TJ SAINT-ÉTIENNE (1re ch. civ.), 4 septembre 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 23143
TJ SAINT-ÉTIENNE (1re ch. civ.), 4 septembre 2024 : RG n° 22/03713
Publication : Judilibre
Extrait : « En l'absence d'indication de M. X. sur un éventuel patrimoine de la SCI JPRCC, pourtant associé majoritaire de la société, le crédit mutuel a procédé aux vérifications et poursuites qu'il était en mesure d'engager. Il a ainsi vérifié par les poursuites engagées vainement l'absence de tout patrimoine de la SCI JPRCC, immobilier et financier. Dès lors, est remplie la condition des vaines poursuites de l'article 1858 du code civil.
Contrairement à ce qu'affirme M. X., il n'est pas un débiteur substitué à la SCI JPRCC mais un débiteur subsidiaire de la banque du fait de la défaillance de la société. La créance du crédit mutuel constitue le passif social dont il est responsable proportionnellement à ses parts dans le capital. Ainsi seule la SCI pouvait invoquer l'exception tirée de l'application de la réglementation des clauses abusives.
En outre une société civile immobilière agit en qualité de professionnel lorsqu'elle souscrit des prêts immobiliers pour financer l'acquisition d'immeubles conformément à son objet, de sorte qu'elle ne peut invoquer à son bénéfice le caractère abusif de certaines clauses des contrats de prêt (Cass. 1re civ., 28 juin 2023, n° 22-13.969).
C'est le cas en espèce de la SCI JPRCC dont l'objet social est l'acquisition et la gestion de tous immeubles ; elle ne peut invoquer la réglementation des clauses abusives entre consommateur et professionnel, tout comme l'associé poursuivi dans le cadre de l'article 1858 du code civil. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT-ÉTIENNE
JUGEMENT DU 4 SEPTEMBRE 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/03713. N° Portalis DBYQ-W-B7G-HR3Z.
ENTRE :
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 5]
immatriculée au RCS de Saint-Etienne sous le numéro XXX, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 3], représentée par Maître Romain MAYMON, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE
ET :
Monsieur X.
né le [Date naissance 1] à [Localité 4], demeurant [Adresse 2], représenté par Maître Sylvain NIORD de la SELAS D.F.P & ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Présidente : Séverine BESSE
Assesseur : Guillaume GRUNDELER
Assesseur : Pauline COMBIER
Greffier : Valérie DALLY lors des débats et du prononcé.
DÉBATS : à l'audience publique du 10 juin 2024. L’affaire a été mise en délibéré au 4 septembre 2024.
DÉCISION : contradictoire, prononcée publiquement, par mise à disposition au greffe, en matière civile et en premier ressort, et après qu’il en eut été délibéré par le président et les assesseurs ayant participé aux débats.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. X. détient 199 parts sur 200 de la SCI JPRCC soit 99,50 % du capital social.
Suivant acte authentique du 6 novembre 2013, la caisse de crédit mutuel de [Localité 5] a accordé à la SCI JPRCC un prêt professionnel n° 10278 XXX271702 d'un montant de 183.826 € avec un taux fixe hors assurance de 4,40 % l'an, soit un TEG à 5,00041 % l'an, prêt remboursable en 182 échéances mensuelles dont 2 mois de franchise et 180 échéances mensuelles de 1.396,88 € chacune entre le 15 janvier 2014 et le 15 décembre 2028.
Ce prêt a servi à l'acquisition d'un bien dans un ensemble immobilier situé à [Localité 5] consistant en un plateau qui a été aménagé puis loué.
Après mise en demeure infructueuse en lettre recommandée du 23 mars 2021 d'avoir à régulariser des mensualités impayées depuis le 30 juin 1999, la banque a prononcé la déchéance du terme au 8 juin 2021.
En juin 2022 la SCI JPRCC a vendu le bien situé à [Localité 5] et a remboursé une partie du prêt en versant la somme de 115.646,92 euros.
Après une mise en demeure par lettre recommandée du 20 juin 2022, la caisse de crédit mutuel de [Localité 5] a assigné le 23 septembre 2022 M. X. devant le tribunal judiciaire de Saint-Étienne en paiement du solde du prêt en sa qualité d'associé de la SCI JPRCC.
[*]
Dans ses dernières conclusions n°2 notifiées le 19 juillet 2023, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 5] demande de :
- Déclarer Monsieur X. irrecevable pour défaut d'intérêt et de qualité à agir et subsidiairement mal fondé en toutes ses demandes, et l'en débouter ;
- Déclarer la demande de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 5] recevable et bien fondée, et en conséquence :
- Condamner Monsieur X. à lui payer, au titre de sa responsabilité d'associé de la SCI JPRCC, la somme suivante :
* 34.672,17 €, selon décompte arrêté au 17 avril 2023 outre 99,50 % des intérêts au taux contractuel dû par la SCI JPRCC,
- Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire qui est compatible avec la nature de l'affaire,
- Ordonner la capitalisation des intérêts par années entières ;
- Condamner Monsieur X. à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 5] la somme de 3.500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Condamner Monsieur X. aux entiers dépens ;
- Et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile, Maître Romain MAYMON pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
[*]
Dans ses dernières conclusions notifiées le 27 juin 2023, M. X. sollicite de :
- DÉCLARER irrecevable l'action dirigée par la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 5] à l'encontre de Monsieur X. faute de justifier de vaines poursuites, dirigées contre la SCI JPRCC, non placée en redressement ou liquidation judiciaire.
- DÉCLARER inopposable à Monsieur X. la déchéance du terme prononcée le 8 juin 2021 du prêt n°10278 XXX271702.
En conséquence,
- DÉBOUTER la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 5] de toutes ses fins et prétentions à l'encontre de Monsieur X.
- CONDAMNER la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 5] à payer et porter à Monsieur X. la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- CONDAMNER la même aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la SELAS DFP& ASSOCIES sur son affirmation de droit.
[*]
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions précitées des parties pour l'exposé de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
I - Sur la demande en paiement du solde du prêt :
L'article 1857 du code civil dispose qu'à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements.
Aux termes de l'article 1858 du même code, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.
Selon l'article 122 du code civil, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Comme le reconnaît M. X. en page 6 de ses conclusions, la vente du bien immobilier situé à [Localité 5] est intervenue à l'amiable mais dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière.
Cette action engagée par le crédit mutuel constitue l'action en paiement contre la société, préalable à l'action contre les associés, puisque la banque peut directement engager une procédure de saisie immobilière sur la base de l'acte authentique de prêt et que le juge de l'exécution a fixé le montant de la créance de la banque avant d'autoriser la vente amiable du bien immobilier.
L'action du crédit mutuel à l'encontre de M. X. est par conséquent recevable.
Le crédit mutuel a procédé à deux saisies-attribution, sur le compte qu'elle détenait, en vain, compte tenu du solde négatif de ce compte, et auprès d'une autre banque qui ne disposait d'aucun compte de la SCI JPRCC.
Elle a tenté également une saisie-attribution des loyers auprès de la locataire, la SAS L'INTUITION, le 12 août 2021, vaine du fait de la fermeture de l'établissement, et ce avant la vente du bien qui est intervenue en juin 2022, et de nouveau le 12 août 2022, après la vente, également sans succès.
Elle a vérifié auprès du fichier immobilier de [ville S.], siège social de la SCI JPRCC, et de celui de Saint-Étienne, l'absence de bien immobilier appartenant à cette dernière.
En l'absence d'indication de M. X. sur un éventuel patrimoine de la SCI JPRCC, pourtant associé majoritaire de la société, le crédit mutuel a procédé aux vérifications et poursuites qu'il était en mesure d'engager. Il a ainsi vérifié par les poursuites engagées vainement l'absence de tout patrimoine de la SCI JPRCC, immobilier et financier.
Dès lors, est remplie la condition des vaines poursuites de l'article 1858 du code civil.
Contrairement à ce qu'affirme M. X., il n'est pas un débiteur substitué à la SCI JPRCC mais un débiteur subsidiaire de la banque du fait de la défaillance de la société. La créance du crédit mutuel constitue le passif social dont il est responsable proportionnellement à ses parts dans le capital.
Ainsi seule la SCI pouvait invoquer l'exception tirée de l'application de la réglementation des clauses abusives.
En outre une société civile immobilière agit en qualité de professionnel lorsqu'elle souscrit des prêts immobiliers pour financer l'acquisition d'immeubles conformément à son objet, de sorte qu'elle ne peut invoquer à son bénéfice le caractère abusif de certaines clauses des contrats de prêt (Cass. 1re civ., 28 juin 2023, n° 22-13.969).
C'est le cas en espèce de la SCI JPRCC dont l'objet social est l'acquisition et la gestion de tous immeubles ; elle ne peut invoquer la réglementation des clauses abusives entre consommateur et professionnel, tout comme l'associé poursuivi dans le cadre de l'article 1858 du code civil.
M. X. ne formule aucune observation sur le décompte détaillé du crédit mutuel portant sur une créance de 34.846,41 euros au 17 avril 2023, soit à son encontre la somme de 34.672,17 euros (34.846,41 euros x 99,50 %).
Il convient par conséquent de le condamner à payer au crédit mutuel la somme de 34.672,17 euros outre 99,50 % des intérêts sur cette somme au taux contractuel de 4,40 % à compter du 17 avril 2023.
En application de l'article 1154 du code civil, il convient de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts.
II - Sur les demandes accessoires :
En application de l'article 696 du code de procédure civile, M. X., qui succombe dans la présente instance, est condamné aux dépens et à payer au crédit mutuel la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est fait droit à la demande fondée sur l'article 699 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal,
Déclare recevable l'action de la caisse de crédit mutuel de [Localité 5] à l'encontre de M. X.,
Condamne M. X. à payer à la caisse de crédit mutuel de [Localité 5] la somme de 34.672,17 euros outre 99,50 % des intérêts sur cette somme au taux contractuel de 4,40 % l'an à compter du 17 avril 2023, avec capitalisation des intérêts,
Condamne M. X. à payer à la caisse de crédit mutuel de [Localité 5] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. X. aux dépens, dont distraction au profit de Me Romain Maymon, avocat.
LA GREFFIERE, LA PRÉSIDENTE,
Valérie DALLY Séverine BESSE