CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

TJ PARIS (pôle civ. prox.), 11 avril 2024

Nature : Décision
Titre : TJ PARIS (pôle civ. prox.), 11 avril 2024
Pays : France
Juridiction : T.jud. Paris
Demande : 24/00061
Décision : 24/4
Date : 11/04/2024
Nature de la décision : Admission, Rejet
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 28/11/2023
Numéro de la décision : 4
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 23125

TJ PARIS (pôle civ. prox.), 11 avril 2024 : RG n° 24/00061 ; jugt n° 4

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. [...] Les clauses abusives sont réputées non écrites. L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. [...] Les dispositions du présent article sont d'ordre public. »

En l'espèce, le contrat de bail litigieux prévoit une pénalité due par M. X. et Mme X. en raison des manquements à l'exécution du contrat de bail. Cette clause, qui met à la charge exclusive des locataires une pénalité en cas d'inexécution d'une des clauses du bail ou de retard dans le paiement du loyer, est source de déséquilibre au détriment du consommateur en raison de l'absence de réciprocité en cas de manquement du bailleur.

Cette clause étant réputée non écrite en application des dispositions précitées, les demandes de la fondation Institut Pasteur tendant à son application seront donc rejetées. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS

PÔLE CIVIL DE PROXIMITÉ

JUGEMENT DU 11 AVRIL 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 24/00061. Jugement n° 4. N° Portalis 352J-W-B7H-C3V3H.

 

DEMANDERESSE :

Fondation L’INSTITUT PASTEUR

dont le siège social est sis [Adresse 1], représentée par Maître Armelle GRANDPEY de l’AARPI JAD & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #G0673

 

DÉFENDEURS :

Monsieur X.

demeurant [Adresse 2], non comparant, ni représenté

Madame X.

demeurant [Adresse 2], non comparante, ni représentée

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Joséphine DEMIGNE, Juge, juge des contentieux de la protection, assistée de Lisa BOUCHEMMA, Greffier,

DATE DES DÉBATS : Audience publique du 7 février 2024

JUGEMENT : réputé contradictoire et en premier ressort prononcé par mise à disposition le 11 avril 2024 par Joséphine DEMIGNE, juge des contentieux de la protection assistée de Lisa BOUCHEMMA, Greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Par acte sous seing privé du 11 mai 2005, La fondation Institut Pasteur a consenti un bail d’habitation à M. X. et Mme X. sur des locaux situés au [Adresse 2], moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 2096,29 euros et d’une provision pour charges de 205 euros.

Par actes de commissaire de justice du 13 septembre 2023, le bailleur a fait délivrer aux locataires un commandement de payer la somme principale de 5701,16 euros au titre de l'arriéré locatif dans un délai de deux mois, en visant la clause résolutoire insérée au bail.

La commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de M. X. et Mme X. le 15 septembre 2023.

Par assignations du 28 novembre 2023, La société Institut Pasteur a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, être autorisé à faire procéder à l’expulsion de M. X. et Mme X. et obtenir leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes :

- une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux,

- 7.320,74 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 13 novembre 2023, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer,

- 732,07 euros au titre de la clause pénale,

- 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 1er décembre 2023, mais aucun diagnostic social et financier n'est parvenu au greffe avant l'audience.

 

Prétentions et moyens des parties

À l'audience du 7 février 2024, la fondation Institut Pasteur maintient l'intégralité de ses demandes, et précise que la dette locative, actualisée au 7 février 2024, s'élève désormais à 3.702,61 euros. La fondation Institut Pasteur considère enfin qu'il n'y a pas eu de reprise du paiement intégral du loyer courant avant l'audience, au sens de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989.

Bien que régulièrement assignés par actes de commissaire de justice respectivement délivrés à domicile et à personne, M. X. et Mme X. n'ont pas comparu et ne se sont pas fait représenter.

La fondation Institut Pasteur ne forme aucune demande de suspension des effets de la clause résolutoire.

En application de l'article 24 V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, les parties ont été invitées à produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.

La fondation Institut Pasteur a précisé ne pas avoir connaissance de l’existence d’une telle procédure concernant M. X. et Mme X.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant alors droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

 

1. Sur la demande de constat de la résiliation du bail :

1.1. Sur la recevabilité de la demande :

La fondation Institut Pasteur justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience.

Elle justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation.

Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

 

1.2. Sur la résiliation du bail :

Aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version en vigueur à la date de la conclusion du contrat de bail litigieux, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

En l’espèce, un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales et la clause résolutoire contenue dans le contrat de location a été signifié aux locataires le 13 septembre 2023. Or, d’après l'historique des versements, la somme de 5701,16 euros n’a pas été réglée par ces derniers dans le délai de deux mois suivant la signification de ce commandement et aucun plan d’apurement n’a été conclu dans ce délai entre les parties.

Le bailleur est donc bien fondé à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 14 novembre 2023.

Il convient, en conséquence, d’ordonner aux locataires ainsi qu’à tous les occupants de leur chef de quitter les lieux, et, pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, d’autoriser Société Institut Pasteur à faire procéder à l’expulsion de toute personne y subsistant.

Cependant, dès lors qu'aucune circonstance ne justifie la réduction du délai prévu à l'article L .412-1 du code des procédures civiles d'exécution, il convient de rappeler que l'expulsion ne pourra avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance aux locataires d'un commandement de quitter les lieux.

 

2. Sur la dette locative :

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver tandis que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement.

L'article 1103 du même code prévoit, par ailleurs, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l’espèce, la fondation Institut Pasteur verse aux débats un décompte démontrant qu’à la date du 3 avril 2024, M. X. et Mme X. lui devaient la somme de 3.702,61 euros, soustraction faite des frais de procédure.

M. X. et Mme X. n’apportant aucun élément de nature à remettre en cause ce montant, ils seront solidairement condamnés à payer cette somme au bailleur, avec intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2023, conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1344-1 du code civil.

 

3. Sur l’indemnité d’occupation :

En cas de maintien dans les lieux des locataires ou de toute personne de leur chef malgré la résiliation du bail, une indemnité d’occupation sera due. Au regard du montant actuel du loyer et des charges, son montant sera fixé à la somme mensuelle de 2.301,29 euros.

L’indemnité d’occupation est payable et révisable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, à partir du 14 novembre 2023, et ne cessera d’être due qu’à la libération effective des locaux avec remise des clés à la société Institut Pasteur ou à son mandataire.

 

4. Sur la demande au titre de la clause pénale :

Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

[...]

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

[...]

Les dispositions du présent article sont d'ordre public. »

En l'espèce, le contrat de bail litigieux prévoit une pénalité due par M. X. et Mme X. en raison des manquements à l'exécution du contrat de bail. Cette clause, qui met à la charge exclusive des locataires une pénalité en cas d'inexécution d'une des clauses du bail ou de retard dans le paiement du loyer, est source de déséquilibre au détriment du consommateur en raison de l'absence de réciprocité en cas de manquement du bailleur.

Cette clause étant réputée non écrite en application des dispositions précitées, les demandes de la fondation Institut Pasteur tendant à son application seront donc rejetées.

 

5. Sur les frais du procès et l'exécution provisoire :

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.

M. X. et Mme X., qui succombent à la cause, seront solidairement condamnés aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité commande par ailleurs de faire droit à hauteur de 400 euros à la demande de la société Institut Pasteur concernant les frais non compris dans les dépens, en application des dispositions précitées.

Selon l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Toutefois, selon l’article 514-1 du même code, le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, compte tenu du montant et de l'ancienneté de la dette et de l'absence totale de reprise du paiement des loyers depuis l'assignation, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de la présente décision.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que la dette locative visée dans le commandement de payer du 13 septembre 2023 n’a pas été réglée dans le délai de deux mois,

CONSTATE, en conséquence, que le contrat conclu le 11 mai 2005 entre la fondation Institut Pasteur, d’une part, et M. X. et Mme X., d’autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 2] est résilié depuis le 14 novembre 2023,

DIT n’y avoir lieu d’octroyer des délais de paiement à M. X. et Mme X., sans préjudice des délais qui pourraient leur être accordés dans le cadre d’une procédure de surendettement,

ORDONNE à M. X. et Mme X. de libérer de leur personne, de leurs biens, ainsi que de tous occupants de leur chef, les lieux situés au [Adresse 2] ainsi que, le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement,

DIT qu’à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à leur expulsion et à celle de tous occupants de leur chef avec l’assistance de la force publique,

DIT que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

RAPPELLE que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’hors période hivernale et à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux,

CONDAMNE solidairement M. X. et Mme X. au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, soit 2301,29 euros (deux mille trois cent un euros et vingt-neuf centimes) par mois,

DIT que cette indemnité d’occupation, qui se substitue au loyer dès le 14 novembre 2023, est payable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés au bailleur ou à son mandataire,

CONDAMNE solidairement M. X. et Mme X. à payer à la fondation Institut Pasteur la somme de 3702,61 euros (trois mille sept cent deux euros et soixante et un centimes) au titre de l’arriéré locatif arrêté au 7 février 2024, avec intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2023,

DÉBOUTE la société Institut Pasteur de sa demande au titre de la clause pénale,

DIT n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision,

CONDAMNE solidairement M. X. et Mme X. à payer à la société Institut Pasteur la somme de 400 euros (quatre cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE solidairement M. X. et Mme X. aux dépens comprenant notamment le coût des commandements de payer du 13 septembre 2023 et celui des assignations du 28 novembre 2023.

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.

La Greffière                                                 La Juge