
1°) Monsieur X.,
né le [date] à [ville], demeurant [adresse].Non comparant, ni représenté.
2°) Madame Y. divorcée X.,
née le [date] à [ville], demeurant [adresse]. Bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, décision du [date], B.A.J. [N.B. Bureau d’aide judiciaire] XX. Comparante, assistée de Maître EUDE, avocat au barreau de LISIEUX. D'AUTRE PART.
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Juge devant qui l'affaire a été débattue : Philippe BELLOIR
Greffier : Francine IACUZZI
DÉBATS : Après avoir entendu à l'audience publique du 15 septembre 2005, l'avocat de la demanderesse et l'avocat de Madame Y. divorcée X. en leurs plaidoiries, et Monsieur X. ne se présentant pas, ni personne pour lui, L'affaire a été mise en délibéré, Et, ce jour, 20 octobre 2005, après en avoir délibéré conformément à la Loi, Le jugement suivant a été rendu par mise à disposition au greffe :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon offre préalable acceptée le 24 février 1996, la SNC SOGEFINANCEMENT a consenti à Madame Y. épouse X. et Monsieur X., une offre préalable de crédit utilisable par fractions et assortie d'une ou plusieurs cartes de crédit dont la réserve maximum autorisée était de 2.286,74 euros.
Par jugement en date du 31 mai 2001, Monsieur X. et Madame Y. ont divorcé.
Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société de crédit a provoqué la déchéance du terme.
Par actes d'huissier en date du 26 et 29 avril 2005, la SNC SOGEFINANCEMENT a cité à comparaître Madame et Monsieur X. devant le Tribunal d'instance de PONT L'ÉVÊQUE aux fins de les voir condamner avec exécution provisoire, outre les dépens, au paiement des sommes suivantes
1 - 6.876,07 euros au titre de la somme principale outre les intérêts au taux contractuel de 12,96 % à compter du 5 janvier 2005 ;
2 - 800 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Vu les conclusions signées mais non datées de la SNC SOGEFINANCEMENT ;
Vu les conclusions signées de Madame Y. en date du 25 juillet 2005 ;
Et en application de l'article 455 du Nouveau code de procédure civile, il convient de se référer aux explications des parties figurant dans leurs conclusions reprises oralement et remises à l'audience.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Attendu qu'à l'audience, Monsieur X. n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter ; qu'il y a lieu de statuer par décision réputée contradictoire en application de l'article 474 alinéa 1 du Nouveau code de procédure civile ;
Sur la forclusion.
Attendu qu'aux termes de l'article L. 311-37 du Code de la consommation modifiée par la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, les actions en paiement engagées devant le Tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans le délai de deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ;
Qu'en l'espèce, Madame Y. retient l'augmentation du montant des sommes mises à la disposition des emprunteurs pour fonder sa demande de forclusion ;
Que l'augmentation du montant des sommes mises à la disposition des emprunteurs ne caractérise pas l'incident de paiement non régularisé ;
Qu'au contraire la consultation de l'historique du compte permet de déterminer l'absence de tout incident avant le 3 avril 2004 ;
Qu'en conséquence, la SNC SOGEFINANCEMENT n'est pas forclose en son action ;
[minute page 3]
Sur la responsabilité de la SNC SOGEFINANCEMENT.
Attendu que Madame Y. reproche à la SNC SOGEFINANCEMENT d'avoir commis une faute en n'empêchant pas Monsieur X. de dépasser le seuil du découvert bancaire ;
Qu'en l'espèce, la SNC SOGEFINANCEMENT n'a fait qu'exécuter les obligations mises à charge en mettant à la disposition des emprunteurs les sommes pour lesquelles le contrat de crédit a été conclu ;
Que Madame Y. avait, par ailleurs, parfaitement connaissance du montant du solde débiteur de son compte, dont elle recevait les relevés tous les mois, étant par ailleurs ajouté que le fonctionnement à découvert de ce dernier était contractuellement prévu par les parties
Qu'en conséquence, la SNC SOGEFINANCEMENT n'a commis aucune faute ; Qu'il s'ensuit que Madame Y. sera déboutée de ce chef de demande ;
Sur la déchéance du droit aux intérêts.
Attendu qu'aux termes de l'article L. 311-33 du Code de la consommation, le prêteur qui ne saisit pas l'emprunteur ou la caution d'une offre conforme aux dispositions d'ordre public des articles L. 311-8 à L. 311-13 du Code de la consommation est déchu du droit aux intérêts ;
Attendu que l'article L. 311-34 du Code de la consommation incrimine le fait pour le prêteur d'omettre de « prévoir un formulaire détachable dans l'offre préalable » ce qui démontre bien que le bordereau détachable, qui selon l'article L. 311-15 est joint à l'offre préalable, fait bien partie intégrante de cet acte ;
Que de surcroît la présence du bordereau est exigée par les modèles-types d'offres préalables fixées par les articles R. 311-6 et R. 311-7 du Code de la consommation ;
Que le prêteur pourrait très facilement en justifier si l'offre préalable avait réellement été émise en double exemplaire, ainsi que le prévoit l'article L. 311-8 du Code de la consommation, et si ces deux originaux étaient réellement identiques, ainsi qu'il résulte tant du texte susvisé que de l'article 1325 du Code civil ;
Qu'il est bien évident que la reconnaissance de l'emprunteur quant à la détention d'un exemplaire de l'offre doté d'un bordereau détachable ne saurait démontrer la régularité du dit bordereau qu'en effet la reconnaissance ou l'aveu de l'emprunteur ne peut porter que sur un élément de fait et non sur un point de droit, ainsi qu'il résulte des articles 1354 et suivants du Code civil ; qu'en conséquence la reconnaissance ne peut constituer la preuve de l'existence d'un contrat (Com. 13 décembre 1993 : Bull IV, n° 346) ou de sa régularité ;
Attendu en toute hypothèse, qu'il appartient bien au prêteur, conformément à l'article 1315 du Code civil de justifier de la régularité du bordereau de rétractation, qui doit comporter au recto et au verso les mentions requises par l'article R. 311-7 du Code de la consommation, en produisant son propre exemplaire (CA Bordeaux, 11 mai 1999, Bull. inf. C. cass. 15 octobre 1999, n° 1147) ;
Que l'exemplaire de l'offre préalable communiqué par la SNC SOGEFINANCEMENT ne comporte pas de bordereau de rétractation ;
Que dès lors la déchéance du droit aux intérêts est encourue de ce chef à compter du 24 février [minute page 4] 1996, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres motifs d'irrégularités soulevés par Madame Y. ;
Sur le montant de la créance.
Attendu que la déchéance du droit aux intérêts, qui est destinée à assurer le respect des règles protectrices instaurées par les articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation, en faveur de l'ensemble des consommateurs n'est absolument pas subordonnée à l'existence d'un préjudice quelconque ou d'un grief pour l'emprunteur (CA Paris, 27 octobre 1987, D. 87, IR, 249)
Qu'il s'ensuit que, conformément à l'article L. 311-33 du Code de la consommation, le débiteur n'est tenu qu'au remboursement du seul capital restant dû, après déduction des intérêts réglés à tort (Cass. avis, 8 octobre 1993, D 1993, IR n° 48 ; Civ. 1ère, 30 mars 1994, D. 94, IR p. 101) ;
Que cette limitation légale de la créance du préteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 311-30 du Code de la consommation et l'article D. 311-11 du Code de la consommation ;
Qu'il convient en conséquence de condamner solidairement Madame Y. et Monsieur X. à payer à la SNC SOGEFINANCEMENT la somme principale de 6.366,74 euros, sous déduction des intérêts contractuels appliqués à compter du 24 février 1996, avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2005 ;
Sur les délais de paiement.
Attendu que l'article 1244-1 du code civil permet d'accorder au débiteur impécunieux des délais de paiement qui empruntent leurs mesures aux circonstances sans pouvoir excéder deux ans
Attendu en l'espèce que Madame Y. ne sera pas en mesure de procéder au remboursement de sa dette dans un délai de 24 mois ;
Que compte tenu de cette situation la SNC SOGEFINANCEMENT reconnaît qu'elle sera contrainte dans le cadre de l'exécution du jugement d'accepter des paiements partiels ;
Que dans ces conditions, il n'y a pas lieu à l'octroi de délais de paiement ;
Sur les autres demandes.
Attendu qu'aucune circonstance particulière ne vient justifier l'exécution provisoire ;
Attendu qu'aucune considération tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne permet de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que Madame Y. et Monsieur X. seront condamnés solidairement à payer les dépens de l'instance ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans [minute page 5] les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau code de procédure civile ;
DÉCLARE recevable l'action de la SNC SOGEFINANCEMENT ;
DÉBOUTE Madame Y. de sa demande en responsabilité contractuelle ;
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts de l'offre de crédit consentie le 24 février 1996 à Madame Y. et Monsieur X., à compter de cette même date ;
CONDAMNE solidairement Madame Y. et Monsieur X. à payer à la SNC SOGEFINANCEMENT la somme principale de SIX MILLE TROIS CENT SOIXANTE SIX EUROS ET SOIXANTE QUATORZE CENTIMES (6.366,74 euros), sous déduction des intérêts contractuels appliqués à compter du 24 février 1996, avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2005 ;
DÉBOUTE Madame Y. de sa demande de délais de paiement ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions ;
DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ; CONDAMNE solidairement Madame Y. et Monsieur X. aux entiers dépens ;
Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5708 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Intérêt pour agir
- 5987 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Ordre logique des sanctions - Lien de la clause avec le litige : crédit à la consommation