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CA CAEN (1re ch. sect. civ. com.), 22 mars 2007

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (1re ch. sect. civ. com.), 22 mars 2007
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 1re ch. sect. civ et com.
Demande : 05/03402
Date : 22/03/2007
Nature de la décision : Confirmation
Décision antérieure : TI PONT-L’ÉVÊQUE, 20 octobre 2005
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2239

CA CAEN (1re ch. sect. civ. com.), 22 mars 2007 : RG n° 05/03402

 

Extraits : 1/ « En l'espèce, aux termes du contrat ci-dessus rappelés, le montant du crédit octroyé était limité à 15.000 Francs (2.286,74 €) la somme de 140.000 Francs mentionnée ne figurant qu'à titre de renseignements quant aux possibilités offertes aux débiteurs sans qu'aucun engagement contractuel n'en résulte, étant précisé surabondamment que toute clause contractuelle prévoyant l'augmentation du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit constitue une clause abusive. »

2/ « La directive 93/13 CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat. Le juge national, chargé d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ses normes, en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition de la législation nationale, même postérieure, sans attendre l'élimination de ces dispositions par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel.

Cependant, cette jurisprudence ne peut être utilement invoquée que s'il est demandé de réputer non écrite une clause abusive et non lorsqu'il est sollicité la nullité du contrat ou la déchéance du droit aux intérêts en raison d'une irrégularité affectant le contrat au regard des obligations légales. En l'espèce, il n'est allégué l'existence d'aucune clause abusive. Dès lors, le moyen de contestation de la régularité de l'offre préalable, émis pour la première fois par Mme Y. dans ses écritures du 25 juillet 2005 devant le Tribunal, soit plus de deux ans après la formation du contrat, est irrecevable comme atteint de la forclusion. »

3/ « Concernant la clause pénale, elle ne constitue pas une clause abusive et son montant n'apparaît pas manifestement excessif dès lors que ne s'y ajoute pas une augmentation du taux d'intérêt à titre de pénalité et que son montant de 8 % du capital restant dû, et n'augmentant pas le taux d'intérêts, même indirectement ou de manière déguisée, est conforme aux dispositions légales et réglementaire et que son caractère manifestement excessif ne résulte pas de circonstances spécifiques de l'espèce ».

 

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 22 MARS 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 05/03402. ORIGINE : DÉCISION en date du 20 octobre 2005 du Tribunal d'Instance de PONT L'EVEQUE - RG n° 11-05-198.

 

APPELANTE :

SAS SOGEFINANCEMENT

[adresse], prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP GRANDSARD DELCOURT, avoués, assistée de Maître BARBEAU substituant Maître HOUDAN, avocat au barreau de CAEN

 

INTIMÉS :

- Monsieur X.

[adresse], non comparant, bien que régulièrement assigné,

- Madame Y. divorcée X.

[adresse], représentée par la SCP DUPAS-TRAUTVETTER YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués, assistée de Maître Jean Michel EUDE, avocat au barreau de LISIEUX (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur LE FEVRE, Président, [minute Jurica page 2] Madame HOLMAN, Conseiller, rédacteur, Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller,

DÉBATS : À l'audience publique du 8 février 2007

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 mars 2007 et signé par Monsieur LE FEVRE, Président, et Mme LE GALL, Greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La SAS SOGEFINANCEMENT (la banque) a interjeté appel du jugement rendu le 20 octobre 2005 par le Tribunal d'instance de PONT-L'EVEQUE dans un litige l'opposant à M. X. et Mme Y. divorcée X.

* * *

Le 24 février 1996, la banque a consenti aux époux X. -ultérieurement divorcés par jugement du 31 mai 2001-, une ouverture de crédit d'un montant de 15.000 Francs (2.286,74 €) utilisable par fractions et assortie d'une carte de crédit.

En raison d'incidents de paiements, la banque a prononcé la déchéance du terme le 3 janvier 2005 et par actes des 26 et 29 avril 2005 a fait citer les ex-époux X. devant le Tribunal aux fins d'obtenir paiement des sommes de 6.876,07 € avec intérêts au taux contractuel de 12,96 % à compter du 5 janvier 2005, 800 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par le jugement déféré, le Tribunal a condamné solidairement les ex-époux X. à payer à la banque la somme de 6.366,74 € sous déduction des intérêts contractuels appliqués à compter du 24 février 1996, avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2005, et a débouté les parties de leurs autres demandes.

* * *

Vu les écritures signifiées :

* le 25 janvier 2007 par la banque qui conclut à la réformation du jugement, à la forclusion des contestations émises par Mme Y. et demande paiement des sommes de 6.366,78 € avec intérêts au taux contractuel de 12,96 % à compter du 5 janvier 2005, 509,33 € au titre de l'indemnité de résiliation avec intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2005, 1.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

* le 8 janvier 2007 par Mme Y. qui conclut à l'infirmation du jugement, à la forclusion de l'action et subsidiairement au rejet des demandes, très subsidiairement à la déchéance du droit aux intérêts et à l'octroi de délais de paiement outre le recours en garantie à l'encontre de M. X., et demande reconventionnellement paiement de la somme de 2.286,73 € à titre de dommages et intérêts.

[minute Jurica page 3]

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

I Sur la forclusion de l'action :

Conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal prévu par l'article L. 311-37 du code de la consommation court, dans le cas d'une ouverture de crédit reconstituable et assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à compter de la première échéance impayée non régularisée, laquelle est caractérisée au moment où le montant du dépassement maximum convenu n'est pas régularisé, cette situation constituant un incident qui manifeste la défaillance de l'emprunteur.

En l'espèce, aux termes du contrat ci-dessus rappelés, le montant du crédit octroyé était limité à 15.000 Francs (2.286,74 €) la somme de 140.000 Francs mentionnée ne figurant qu'à titre de renseignements quant aux possibilités offertes aux débiteurs sans qu'aucun engagement contractuel n'en résulte, étant précisé surabondamment que toute clause contractuelle prévoyant l'augmentation du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit constitue une clause abusive.

L'analyse des relevés de compte démontre qu'à compter du 9 janvier 2001, le débit du compte a atteint 15.094,35 Francs (2.301,12 €) et s'est aggravé jusqu'en février 2003, que cependant cet impayé a été régularisé le 3 mars 2003, date à laquelle le débit s'élevait à 2.182,13 €, et qu'il est resté inférieur à 2.286,74 € jusqu'au 11 juin 2003.

Cette dernière date doit en conséquence être retenue comme celle de la première échéance impayée non régularisée, point de départ du délai biennal de forclusion.

L'assignation ayant été délivrée le 29 avril 2005, l'action de la banque n'est pas atteinte par la forclusion, et le jugement sera confirmé de ce chef.

 

II Sur la recevabilité de la demande à l'égard de Mme Y. :

Mme Y. soutient que l'action est irrecevable à son égard, en l'absence de mise en demeure de la banque, et ce alors que seul son ex-époux, sur le compte duquel les échéances du crédit litigieux étaient prélevées, a bénéficié du découvert litigieux.

Cependant, la circonstance que l'un des codébiteurs ait seul profité d'une opération à l'origine du solde débiteur d'un emprunt conjointement souscrit ne saurait exonérer l'autre codébiteur, tenu solidairement envers le créancier, de son obligation de le rembourser.

En application des articles 1200 et 1205 du code civil, ainsi que des clauses contractuelles précisant « qu'en cas de pluralité d'emprunteurs, ceux-ci agissent solidairement entre eux et sont considérés comme un seul débiteur au sens de l'article 1200 du code civil », la mise en demeure adressée à M. X. le 5 janvier 2005 pour lui notifier la déchéance du terme survenue le 3 janvier précédent a produit effet à l'égard de Mme Y., étant précisé surabondamment que l'assignation à elle délivrée le 29 avril 2005 vaut mise en demeure.

En conséquence, l'exception d'irrecevabilité, infondée, sera rejetée.

 

III Sur la déchéance du droit aux intérêts :

- La régularité de l'offre préalable :

[minute Jurica page 4] Mme Y. soutient qu'en violation des articles L. 311-15 et L. 311-17 du code de la consommation aucun formulaire détachable de rétractation ne lui a été remis, et qu'en tout état de cause, la banque ne rapporte pas la preuve de la conformité de ces documents aux dispositions des articles R. 311-6 et R. 311-7 du code de la consommation.

La banque prétend que ce moyen de contestation est irrecevable comme atteint par la forclusion en application de l'article L. 311-37 du code de la consommation en sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001.

La directive 93/13 CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat.

Le juge national, chargé d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ses normes, en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition de la législation nationale, même postérieure, sans attendre l'élimination de ces dispositions par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel.

Cependant, cette jurisprudence ne peut être utilement invoquée que s'il est demandé de réputer non écrite une clause abusive et non lorsqu'il est sollicité la nullité du contrat ou la déchéance du droit aux intérêts en raison d'une irrégularité affectant le contrat au regard des obligations légales.

En l'espèce, il n'est allégué l'existence d'aucune clause abusive.

Dès lors, le moyen de contestation de la régularité de l'offre préalable, émis pour la première fois par Mme Y. dans ses écritures du 25 juillet 2005 devant le Tribunal, soit plus de deux ans après la formation du contrat, est irrecevable comme atteint de la forclusion.

 

- Sur les conditions de renouvellement du crédit :

Ainsi que l'indique la banque, la contestation relative aux conditions de reconduction du contrat, qui porte sur l'ensemble des renouvellements annuels a été invoquée par Mme Y. pour la première fois dans ses écritures devant la Cour du 1er juin 2006 de sorte que le délai de forclusion est expiré pour les renouvellements intervenus plus de deux ans avant cette date.

Or le contrat, signé le 24 février 1996, a été renouvelé pour la dernière fois le 24 février 2004 du fait de l'acquisition de la déchéance du terme au 3 janvier 2005.

La contestation de Mme Y., émise plus de deux ans après le dernier renouvellement est en conséquence irrecevable comme atteinte par la forclusion.

 

IV Sur le montant de la créance :

Au vu des décomptes produits par la banque, et non utilement contestés, la créance de la banque sera fixée en principal à la somme de 6.366,78 € avec intérêts au taux contractuel de 12,96 % à compter du 5 janvier 2005, date de la mise en demeure.

Concernant la clause pénale, elle ne constitue pas une clause abusive et son montant n'apparaît pas manifestement excessif dès lors que ne s'y ajoute pas une augmentation du [minute Jurica page 5] taux d'intérêt à titre de pénalité et que son montant de 8 % du capital restant dû, et n'augmentant pas le taux d'intérêts, même indirectement ou de manière déguisée, est conforme aux dispositions légales et réglementaire et que son caractère manifestement excessif ne résulte pas de circonstances spécifiques de l'espèce ;

Dès lors, il sera également fait droit à la réclamation de la banque de ce chef soit pour la somme de 509,33 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2005.

 

V Sur la responsabilité de la banque :

Mme Y. reproche à la banque d'avoir commis une faute en n'empêchant pas M. X. de dépasser le seuil du découvert bancaire, génératrice d'un préjudice égal au montant des sommes dont elle serait jugée débitrice.

Cependant, la banque n'a fait qu'exécuter les obligations mises à sa charge en mettant à la disposition des emprunteurs les sommes correspondant au contrat de crédit. Le fonctionnement à découvert du compte était contractuellement prévu, et Mme Y. avait, parfaitement connaissance du montant du solde débiteur de son compte, dont elle recevait les relevés tous les mois.

Ce moyen a donc été justement rejeté par le Tribunal et le jugement sera confirmé de ce chef.

 

VI Sur les délais de paiement et le recours en garantie :

Ainsi que l'a relevé le Tribunal, Mme Y. ne propose aucun échéancier de règlement et au vu de la modicité de ses ressources, n'est pas en mesure de s'acquitter de sa dette dans le délai biennal prévu par l'article 1244-1 du code civil, étant précisé au surplus qu'à la faveur de la procédure d'appel elle a en fait déjà bénéficié de larges délais de paiement.

Sa demande de ce chef a donc été justement rejetée et le jugement sera confirmé sur ce point.

Concernant le recours en garantie, par elle réclamé en cause d'appel, il résulte de l'article 220 du code civil que les emprunts souscrits par les deux époux les obligent solidairement quelque soit leur destination, et la contribution entre ex-époux, qui sera examinée lors de la liquidation de leur régime matrimonial, est étrangère aux présents débats, exclusivement relatifs à leur obligation au passif commun.

La réclamation de ce chef sera en conséquence rejetée.

 

VII Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

La banque conservera en équité la charge des frais irrépétibles par elle exposés.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

- Confirme le jugement en ses dispositions relatives au rejet de l'exception de forclusion de l'action et des demandes en responsabilité de la SAS SOGEFINANCEMENT et en application de l'article 1244-1 du code civil ;

- Le réforme en ses autres dispositions ;

- Condamne solidairement M. X. et Mme Y. divorcée X. à [minute Jurica page 6] payer à la SAS SOGEFINANCEMENT les sommes de 6.366,78 € avec intérêts au taux de 12,96 % à compter du 5 janvier 2005, 509,33 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2005 ;

Y additant,

- Rejette la demande de recours en garantie de Mme Y., et en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile de la SAS SOGEFINANCEMENT ;

- Condamne Mme Y. aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT

N. LE GALL              A. LE FEVRE

 

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