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CA TOULOUSE (2e ch.), 30 avril 2024

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (2e ch.), 30 avril 2024
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 2e ch.
Demande : 22/02384
Décision : 24/157
Date : 30/04/2024
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 23/06/2022
Décision antérieure : SAS NBB LEASE FRANCE 2 / X. - SASU FLUEED
Numéro de la décision : 157
Décision antérieure :
  • SAS NBB LEASE FRANCE 2 / X. - SASU FLUEED
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23017

CA TOULOUSE (2e ch.), 30 avril 2024 : RG n° 22/02384 ; arrêt n° 157

Publication : Judilibre ; JurisData n° 2024-006611

 

Extraits : 1/ « En application des dispositions précitées, trois critères doivent être remplis pour que le professionnel puisse bénéficier des dispositions protectrices du droit de la consommation  :

- le contrat doit avoir été conclu hors établissement : en l'espèce, la société Nbb Lease France 2 relève à juste titre que le contrat de location ne porte aucune mention relative au lieu de sa signature ; pour autant le contrat de fourniture de matériel et de maintenance, signé à la même date et de manière concomitante, précise comme localisation la ville de [Localité 6], où se situe le commerce exploité par Monsieur X. Ce lieu ne correspond ni à l'établissement de la société Buro Premium, ni à celui de Nbb Lease France 2 situé à [Localité 5]. Or, il résulte des dispositions de l'article L. 221-1 du code de la consommation que constitue un contrat hors établissement, le contrat conclu dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur. Dès lors, Monsieur X. a été sollicité par la société Buro Premium sur le lieu d'exercice de son activité, et a signé les documents présentés par celle-ci au titre d'une part de la fourniture de matériel, et d'autre part de la location, à la même date et au même lieu. Le contrat a donc été signé hors établissement.

- le contrat doit avoir été conclu par une société n'ayant pas plus de 5 salariés : Monsieur X. exerçait son activité seul, ce critère ne pose pas de difficulté.

- le contrat ne doit pas relever du champ de l'activité principale du professionnel : ce critère relève du pouvoir souverain des juges du fond. Il est désormais constant qu'afin d'examiner ce critère, il convient non pas de déterminer l'utilité du matériel loué, ou même la finalité de la location eu égard à l'exercice de l'activité professionnelle, mais bien de s'interroger sur les compétences du professionnel, s'agissant en l'espèce de la location de photocopieur. Monsieur X. était propriétaire d'un tabac presse sur la commune de [Localité 6], qu'il exploitait seul ; s'il a effectivement souscrit à la location d'une imprimante pour les besoins de son activité professionnelle, force est de constater que son champ d'activité habituel n'est pas la reprographie ni l'impression. En affirmant que l'activité professionnelle de Monsieur X. implique nécessairement l'usage d'une imprimante, et qu'en conséquence ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer, la société Nbb Lease France 2 opère une confusion entre le champ d'activité, et les besoins de l'activité. Pour l'exercice de sa profession, Monsieur X. a besoin de faire usage d'un tel matériel, il y trouve une utilité ; pour autant, la reprographie n'entre pas dans le champ de son activité principale, qui demeure le commerce de tabac presse.

En conséquence de l'ensemble de ces éléments, les conditions de conclusion des contrats litigieux permettaient à Monsieur X. de bénéficier du formalisme du code de la consommation relatif à son information précontractuelle, et notamment au droit de rétractation. »

2/ « En conséquence, c'est à bon droit que le tribunal de commerce a tiré comme conséquence de ce manquement des sociétés Flueed et Nbb Lease, la nullité des contrats de fourniture et de maintenance d'une part, et de location d'autre part. La cour confirmera la décision des premiers juges de ce chef. Il n'y aura donc pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de Monsieur X. relative au déséquilibre significatif. »

3/ « Il résulte des dispositions de l'article 1178 du code civil que le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé ; la nullité du contrat emporte ainsi la privation d'effets de ce contrat pour l'avenir, mais également de manière rétroactive. Du fait de la nullité du contrat de location conclu entre Monsieur X. et la société Nbb Lease France 2, le loyer payé par Monsieur X. n'était pas dû. La société Nbb Lease France 2 ne pourra qu'être condamnée à restituer les sommes perçues à ce titre. […]

Il convient par ailleurs de constater la réalité du préjudice de jouissance de la société Nbb Lease France 2, qui a été privée du matériel lui appartenant, qui est demeuré en possession de Monsieur X. Il ressort des dispositions de l'article 1352-3 du code civil, auquel renvoie directement l'article 1178, que la restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée. La valeur de la jouissance est évaluée par le juge au jour où il se prononce. En conséquence il sera alloué à la société Nbb Lease France 2 une indemnité pour sa privation de jouissance correspondant au coût des loyers versés. La compensation entre les créances respectives des parties sera ordonnée.

S'agissant enfin du sort du matériel donné en location, il appartiendra à la société Nbb Lease France 2, qui en est le propriétaire, d'en reprendre possession à ses frais et par ses propres moyens ; Monsieur X. devra quant à lui maintenir l'imprimante à sa disposition. Aucun élément de la procédure ne justifie le prononcé d'une astreinte, la résistance de Monsieur X. à cette restitution n'étant pas démontrée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 30 AVRIL 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/02384. Arrêt n° 157. N° Portalis DBVI-V-B7G-O3JV. Décision déférée du 18 mai 2022 - Tribunal de Commerce de MONTAUBAN - 2022/05.

 

APPELANTE :

SAS NBB LEASE FRANCE 2

immatriculée au RCS de PARIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 1], [Localité 5], Représentée par Maître Isabelle FAIVRE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Maître Carolina CUTURI-ORTEGA de la SCP JOLY CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

[Adresse 2], [Localité 6], Représenté par Maître Jean Lou LEVI de la SELARL LEVI - EGEA - LEVI, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

SASU FLUEED

immatriculée au RCS de TOULOUSE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 4], [Localité 3], Non représentée

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile […], l'affaire a été débattue le 14 février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. MOULAYES, Conseillère, chargée du rapport et F. PEYNAVAYRE, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : V. SALMERON, présidente, S. MOULAYES, conseillère, F. PENAVAYRE, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRÊT : - REPUTE CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

Monsieur X. est propriétaire d'un tabac presse dénommé Tabac L'O. situé [Adresse 2] dans le Tarn.

Suivant contrat de location du 29 novembre 2018, intitulé contrat de vente, Monsieur X. a loué une imprimante HP 57750 fournie par la société Buro Premium devenue Sas Flueed ; ce contrat prévoyait également une prestation de maintenance.

Par contrat du même jour, la société Nbb Lease France 2 est intervenue en qualité de loueur de ce matériel, pour une durée de 21 trimestres, moyennant le paiement de loyers trimestriels de 684 euros ttc.

Un litige est né entre Monsieur X. et la Sasu Flueed quant au nombre de copies facturées, et ce alors qu'il avait sollicité une suspension de l'exécution du contrat, le temps de trouver un repreneur pour son activité ; par courrier du 14 mai 2021, Monsieur X., par l'intermédiaire de sa protection juridique, a sollicité des explications sur cette facturation.

La société Flueed a répondu le 18 juin 2021 que la facturation était conforme au contrat de maintenance signé entre les parties.

Par courrier électronique du 24 août 2021 la Sasu Flueed a mis en demeure Monsieur X. de s'acquitter du paiement des factures contestées, en vain.

Par acte du 6 janvier 2022, Monsieur X. a fait délivrer assignation devant le tribunal de commerce de Montauban aux sociétés Flueed et Nbb Lease France 2, afin de voir notamment prononcer la nullité du contrat de location et du contrat de maintenance pour dol et pour non-respect des dispositions du Code de la consommation, et d'obtenir ainsi la restitution par Nbb Lease des sommes versées au titre des loyers.

La Sas Flueed et la Sas Nbb Lease France 2 n'étaient ni présentes ni représentées lors de l'audience devant le tribunal de commerce de Montauban.

Par jugement du 18 mai 2022, le tribunal de commerce de Montauban a :

- prononcé la nullité du contrat de location et du contrat de maintenance pour dol et pour non-respect des dispositions du code de la consommation ;

- condamné la société Nbb à reverser à Monsieur X. la somme de 7.685,94 € correspondant aux loyers versés ;

- condamné solidairement la société Flueed et la société Nbb à verser à Monsieur X. la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- dit y avoir lieu à exécution provisoire de la décision ;

- condamné solidairement la société Flueed et la société Nbb aux dépens.

Par déclaration du 23 juin 2022, la Sas Nbb Lease France 2 a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est la réformation de l'ensemble des chefs du jugement, que la déclaration d'appel critique tous expressément.

Par jugement en date du 13 février 2023, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la Sas Flueed, et a désigné la Selarl S. en qualité de liquidateur.

Par acte de commissaire de justice régulièrement signifié le 24 mai 2023, la Sas Nbb Lease France 2 a fait délivrer assignation en intervention forcée à Maître S. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Sasu Flueed.

La clôture est intervenue le 15 janvier 2024, et l'affaire a appelée à l'audience du 14 février 2024.

 

Prétentions et moyens :

Vu les conclusions d'appelant n°2 notifiées le 6 janvier 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sas Nbb Lease France 2 demandant, aux visas des articles 1103, 1217, 1224, 1225, 1227 et 1229 du Code civil, 1137 du Code civil, et L.221-3 et suivants du Code de la consommation, de :

- déclarer la société Nbb Lease France 2 recevable et bien fondée dans l'ensemble de ses demandes ;

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Montauban en date du 18 mai 2022, en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau :

- A titre principal :

- débouter Monsieur X. de l'intégralité de ses demandes ;

- Subsidiairement, si la Cour confirmait le jugement en ce que le Tribunal a prononcé la nullité du contrat de location :

- débouter Monsieur X. de toute demande de restitution des loyers, et, à défaut, condamner Monsieur X. au paiement d'une somme équivalente aux loyers restitués (somme à parfaire), au titre de l'indemnité de jouissance du matériel mis à sa disposition ;

- ordonner la compensation des sommes qui pourraient être dues entre Monsieur X. et la société Nbb Lease France 2 au titre du présent arrêt ;

- ordonner à Monsieur X. de restituer à ses frais le matériel objet du contrat de location en bon état d'entretien et de fonctionnement, sous astreinte de 100 € par jour à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, exclusivement à la Société Nbb Lease France 2 au lieu choisi par cette dernière, ou à toute personne désignée par la Société Nbb Lease France 2 ;

- dans l'hypothèse où Monsieur X. ne restituerait pas le matériel objet du contrat de location, autoriser la Société Nbb Lease France 2 ou toute personne que la Société Nbb Lease France 2 se réserve le droit de désigner, à appréhender le matériel objet du contrat de location en quelque lieu qu'il se trouve pour en prendre possession en ses lieux et place, les frais d'enlèvement et de transport incombant exclusivement à Monsieur X. ;

En tout état de cause :

- condamner Monsieur X. à payer la somme de 2.500 euros à la société Nbb Lease France 2 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner Monsieur X. aux entiers dépens.

Elle estime que le dol reproché par Monsieur X. à la société Flueed ne lui est pas opposable, dans la mesure où elle est tiers au contrat de maintenance signé entre eux ; la nullité du contrat de location ne pouvait donc pas être ordonnée par le premier juge.

Elle conteste tout comportement dolosif, et affirme avoir respecté les dispositions du contrat de location, qui étaient claires et ne pouvaient pas tromper Monsieur X.

Elle rappelle que le prix final du photocopieur était connu par le co-contractant dès la signature du contrat, une simple multiplication lui permettant de vérifier si ce coût lui convenait eu égard aux prix du marché ; il lui appartenait de se renseigner sur la valeur du matériel loué avant de signer le contrat.

Elle affirme ensuite que Monsieur X. ne peut pas se prévaloir des dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation, dans la mesure où il ne peut pas être qualifié de consommateur, et où il ne justifie pas remplir les conditions cumulatives définies dans l'article L. 221-3.

De la même manière, elle affirme que Monsieur X. ne rapporte pas la preuve du déséquilibre significatif dont il se prévaut en cause d'appel.

La société Nbb Lease France 2 estime ainsi n'être tenue d'aucune restitution de loyer.

[*]

Vu les conclusions d'intimé notifiées le 20 décembre 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Monsieur X. demandant, aux visas des articles 1130, 1131 et 1137 du Code civil, et les articles L221-3 et suivants du Code de la consommation, de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou en tout cas mal fondées ;

Prenant droit de l'ensemble des éléments de la cause ;

- débouter la société Nbb Lease France 2 de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement du 18 mai 2022 rendu par le Tribunal de Commerce en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du contrat de location et du contrat de maintenance pour dol et pour non-respect des dispositions du code de la consommation ;

- condamné la société Nbb à reverser à Monsieur X. la somme de 7.685,94 € correspondant aux loyers versés ;

- condamné solidairement la société Flueed et la société Nbb à verser à Monsieur X. la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- dit y avoir lieu à exécution provisoire de la décision ;

- condamné solidairement la société Flueed et la société Nbb aux dépens.

- condamner solidairement la société Flueed et la société Nbb Lease France 2 à verser à Monsieur X. la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner solidairement la société Flueed et la société Nbb Lease France 2 aux dépens.

Monsieur X. invoque le dol comme cause de nullité des contrats souscrit auprès des sociétés Flueed et Nbb Lease France 2 ; il vise notamment le prix du matériel loué, bien supérieur au prix du marché, du fait des loyers particulièrement élevés, et les conditions du contrat de maintenance qui faisaient croire à des conditions financières avantageuses du fait du versement d'une participation par la société Flueed.

Il se prévaut par ailleurs des dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation, pour affirmer qu'il n'a pas reçu l'information obligatoire préalable à toute signature d'un contrat hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l'objet du contrat n'entrait pas dans le champ de son activité principale.

A titre subsidiaire, il affirme que le contrat conclu avec Nbb Lease et Flueed est fondé sur un déséquilibre significatif.

[*]

La déclaration d'appel a été régulièrement signifiée à la Sas Flueed par acte de commissaire de justice du 24 août 2022 dans les conditions de l'article 659 du code de procédure civile.

Suite à l'assignation en intervention forcée du liquidateur judiciaire, par courrier adressé à la Cour le 25 mai 2023 Maître S. a fait savoir que l'impécuniosité de la procédure collective ne lui permettait pas de se faire représenter, et qu'il s'en rapportait à la justice.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la nullité des contrats de location et de maintenance :

Monsieur X. demande à la Cour de prononcer la nullité des contrats de location et de maintenance pour dol.

Il invoque le coût prohibitif du photocopieur donné en location, qui à l'issue du bail lui fait supporter un prix quinze fois plus élevé que le prix d'achat d'un tel matériel.

Il ajoute qu'en lui donnant la perspective d'une participation financière à l'issue d'un délai de 21 mois de location, la société Flueed a commis une manœuvre dolosive destinée à lui faire signer une prolongation du contrat de location.

Enfin, il estime que la facturation d'un quota minimum de copies, sans considération de l'utilisation réelle du photocopieur, est également constitutive d'un dol.

Il ressort des dispositions de l'article 1130 du code civil, que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné

L'article 1137 de ce même code ajoute que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

Le dol, vice du consentement, se définit ainsi comme des manœuvres, un mensonge ou un silence ayant sciemment engendré une erreur déterminante du consentement du contractant qui s'en dit victime.

Il suppose la réunion d'un élément intentionnel et d'un élément matériel.

La charge de la preuve incombe à celui qui invoque le dol, et cette preuve peut s'administrer par tous moyens.

En l'espèce, il ne peut qu'être relevé que les données relatives au coût de la location du photocopieur étaient connues de Monsieur X. lors de la signature du contrat de fourniture et de maintenance, et du contrat de location.

En effet, le contrat de location signé le 29 novembre 2018 entre Monsieur X. et la société Nbb Lease mentionne expressément la dénomination du matériel loué, et le coût de la location au trimestre, de sorte que par une simple vérification préalable, le preneur était en mesure de connaître le prix d'achat d'un tel photocopieur et de le comparer au coût de la location.

Aucune dissimulation ou manœuvre n'est établie de ce chef.

De la même manière, le contrat de maintenance signé le 29 novembre 2018 entre la société Buro Premium et Monsieur X., porte mention d'un « volume minimum de facturation annuelle » correspondant à « 10.500 copies monochrome et 4.200 couleur » ; le prix hors taxes pour chaque copie est également précisé.

Une nouvelle fois, il appartenait au preneur, informé de ces conditions de facturation de la prestation de maintenance, de déterminer si cette facturation minimale correspondait à ses besoins.

La société Buro Premium n'a pas manœuvré pour opérer une dissimulation, ou faire croire à une fausse information, de nature à tromper Monsieur X. sur ses modalités de facturation de la prestation de maintenance.

Enfin, s'agissant de l'engagement pris par Buro Premium de verser à Monsieur X. une participation financière de 3 900 euros à partir de 21 mois d'utilisation pour la livraison d'un nouveau matériel, il ne procède pas plus d'une quelconque manœuvre dolosive.

Monsieur X. s'est engagé à payer un loyer sur une durée de 21 trimestres, et il lui appartenait, s'il en faisait le choix, de mobiliser cette proposition de Buro Premium lui permettant de bénéficier d'un matériel plus récent.

Cet engagement est clair, et vise uniquement à faciliter le changement de matériel à l'issue d'une certaine période de location, sans aucune obligation imposée au preneur.

Il appartenait au preneur de procéder à un calcul simple, afin de déterminer si, une fois déduite cette participation financière des loyers à payer, l'opération financière présentait un intérêt pour lui.

Monsieur X., qui estime que cette proposition est dolosive, ne caractérise pas la tromperie ou le vice du consentement dont il a pu faire l'objet du fait de cette proposition.

En conséquence de l'ensemble de ces éléments, la Cour relève que Monsieur X. ne rapporte pas la preuve du dol dont il se prévaut.

Il conviendra en conséquence d'infirmer le premier jugement qui a retenu le dol, et de débouter Monsieur X. de ses demandes de ce chef.

 

Sur l'information préalable délivrée à Monsieur X. :

Il ressort des dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation, que les dispositions des sections 2, 3 et 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

La sous-section 2 concerne l'information précontractuelle à délivrer au co-contractant d'un professionnel.

Monsieur X. reproche aux sociétés intimées de ne pas avoir respecté les formalités prescrites par les dispositions protectrices du code de la consommation, relatives notamment à son information précontractuelle et son droit de rétractation.

La société Nbb Lease France 2 estime que Monsieur X. n'est pas fondé à invoquer ces dispositions, en ce qu'il ne justifie d'aucun des critères exigés par la loi.

En application des dispositions précitées, trois critères doivent être remplis pour que le professionnel puisse bénéficier des dispositions protectrices du droit de la consommation :

- le contrat doit avoir été conclu hors établissement : en l'espèce, la société Nbb Lease France 2 relève à juste titre que le contrat de location ne porte aucune mention relative au lieu de sa signature ; pour autant le contrat de fourniture de matériel et de maintenance, signé à la même date et de manière concomitante, précise comme localisation la ville de [Localité 6], où se situe le commerce exploité par Monsieur X.

Ce lieu ne correspond ni à l'établissement de la société Buro Premium, ni à celui de Nbb Lease France 2 situé à [Localité 5].

Or, il résulte des dispositions de l'article L. 221-1 du code de la consommation que constitue un contrat hors établissement, le contrat conclu dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.

Dès lors, Monsieur X. a été sollicité par la société Buro Premium sur le lieu d'exercice de son activité, et a signé les documents présentés par celle-ci au titre d'une part de la fourniture de matériel, et d'autre part de la location, à la même date et au même lieu.

Le contrat a donc été signé hors établissement.

- le contrat doit avoir été conclu par une société n'ayant pas plus de 5 salariés : Monsieur X. exerçait son activité seul, ce critère ne pose pas de difficulté.

- le contrat ne doit pas relever du champ de l'activité principale du professionnel : ce critère relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Il est désormais constant qu'afin d'examiner ce critère, il convient non pas de déterminer l'utilité du matériel loué, ou même la finalité de la location eu égard à l'exercice de l'activité professionnelle, mais bien de s'interroger sur les compétences du professionnel, s'agissant en l'espèce de la location de photocopieur.

Monsieur X. était propriétaire d'un tabac presse sur la commune de [Localité 6], qu'il exploitait seul ; s'il a effectivement souscrit à la location d'une imprimante pour les besoins de son activité professionnelle, force est de constater que son champ d'activité habituel n'est pas la reprographie ni l'impression.

En affirmant que l'activité professionnelle de Monsieur X. implique nécessairement l'usage d'une imprimante, et qu'en conséquence ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer, la société Nbb Lease France 2 opère une confusion entre le champ d'activité, et les besoins de l'activité.

Pour l'exercice de sa profession, Monsieur X. a besoin de faire usage d'un tel matériel, il y trouve une utilité ; pour autant, la reprographie n'entre pas dans le champ de son activité principale, qui demeure le commerce de tabac presse.

En conséquence de l'ensemble de ces éléments, les conditions de conclusion des contrats litigieux permettaient à Monsieur X. de bénéficier du formalisme du code de la consommation relatif à son information précontractuelle, et notamment au droit de rétractation.

La société Nbb Lease France 2 ne conteste pas un défaut de respect de ces dispositions.

L'article L. 221-9 du code de la consommation dispose que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les mentions prévues à l'article L. 221-5 relatives à l'information précontractuelle.

Le contrat doit par ailleurs être accompagné d'un formulaire type de rétractation.

La sanction en cas de non-respect de ces dispositions est, selon l'article L. 242-1 du code de la consommation, la nullité du contrat conclu hors établissement.

En conséquence, c'est à bon droit que le tribunal de commerce a tiré comme conséquence de ce manquement des sociétés Flueed et Nbb Lease, la nullité des contrats de fourniture et de maintenance d'une part, et de location d'autre part.

La cour confirmera la décision des premiers juges de ce chef.

Il n'y aura donc pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de Monsieur X. relative au déséquilibre significatif.

 

Sur les conséquences de la nullité :

Monsieur X. demande à la Cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Montauban, en ce qu'il a condamné la société Nbb Lease à lui reverser le montant total de loyers perçus, du fait de la nullité du contrat de location.

Il résulte des dispositions de l'article 1178 du code civil que le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé ; la nullité du contrat emporte ainsi la privation d'effets de ce contrat pour l'avenir, mais également de manière rétroactive.

Du fait de la nullité du contrat de location conclu entre Monsieur X. et la société Nbb Lease France 2, le loyer payé par Monsieur X. n'était pas dû.

La société Nbb Lease France 2 ne pourra qu'être condamnée à restituer les sommes perçues à ce titre.

La Cour relève que les parties ne produisent aucun élément permettant de déterminer le montant des loyers payés effectivement par Monsieur X. ; toutefois, si elles s'opposent sur le sort de ces loyers, le montant des sommes d'ores et déjà versées n'est pas contesté.

Il sera donc retenu la somme visée par les premiers juges, à savoir 7 685,94 euros.

La décision du tribunal de commerce ayant condamné la société Nbb Lease à reverser à Monsieur X. la somme de 7 685,94 euros correspondant aux loyers versés, sera en conséquence confirmée.

Il convient par ailleurs de constater la réalité du préjudice de jouissance de la société Nbb Lease France 2, qui a été privée du matériel lui appartenant, qui est demeuré en possession de Monsieur X.

Il ressort des dispositions de l'article 1352-3 du code civil, auquel renvoie directement l'article 1178, que la restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée.

La valeur de la jouissance est évaluée par le juge au jour où il se prononce.

En conséquence il sera alloué à la société Nbb Lease France 2 une indemnité pour sa privation de jouissance correspondant au coût des loyers versés.

La compensation entre les créances respectives des parties sera ordonnée.

S'agissant enfin du sort du matériel donné en location, il appartiendra à la société Nbb Lease France 2, qui en est le propriétaire, d'en reprendre possession à ses frais et par ses propres moyens ; Monsieur X. devra quant à lui maintenir l'imprimante à sa disposition.

Aucun élément de la procédure ne justifie le prononcé d'une astreinte, la résistance de Monsieur X. à cette restitution n'étant pas démontrée.

 

Sur les demandes accessoires :

En l'état de la présente décision, il convient de confirmer les chefs du premier jugement ayant condamné les sociétés Flueed et Nbb Lease France 2 à payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de première instance.

Les sociétés Flueed et Nbb Lease France 2, qui succombent, seront par ailleurs condamnées in solidum aux entiers dépens d'appel.

En revanche, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; les parties seront déboutées de leurs demande de ce chef en cause d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant dans les limites de sa saisine, en dernier ressort, de manière réputée contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a reconnu le dol dans le contrat de fourniture et de maintenance, et dans le contrat de location ;

Y ajoutant,

Condamne Monsieur X. à payer à la Sas Nbb Lease France 2 la somme de 7.685,94 € en réparation de son préjudice de jouissance ;

Ordonne la compensation entre les créances respectives des parties ;

Dit que Monsieur X. devra mettre à disposition de la Sas Nbb Lease France 2 le matériel objet du contrat dont la nullité a été prononcée, et qu'il appartiendra à la Sas Nbb Lease France 2 de prendre toute disposition pour en reprendre possession à ses frais et diligences ;

Déboute la Sas Nbb Lease France 2 de sa demande d'astreinte ;

Déboute Monsieur X. et la Sas Nbb Lease France 2 de leurs demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne in solidum la Sas Nbb Lease France 2 et la Sasu Flueed représentée par son liquidateur judiciaire la Selarl S., aux entiers dépens d'appel ;

Le Greffier                                                   La Présidente