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6038 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Environnement du contrat - Clientèle du professionnel

Nature : Synthèse
Titre : 6038 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Environnement du contrat - Clientèle du professionnel
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6038 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION

NOTION DE CLAUSE ABUSIVE - APPRÉCIATION DU DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF

DÉSÉQUILIBRE INJUSTIFIÉ - ENVIRONNEMENT DU CONTRAT - CLIENTÈLE DU PROFESSIONNEL

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

Présentation. L’existence d’un groupe de contrats, au sens étroit, suppose que le consommateur est partie à plusieurs conventions concrétisant une opération économique unique (V. Cerclab n° 6037). En élargissant le point de vue, il est possible de considérer que, par définition, un professionnel propose ses services à une clientèle. Le contrat qu’il conclut avec un consommateur particulier s’inscrit donc nécessairement dans un ensemble plus vaste de conventions.

Dans certaines hypothèses, l’intérêt de l’ensemble des clients dépasse la somme des intérêts individuels, donnant ainsi une coloration particulière à chaque contrat de l’ensemble (assurance, Cerclab n° 6033 ; banques mutualistes, Cerclab n° 6035 ; services publics Cerclab n° 6036), laquelle est prise en compte pour l’appréciation du déséquilibre significatif. Il convient notamment de souligner que les professionnels proposant des contrats successifs souhaitent, pour des raisons évidentes de simplicité, n’avoir qu’une version des conditions générales en cours, ce que réalisent les clauses leur permettant de modifier leurs conditions générales pour l’ensemble de leur clientèle, sous réserve d’informer les consommateurs en leur laissant la possibilité de résilier à l’issue d’un préavis raisonnable (Cerclab n° 6107 et n° 6111).

Sans aller jusque-là, l’existence de clauses similaires, voire identiques, dans les contrats conclus par le professionnel avec ses autres clients pourrait constituer un indice de l’absence de caractère abusif. L’argument n’est pas sans réplique, notamment parce que, s’agissant de contrats privés, la loi du contrat prévaut sur l’intérêt commun et qu’il appartient au professionnel, s’il souhaite faire valoir une certaine unité entre ses conventions, de le stipuler clairement et uniquement dans les contrats qui s’y prêtent.

Les décisions recensées montrent cependant que les magistrats évoquent parfois un tel indice, soit pour évoquer le respect d’une certaine égalité entre tous les clients du professionnel (A), soit pour protéger ces derniers des conséquences dommageables du comportement d’un consommateur sur les autres (B), soit enfin pour prévenir les risques d’inexécution que pourraient provoquer des comportements de « masse » (C).

A. RESPECT DE L’ÉGALITÉ ENTRE LES CLIENTS

Discrimination entre consommateurs. Les différences instituées entre les clients du consommateur peuvent constituer des discriminations illicites, le cas échéant pénalement sanctionnées (race, sexe, religion, etc.), mais les décisions recensées illustrent parfois la prise en compte d’éléments plus variés (âge, localisation géographique). Sur le contrôle de ce type de clauses, V. Cerclab n° 6057.

Traitement inégalitaire des clients. Certaines décisions admettent le caractère abusif d’une clause n’assurant pas l’égalité de traitement des contractants : CA Amiens (1re ch. 1re sect.), 25 février 2010 : RG n° 08/05297 ; Cerclab n° 2392 (assurance de véhicule ; clause excluant la garantie des soustractions frauduleuses réalisées sans la preuve d’une double effraction du véhicule et des organes de direction n’assurant pas l’égalité de traitement de tous les assurés ayant souscrit ce contrat, puisque seuls ceux dont le véhicule sera retrouvé pourront se voir refuser la garantie).

L’idée est parfois présente sous sa forme inversée, lorsque les décisions estiment que la clause n’est pas abusive si la clause n’est pas discriminatoire ou si elle se fonde sur une différence justifiée de situation. V. par exemple : TGI Amiens (1re ch.), 18 janvier 2006 : RG n° 05/00395 ; Cerclab n° 3809 (absence de caractère abusif de la clause définissant l’invalidité permanente et absolue comme, cumulativement, plaçant l’assuré dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée, avec l’obligation de recourir de façon constante à l’assistance totale d’une tierce personne pour l’ensemble des actes ordinaires de la vie et dans la limite de 65 ans, dès lors que cette clause, qui apparaît dans tous les contrats de cet assureur, recouvre une situation réelle dans laquelle peuvent se trouver des personnes malades ou accidentée), confirmé pour d’autres motifs par CA Amiens (1re ch. 1re sect.), 22 mars 2007 : RG n° 06/00593 ; Cerclab n° 2228 (impossibilité d’examiner le caractère abusif d’une clause définissant l’objet principal du contrat) - TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 30 septembre 2008 : RG n° 06/17792 ; jugt n° 5 ; Cerclab n° 4038 (téléphonie mobile ; en cas de souscription d’une nouvelle offre après expiration de la première période minimale, la clause imposant une nouvelle période minimale n’est pas abusive dès lors que l’abonné peut choisir de rester dans son contrat initial ou souscrire une nouvelle offre aux conditions de durée minimale proposée par l’opérateur à l’ensemble des clients potentiels) - CA Aix-en-Provence (15e ch. B), 18 mars 2010 : RG n° 09/08056 ; arrêt n° 2010/116 ; Cerclab n° 2870 (assurance arrêt de travail et invalidité ; clause instituant un délai de franchise de douze mois pour les affections psychiques ne pouvant pas être considérée comme abusive, en ce qu’elle opère une distinction entre les pathologies, dès lors qu’une telle différenciation se justifie par la spécificité de ces maladies, quant à leur durée ou leur diagnostic, au regard notamment des risques de fraude dans ce domaine), confirmant TI Nice, 21 avril 2009 : RG n° 11-08-004246 ; jugt n° 0301/09C ; Cerclab n° 3826 (absence de discrimination).

Rappr. dans le cadre de l’ancien art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] C. com. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 27 avril 2011 : RG n° 08/21750 ; arrêt n° 102 ; Cerclab n° 3007 (clause de résiliation ad nutum d’un diffuseur de presse avec préavis de 48 heures, alors que le diffuseur ne peut résilier que pour des motifs limitatifs ; cette clause du contrat-type est manifestement abusive, notamment au regard de l’ancien art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] et 5° [L. 442-1-II] C. com., même si il est indiqué que l'abus peut donner droit à une indemnité, ce qui n'est qu'un rappel du droit commun, dès lors qu'elles ont pour effet de rendre le distributeur autre que parisien, sans que cette discrimination soit justifiée, totalement dépendant sans contrepartie clairement identifiable), sur appel de T. com. Paris, 27 octobre 2008 : RG n° 2006/033534 ; Dnd.

V. cependant, semblant rejeter l’argument : CA Paris (2e ch. A), 23 octobre 2001 : RG n° 1999/14007 ; Cerclab n° 912 ; Juris-Data n° 2001-156844 (vente d’immeuble à construire ; clause concernant le remboursement de la taxe foncière : le fait que tous les contrats proposés par le vendeur soient identiques ne confère pas pour autant un caractère abusif à cette clause).

Traitement inégalitaire des anciens et des nouveaux clients. Les décisions recensées examinent parfois la question de l’égalité de traitement entre les anciens et nouveaux clients. Le problème est inévitable pour les contrats successifs, pour plusieurs raisons qui se combinent : le professionnel a le droit de faire évoluer le contenu de son contrat (il est même parfois tenu de le faire), alors que les dates de conclusion des contrats avec les consommateurs sont différentes et qu’il a par ailleurs l’obligation d’exécuter les contrats en cours conformément à leur contenu initial.

L’obligation d’instaurer une égalité entre les contractants n’est toutefois pas toujours admise. V. par exemple : dès lors que l’assuré a bénéficié et continue de bénéficier d’une rémunération de son épargne, au taux minimum contractuellement garanti, l’assureur n’est pas tenu de répartir le surplus égalitairement entre les contractants, faute de textes et de clauses lui en faisant obligation et peut décider d’une répartition des bénéfices destinée à harmoniser la rémunération des adhérents des différentes générations du contrat concerné. CA Paris (pôle 2 ch. 5), 10 décembre 2013 : RG n° 12/18868 ; Cerclab n° 4650 (contrat collectif d’assurance sur la vie), sur appel de TGI Paris, 13 septembre 2012 : RG n° 10/10522 ; Dnd.

V. pour l’admission implicite, en cas de suppression d’un avantage contractuel, d’un traitement identique des nouveaux adhérents qui n’ont jamais bénéficié de cet avantage et des anciens lors du renouvellement de leur contrat. Jur. Prox. Levallois-Perret, 19 février 2009 : RG n° 91-08-000120 ; jugt n° 26/09 ; site CCA ; Cerclab n° 1376 (modification du tarif grand voyageur de la SNCF, le service « souplesse d’accès à bord » permettant gratuitement de prendre le TGV qui précède ou qui suit celui pour lequel le passager dispose d’un billet étant réservé à la souscription d’un billet au tarif « Pro » ; clause abusive en cours de contrat, mais admission d’une prise d’effet de la modification au moment du renouvellement de l’abonnement, avec obligation cependant d’informer l’adhérent de la modification). § Rappr., sans examen du caractère abusif, dans le cadre de l’exécution du contrat : application stricte de la clause du règlement du service d’eau potable d’un syndicat intercommunal prévoyant qu’à l’occasion du renouvellement d’un branchement ancien non conforme, par suite d’un changement de propriétaire ou de locataire, le service des eaux exige préalablement la mise en conformité de l’installation, la cour constatant que la clause n’a fait l’objet d’aucune discrimination ou d’abus contractuel dans son application, puisque tous les propriétaires placés dans le même situation ont dû la respecter. CA Nancy (1re ch. civ.), 23 mai 2006 : RG n° 03/02151 ; arrêt n° 1552/06 ; Cerclab n° 1524 ; Juris-Data n° 2006-315225.

B. PROTECTION DES INTÉRÊTS DES AUTRES CLIENTS

Clauses justifiées par l’intérêt général. Pour une illustration : Cass. civ. 1re, 3 novembre 2016 : pourvoi n° 15-20621 ; arrêt n° 1227 ; Cerclab n° 6527 (maison de retraite ; prise en compte de l’intérêt général par le Code de l’aide sociale et par le règlement départemental ; clauses de facturation en cas d’absence), rejetant le pourvoi contre CA Grenoble (1re ch. civ.), 28 avril 2015 : RG n° 12/04733 ; Cerclab n° 5149, confirmant TGI Grenoble, 1er octobre 2012 : RG n° 09/05644 ; Dnd.

Clauses justifiées par les contraintes techniques : réseau électrique. Admission de la clause stipulant que « les heures réelles de début et de fin des périodes tarifaires peuvent s’écarter de quelques minutes des horaires indiqués sur les factures », dès lors que le distributeur justifie que ce décalage de quelques minutes, en l’occurrence minime et pouvant se produire lors des basculements entre les heures creuses et les heures pleines, ne constitue qu’une incidence strictement technique de cette option tarifaire pouvant prévaloir sur les dispositions strictes du code de la consommation en raison des nécessités d’intérêt général en rapport avec les conditions d’exploitation de ce service de production et de distribution d’électricité (signal de basculement se traduisant par un appel de puissance qu’il est important de lisser pour des raisons de sécurité et d’optimisation économique). TGI Paris (ch. 1-4 soc.), 30 octobre 2018 : RG n° 13/03227 ; Cerclab n° 8256 (IV-B-1 – art. 4.1 ; jugement estimant que cette clause ne procède en définitive que d’un souci d’information plus exhaustive et transparente vis-à-vis du consommateur ; V. aussi IV-B-2 - art. 7.1 pour une autre clause similaire, avec des motifs – peu clairs – selon lesquels, dès lors que les sociétés EDF ou ENEDIS ne spécifient pas que le consommateur ne supportera pas les conséquences financières de ce décalage de périodes tarifaires, cette clause apparaît suffisamment explicite sur cette absence d’imputation financière vis-à-vis du consommateur dans ce cas de figure).

Clauses protégeant les autres clients contre les comportements préjudiciables du cocontractant. Un consommateur peut avoir un comportement portant préjudice à d’autres clients du professionnel. Il est légitime pour ce dernier de s’en protéger, y compris en raison du fait qu’il pourrait voir sa responsabilité engagée à ce titre (rappr. l’obligation du bailleur de garantir un locataire des troubles causés par un autre locataire figurant dans l’art. 1725 C. civ.). Néanmoins, les décisions recensées illustrent le fait que cet argument ne peut pas être invoqué dans tous les contrats et qu’il ne s’applique qu’à ceux supposant que les clients soient en relation avec les autres : contrats supposant une vie en collectivité (bail, maison de retraite, camping, etc.), contrats de courtage (agence matrimoniale), contrats de réseau (internet). § Pour les clauses prenant en compte l’intérêt d’autres contractants, dans un souci de sécurité, V. aussi Cerclab n° 6043.

Pour la Cour de cassation : la clause de confidentialité du code d’utilisation d’une carte téléphonique (« Pastel »), loin de constituer une clause abusive, apparaît comme la contrepartie, nécessaire pour la sauvegarde des intérêts des abonnés, de la commodité d’utilisation du réseau téléphonique aménagée par le service proposé. Cass. civ. 1re, 13 novembre 1996 : pourvoi n° 94-17369 ; arrêt n° 1856 ; Bull. civ. I, n° 399 ; Cerclab n° 2069 ; Contrats conc. consom. 1997. 32, obs. Raymond ; D. Affaires 1997. 46 ; RTD civ. 1997. I. 4015, n° 1, obs. Jamin ; D. 1997. Somm. 174, obs. Delebecque ; Les Petites Affiches, 22 décembre 1997, n° 153, p. 17, note J. Huet ; RTD civ. 1997. 791, obs. Libchaber. § N.B. L’arrêt a été retenu ici compte tenu de ses motifs, même si la « sauvegarde des intérêts des abonnés » paraît surtout concerner le seul intérêt individuel de celui qui a été victime d’une fraude et si l’impact de la clause sur la « commodité » d’utilisation du service et donc sur l’ensemble des abonnés n’est pas très claire.

Pour les juges du fond, V. par exemple : TGI Aix-en-Provence (1re ch.), 7 mai 1992 : RG n° 21-91 ; Cerclab n° 708 (hébergement de personnes âgées ; contraintes liées à la vie en collectivité, notamment la restriction de l’introduction de boissons alcoolisées, qui pourraient nuire à la santé de pensionnaires soumis à certains traitements médicaux), confirmé par CA Aix-en-Provence (1re ch. A), 18 septembre 1995 : RG n° 92-12582 ; arrêt n° 509 ; Cerclab n° 761 ; Juris-Data n° 1995-044756 ; Contr. conc. consom. 1995, n° 190, obs. Raymond - TGI Rennes (1re ch. civ.), 19 juillet 1994 : RG n° 93/002894 ; jugt n° 424 ; Cerclab n° 1770 (hébergement de personnes âgées ; l’inexécution par le pensionnaire de son obligation d’user paisiblement des locaux constitue effectivement une cause de résiliation) - TGI Dijon (1re ch. civ.), 10 avril 1995 : RG n° 1894/94 ; Cerclab n° 624 (n’est pas abusive la clause d’un contrat de courtage matrimonial permettant le refus d’adhésion pour des motifs de moralité risquant de causer préjudice aux autres adhérents, le professionnel ayant l’obligation d’évaluer la personnalité de l’adhérent ; clause relevant de la nature du contrat de courtage) - TGI Grenoble (4e ch. civ.), 3 juin 1996 : RG n° 95/04219 ; jugt n° 175 ; Cerclab n° 3152 (location en meublé de chambres d’étudiants ; bailleur pouvant imposer légitimement dans l'intérêt collectif des colocataires d'un même logement une stricte correspondance entre le nombre d'occupants et les capacités de couchage et d'accueil des lieux loués) - CA Rennes (1re ch. B), 30 mars 2001 : RG n° 00/01559 ; arrêt n° 351 ; Cerclab n° 1806 (clause d’exclusion dans un club de sport ; le besoin de faire respecter des règles de comportement afin de préserver la moralité des lieux et la quiétude des abonnés ne se discute pas, tout comme le droit d’exclusion immédiate et sans dédommagement en cas d’infractions graves), cassé pour une autre raison par Cass. civ. 1re, 21 octobre 2003 : pourvoi n° 01-13239 ; arrêt n° 1279 ; Cerclab n° 2020 (cassation totale pour... refus d’octroi de dommages et intérêts à l’association), confirmant TGI Brest, 9 février 2000 : RG n° 98/01245 ; Cerclab n° 344 (la clause litigieuse définit les cas justifiant l’exercice de ce pouvoir, ce qui exclut qu’il puisse être exercé de manière discrétionnaire le contrôle a posteriori du juge restant possible ; le jugement constate qu’un contrôle a priori serait irréaliste et qu’une procédure disciplinaire interne n’est pas concevable dans le cadre de rapports contractuels individuels) - TA Orléans (1re ch.), 20 décembre 2002 : req. n° 99-1674 ; Cerclab n° 3066 (possibilité pour un service des eaux de refuser de procéder au branchement d’installations susceptibles de nuire au fonctionnement normal de la distribution d’eau, ces dispositions tendant à garantir la continuité et la qualité du service), confirmé par CAA Nantes (4e ch.), 29 décembre 2005 : req. n° 03NT00250 ; Cerclab n° 2883 (dispositions jugées suffisamment précises) - TGI Nanterre (6e ch.), 3 mars 2006 : RG n° 04/03016 ; site CCA ; Cerclab n° 3181 ; Juris-Data n° 2006-308052 (accès internet ; clause interdisant les envois en masse protégeant l’intérêt des clients du fournisseur) - TGI Rennes (1re ch. civ.), 21 janvier 2008 : RG n° 06/04221 ; Cerclab n° 3436 (utilisation a contrario : absence de caractère abusif d’une clause de résiliation d’un contrat d’agence matrimoniale quand la moralité de la personne concernée risque de porter préjudice aux autres adhérents), sur appel CA Rennes (1re ch. B), 30 avril 2009 : RG n° 08/00553 ; Cerclab n° 2506 (problème non examiné, l’appel étant limité à une autre clause) - TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 30 septembre 2008 : RG n° 06/17792 ; jugt n° 5 ; Cerclab n° 4038 (téléphonie mobile ; absence de caractère abusif de la clause de suspension immédiate, pour protéger le réseau et l’ensemble des abonnés, en cas de violation de la loi, notamment en matière d’ordre public et de bonnes mœurs, ou d’agissements perturbant le réseau) - TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 28 octobre 2008 : RG n° 06/05750 ; jugt n° 6 ; Cerclab n° 1607 (site de vente entre particuliers ; la clause obligeant le vendeur à actualiser ses informations est prise dans l'intérêt de l'ensemble des participants) - TGI Paris (4e ch. 1re sect.), 15 septembre 2009 : RG n° 07/12483 ; jugt n° 2 ; Cerclab n° 3185 (accès internet ; absence de caractère abusif de la clause autorisant l’opérateur à restreindre l’accès aux services ou à supprimer des messages du client dans l’intérêt de l’ensemble des abonnés, cette considération et l’urgence justifiant une mesure immédiate, même si le contrat stipulait une information du client par tous moyens), confirmé par CA Paris (pôle 5 ch. 5), 29 novembre 2012 : RG n° 09/22267 ; Cerclab n° 4061 (clause ne contrevenant pas à l’ancien art. R. 132-2-4° C. consom. [R. 212-2-4° nouveau]) - CA Paris (pôle 4 ch. 4), 15 mai 2012 : RG n° 09/19495 ; arrêt n° 12/160 ; Cerclab n° 3857 ; Juris-Data n° 2012-010489 (absence de caractère abusif de la clause d’un bail HLM stipulant que le preneur s’engage à « respecter toutes les prescriptions que l’office croirait devoir établir dans l’intérêt de la sécurité, de l’hygiène et de la bonne tenue de l’immeuble » et application de la clause d’interdiction de détention d’un chien de première catégorie, après la modification de l’art. 10-1 de la loi du 9 juillet 1970 par la loi du 6 janvier 1999 validant cette stipulation, alors que le contrat conclu ne contenait qu’une clause conforme à la version initiale de 1970 ; autorisée par le législateur, cette restriction contractuelle à l’usage des lieux loués n’en empêche pas la jouissance et n’est pas constitutive d’une atteinte à la vie privée, dans la mesure où l’usage des lieux loués s’entend de celui des parties communes excédant la sphère privée), sur appel de TI Paris (20e arrdt), 13 juillet 2009 : RG n° 11-09-000175 ; Dnd - CA Chambéry (2e ch.), 21 janvier 2016 : RG n° 14/02943 ; Cerclab n° 5507 (maison de retraite ; absence de caractère abusif de la clause ne portant pas atteinte aux droits des personnes accueillies, en se contentant de rappeler le rôle de la direction en cas de difficultés relationnelles, sans sanction et sans qu’on puisse considérer qu’il s’agit d’une procédure disciplinaire, et renvoyant aux dispositions du contrat de séjour relatives aux conditions de résiliation contractuelle), sur renvoi de Cass. civ. 1re, 1er octobre 2014 : pourvoi n° 13-21801 ; arrêt n° 1095 ; Cerclab n° 4877 - CA Paris (pôle 5 ch. 6), 9 février 2018 : RG n° 16/03064 ; Cerclab n° 7433 (compte de dépôt ; clause n° 23 ; absence de caractère abusif ou illicite de la clause autorisant la suspension de l’accès au service en ligne, lorsque la banque relève des faits laissant présumer la tentative ou l'utilisation frauduleuse de ses services, dès lors qu’elle doit protéger ses clients et sécuriser l’utilisation de ses services en ligne), confirmant TGI Paris, 8 décembre 2015 : RG n° 14/00309 ; Dnd.

Clauses protégeant les intérêts financiers des autres clients. Les inexécutions d’un consommateur peuvent avoir des conséquences sur les autres clients lorsque leur coût est réparti entre eux de façon indifférenciée : n’est pas abusive la clause visant à faire peser la charge sur celui qui en est à l’origine. V. par exemple : TGI Paris (9e ch. 1re sect.), 6 janvier 1999 : RG n° 96/23238 ; Cerclab n° 3072 (absence de caractère abusif d’une clause de modification des tarifs d’une banque visant à faire payer les frais sanctionnant des opérations anormales par les clients qui en sont les auteurs et non plus par l’ensemble des clients, ce qui était le cas auparavant lorsque les frais étaient inclus dans les frais généraux), confirmé sur ce point, sans reprise de l’argument, par CA Paris (15e ch. B), 12 octobre 2001 : RG n° 1999/05721 ; Juris-Data n° 2001-174479 ; Cerclab n° 913, pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 25 novembre 2003 : pourvoi n° 01-18021 ; arrêt n° 1566 ; Cerclab n° 2014 (argument également non évoqué).

Modération de la sanction des clauses abusives dans l’intérêt des clients. Rappr. pour l’appréciation des conséquences de l’action d’une association de consommateurs, la prise en compte de l’utilité sociale d’une enseigne locale qu’une condamnation trop lourde risquerait de faire disparaître. TGI Bourgoin-Jallieu (ch. civ.), 21 juin 2000 : RG n° 99/00009 ; Cerclab n° 339 (dépôt-vente ; modération des dommages et intérêts compte tenu des faibles possibilités financières du professionnel et de l’utilité sociale de son dépôt-vente localement ; refus pour les mêmes motifs d’une condamnation à publication).

Limites de l’argument : absence de protection de consommateurs qui auraient pu être clients. La protection des autres clients du professionnel suppose que ceux-ci soient des clients effectifs et non potentiels du professionnel. V. par exemple : Cass. civ. 1re, 13 décembre 2012 : pourvoi n° 11-27766 ; arrêt n° 1438 ; Bull. civ. I, n° 260 ; Cerclab n° 4073 (formation annuelle de BTS coiffure et esthétique ; est abusive la clause qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l’école dès la signature du contrat et qui, sans réserver le cas d’une résiliation pour un motif légitime et impérieux, ne permet une dispense partielle du règlement de la formation qu’en cas de force majeure), cassant Jur. prox. Perpignan, 9 juillet 2010 : Dnd (jugement estimant que l’école entendait légitimement se prémunir contre les ruptures intempestives de contrat, qui pourraient compromettre, outre son devenir au plan financier, son organisation quant aux effectifs d’élèves en préjudiciant à ceux qui n’auraient pu obtenir une inscription du fait du quota atteint).

N.B. Cette solution ne signifie pas que la clientèle potentielle du professionnel ne peut jamais être prise en compte, mais seulement qu’elle ne peut l’être au titre de cet indice.

Limites de l’argument : absence de protection des intérêts des tiers. Pour une illustration : CA Paris (pôle 5, ch. 6), 15 octobre 2010 : RG n° 07/21494 ; Cerclab n° 2989 (convention de compte bancaire ; clause abusive imposant un dépôt de plainte en cas de vol ; il n'appartient pas à une partie privée de s'ériger en soit disant défenseur d'un tiers, le bénéficiaire du chèque, alors que celui-ci dispose par ailleurs d’une procédure particulière en référé), infirmant TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 6 novembre 2007 : RG n° 05/09745 ; jugt n° 7 ; Cerclab n° 4162 (le banquier doit s’assurer de la licéité du motif).

C. PROTECTION DES INTÉRÊTS DU PROFESSIONNEL

Protection du professionnel contre les effets systémiques. Compte tenu de la conclusion à grande échelle de contrats identiques, il ne peut être exclu que les clients adoptent simultanément un comportement identique pouvant, par « effet de masse », mettre le professionnel en difficulté pour l’exécution du contrat. L’argument est sans doute à manier avec une extrême prudence, en raison des atteintes considérables qu’il pourrait permettre de justifier quant à l’exercice des droits tirés du contrat ou d’autres droits (droit de propriété notamment) et de l’effet de clause exonératoire qu’il pourrait offrir au professionnel.

Pour des décisions faisant allusion à cet argument : CA Paris (15e ch. B), 24 juin 2005 : RG n° 04/06974 ; Cerclab n° 792 ; Juris-Data n° 2005-274908 (absence de caractère abusif d’une clause d’un contrat d’assurance-vie multi-supports stipulant que « si au cours d’un mois, les demandes d’arbitrage portant sur les parts ou actions d’un support excédaient 5 % de son capital, la date d’arbitrage de ce support pourrait être différée pour une durée maximum de 6 mois afin de préserver les intérêts de nos assurés », cette clause étant simplement destinée à planifier un nombre brutalement important de demandes d’arbitrage), sur appel de TGI Paris (5e ch. 1re sect.), 26 juin 2002 : RG n° 00/18027 ; jugt n° 15 ; Cerclab n° 3076 (clause non potestative puisqu’elle dépend d’un événement extérieur à l’assureur, objectif, constitué par des demandes d’arbitrage dont l’ampleur échappe à la maîtrise de la compagnie ; clause ayant pour but de limiter les mouvements affectant chaque support afin de préserver l’intérêt collectif des épargnants contre des fluctuations trop brutales qui résulteraient de mouvements massifs et soudains) - CA Paris (15e ch. B), 1er juillet 2005 : RG n° 03/15464 ; Cerclab n° 791 ; Juris-Data n° 2005-278330 (même stipulation : clause non abusive simplement destinée à planifier un nombre brutalement important de demandes d’arbitrages).

Pour l’utilisation d’un argument similaire, dans le cadre d’un contrat de livraison de vêtements de nature professionnelle, qui n’aurait pas dû bénéficier de la protection contre les clauses abusives : n’est pas abusive la clause incluse dans les conditions générales de vente aux termes de laquelle aucun retour de marchandises pour examen ne peut être effectué sans avoir été autorisé par le vendeur. CA Paris (25e ch. B), 28 juin 1996 : RG n° 001736/95 ; Cerclab n° 1278 ; BRDA 1996, n° 17, p. 11 ; RJDA 1996/11, n° 1407 (clause ne privant pas l’acheteur de recours et visant à prévenir des retours qui pourraient être effectués sans motif valable et de manière massive par les destinataires des marchandises), sur appel de T. com. Paris (17e ch.), 6 septembre 1994 : RG n° 92/91833 ; Cerclab n° 284 (problème non abordé).

Protection du professionnel tenu de gérer des millions de contrats. V. par exemple : TGI Paris (ch. 1-4 soc.), 30 octobre 2018 : RG n° 13/03227 ; Cerclab n° 8256 (fourniture de gaz et d’électricité ; IV-B-3 - art. 10.1 et 10.3 ; absence de caractère abusif de la clause soumettant la mensualisation au paiement par prélèvement automatique, dès lors qu’un tel mode de réception des paiements s’exerce à grande échelle sur un volume de plusieurs millions de clients et qu’il apparaîtrait disproportionné et peu réaliste d’exiger du fournisseur l’acceptation d’un autre mode de paiement mensualisé ; la sujétion imposée au consommateur n’est ni excessive, ni déraisonnable, d’autant que le prélèvement automatique ne constitue pas le seul moyen de paiement et que le client peut toujours opter pour des paiements volontaires suivant des fréquences supérieures à un mois).

Limites de l’argument : respect des engagements pris. V. dans le cadre d’une fourniture d’accès Internet illimitée, lorsque le fournisseur, qui ne peut faire face à la demande, insère des dispositifs techniques de déconnexion automatique : un fournisseur d’accès Internet n’est pas en charge d’un intérêt général, ni de prérogatives de puissance publique, et ne peut invoquer un prétendu intérêt collectif de ses clients pour justifier la limitation d’accès en violation des termes du contrat prévoyant un accès illimité. TI Épernay, 20 avril 2001 : RG n° 11-00-000324 ; jugt n° 2001/98 ; Cerclab n° 59. § Rappr. implicitement TI Puteaux, 6 mars 2001 : RG n° 11-00-002384 ; Cerclab n° 116.