CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 3 juin 2025
- T. com. Bordeaux, 5 mai 2023 : RG n° 2022F306
CERCLAB - DOCUMENT N° 24076
CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 3 juin 2025 : RG n° 23/02448
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « 16- En l'espèce, il est constant que le contrat de licence d'exploitation de site Internet a été conclu le 5 mars 2021 à [Localité 6], à la suite d'un démarchage de Mme X. sur son lieu de travail par un préposé de la société Incomm, qui a son siège social à [Localité 4].
17- Il ressort de son avis de situation Insee (répertoire SIRENE - pièce 1) que Mme X. exerce une activité principale d'entretien corporel (code APE: 96.04 Z).
18- Par son objet, le contrat de licence d'exploitation de site internet est certes en rapport avec l'activité professionnelle de Mme X., puisqu'il est de nature à promouvoir ses services auprès de la clientèle potentielle, par une meilleure visibilité, mais il n'entre pas dans le champ de son activité principale.
La seule circonstance, relevée par le tribunal, que le contrat comporte un objet facilement compréhensible même par un non-professionnel de l'informatique, n'est pas de nature à écarter l'application des dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation.
19- Par ailleurs, il ressort de l'attestation délivrée le 23 décembre 2021 par l'URSSAF Midi Pyrénées que Mme X. a effectué le 1er juillet 2020 une déclaration de création de société sans personnel, et il n'est pas contesté qu'elle n'avait pas de salarié à la date de conclusion du contrat, le 5 mars 2021.
20- Il en résulte que Mme X. réunit les conditions prévues par l'article L. 221-3 du code la consommation pour bénéficier des dispositions des sections 2,3 et 6 du chapitre 1er (contrats conclus à distance et hors établissement). »
2/ « 33- Dès lors que les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation ne lui ont donc pas été fournies dans les conditions prévues à l'article L. 221-5 7° du code de la consommation, Mme X. était fondée, par application de l'article L. 221-20 alinéa 1er du même code, à notifier aux société Incomm et Locam l'exercice de ce droit de rétractation par l'intermédiaire de son conseil, ce qui a été fait de manière claire et exprès en page 2/3 des deux lettres recommandées avec accusé de réception du 15 décembre 2021, reçues respectivement le 20 décembre 2021 par Incomm et le 21 décembre 2021 par Locam. En effet, le délai de rétractation se trouvait ainsi prolongé de 12 mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, tel que déterminé conformément à l'article L. 221-18.
34- En application des articles L. 221-24 et L. 221-27 du code de la consommation, l'exercice régulier du droit de rétractation par Mme X. a mis fin aux obligations des parties d'exécuter le contrat, et les professionnels ont l'obligation de rembourser les sommes reçues. […] 36- Dès lors que ces sommes n'ont pas été restituées dans le délai de 14 jours, elles produisent intérêt au taux légal majoré, dans les conditions prévues par l'article L. 242-4 du code de la consommation, et avec capitalisation par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
37- La société Locam, agisssant en qualité de cessionnaire, n'est pas fondée à solliciter paiement de sommes au titre du contrat dès lors que celui-ci se trouve anéanti du fait de l'exercice du droit de rétractation. Elle sera donc déboutée de toutes ses demandes. »
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 3 JUIN 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/02448. N° Portalis DBVJ-V-B7H-NIX4. Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 5 mai 2023 (R.G. 2022F306) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 24 mai 2023.
APPELANTE :
Madame X.
née le [Date naissance 1] à [Localité 6] (31), de nationalité Française, demeurant [Adresse 2], Représentée par Maître Delphine BARTHELEMY-MAXWELL, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Bassirou KÉBÉ de la SAS PROCESCIAL AVOCAT, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉES :
SAS INCOMM
exerçant son activité sous le nom commercial INCOMM, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BORDEAUX sous le numéro XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]
Représentée par Maître Anthony BABILLON de la SELARL ANTHONY BABILLON AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX
SAS LOCAM
immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous le numéro YYY, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]
Représentée par Maître Bertrand GABORIAU, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er avril 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président, Madame Sophie MASSON, Conseiller, Madame Anne-Sophie JARNEVIC, Conseiller.
Greffier lors des débats : Monsieur François CHARTAUD
Greffier lors du prononcé : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
1- Par acte du 5 mars 2021, Mme X., exerçant l'activité de soins corporels, a conclu avec la société Incomm un contrat de licence d'exploitation de site internet pour une période de 4 ans moyennant le versement de 48 échéances mensuelles de 169,20 euros outre une somme de 645,60 euros de frais d'adhésion.
Le 7 avril 2021, un procès-verbal de livraison et de conformité du site internet a été signé.
Le contrat a été cédé par la société Incomm à la société Locam.
Par courriers recommandés du 15 décembre 2021, Mme X. a notifié aux sociétés Incomm et Locam sa volonté de faire valoir son droit de rétractation au titre de l'article L. 221-3 du code de la consommation et a sollicité l'anéantissement du contrat.
Par courrier du 24 décembre 2021, la société Incomm a contesté la validité de la rétractation et a informé Mme X. le 30 décembre 2021 qu'elle interrompait la mise en ligne du site internet.
Par courrier du 7 janvier 2022, la société Locam a contesté la validité de la rétractation.
Par acte du 15 février 2022, Mme X. a assigné la société Incomm et la société Locam devant le tribunal de commerce de Bordeaux pour voir déclarer le contrat anéanti par l'effet de la rétractation et condamner les sociétés Incomm et Locam à restituer respectivement à Mme X. les sommes de 645,60 euros et 983,72 euros.
2- Par jugement du 5 mai 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a :
- déclaré Mme X. irrecevable en ses demandes ;
- condamné Mme X. à payer à la société Locam SAS la somme de 8.100,40 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 décembre 2021
- condamné Mme X. à payer à la société Incomm SAS la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme X. à payer à la société Locam SAS la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme X. aux entiers dépens.
3- Par déclaration au greffe du 24 mai 2023, Mme X. a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la société Incomm et la société Locam.
Par ordonnance du 25 janvier 2024, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation de l'affaire du rôle sollicitée par la société Locam.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
4- Par dernières écritures notifiées par message électronique le 11 février 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, Mme X. demande à la cour de :
Vu les articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation
Vu l'article L. 242-1 du code de la consommation,
Vu les articles 1130 et suivants du code civil,
Vu les articles 1194 et suivants du code civil,
Vu les articles 1178, 1128, 1163, 1216, 1302, 1353 et 1359 du code civil,
Vu le Règlement général sur la protection des données personnelles,
Vu les articles 226-16 et suivants du code pénal,
- Annuler le jugement dont appel,
- ou à défaut, de l'infirmer ou de le réformer dans toutes ses dispositions et dans les limites des chefs de jugement qui lui sont déférés,
Statuant à nouveau,
- Déclarer applicables les dispositions visées par l'article L. 221-3 du code de la consommation,
A titre principal
- Déclarer toute l'opération contractuelle litigieuse anéantie par l'effet de la rétractation exercée par Mme X.,
En conséquence,
- Débouter les Sociétés Incomm et Locam - Location Automobiles Materiels de toutes leurs demandes,
- Condamner les sociétés Incomm et Locam - Location Automobiles Materiels à restituer respectivement à Mme X., la somme de 645,60 euros et la somme de 983,72 euros, avec intérêts calculés selon les modalités de l'article L.242-4 du code de la consommation, et capitalisation,
Premier niveau de subsidiarité
- Annuler toute l'opération contractuelle litigieuse notamment pour les motifs suivants :
Violation de l'obligation d'information sur le droit de rétractation,
Violation de l'obligation d'information sur le délai de livraison ou d'exécution des prestations,
Violation de l'obligation d'indiquer le total des coûts mensuels
Violation de l'obligation d'information sur les caractéristiques essentielles du site internet,
Stipulation d'obligations sans contrepartie,
Contenu indéterminé,
Erreur sur les qualités essentielles du site internet et des prestations,
En conséquence,
- Débouter les sociétés Incomm et Locam - Location Automobiles Materiels de toutes leurs demandes,
- Condamner les sociétés Incomm et Locam - Location Automobiles Materiels à restituer respectivement à Mme X., la somme de 645,60 euros et la somme de 983,72 euros, avec intérêts :
* calculés selon les modalités de l'article L.242-4 du code de la consommation à compter de l'assignation, et capitalisation, en cas de violation du code de la consommation,
* au taux légal avec capitalisation, à compter de l'assignation, en l'absence de violation du code de la consommation.
Second niveau de subsidiarité
- Prononcer la résolution rétroactive du contrat litigieux et ce, avec effet rétroactif à la date de sa conclusion,
En conséquence,
- Débouter les sociétés Incomm et Locam - Location Automobiles Materiels de toutes leurs demandes,
- Condamner les sociétés Incomm et Locam - Location Automobiles Materiels à restituer respectivement à Mme X., la somme de 645,60 euros et la somme de 983,72 euros, avec intérêts au taux légal avec capitalisation, à compter de l'assignation.
En tout état de cause
- Débouter la société Locam - Location Automobiles Materiels de toutes ses demandes et la condamner à restituer à Mme X. la somme de 983,72 euros, avec intérêts au taux légal avec capitalisation, à compter de l'assignation.
- Condamner in solidum les sociétés Incomm et Locam - Location Automobiles Materiels à verser à Mme X., la somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel, ainsi qu'aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais de constat d'huissier.
[*]
5- Par dernières écritures notifiées par message électronique le 11 mars 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Incomm demande à la cour de :
Vu les articles susvisés, vu les conditions générales
Vu le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux en date du 12 mai 2023
- Déclarer recevable et bien fondée la SAS Incomm dans l'ensemble de ses demandes fins et prétentions,
Y faisant droit,
- Confirmer le jugement du 12 mai 2023 en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- Débouter Madame X. de sa demande d'annulation du jugement du 12 mai 2023,
- Débouter Madame X. de sa demande d'infirmation du jugement du 12 mai 2023,
- Juger qu'en l'état la législation consumériste ne peut recevoir application à la présente espèce,
- Juger que le contrat n°050320XXN01 a été résilié aux torts exclusifs de Madame X.,
- Débouter Madame X. de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions à l'encontre de la société Incomm,
En toute hypothèse
- Condamner Madame X. à verser la somme de 5.000 euros à la société Incomm en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
[*]
6- Par dernières écritures notifiées par message électronique le 23 août 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Locam demande à la cour de :
Vu les articles L. 221-3, L. 221.5, L. 221.18 du code de la consommation
Vu les articles 1101, 1231.2 et suivants du code civil
Vu L'article 463 du code de procédure civile
Vu les stipulations contractuelles notamment les articles 17.1 et 17.3
- Juger Madame X. recevable mais mal fondée en son appel
- Débouter Madame X. de sa demande d'annulation du jugement du 5 mai 2023
- Débouter Madame X. de l'ensemble de ses fins et prétentions.
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 5 mai 2023
Y ajoutant,
- En tant que de besoin, prononcer formellement la résiliation du contrat du 5 mars 2021 aux torts exclusifs de Madame X. en raison de l'inexécution de ses obligations à paiement.
- Condamner Madame X. à payer à la société Locam SAS la somme de 8.100,40 euros outre intérêt au taux légal à compter du 7 décembre 2021, date de la mise en demeure.
- Condamner Madame X. à payer à la SAS Locam SAS une indemnité
de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamner Madame X. aux entiers dépens.
[*]
L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 mars 2025.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande tendant à voir annuler le jugement :
7- Au dispositif de ses conclusions notifiées le 11 février 2025, l'appelante demande à la cour d'annuler le jugement.
8- Les intimées n'ont formulé aucune observation concernant cette prétention.
Réponse de la cour :
9- Selon les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
10- En l'espèce, dans la partie discussion de ses conclusions, Mme X. n'a présenté aucun moyen au soutien de sa demande tendant à l'annulation du jugement.
Il convient en conséquence de rejeter cette demande.
Sur la demande tendant à voir constater l'anéantissement de l'opération contractuelle par l'effet de la rétractation :
Moyens des parties :
11- Se fondant sur les dispositions des articles L. 111-1, L. 221-1, L. 221-3, L. 221-5, L. 221-9, L. 221-18 du code de la consommation, Mme X. soutient que le contrat litigieux a été signé à [Localité 6] à la suite d'un démarchage physique sur son lieu de travail de sorte qu'il doit être qualifié de contrat conclu hors établissement n'entrant pas dans le champ de son activité principale, et qu'elle a pu valablement exercer son droit de rétractation par suite de l'indication erronée du point de départ de ce délai, et d'une information conditionnelle sur l'existence du droit de rétractation.
12- La société Incomm réplique que le site Internet constitue un bien nettement personnalisé, de sorte que les dispositions du code de la consommation invoquée par Mme X. ne sont pas applicables, en l'absence de soumission volontaire des parties aux droits de la consommation.
Elle soutient que l'exercice du droit de rétractation n'est pas intervenu de manière utile.
13- La société Locam fait également valoir qu'il y a lieu d'appliquer ni le code de la consommation ni en particulier la législation sur les contrats souscrits hors établissement, puisque le site créé par la société Incomm constitue un bien immatériel confectionné selon les spécifications de l'appelante, nettement personnalisé.
Réponse de la cour :
14- Il résulte des dispositions de l'article L. 221-1 I 2° a) du code de de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion du contrat, issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, que pour l'application du Titre II (Règles de formation et d'exécution de certains contrats), est considéré comme un contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.
15- Selon les dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation, les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
16- En l'espèce, il est constant que le contrat de licence d'exploitation de site Internet a été conclu le 5 mars 2021 à [Localité 6], à la suite d'un démarchage de Mme X. sur son lieu de travail par un préposé de la société Incomm, qui a son siège social à [Localité 4].
17- Il ressort de son avis de situation Insee (répertoire SIRENE - pièce 1) que Mme X. exerce une activité principale d'entretien corporel (code APE: 96.04 Z).
18- Par son objet, le contrat de licence d'exploitation de site internet est certes en rapport avec l'activité professionnelle de Mme X., puisqu'il est de nature à promouvoir ses services auprès de la clientèle potentielle, par une meilleure visibilité, mais il n'entre pas dans le champ de son activité principale.
La seule circonstance, relevée par le tribunal, que le contrat comporte un objet facilement compréhensible même par un non-professionnel de l'informatique, n'est pas de nature à écarter l'application des dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation.
19- Par ailleurs, il ressort de l'attestation délivrée le 23 décembre 2021 par l'URSSAF Midi Pyrénées que Mme X. a effectué le 1er juillet 2020 une déclaration de création de société sans personnel, et il n'est pas contesté qu'elle n'avait pas de salarié à la date de conclusion du contrat, le 5 mars 2021.
20- Il en résulte que Mme X. réunit les conditions prévues par l'article L. 221-3 du code la consommation pour bénéficier des dispositions des sections 2,3 et 6 du chapitre 1er (contrats conclus à distance et hors établissement).
21- Selon les dispositions de l'article L. 221-9 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur au 5 mars 2021, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.
Le contrat est accompagné du formulaire-type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.
22- La société Incomm et la société Incomm soutiennent, à tort, que le contrat de licence d'exploitation de site internet ne pourrait donner lieu à l'exercice du droit de rétractation, en invoquant les dispositions de l'article L. 221-28 3° du code de la consommation, selon lesquelles le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés.
23- En effet, les dispositions précitées doivent être d'interprétation stricte, dès lors qu'elles ont pour conséquence de limiter les droits octroyés à un professionnel, qui, par l'effet de la loi, se trouve assimilé à un consommateur pour l'exercice de certains droits dans le cadre d'un contrat conclu hors établissement.
24- En l'espèce, le contrat du 5 mars 2021 ne concerne pas la fourniture d'un bien, au sens de l'article 528 du code civil, à savoir un objet mobilier corporel, mais une prestation de services à savoir la conception, la création, la réalisation d'un site internet, son hébergement, son référencement et la location du site web.
L'exception prévue par l'article L. 221-28 3° du code de la consommation ne peut donc trouver à s'appliquer.
25- En toutes hypothèses, si elle estimait que le droit de rétractation n'était pas applicable à l'opération contractuelle envisagée, il incombait à la société Incomm de respecter les dispositions de l'article L. 221-5-5° du code de la consommation, et d'en aviser préalablement Mme X. de manière compréhensible, ce qui n'a pas été fait, ainsi que détaillé ci-après.
26- Il est donc incontestable que, préalablement à la conclusion du contrat de licence d'exploitation du site internet, et par application des articles L. 221-9, L. 221-5 et L.111-1 du code de la consommation, la société Incomm devait communiquer à Mme X. de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
- en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à délivrer le bien ou à exécuter le service ;
- lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
27- L'appelante fait valoir à juste titre que le contrat conclu 5 mars 2021 ne comporte pas d'information exacte et compréhensible sur les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit de rétractation.
28- Il convient en effet de rappeler que l'exercice du droit de rétractation doit seulement répondre aux conditions prévues par l'article L. 221-21 du code de la consommation selon lequel le consommateur exerce son droit de rétractation en informant le professionnel de sa décision de se rétracter par l'envoi, avant l'expiration du délai prévu à l'article L. 221-18, du formulaire de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5 ou de toute autre déclaration, dénuée d'ambiguïté, exprimant sa volonté de se rétracter.
29 - En l'espèce, l'article 17.1 des conditions générales stipule : « sous réserve que le contrat entre dans le cadre de l'application des articles L. 121-20-12 et suivants du code de la consommation, notamment lorsque l'effectif du partenaire est inférieur ou égal à cinq, celui-ci dispose d'un délai de quatorze jours calendaires à compter de la signature du présent contrat pour exercer s'il le souhaite son droit de rétractation. Si le partenaire souhaite se rétracter, il lui appartient de notifier sa décision au fournisseur par tout moyen, le cas échéant au moyen du bordereau de rétractation ci-dessous, au plus tard le quatorzième jour suivant la signature du contrat, et de joindre un document officiel type récépissé DADSU de l'année en cours, justifiant l'effectif de son entreprise au jour de signature du contrat, étant entendu que la charge de la preuve de l'exercice du droit de rétractation dans les conditions légales pèse sur le partenaire. (...) À défaut d'exercice par le partenaire de la faculté légale de rétractation ou si la demande de rétractation ne respecte pas les conditions exposées ci-dessus (souligné par la cour) et en cas de résiliation à l'initiative du partenaire avant la signature du procès-verbal de livraison du site Internet, le partenaire versera au fournisseur une indemnité égale à 40 % de la totalité des échéances dues en vertu du contrat. »
30- Il sera relevé en premier lieu que la référence faite à l'article L.121-20-12 du code de la consommation est erronée, puisque cet article n'existait pas à la date du contrat, le 5 mars 2021, de sorte que Mme X. n'était pas en mesure de saisir, à la lecture de la clause, si sa situation lui permettait ou non d'exercer le droit de rétractation. Les dispositions d'ordre public du code de la consommation applicables en matière d'exercice du droit de rétractation n'étaient pas rappelées, ni leur contenu.
31- Par ailleurs, la rédaction ambiguë de l'article 17.1 précitée, et la formulation soulignée par la cour au paragraphe 23, laisse à penser que pour être régulier et éviter au contractant le paiement d'une indemnité de 40 % du montant des échéances, le droit de rétractation doit obligatoirement s'accompagner de l'envoi concomitant d'un justificatif concernant l'effectif de l'entreprise.
32- Il en résulte que l'information donnée à Mme X. sur les conditions d'exercice du droit de rétractation, avant qu'elle s'engage par signature du contrat le 5 mars 2021, n'était pas compréhensible.
La clause figurant en page 1 du contrat (Information précontractuelle), par laquelle Mme X. reconnaît avoir reçu du fournisseur avant la signature du contrat les informations prévues par les articles L. 111-1 et L. 221-5 du code de la consommation constitue seulement un indice qu'il incombait à la société Incomm de corroborer par plusieurs éléments complémentaires, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, au regard des circonstances précédemment rappelées.
33- Dès lors que les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation ne lui ont donc pas été fournies dans les conditions prévues à l'article L. 221-5 7° du code de la consommation, Mme X. était fondée, par application de l'article L. 221-20 alinéa 1er du même code, à notifier aux société Incomm et Locam l'exercice de ce droit de rétractation par l'intermédiaire de son conseil, ce qui a été fait de manière claire et exprès en page 2/3 des deux lettres recommandées avec accusé de réception du 15 décembre 2021, reçues respectivement le 20 décembre 2021 par Incomm et le 21 décembre 2021 par Locam. En effet, le délai de rétractation se trouvait ainsi prolongé de 12 mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, tel que déterminé conformément à l'article L. 221-18.
34- En application des articles L. 221-24 et L. 221-27 du code de la consommation, l'exercice régulier du droit de rétractation par Mme X. a mis fin aux obligations des parties d'exécuter le contrat, et les professionnels ont l'obligation de rembourser les sommes reçues.
35- Il convient donc d'infirmer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, de condamner :
-la société Incomm à restituer la somme de 645.60 euros (au titre des frais d'adésion ou de mise en ligne TTC stipulés en page 1 du contrat du 5 mars 2021),
-et la société Locam à restituer la somme de 983.72 euros au titre des prélèvements opérés.
36- Dès lors que ces sommes n'ont pas été restituées dans le délai de 14 jours, elles produisent intérêt au taux légal majoré, dans les conditions prévues par l'article L. 242-4 du code de la consommation, et avec capitalisation par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
37- La société Locam, agisssant en qualité de cessionnaire, n'est pas fondée à solliciter paiement de sommes au titre du contrat dès lors que celui-ci se trouve anéanti du fait de l'exercice du droit de rétractation.
Elle sera donc déboutée de toutes ses demandes.
38- Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires :
39- Echouant toutes deux en leurs prétentions, aux termes de l'instance, la société Incomm et la société Locam seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel et supporteront leurs frais irrépétibles.
Il est équitable d'allouer à Mme X. une indemnité de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Rejette la demande formée par Mme X., tendant à voir prononcer la nullité du jugement,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 5 mai 2023,
Statuant à nouveau,
Dit que le contrat de licence d'exploitation de site Internet conclu le 5 mars 2021 entre Mme X. et la société Incomm, cédé ensuite à la société Locam, s'est trouvé anéanti par l'exercice du droit de rétractation par Mme X.,
Condamne en conséquence la société Incomm à restituer à Mme X. la somme de 645.60 euros,
Condamne la société Locam à restituer à Mme X. la somme de 983.72 euros au titre des loyers,
Dit que ces condamnations produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt, dans les conditions prévues par l'article L.242-4 du code de la consommation, avec capitalisation par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
Rejette le surplus des demandes de Mme X.,
Déboute la société Incomm et la société Locam de l'ensemble de leurs demandes,
Condamne in solidum la société Incomm et la société Locam aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne in solidum la société Incomm et la société Locam à payer à Mme X. la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président