CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 26 février 2010

CERCLAB - DOCUMENT N° 2402
CA BORDEAUX (1re ch. civ. sect. B), 26 février 2010 : RG n° 08/00585
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que M. X. soutient encore que la clause pénale incluse dans le mandat constitue une clause abusive, notamment en ce qu'il n'est pas précisé dans le contrat que, conformément aux dispositions de l'article 78 du décret n° 72-678 pris pour l'application de la loi du 2 janvier 1970, passé un délai de trois mois à compter de la signature du mandat, celui-ci pouvait être dénoncé à tout moment, dans la mesure où il contenait une clause pénale ; qu'il estime que cette clause doit être réputée non écrite et qu'elle ne peut servir de fondement à aucune condamnation ; que toutefois, le mandat litigieux ayant été consenti « pour une durée irrévocable de trois mois », sans possibilité de tacite reconduction, la mention dont le défaut est invoqué était sans objet en l'espèce ; que le moyen n'est pas fondé ».
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION B
ARRÊT DU 26 FÉVRIER 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/00585. ARRÊT DU : 26 FÉVRIER 2010 (Rédacteur : Monsieur Louis-Marie Cheminade, président). Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 décembre 2007 (R.G. 07/436) par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE suivant déclarations d'appel du 30 janvier 2008 enrôlée sous le n°08/585, du 31 janvier 2008 enrôlée sous le n° 08/610 et du 22 février 2008 enrôlée sous le n°08/1077.
APPELANT :
Monsieur X.,
[adresse], représenté par la SCP Marc-Jean GAUTIER et Pierre FONROUGE, avoués à la Cour, et assisté de Maître LE MASLE, avocat au barreau de CAEN
INTIMÉE : et appelante selon déclaration d'appel du 22 février 2008
SARL MILLESIME IMMOBILIER,
prise en la personne de son représentant légal son gérant domicilié en cette qualité au siège social, sis [adresse], représentée par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour, et assistée de Maître Jean-Daniel ROLLAND, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 23 novembre 2009 en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président, [minute Jurica page 2] Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller, Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement rendu le 13 décembre 2007 par le tribunal de grande instance de Libourne, qui a condamné M. X. à payer à la société à responsabilité limitée Millésime immobilier les sommes de 45.000,00 € en principal, avec intérêts légaux à compter du 20 mars 2007, et de 1.500,00 € par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, qui a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, et qui a condamné M. X. aux dépens ;
Vu la première déclaration d'appel de M. X. du 30 janvier 2008, enrôlée sous le n° 08/585 ;
Vu la seconde déclaration d'appel de M. X. du 31 janvier 2008, enrôlée sous le n° 08/610 ;
Vu la déclaration d'appel de la société Millésime immobilier du 22 février 2008, enrôlée sous le n° 08/1077 ;
Vu la mention au dossier du 7 avril 2008 ayant ordonné la jonction de ces trois dossiers ;
Vu les dernières écritures de la société Millésime immobilier, signifiées et déposées le 27 avril 2009 ;
Vu les dernières écritures de M. X., signifiées et déposées le 10 juin 2009 ;
Vu l'ordonnance de clôture du 9 novembre 2009 ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions de la société Millésime immobilier, M. X. n'avant pas fait connaître les siens en première instance, la cour se réfère au jugement déféré (page 2), qui en contient une relation précise et exacte ;
1° / Sur l'appel de M. X. :
Attendu que M. X. conclut à titre principal à la nullité, pour défaut des mentions obligatoires, du mandat de vente non exclusif d'une durée de trois mois donné par lui le 22 février 2005 à la société Millésime immobilier, exerçant une activité d'agent immobilier à Libourne ; que le 9 juin 2009, il a fait sommation à cette société de produire [minute Jurica page 3] l'original de ce contrat ; que la société Millésime immobilier a communiqué cet original le 6 novembre 2009 ; qu'à la suite de cette communication, M. X. n'a formé aucune critique précise sur les mentions de la convention, qui a été établie conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et qui a été régulièrement inscrite à sa date et avec son numéro (230) sur le registre des mandats de la société Millésime immobilier, ainsi qu'il en est justifié ; que la demande de nullité pour défaut des mentions obligatoires n'est donc pas fondée ;
Attendu que M. X. conclut encore à la nullité du mandat, au motif que cet acte n'a pas été rédigé en double exemplaire ; que toutefois, l'original versé aux débats par la société Millésime immobilier, comporte la mention suivante au bas de sa dernière page, juste au-dessus des signatures des parties : « Fait en deux exemplaires dont un a été remis au mandant qui le reconnaît » ; que M. X. soutient que cette mention est fausse et qu'il en apporte la preuve par une lettre du 24 février 2005 qui lui a été adressée par la société Millésime immobilier et dans laquelle celle-ci indique lui envoyer « mandat de vente n° 230, inscrit dans notre registre des mandats » ; qu'il ajoute n'avoir jamais reçu ledit mandat ; que cependant, quelle que soit de la date à laquelle l'exemplaire du mandat destiné au mandant a été remis ou envoyé à l'intéressé, celui-ci ne démontre pas la fausseté de la mention relative à l'établissement de l'acte en deux exemplaires sous laquelle il a apposé sa signature ; que le moyen n'est pas fondé ;
Attendu que M. X. conclut enfin à la nullité du mandat, en faisant valoir que cet acte ne respecte pas les règles d'ordre public prévues par les articles L. 121 et suivants du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile, alors qu'il a été établi à son domicile personnel, ainsi que lui-même le démontre par la production de deux attestations ; que toutefois, ces témoignages ne prouvent pas ses affirmations, car si les deux témoins indiquent que M. Y. (le gérant de la société Millésime immobilier) est passé chez lui le 22 février 2005, alors qu'eux-mêmes s'y trouvaient, ils précisent, le premier, qu' « après le départ de Monsieur Y., Monsieur X. est venu m'informer qu'il venait de signer un mandat de vente non exclusif avec Monsieur Y. », ce qui constitue un témoignage indirect sans valeur probante, le second, « je suis sorti les laissant traiter leurs affaires », ce qui ne prouve pas la signature prétendue ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
Attendu que M. X. soutient qu'en toute hypothèse, la société Millésime immobilier ne démontre pas avoir fait visiter la propriété objet du mandat de vente pendant la période de validité de celui-ci, soulignant qu'elle ne produit aucun bon de visite ; que toutefois, la preuve de l'intervention de la société Millésime immobilier pendant la période de validité du mandat résulte, d'une part d'une lettre du 30 mai 2005 qu'elle a adressée, après l'expiration de la convention, à M. Z., en lui rappelant qu'il avait visité le « Château W. » le 31 mars 2005, c'est-à-dire pendant la durée du mandat, et lui demandant de signer un bon de visite joint, d'autre part, le bon de visite n'ayant pas été retourné signé, d'une sommation interpellative qu'elle a fait signifier le 8 mars 2007 à M. Z. et à laquelle celui-ci a répondu qu'il avait bien reçu divers documents de l'agent immobilier, qu'il avait posé des questions et obtenu des réponses sur la propriété, et qu'il avait effectué la première visite de celle-ci avec M. Y, à la demande de M. X. ; que certes, comme le souligne ce dernier, M. Z. ne précise pas la date de cette première visite ; que toutefois, il ne conteste pas celle du 31 mars 2005 mentionnée dans la sommation interpellative et déjà indiquée dans la lettre du 30 mai 2005 ; que la preuve d'une activité d'entremise de la société Millésime immobilier pendant la durée du mandat se trouve donc rapportée ;
Attendu que M. X. soutient encore que la clause pénale incluse dans le mandat constitue une clause abusive, notamment en ce qu'il n'est pas précisé dans le contrat que, conformément aux dispositions de l'article 78 du décret n° 72-678 pris pour l'application de [minute Jurica page 4] la loi du 2 janvier 1970, passé un délai de trois mois à compter de la signature du mandat, celui-ci pouvait être dénoncé à tout moment, dans la mesure où il contenait une clause pénale ; qu'il estime que cette clause doit être réputée non écrite et qu'elle ne peut servir de fondement à aucune condamnation ; que toutefois, le mandat litigieux ayant été consenti « pour une durée irrévocable de trois mois », sans possibilité de tacite reconduction, la mention dont le défaut est invoqué était sans objet en l'espèce ; que le moyen n'est pas fondé ;
Attendu que M. X. fait encore valoir que la vente de la propriété objet du mandat en litige n'ayant pas été conclue par l'intermédiaire de la société Millésime immobilier, celle-ci n'a aucun droit à commission et pourrait seulement prétendre à des dommages et intérêts en cas de preuve d'une faute de son mandant, preuve qu'elle ne rapporte pas en l'espèce ; qu'il conclut en conséquence à l'infirmation du jugement et au débouté de son adversaire ; que toutefois, la société Millésime immobilier verse aux débats la copie d'un acte reçu le 4 août 2006 par Maître C., notaire associé à [ville C .B.] (33), par lequel M. X. a vendu la propriété viticole dénommée « Château W. », située commune de [ville S.] (33), objet du mandat litigieux, à la société par action simplifiée MPG Investissement, dont le président et l'associé unique était M. Z. ; que celui-ci ayant appris la mise en vente du bien par la société Millésime immobilier et visité la propriété pour la première fois par l'entremise de celle-ci pendant la période de validité du mandat, M. X. a commis une faute en traitant avec lui dans les dix-huit mois suivant le terme du mandat, alors qu'à la page 2 de cet acte, il s'était interdit « pendant la durée du mandat et dans les 18 mois suivant son expiration, de traiter directement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité la bien avec ce dernier » ; que le tribunal a justement estimé que cette faute avait causé à la société Millésime immobilier un préjudice ayant consisté en la perte de son droit à commission ; que le moyen n'est pas fondé ;
Attendu enfin que M. X. indique que le juge est souverain pour contrôler et réviser le montant de la rémunération due à un agent immobilier, notamment si celui-ci est resté étranger aux négociations intervenues ou n'a pas complètement accompli sa mission ; que toutefois, en l'espèce, la société Millésime immobilier a établi un dossier de présentation de la propriété objet du mandat, qu'elle l'a fait visiter la première à son futur acquéreur, et qu'elle n'a été empêchée de réaliser sa mission jusqu'à son terme que parce qu'après l'expiration du mandat, M. X. a préféré, en violation de ses obligations contractuelles, traiter avec une autre agence immobilière, ainsi qu'il l'indique lui-même à la page 10 de ses dernières écritures ; que dans ces conditions, il n'y a lieu à aucune réduction, non du montant de la commission mais de celui de la clause pénale, qui n'apparaît pas manifestement excessive en l'espèce, s'agissant de la vente d'une propriété viticole prestigieuse, située sur la commune de [ville S.] ;
2° / Sur l'appel de la société Millésime immobilier :
Attendu que la société Millésime immobilier expose que le montant de sa commission avait été fixé dans le mandat à 3,5 % du prix de cession, mais qu'à la suite d'une erreur matérielle, elle a sollicité en première instance une somme de 45.000,00 € seulement, calculée sur la base d'un prix erroné de 1.300.000,00 € ; qu'indiquant que la propriété, qui avait été mise en vente au prix de 9.300.000,00 € a en définitive été vendue pour une somme de 6.000.000,00 €, elle réclame désormais une indemnité de 210.000,00 €, avec intérêts légaux comme il est dit au jugement ;
Attendu que la société Millésime immobilier justifie du prix de vente de la propriété [minute Jurica page 5] litigieuse ; que le tribunal lui ayant accordé une indemnité de 45.000,00 € avec intérêts légaux à compter du 20 mars 2007, il convient de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et, y ajoutant, de condamner M. X. au paiement d'une indemnité complémentaire de 165.000,00 €, avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2008, date de signification des premières conclusions de la société Millésime immobilier devant la cour contenant demande de la somme de 210.000,00 € et valant mise en demeure ;
3° / Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Attendu que M. X. succombant en son appel, il sera condamné aux dépens de ce recours ; que par ailleurs, il serait inéquitable que la société Millésime immobilier conserve à sa charge la totalité des frais irrépétibles exposés par elle devant la cour ; qu'il convient de lui accorder une somme de 1.500,00 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Reçoit M. X. et la société Millésime immobilier en leurs appels ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 décembre 2007 par le tribunal de grande instance de Libourne ;
Y ajoutant :
Condamne M. X. à payer à la société Millésime immobilier :
1°) une indemnité complémentaire de 165.000,00 €, avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2008 ;
2°) une somme de 1.500,00 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne M. X. aux dépens de l'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Signé par Louis-Marie Cheminade, président, et par Marceline Loison, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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