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CA CAEN (1re ch. sect. civ. com.), 11 janvier 2007

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (1re ch. sect. civ. com.), 11 janvier 2007
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 1re ch. sect. civ et com.
Demande : 05/01966
Date : 11/01/2007
Nature de la décision : Confirmation
Décision antérieure : TI LISIEUX, 23 mai 2005
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2236

CA CAEN (1re ch. sect. civ. com.), 11 janvier 2007 : RG n° 05/01966

 

Extraits : 1/ « Contrairement aux allégations des intimés, le caractère d'ordre public des dispositions du code de la consommation n'interdit pas à la banque de démontrer l'existence du principe de sa créance selon les règles du droit commun. »

2/ « La directive 93/13 CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat. Le juge national, chargé d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ses normes, en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition de la législation nationale, même postérieure, sans attendre l'élimination de ces dispositions par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel.

Cependant, cette jurisprudence ne peut être utilement invoquée que s'il est demandé de réputer non écrite une clause abusive et non lorsqu'il est sollicité la nullité du contrat ou la déchéance du droit aux intérêts en raison d'une irrégularité affectant le contrat au regard des obligations légales. En l'espèce, il n'est allégué l'existence d'aucune clause abusive. Dès lors, le moyen de contestation de la régularité de l'offre préalable, émis pour la première fois par les intimés dans leurs écritures du 17 mai 2006, soit plus de deux ans après la formation du contrat, est irrecevable comme atteint de la forclusion. »

 

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 11 JANVIER 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 05/01966. ORIGINE : DÉCISIONS en date des 28 février 2005 et 23 mai 2005 du Tribunal d'Instance de LISIEUX.

 

APPELANTE :

SOGEFINANCEMENT

[adresse], prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP GRANDSARD DELCOURT, avoués à la Cour, assistée de Maître Isabelle HOUDAN, avocat au barreau de CAEN

 

INTIMÉS :

- Monsieur X.

[adresse]

- Mademoiselle Y.

[adresse]

représentés par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués à la Cour, (bénéficient d'une aide juridictionnelle Partielle numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur LE FEVRE, Président, Madame HOLMAN, Conseiller, rédacteur, Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller,

[minute Jurica page 2] DÉBATS : À l'audience publique du 16 novembre 2006

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier, lors des débats

ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2007 et signé par Monsieur LE FEVRE, Président, et Madame LE GALL, Greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SOGEFINANCEMENT (la banque) a interjeté appel des deux jugements rendus respectivement le 28 février 2005 et le 23 mai 2005 par le Tribunal d'Instance de LISIEUX dans un litige l'opposant à M. X. et Melle Y.

* * *

Par acte du 23 novembre 2004, la banque a fait citer M. X. et Melle Y. devant le Tribunal afin d'obtenir paiement, au titre d'une offre préalable de crédit du 8 juillet 1997, des sommes de 

* 6.265,16 € avec intérêts « de droit » à compter de la mise en demeure, cette somme se décomposant de la manière suivante :

- capital restant dû                   5.332,28 €

- échéances impayées 475,34 €

- indemnité légale 8 % 450,10 €

- intérêts de retard                   7,44 €

* 381,12 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 381,12 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement du 28 février 2005, le Tribunal a ordonné la réouverture des débats aux fins de production de l'offre préalable de crédit.

La banque n'a pas produit ce document.

Par jugement du 23 mai 2005, le Tribunal a débouté la banque de ses demandes.

* * *

Vu les écritures signifiées

* le 20 juin 2006 par la banque qui conclut à l'infirmation des jugements et au bénéfice de son assignation devant le Tribunal, étant précisé que les « intérêts de droit » sont, en application de l'article L. 311-30 du code de la consommation, les intérêts au taux contractuel de 7,50 %, et la somme réclamée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile étant portée à 450 €.

* le 17 mai 2006 par les consorts X.-Y. qui concluent à la confirmation des jugements, subsidiairement à la déchéance du droit aux intérêts, à la réduction à néant de la [minute Jurica page 3] clause pénale, et en tout état de cause à l'application de l'article 1244-1du code civil.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Les dispositions, du jugement du 28 février 2005, non contestées, seront confirmées par motifs adoptés.

 

I Sur l'existence de la créance :

Le Tribunal a rejeté la demande au motif que, le contrat du 8 juillet 1997 n'étant pas produit aux débats, la banque ne rapportait pas la preuve de sa créance.

Contrairement aux allégations des intimés, le caractère d'ordre public des dispositions du code de la consommation n'interdit pas à la banque de démontrer l'existence du principe de sa créance selon les règles du droit commun.

En application de l'article 1347 du code civil, il doit être considéré que l'avenant de réaménagement du crédit litigieux conclu avec les débiteurs le 29 mai 2002, qui émane bien d'eux puisqu'ils ont participé à sa rédaction en y opposant leur signature, constitue un commencement de preuve par écrit au sens du texte susvisé, qu'il incombe à la banque de parfaire par des éléments extérieurs à l'acte.

En effet cet avenant fait expressément référence à l'offre préalable de crédit acceptée par M. X. et Melle Y. le 8 juillet 1997 aux termes de laquelle « le prêteur a consenti à l'emprunteur, un crédit de 12.073,96 € en principal aux conditions figurant dans cet acte. Rappel du TEG 7,50 % ».

La banque produit en outre le tableau d'amortissement, l'historique du compte établissant que plusieurs mensualités ont été réglées par les emprunteurs, ainsi que la sommation interpellative délivrée à leur personne le 22 octobre 2004, dans laquelle ils ont reconnu l'intégralité de leur dette « suite à l'offre de crédit du 8 juillet 1997 » et se sont engagés à la régler par mensualités de 120 €, qui sont effectivement réglées.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il doit être considéré que la banque rapporte la preuve de l'obligation dont elle réclame l'exécution, et le jugement du 23 mai 2005 sera infirmé.

 

II Sur la régularité de l'offre préalable :

Les intimés soutiennent qu'en l'absence de production de l'offre préalable, la banque ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la conformité de ce document aux dispositions des articles L. 311-8 et suivants, R. 311-6 et R. 311-7 du code de la consommation.

La banque prétend que ce moyen de contestation est irrecevable comme atteint par la forclusion en application de l'article L. 311-37 du code de la consommation en sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001, applicable en la cause.

La directive 93/13 CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat.

[minute Jurica page 4] Le juge national, chargé d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ses normes, en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition de la législation nationale, même postérieure, sans attendre l'élimination de ces dispositions par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel.

Cependant, cette jurisprudence ne peut être utilement invoquée que s'il est demandé de réputer non écrite une clause abusive et non lorsqu'il est sollicité la nullité du contrat ou la déchéance du droit aux intérêts en raison d'une irrégularité affectant le contrat au regard des obligations légales.

En l'espèce, il n'est allégué l'existence d'aucune clause abusive.

Dès lors, le moyen de contestation de la régularité de l'offre préalable, émis pour la première fois par les intimés dans leurs écritures du 17 mai 2006, soit plus de deux ans après la formation du contrat, est irrecevable comme atteint de la forclusion.

 

III Sur le montant de la créance :

La clause pénale ne constitue pas une clause abusive dès lors que ne s'y ajoute pas une augmentation du taux d'intérêt à titre de pénalité et que son montant de 8 % du capital restant dû, et n'augmentant pas le taux d'intérêts même indirectement ou de manière déguisée est conforme aux dispositions légales et réglementaires, et son montant n'apparaît pas manifestement excessif.

Au vu des décomptes produits par la banque et non utilement contestés, la créance sera fixée à la somme de 6.265,16 € avec intérêts au taux contractuel de 7,50 % sur la somme de 5.807,62 € à compter du 22 décembre 2004 date de la mise en demeure.

 

IV Sur l'application de l'article 1244-1 du code civil :

Les consorts X. - Y. qui ont trois enfants à charge produisent les justificatifs de l'intégralité de leurs ressources et de leurs charges, ainsi qu'un tableau de gestion budgétaire dont il ressort que leur faculté d'apurement de leur dette est modeste mais réelle.

Ils persistent dans leur effort de règlement d'une somme mensuelle de 120 €.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, ils doivent être considérés comme débiteurs malheureux et de bonne foi, et il sera fait droit à leur demande en application de l'article 1244-1 du code civil.

 

V Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive :

La banque ne démontre pas l'existence d'un préjudice résultant de l'absence de règlement, distinct de celui déjà réparé par les intérêts et pénalités contractuels. Sa demande de ce chef, infondée, sera rejetée.

 

VI Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

La banque conservera en équité la charge des frais irrépétibles par elle exposés.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

- [minute Jurica page 5] Confirme le jugement du 28 février 2005 ;

- Infirme le jugement du 23 mai 2005 ;

- Condamne M. X. et Melle Y. à payer à SOGEFINANCEMENT la somme de 6.265,16 € avec intérêt au taux contractuel de 7,50 % sur la somme de 5.807,62 € à compter du 22 décembre 2004 ;

- Leur accorde un délai de deux ans pour se libérer de leur dette ;

- Déboute SOGEFINANCEMENT de ses demandes en dommages et intérêts et en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- Condamne M. X. et Melle Y. aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER,        LE PRÉSIDENT,

N. LE GALL              A. LE FEVRE