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TI CAEN, 10 novembre 2008

Nature : Décision
Titre : TI CAEN, 10 novembre 2008
Pays : France
Juridiction : Caen (TI)
Demande : 11-07-000196
Décision : 2008/1033
Date : 10/11/2008
Nature de la décision : Rejet
Décision antérieure : CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 1er avril 2010
Numéro de la décision : 1033
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3280

TI CAEN, 10 novembre 2008 : RG n° 11-07-000196 ; jugement n° 2008/1033

(sur appel CA Caen (1re ch. sect. civ. et com.), 1er avril 2010 : RG n° 08/04155)

 

Extrait : « En conséquence, la limitation de la durée du mandat s'applique bien aux notaires, malgré la tacite reconduction prévue à l'acte. L'expiration était intervenue au plus tard à la première reconduction. Le mandat dont fait état Monsieur X. était donc expiré le 26 octobre 2006. Toute autre interprétation de ce texte conduirait à considérer la clause de renouvellement tacite, telle qu'elle est écrite, comme une clause abusive. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE CAEN

JUGEMENT DU 10 NOVEMBRE 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-07-000196. Jugement n° 2008/1033.

 

DEMANDEUR :

Monsieur X.

le [date] à [ville] demeurant [adresse], représenté par Maîtres CORBEL et SIMAO, avocats au barreau de CAEN, d'une part,

 

ET :

DÉFENDEURS :

Monsieur Y.

le [date] à [ville] demeurant [adresse], représenté par Maître THOMAS Annie, avocat au barreau de CAEN

Madame Z.

née le [date] à [ville] demeurant [adresse], représentée par Maîtres LAURENT-ANNE et de GOUVILLE, avocats au barreau de CAEN substitués Me THOMAS, avocat au barreau de CAEN

SARL CABINET GALLIOT

En la personne de son représentant légal, dont le siège social est situé [adresse], représentée par la SELARL THILL-LANGEARD, avocats au barreau de CAEN, d'autre part,

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Présidente : Sylvie SUPLY, Juge

Greffière présente lors de la mise à disposition : Virginie LOUIS

PROCÉDURE : Date de la première évocation : 8 mars 2007

Date des débats : 12 août 2008

Date de la mise à disposition : 10 novembre 2008

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Par assignations en date des 13 et 15 février 2007, Monsieur X., notaire, sollicite la condamnation de Monsieur Y. et Madame Z. solidairement, et in solidum avec la SARL Cabinet GALLIOT, à lui payer la somme de 4.150, 86 € HT, soit 4.286,45 € TTC, outre 1.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose que :

- par acte sous seing privé du 26 octobre 2005, Monsieur Y. et Madame Z. lui ont donné mandat de rechercher des acquéreurs et d'établir l'acte de vente de leur maison d'habitation pour un prix compris entre 114.400 € et 137.000 € ;

- après quelques visites et une tentative infructueuse, le 14 novembre 2006, Monsieur X. a reçu des époux A. la proposition d'acquérir cet immeuble pour la somme de 120.300,00 € net vendeur ;

- le 15 novembre 2006, Madame Z. a accepté cette offre ; Monsieur Y. l'a confirmé le 16 novembre 2006 par écrit, mais ils ne se sont pas présentés au rendez-vous pris pour régulariser le compromis ;

- Monsieur Y. a indiqué à Monsieur X. que la SARL Cabinet GALLIOT, au profit laquelle un mandat sans exclusivité avait été donné, avait trouvé un acquéreur pour un prix inférieur.

A l'appui de ses demandes, il fait valoir que la loi du 2 janvier 1970 et son décret d'application qui détermine les conditions de validité des mandats de vente confiés à des agents d'affaires, ne sont pas applicables aux notaires, que le mandat est donc régi par les dispositions des articles 1984 et suivants du Code civil, et que faute de révocation, le mandat s'est renouvelé par tacite reconduction, conformément au contrat.

En conséquence et par application de l'article 1999 du Code civil, il estime avoir droit à sa commission à l'encontre des mandants et de l'agent immobilier.

Monsieur Y. conclut au débouté des demandes présentées par Monsieur X. Il demande de déclarer la clause relative à la durée du mandat non écrite et de dire qu'elle a expiré au terme du premier mois de renouvellement, soit le 25 février 2006. Subsidiairement, il sollicite la garantie du Cabinet GALLIOT. Il demande également la condamnation de Monsieur X. à lui verser une somme de 1.200,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il critique la manière dont Monsieur X. a exécuté le mandat qui lui a été confié et affirme qu'a la fin du mois d'octobre 2006, avec Madame Z., ils ont informé Monsieur X. de leur volonté de révoquer le mandat, estimant que ce mandat était expiré, de telle sorte qu'ils ont pris attache avec la SARL Cabinet GALLIOT qui leur a précisé que le mandat n'était plus valable passé le délai d'un an et a soumis à leur signature un nouveau mandat de vente non exclusif du 13 novembre 2006. La vente a été organisée au mois de février suivant pour un prix de 117.000,00 euros.

[minute page 3] Monsieur Y. soutient :

- qu'en contravention avec l'article 1146 du Code civil, il n'a été destinataire d'aucune mise en demeure préalable ;

- qu'un mandat doit être limité dans le temps et que les clauses relatives au renouvellement du mandat par tacite reconduction doivent être enfermées dans un délai

- que l'article L. 132-1 du Code de la Consommation dispose que : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », ce qui serait le cas d'une clause ayant pour objet ou pour effet de prévoir une durée indéfiniment renouvelable par tacite reconduction ;

- que le contrat prévoit que le mandat peut faire l'objet d'une délégation, ce qui serait contraire au mandat exclusif ;

- qu'il n'a pas été promis de rémunération, contrairement aux prévisions de l'article 1999 du Code Civil invoqué.

Il émet des doutes sur les bons de visite versés aux débats et les diligences du notaire.

Subsidiairement, il fait valoir que le représentant de l'agence Cabinet GALLIOT leur a affirmé que le mandat confié au notaire n'était plus valable passé le délai d'un an et il verse une attestation en ce sens aux débats.

Madame Z. conclut également au débouté de Monsieur X. et elle donne adjonction aux écritures prises par Monsieur Y. Elle conteste avoir accepté l'offre des époux A. présentée par Monsieur X.

La SARL Cabinet GALLIOT conclut au débouté des demandes présentées par Monsieur X. ainsi que des appels en garantie à son encontre et elle sollicite la condamnation de tout succombant à lui verser la somme de 1.500,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient que les autres parties ne prouvent pas qu'elle ait eu connaissance du mandat confié à Monsieur X.

Elle conteste l'attestation versée aux débats par Madame Z.

Par de nouvelles conclusions déposées le 12 août 2008, Monsieur X. maintient ses demandes. Il estime que, dans la mesure où si les parties avaient convenu que le mandat serait renouvelable par tacite reconduction sauf faculté de dénonciation au profit des seuls mandants, il n'y avait pas de déséquilibre en leur défaveur et que le mandat était donc toujours valable lors de la vente par l'intermédiaire de la SARL Cabinet GALLIOT.

[minute page 4] Il estime que l'attestation versée au dossier par Madame Z. prouve la connaissance de son mandat par la société Cabinet GALLIOT ce qui, selon lui, fonde sa demande à l'encontre de celle-ci.

Il détaille et explique le montant de ses demandes.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la demande principale :

Sous l'intitulé « durée du mandat », le contrat intervenu entre les consorts Y./Z. et Monsieur X. stipule : « Le présent mandat exclusif est conféré pour une durée de trois mois, à compter de ce jour, renouvelable par tacite reconduction de mois en mois sauf faculté de dénonciation par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au mandataire requis, 15 jours au moins avant l'échéance ».

L'article 7 de la loi du 2 janvier 1970 sanctionne de la nullité des promesses et conventions de toute nature relatives aux opérations de vente d'immeubles qui ne comportent pas une limitation de leurs effets dans le temps. La clause de tacite reconduction est assimilée à une telle absence de limitation.

Monsieur X. soutient que la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce n'est pas applicable en l'espèce. En effet, l'article 2 de cette loi dispose que : « Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables : Aux membres des professions dont la liste sera fixée par décret, en considération du contrôle dont leur activité professionnelle fait l'objet ainsi que des garanties qu'ils offrent pour acquis pour l'exercice de cette activité » et l'article 95 du décret du 20 juillet 1972 que : « les dispositions réglementant les conditions d'exercice relatif à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ne sont pas applicables, pour les opérations qu'ils sont régulièrement habilités à réaliser dans le cadre de la réglementation de leur profession, aux notaires ...».

Mais ce texte n'exclut l'application de la loi que pour les dispositions réglementant les conditions d'exercice de ces opérations. Il dispense les notaires des conditions qui autorisent cet exercice professionnel mais pas des modalités dans lesquelles ces opérations doivent être pratiquées et notamment de la durée des mandats, indifférente au contrôle exercé sur cette profession et des garanties qu'ils offrent.

Il serait d'ailleurs contraire au texte de l'article 7 de la loi et aux qualités dont les notaires font état pour la sécurité des usagers que ceux-ci offrent moins de garantie que les autres professionnels exerçant ces opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce en bénéficiant de mandats dépourvus de limite dans le temps.

En conséquence, la limitation de la durée du mandat s'applique bien aux notaires, malgré la tacite reconduction prévue à l'acte. L'expiration était intervenue au plus tard à la première reconduction.

[minute page 5] Le mandat dont fait état Monsieur X. était donc expiré le 26 octobre 2006.

Toute autre interprétation de ce texte conduirait à considérer la clause de renouvellement tacite, telle qu'elle est écrite, comme une clause abusive.

Monsieur X. relève que la faculté de dénonciation est énoncée dans la seule perspective d'une dénonciation par le mandant puisque c'est au mandataire que doit être adressée la lettre recommandée. Il en tire la conclusion que seul le mandant pourrait dénoncer le contrat alors que la notion même de tacite reconduction implique la faculté de résilier au profit de chacune des parties, sans que la clause en prive explicitement le notaire. D'ailleurs, à suivre Monsieur X., il ne pourrait alors plus mettre fin au contrat, ce qui constituerait un engagement perpétuel. Cette interprétation ne peut être retenue.

Cette stipulation comprend donc un déséquilibre au préjudice des mandants puisque aucune formalité n'est prévue pour la dénonciation par le mandataire et qu'elle s'impose seulement aux particuliers.

En conséquence, Monsieur X. ne peut pas se prévaloir du mandat que lui avait confié Monsieur Y. et Madame Z., ce mandat étant expiré.

Si un rapport ponctuel, qui n'a pas abouti faute pour le candidat acquéreur d'obtenir un crédit, montre que la relation contractuelle a pu reprendre entre-temps, il n'a pas fait revivre le délai.

L'acceptation par Madame Z. de l'offre des époux A. n'est établie par aucun document émanant d'elle.

En conséquence, Monsieur X. sera débouté.

 

Sur l'exécution provisoire :

Il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande.

 

Sur les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile :

L'équité commande de faire droit aux demandes présentées par Monsieur Y. et la SARL Cabinet GALLIOT à hauteur de 500 € chacun, et de débouter Monsieur X. de sa demande.

 

Sur les dépens :

Il convient de laisser les dépens de la procédure à la charge de Monsieur X.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 6] PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort ;

Déboute Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ;

Condamne Monsieur X. à payer à Monsieur Y. et la SARL Cabinet GALLIOT la somme de 500 euros à chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute Monsieur X. de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

Condamne Monsieur X. au paiement des dépens qui à l'égard de Madame Z. seront recouvrés selon la législation en matière d'aide juridictionnelle

Ainsi jugé et prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de ce tribunal et après lecture, la minute a été signée par le Juge et la greffière présente lors de la mise à disposition.

La greffière                Le Juge d'instance