CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 1er avril 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2406
CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 1er avril 2010 : RG n° 08/04155
Publication : Jurica
Extrait : « C'est également à tort que le premier juge a considéré que la clause relative à la durée du mandat entraînerait un déséquilibre au préjudice des mandants et constituerait en conséquence une clause abusive alors que si la clause litigieuse stipule que le mandat, conféré pour une durée initiale de trois mois, est renouvelable par tacite reconduction de mois en mois, elle permet aux mandants de le dénoncer par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au mandataire quinze jours avant l'échéance. Le mandant pouvant se libérer de son engagement à chaque échéance mensuelle dans le cadre de la période de tacite reconduction, cette clause qui préserve les intérêts du mandant ne peut être considérée comme abusive. »
COUR D’APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 1er AVRIL 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/04155. ORIGINE ; DÉCISION en date du 10 novembre 2008 du Tribunal d’Instance de CAEN.
APPELANT :
Maître X.
Notaire [adresse], représenté par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués, assisté de Maître SIMAO substituant Maître Christine CORBEL, avocat au barreau de CAEN
INTIMÉS :
Monsieur Y.
[adresse], représenté par Maître Jean TESNIERE, avoué, assisté de Maître Annie THOMAS, avocat au barreau de CAEN
Madame Z.
[adresse], représentée par la SCP TERRADE DARTOIS, avoués, assistée de Maître Axelle DE GOUVILLE, avocat au barreau de CAEN (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XXX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)
SARL CABINET GALLIOT
[minute Jurica page 2] [adresse], prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP GRANDSARD DELCOURT, avoués, assistée de Maître Olivier LANGEARD, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur CALLE, Président de chambre, Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller, rédacteur, Madame VALLANSAN, Conseiller,
MINISTÈRE PUBLIC : Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS : A l'audience publique du 18 février 2010
GREFFIER : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 1er avril 2010 et signé par Monsieur CALLE, Président, et Madame LE GALL, Greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Maître X. est appelant du jugement rendu le 10 novembre 2008 par le Tribunal d'instance de Caen qui l'a débouté en l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à M. Y. et à la SARL Cabinet Galliot la somme de 500 € chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions du 30 mars 2009, il demande à la Cour de réformer la décision entreprise, de condamner M Y. et Madame Z. solidairement entre eux et in solidum avec la SARL Cabinet Galliot à lui payer la somme de 4.150,86 € hors taxes soit 4.286,45 € toutes taxes comprises, de débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner au paiement de la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions du 2 septembre 2009, M. Y. demande à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de condamner Maître X. à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Subsidiairement, de dire que la SARL Cabinet Galliot sera tenue de le garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.
Par conclusions du 28 octobre 2009, Madame Z. demande à la Cour de confirmer le jugement déféré, de débouter Maître X. de ses demandes.
[minute Jurica page 3] Subsidiairement, de condamner la SARL Cabinet Galliot à la garantir de toute condamnation qui pourrait intervenir au bénéfice de Maître X.
Par conclusions du 2 septembre 2009, la SARL Cabinet Galliot demande à la Cour de confirmer la décision entreprise en l'ensemble de ses dispositions, de débouter Maître X. de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Par acte sous seing privé en date du 26 octobre 2005, M. Y. et Madame Z. ont donné mandat à Maître X., notaire à [ville B.], de rechercher des acquéreurs et d'établir l'acte de vente de leur maison d'habitation moyennant un prix compris entre 114.400 € et 137.000 €.
Ce mandat de vente exclusif a été consenti pour une durée de trois mois renouvelable par tacite reconduction de mois en mois, sauf faculté de dénonciation par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au mandataire quinze jours avant l'échéance.
Arguant de ce qu'en exécution de ce mandat, il avait trouvé des acquéreurs en la personne de M. et Madame A. qui ont offert d'acheter l'immeuble le 14 novembre 2006 pour le prix de 120.300 €, et de ce que M. Y. et Madame Z. ne se sont pas présentés pour la signature du compromis après avoir accepté l'offre, pour finalement vendre leur maison à un tiers par l'intermédiaire du Cabinet Galliot, alors que son mandat de vente exclusif n'avait pas été dénoncé, Maître X. a, par actes en date des 13 et 17 février 2007, fait assigner les intimés devant le Tribunal d'instance de Caen aux fins de les entendre condamner sur le fondement de l'article 1147 du Code civil à lui payer la somme de 4.286,45 € toutes taxes comprises représentant le montant de la commission qu'il aurait dû percevoir sur la vente.
Les intimés se sont opposés aux demandes.
C'est dans ces conditions que le jugement entrepris a été rendu.
Les intimés ne sauraient utilement soutenir que les dispositions de la loi du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet seraient applicables en l'espèce dès lors que, conformément à l'article 95 du décret du 20 juillet 1972, les dispositions de cette loi réglementant les conditions d'exercice relatif à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ne sont pas applicables, pour les opérations qu'ils sont régulièrement habilités à réaliser dans le cadre de la réglementation de leur profession, aux notaires.
C'est donc à tort que le premier juge, en opérant une distinction artificielle que le texte n'édicte pas entre les conditions autorisant l'exercice professionnel et les modalités dans lesquelles les opérations doivent être pratiquées, a considéré que l'article 7 de la loi du 2 juillet 1970 relative à la durée du mandat devait recevoir application.
C'est également à tort que le premier juge a considéré que la clause relative à la durée du mandat entraînerait un déséquilibre au préjudice des mandants et constituerait en conséquence une clause abusive alors que si la clause litigieuse stipule que le mandat, conféré pour une durée initiale de trois mois, est renouvelable par tacite reconduction de mois en mois, elle permet aux mandants de le dénoncer par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au mandataire quinze jours avant l'échéance.
Le mandant pouvant se libérer de son engagement à chaque échéance mensuelle dans le cadre de la période de tacite reconduction, cette clause qui préserve les intérêts du mandant ne peut être considérée comme abusive.
[minute Jurica page 4] Le mandat consenti par M. Y. et Madame Z. à Maître X. n'ayant pas été dénoncé, ce dernier a pu valablement leur proposer l'offre d'achat effectuée par M. et Madame A. le 14 novembre 2006.
Maître X. les a alors convoqués par lettres recommandées des 16 novembre 2006 puis 27 novembre 2006 pour la signature du compromis au prix net vendeur de 120.300 €.
M. Y. et Madame Z. ne se sont pas présentés du fait qu'ils venaient de signer le 13 novembre 2006 un autre mandat exclusif de vente avec la SARL Cabinet Galliot par l'intermédiaire duquel leur bien immobilier a finalement été vendu en février 2007.
Il ressort de l'attestation de M. B. qu'avant de signer le mandat exclusif au profit du Cabinet Galliot, M. C., salarié de cette agence, a expliqué à Mme Z. que le mandat de Maître X. n'était plus valable du fait qu'il avait plus d'un an.
Il apparaît ainsi que l'Agence Galliot avait connaissance du mandat consenti par le notaire et que c'est à tort qu'il a considéré qu'il était soumis aux dispositions de la loi du 2 juillet 1970.
L'agence Galliot a ainsi contribué à la violation du mandat du notaire qui, contrairement à ce qu'elle prétendait, était toujours en cours.
Maître X., qui avait satisfait aux obligations de son mandat en présentant un acquéreur au prix convenu, est donc fondé à solliciter de ses mandants, M. Y. et Madame Z., ainsi que de l'Agence Galliot, le règlement de la somme de 4.286,45 € toutes taxes comprises, représentant le montant de la commission à laquelle il était en droit de prétendre.
Ils seront donc condamnés in solidum au paiement de cette somme.
M. Y. et Mme Z. démontrant par la production de l'attestation de M. B. qu'ils n'ont signé le mandat au profit de l'agence Galliot que parce que le représentant de cette société leur a affirmé que le mandat de Maître X. était venu à son terme, il convient de leur accorder recours et garantie à l'encontre de cette agence, sans que celle-ci puisse utilement se prévaloir de la clause stipulée dans le mandat aux termes de laquelle les mandants déclaraient ne pas avoir consenti par ailleurs de mandat exclusif de vente non expiré ou dénoncé, dès lors que les affirmations de M. C. avaient pu les convaincre de ce que le précédent mandat, datant de plus d'un an, était venu à expiration.
Il serait inéquitable que Maître X. supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés sur la procédure, il lui sera en conséquence alloué la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
- Infirme le jugement entrepris ;
Et statuant à nouveau,
- Condamne in solidum M. Y., Madame Z., et la SARL Cabinet Galliot à payer à Maître X. la somme de 4.286,45 € toutes taxes comprises et celle de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Dit que la SARL Cabinet Galliot devra garantir M. Y. et Madame Z. de l'intégralité des [minute Jurica page 5] condamnations prononcées à leur encontre ;
- Condamne in solidum M. Y., Madame Z. et la SARL Agence Galliot aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL B. CALLE