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CA VERSAILLES (ch. com. 3-2), 9 juillet 2024

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (ch. com. 3-2), 9 juillet 2024
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), ch. com. 3-2
Demande : 22/07693
Date : 9/07/2024
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre, Juris Data
Date de la demande : 22/12/2022
Décision antérieure : T. com. Versailles (1re ch.), 14 décembre 2022 : RG n° 2021F00230 ; Dnd
Référence bibliographique : JurisData n° 2024-012439
Décision antérieure :
  • T. com. Versailles (1re ch.), 14 décembre 2022 : RG n° 2021F00230 ; Dnd
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23181

CA VERSAILLES (ch. com. 3-2), 9 juillet 2024 : RG n° 22/07693 

Publication : Judilibre ; JurisData n° 2024-012439

 

Extraits : 1/ « En premier lieu, si aucune disposition légale ne l'interdit, les parties sont libres de soumettre leurs relations à des dispositions qui ne les régiraient pas normalement, mais qui leur sont alors entièrement applicables (en matière de baux commerciaux : Cass., 3e Civ., 20 mars 1984, Bull. n° 71 ; en matière de crédit immobilier : 1ère Civ., 1er juin 1999, Bull. n°188). Il est ainsi loisible aux parties à un contrat de le soumettre aux dispositions protectrices du code de la consommation, même lorsqu'elles n'y sont pas tenues ; cette soumission doit résulter d'une manifestation de volonté dépourvue d'équivoque, dont la réalité est soumise à l'appréciation souveraine des juges du fond (1ère Civ., 1er juin 1999, n° 97-13.779, publié ; 1ère Civ., 7 décembre 2004, n° 02-19.570).

Selon l'article L. 221-18 du code de la consommation, […]. Selon l'article L. 121-21-8, devenu L. 221-28, […]. En l'espèce, le jugement entrepris a retenu que les critères de l'article L. 221-3 du code de la consommation n'étaient pas réunis, de sorte que le contrat de prestation de services en cause n'était pas soumis au droit de la consommation ; c'est la thèse soutenue par les intimés, contestée par l'appelante. L'appelante soutient à titre subsidiaire que le fournisseur a volontairement soumis le contrat aux dispositions du code de la consommation ; sur ce point, le fournisseur ne réplique pas.

La cour constate en premier lieu que, en son article 1er, le contrat de prestation de services conclu le 30 octobre 2018 stipule que la société Axecibles fournit à l'Abonné « un bien confectionné selon les spécifications propres à l'Abonné et nettement personnalisé ; que, s'agissant de la fourniture d'un contenu numérique (non fourni sur support matériel), l'Abonné donne son accord exprès pour une exécution immédiate et renonce expressément à son droit de rétractation (art L 121-21-8 Code Cons). »

Le fournisseur fait valoir que le contrat stipule la clause suivante est ainsi libellée : L'Abonné reconnaît contracter pour les besoins de son activité et souscrire le présent contrat à titre professionnel ; d'où il tire que les dispositions du code de la consommation sont exclues. Mais selon l'article L. 221-3 du code de la consommation, dont il sera question ci-après, même un contrat passé entre deux professionnels peut être soumis aux dispositions du code de la consommation. Cette seconde clause n'atténue donc pas l'effet de la première, qui fait référence au texte de l'article L. 121-21-8 du code de la consommation, abrogé au jour de la conclusion du contrat mais repris en substance à l'article L. 221-28 précité, et vise deux des critères d'exclusion du droit à rétractation prévus à ce texte, ce dont il résulte que, comme le soutient l'appelante, les parties au contrat de prestation de services ont entendu sans équivoque soumettre leur convention aux dispositions protectrices du code de la consommation.

En second lieu, selon l'article L. 221-3 précité, certaines des dispositions du code de la consommation relative aux conditions de formation des contrats sont applicables aux contrats conclus entre deux professionnels, lorsque l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre des salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. En l'espèce, il n'est pas contesté que les contrats en cause ont été conclus hors établissement au sens de l'article L. 221-1 du code de la consommation.

Le contrat de prestation de services a pour objet la création, la mise à disposition, la mise à jour et l'hébergement d'un site web ; contrairement à ce que soutiennent les intimés, qui se prévalent d'une jurisprudence obsolète, la réalisation d'une telle prestation doit être considérée comme dépourvue de lien avec l'activité principale d'une petite entreprise spécialisée dans le nettoyage industriel telle que la société GSP Industriel (voir en ce sens 1ère Civ., 31 août 2022, n° 21-11.455, 1ère Civ., 13 avril 2023, n° 21-23.312 et 1ère Civ., 17 mai 2023, n° 24.0868, arrêts justement invoqués par l'appelante, et encore 1ère Civ., 20 déc. 2023, n° 22-18.025). De même, la location financière objet du contrat conclu avec la société Locam est dépourvue de lien avec l'activité principale de la société appelante.

Enfin, l'effectif social visé à l'article L. 221-3 du code de la consommation doit être calculé selon les modalités prévues aux articles L. 1111-2 et L. 1111-3 du code du travail. En l'occurrence, l'extrait d'un site internet comportant la « fiche » de la société GSP Industriel figurant aux conclusions de la société Locam selon laquelle, en 2020, elle avait un effectif compris entre 10 et 19 salariés, ne fait pas la preuve de son effectif au 30 octobre 2018 ; en prenant en considération, non l'attestation de l'expert-comptable de l'entreprise selon laquelle, à la date de la signature du contrat, elle ne comptait que trois salariés à temps complet, mais les déclarations de son dirigeant résultant du cahier des charges annexé au contrat de prestation de services, selon lesquelles l'entreprise comptait à l'époque de la conclusion de ce contrat 4 salariés à plein temps et 2 à mi-temps, l'effectif social à prendre considération s'établit à 5.

De quoi il résulte que, par l'effet des dispositions d'ordre public de l'article L. 221-3 précité, les deux contrats sont soumis aux dispositions du code de la consommation auxquelles ce texte renvoie. »

2/ « Le contrat de location financière en cause ne comporte pas de formulaire de rétractation et ne mentionne pas que le client ne bénéficie pas d'un droit de rétractation. Il encourt en conséquence lui aussi la nullité en application de l'article L. 242-1 précité.

Au reste, s'il n'était pas nul, étant interdépendant du contrat de prestation de services, il aurait vocation à être déclaré caduc. »

3/ « La nullité des contrats de prestation de services et de location financière implique le rejet des demandes financières des intimées et la remise en état des parties. Aucune des intimées ne discutant le montant des restitutions qui leur sont réclamées par l'appelante, les demandes de celles-ci seront intégralement accueillies.

La décision de restitution n'étant pas assimilable à une rétractation, il n'y a pas lieu d'appliquer à ces restitutions les pénalités prévues à l'article L. 242-4 du code de la consommation.

Les sommes allouées porteront donc intérêts au taux légal du jour du présent arrêt, avec l'anatocisme demandé, qui est de droit. »

4/ « Le présent arrêt, prononcé publiquement, ayant vocation à être diffusé sur Legifrance et Judilibre, sa publication sur le site internet de la société Axecibles est inutile ; cette prétention sera rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

CHAMBRE COMMERCIALE 3-2

ARRÊT DU 9 JUILLET 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/07693. N° Portalis DBV3-V-B7G-VSXT. Code nac : 59B. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 décembre 2022 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES, 1re ch. : RG n° 2021F00230.

LE NEUF JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

SASU GSP INDUSTRIEL

Ayant son siège [Adresse 1], [Localité 4], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 25981, Représentant : Maître Bassirou KÉBÉ de la SAS PROCESCIAL AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0459

 

INTIMÉES :

SAS AXECIBLES

Ayant son siège [Adresse 5], [Localité 3], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - N° du dossier 2100138, Représentant : Maître Michel APELBAUM du Cabinet APELBAUM & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1826

SAS LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS

Ayant son siège, [Adresse 6], [Localité 2], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 223, Représentant : Maître MIGAUD Guillaume de la SELARL ABM DROIT ET ASSOCIES Plaidant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 5 m ars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marietta CHAUMET, Vice-Présidente placée faisant fonction de conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :Monsieur Ronan GUERLOT, Président, Madame Marietta CHAUMET, Vice-Présidente placée, Mme Véronique MULLER, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Julie FRIDEY,

Greffier lors du prononcé : Madame Françoise DUCAMIN,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Exposé du litige :

Le 30 octobre 2018, la société GSP Industriel (le locataire), qui exerce une activité de nettoyage industriel, a souscrit auprès de la société Axecibles (le fournisseur) un contrat visant à la création et à la mise en place d'un site internet, à son hébergement et à son référencement, ainsi qu'à sa mise à jour.

Le même jour, elle a souscrit auprès de la société Locam - Location Automobiles Matériels (Locam, ou le loueur) un contrat de location de la licence d'exploitation de ce site internet.

Le 29 novembre 2018, la société GSP Industriel a signé le procès-verbal de réception du site internet.

Estimant que le fournisseur n'avait pas respecté ses engagements, le locataire a cessé de payer les loyers à compter de l'échéance du 30 juillet 2020.

Le 2 mars 2021, le loueur a assigné le locataire devant le tribunal de commerce de Versailles ; le 11 mars2021, le locataire a assigné en intervention forcée le fournisseur.

Le 14 décembre 2022, par un jugement contradictoire, le tribunal de commerce de Versailles a :

- déclaré recevable et bien fondée l'intervention forcée de la société Axecibles ;

- condamné la société GSP Industriel à payer à la société Locam la somme de 13.464 euros, avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente, majorée de 10 points de pourcentage, à compter du 26 octobre 2020 ;

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- ordonné à la société GSP Industriel la désinstallation des fichiers sources du site Web ainsi que la destruction de l'ensemble des copies de sauvegarde et documentations reproduites, sous astreinte de 10 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement et pendant deux mois ;

- débouté la société GSP Industriel de toutes ses demandes ;

- débouté la société Axecibles de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné la société GSP Industriel à payer à la société Locam la somme de 2.000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société GSP Industriel à payer à la société Axecibles la somme de 2.000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société GSP industriel aux entiers dépens.

Le 22 décembre 2022, le locataire a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition la concernant.

[*]

Par dernières conclusions du 24 janvier 2024, il demande à la cour de :

- annuler le jugement ou à défaut, l'infirmer dans toutes ses dispositions dans les limites des chefs de jugement qui lui sont déférés ;

Statuant à nouveau,

- déclarer les dispositions du code de la consommation visée par l'article L. 221-3, applicables ;

A titre principal,

- annuler tous les contrats litigieux notamment pour les motifs suivants :

- violation de l'obligation d'information sur le droit de rétractation ;

- violation de l'obligation d'information sur le délai de livraison ;

- violation de l'obligation d'information sur le coût total de l'opération ;

- violation de l'obligation d'information sur les caractéristiques essentielles ;

- violation de l'obligation d'information sur l'exclusion du droit de rétractation pour les biens nettement personnalisés, si le tribunal estime que le contrat porte sur un bien nettement personnalisé ;

- contenu indéterminé ;

- erreur sur les qualités essentielles du site internet ;

En conséquence,

- débouter les sociétés Axecibles et Locam de toutes leurs demandes ;

- condamner les sociétés Axecibles et Locam à lui restituer respectivement la somme de 1.041,6 euros et la somme de 7.344 euros, le tout avec les intérêts :

- calculés selon les modalités de l'article L. 242-4 du code de la consommation à compter du jugement en première instance, et capitalisation, en cas de violation du code de la consommation ;

- au taux légal avec capitalisation, à compter du jugement en première instance, en l'absence de violation du code de la consommation ;

Premier niveau de subsidiarité,

- prononcer la résolution de tous les contrats litigieux et ce, avec effet rétroactif à la date de leur conclusion ;

En conséquence,

- débouter les sociétés Axecibles et Locam de toutes leurs demandes ;

- condamner la société Axecibles et la société Locam à lui restituer respectivement la somme de 1.041,6 euros et la somme de 7.344 euros, le tout avec les intérêts au taux légal avec capitalisation, à compter du jugement en première instance ;

Second niveau de subsidiarité,

- prononcer la caducité de l'un quelconque des contrats interdépendants en conséquence de l'anéantissement de l'autre ;

En conséquence,

- débouter les sociétés Axecibles et Locam de toutes leurs demandes ;

- condamner les sociétés Axecibles et Locam à lui restituer respectivement la somme de 4.041,6 euros et la somme de 7.344 euros, le tout avec les intérêts :

- calculés selon les modalités de l'article L. 242-4 du code de la consommation à compter du jugement en première instance, et capitalisation, en cas de violation du code de la consommation ;

- au taux légal avec capitalisation, à compter du jugement en première instance, en l'absence de violation du code de la consommation ;

En tout état de cause,

- débouter la société Locam de ses demandes en paiement dans la mesure où elle ne justifie pas du paiement du prix allégué d'acquisition du site internet ;

- ordonner à la société Axecibles de désactiver le site internet et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter du 15ème jour suivant la signification de la décision à intervenir ;

- condamner in solidum les sociétés Axecibles et Locam à lui verser la somme de 7.000 euros au titre des frais d'avocat exposés en première instance et en appel, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la procédure ;

- condamner la société Axecibles à afficher le dispositif de la décision à intervenir pendant 30 jours, sur la page d'accueil de son site internet et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter du 15ème jour suivant la signification de la décision à intervenir.

[*]

Par dernières conclusions du 8 janvier 2024, le fournisseur demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- débouter la société la société GSP Industriel en ses demandes formées à son encontre et à l'encontre de la société Locam ;

A titre reconventionnel,

- juger que la société GSP Industriel a porté atteinte à son image ;

- juger que la société GSP Industriel a fait preuve de mauvaise foi dans sa relation contractuelle ;

En conséquence,

- condamner la société GSP Industriel à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause,

- condamner la société GSP Industriel à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société GSP Industriel aux entiers dépens.

[*]

Par dernières conclusions du 24 janvier 2024, le loueur demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ; subsidiairement, de :

- condamner la société GSP Industriel au paiement de la somme de 12.240 euros avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L. 441-10 nouveau du code de commerce) et ce à compter de la date de la mise en demeure soit le 26 octobre 2020 ;

- ordonner l'anatocisme des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

En tout état de cause,

- condamner la société GSP Industriel au paiement de la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société GSP Industriel aux entiers dépens de la présente instance.

[*]

La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 janvier 2024.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs :

Sur la demande d'annulation du jugement entrepris :

Aucun moyen n'étant invoqué au soutien de cette prétention, elle ne peut qu'être écartée

 

Sur la demande d'annulation des contrats de prestation de services et de location financière :

2-1- Sur l'application des dispositions du code de la consommation :

En premier lieu, si aucune disposition légale ne l'interdit, les parties sont libres de soumettre leurs relations à des dispositions qui ne les régiraient pas normalement, mais qui leur sont alors entièrement applicables (en matière de baux commerciaux : Cass., 3e Civ., 20 mars 1984, Bull. n° 71 ; en matière de crédit immobilier : 1ère Civ., 1er juin 1999, Bull. n°188).

Il est ainsi loisible aux parties à un contrat de le soumettre aux dispositions protectrices du code de la consommation, même lorsqu'elles n'y sont pas tenues ; cette soumission doit résulter d'une manifestation de volonté dépourvue d'équivoque, dont la réalité est soumise à l'appréciation souveraine des juges du fond (1ère Civ., 1er juin 1999, n° 97-13.779, publié ; 1ère Civ., 7 décembre 2004, n° 02-19.570).

Selon l'article L. 221-18 du code de la consommation, le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu hors établissement ; ce délai court du jour de la conclusion du contrat pour les contrats de prestation de services.

Selon l'article L. 121-21-8, devenu L. 221-28 du code de la consommation, le droit de rétractation consenti au consommateur ne peut être exercé pour les contrats :

3° De fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ;

13° De fourniture d'un contenu numérique non fourni sur un support matériel dont l'exécution a commencé après accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation.

En l'espèce, le jugement entrepris a retenu que les critères de l'article L. 221-3 du code de la consommation n'étaient pas réunis, de sorte que le contrat de prestation de services en cause n'était pas soumis au droit de la consommation ; c'est la thèse soutenue par les intimés, contestée par l'appelante.

L'appelante soutient à titre subsidiaire que le fournisseur a volontairement soumis le contrat aux dispositions du code de la consommation ; sur ce point, le fournisseur ne réplique pas.

La cour constate en premier lieu que, en son article 1er, le contrat de prestation de services conclu le 30 octobre 2018 stipule que la société Axecibles fournit à l'Abonné « un bien confectionné selon les spécifications propres à l'Abonné et nettement personnalisé ; que, s'agissant de la fourniture d'un contenu numérique (non fourni sur support matériel), l'Abonné donne son accord exprès pour une exécution immédiate et renonce expressément à son droit de rétractation (art L 121-21-8 Code Cons). »

Le fournisseur fait valoir que le contrat stipule la clause suivante est ainsi libellée : L'Abonné reconnaît contracter pour les besoins de son activité et souscrire le présent contrat à titre professionnel ; d'où il tire que les dispositions du code de la consommation sont exclues.

Mais selon l'article L. 221-3 du code de la consommation, dont il sera question ci-après, même un contrat passé entre deux professionnels peut être soumis aux dispositions du code de la consommation.

Cette seconde clause n'atténue donc pas l'effet de la première, qui fait référence au texte de l'article L. 121-21-8 du code de la consommation, abrogé au jour de la conclusion du contrat mais repris en substance à l'article L. 221-28 précité, et vise deux des critères d'exclusion du droit à rétractation prévus à ce texte, ce dont il résulte que, comme le soutient l'appelante, les parties au contrat de prestation de services ont entendu sans équivoque soumettre leur convention aux dispositions protectrices du code de la consommation.

En second lieu, selon l'article L. 221-3 précité, certaines des dispositions du code de la consommation relative aux conditions de formation des contrats sont applicables aux contrats conclus entre deux professionnels, lorsque l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre des salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les contrats en cause ont été conclus hors établissement au sens de l'article L. 221-1 du code de la consommation.

Le contrat de prestation de services a pour objet la création, la mise à disposition, la mise à jour et l'hébergement d'un site web ; contrairement à ce que soutiennent les intimés, qui se prévalent d'une jurisprudence obsolète, la réalisation d'une telle prestation doit être considérée comme dépourvue de lien avec l'activité principale d'une petite entreprise spécialisée dans le nettoyage industriel telle que la société GSP Industriel (voir en ce sens 1ère Civ., 31 août 2022, n° 21-11.455, 1ère Civ., 13 avril 2023, n° 21-23.312 et 1ère Civ., 17 mai 2023, n° 24.0868, arrêts justement invoqués par l'appelante, et encore 1ère Civ., 20 déc. 2023, n° 22-18.025).

De même, la location financière objet du contrat conclu avec la société Locam est dépourvue de lien avec l'activité principale de la société appelante.

Enfin, l'effectif social visé à l'article L. 221-3 du code de la consommation doit être calculé selon les modalités prévues aux articles L. 1111-2 et L. 1111-3 du code du travail. En l'occurrence, l'extrait d'un site internet comportant la « fiche » de la société GSP Industriel figurant aux conclusions de la société Locam selon laquelle, en 2020, elle avait un effectif compris entre 10 et 19 salariés, ne fait pas la preuve de son effectif au 30 octobre 2018 ; en prenant en considération, non l'attestation de l'expert-comptable de l'entreprise selon laquelle, à la date de la signature du contrat, elle ne comptait que trois salariés à temps complet, mais les déclarations de son dirigeant résultant du cahier des charges annexé au contrat de prestation de services, selon lesquelles l'entreprise comptait à l'époque de la conclusion de ce contrat 4 salariés à plein temps et 2 à mi-temps, l'effectif social à prendre considération s'établit à 5.

De quoi il résulte que, par l'effet des dispositions d'ordre public de l'article L. 221-3 précité, les deux contrats sont soumis aux dispositions du code de la consommation auxquelles ce texte renvoie.

Selon l'article L. 221-3, inséré au chapitre 1er du titre II du livre II de la partie législative du code de la consommation, les dispositions applicables aux contrats souscrits par les « petits professionnels » prévus à ce texte sont celles des sections 2, 3 et 6 de ce chapitre, parmi lesquelles les dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-9 de ce code relatif à l'obligation d'information précontractuelle pesant sur le professionnel et aux mentions que doit contenir le contrat.

Les contrats étant soumis au code de la consommation, il convient de vérifier si la société Axecibles s'y est conformée.

 

2-2 - Sur le manquement de la société Axecibles aux dispositions du code de la consommation applicables :

Selon l'article L. 221-9 du code de la consommation, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire du contrat conclu hors établissement comprenant toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 et accompagné d'un formulaire type de rétractation.

Selon l'article L. 221-5 de ce code, auquel il est ainsi renvoyé, dans sa rédaction ici applicable, dans un contrat de prestation de services, le professionnel fournit au consommateur, de manière lisible et compréhensible,

Les informations prévues à l'article L. 111-1 du même code ;

La date à laquelle ou le délai dans lequel le professionnel s'engage à fournir le service ;

Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles il le perd.

L'article L. 111-1 prévoit que le professionnel communique notamment au consommateur, de manière lisible et compréhensible :

Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

Le prix du bien ou du service ;

En l'absence d'exécution immédiate, la date ou le délai de cette exécution.

Selon l'article L. 242-1 du code de la consommation, les dispositions de l'article L. 211-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

En l'espèce, le contrat de prestation de services du 30 octobre 2018 en cause, conclu hors établissement, a pour objet la fourniture d'un site internet destiné à être la vitrine de la société GSP Industriel.

Cette prestation de services supposait une étude préalable des besoins du client ; les parties sont convenues en l'occurrence, ainsi qu'il résulte du contrat, d'un rendez-vous téléphonique le 7 novembre 2018 en vue de la définition d'un cahier des charges.

Mais le contrat ne mentionne aucune date ou délai de réalisation de la prestation convenue ; il ne comporte pas de formulaire de rétractation ; il ne mentionne pas que la société GSP Industriel ne bénéficie pas d'un droit de rétractation.

La nullité de ce contrat est en conséquence encourue, en application de l'article L. 242-1 précité.

 

Sur le manquement de la société Locam aux dispositions du code de la consommation applicables :

Le contrat de location financière en cause ne comporte pas de formulaire de rétractation et ne mentionne pas que le client ne bénéficie pas d'un droit de rétractation.

Il encourt en conséquence lui aussi la nullité en application de l'article L. 242-1 précité.

Au reste, s'il n'était pas nul, étant interdépendant du contrat de prestation de services, il aurait vocation à être déclaré caduc.

 

Sur les demandes financières :

La nullité des contrats de prestation de services et de location financière implique le rejet des demandes financières des intimées et la remise en état des parties.

Aucune des intimées ne discutant le montant des restitutions qui leur sont réclamées par l'appelante, les demandes de celles-ci seront intégralement accueillies.

La décision de restitution n'étant pas assimilable à une rétractation, il n'y a pas lieu d'appliquer à ces restitutions les pénalités prévues à l'article L. 242-4 du code de la consommation.

Les sommes allouées porteront donc intérêts au taux légal du jour du présent arrêt, avec l'anatocisme demandé, qui est de droit.

 

Sur la demande d'injonction :

Il n'est pas contesté que le site internet en cause est toujours en ligne.

La demande d'injonction sous astreinte formulée par l'appelante sera en conséquence accueillie selon les modalités précisées au dispositif.

 

Sur la demande de publication :

Le présent arrêt, prononcé publiquement, ayant vocation à être diffusé sur Legifrance et Judilibre, sa publication sur le site internet de la société Axecibles est inutile ; cette prétention sera rejetée.

 

Sur les demandes accessoires :

L'issue du litige implique le rejet de la demande de dommages intérêts formulée par la société Axecibles au titre d'une atteinte à son image.

L'équité commande de mettre les dépens à la charge des intimés et de n'allouer d'indemnité de procédure à aucune des parties.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs,

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

Rejette la demande d'annulation du jugement entrepris ;

L'infirme en toutes ses dispositions ;

Annule le contrat de prestation de services et le contrat de location financière conclus le 30 octobre 2018 ;

Condamne la société Axecibles à restituer à la société GSP Industriel la somme de 1.041,60 euros, avec intérêts au taux légal de ce jour et capitalisation des intérêts selon les modalités prévues à l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société Locam - Location Automobiles Matériels à restituer à la société GSP Industriel la somme de 7 344 euros, avec intérêts au taux légal de ce jour et capitalisation des intérêts selon les modalités prévues à l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société Axecibles à désactiver le site internet en cause, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, pendant deux mois, à compter du 15ème jour suivant la signification du présent arrêt ;

Rejette le surplus des demandes des parties ;

Condamne solidairement la société Axecibles et la société Locam - Location Automobiles Matériels aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévuesau deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,                                           LE PRÉSIDENT,