CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 26 juin 2025
- TJ Aix-en-Provence (Jex), 20 janvier 2025 : RG n° 24/00526
CERCLAB - DOCUMENT N° 24098
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 26 juin 2025 : RG n° 25/01671 ; arrêt n° 2025/281
Publication : Judilibre
Extrait : « Mme Y. soutient que le premier juge ne pouvait pas écarter les dispositions protectrices du code de la consommation alors que seul M. Y. était inscrit au RCS à titre de loueur professionnel, qu'il pouvait donc librement exercer cette activité sur des biens propres, sans que cela interfère sur sa situation personnelle et que l'opération s'est inscrite dans le cadre juridique de la Location Meublée Non Professionnelle. La jurisprudence de la CJUE et de la Cour de cassation concernant les clauses abusives applicable aux consommateurs doivent donc trouver à s'appliquer.
Le CIFD affirme que ni le code de la consommation ni les jurisprudences citées ne peuvent s'appliquer au cas d'espèce, les emprunteurs devant être considérés comme des professionnels.
L'article L. 132-1du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose : « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». L'article L. 312-3 du Code de la consommation, dans sa version applicable au litige, énonce que : « Sont exclus du champ d'application du présent chapitre (relatif au crédit immobilier) : 2° Ceux (les crédits) destinés, sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d'immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance. [...] ».
Il est de jurisprudence constante que l'appréciation de la qualité professionnelle de l'emprunteur s'apprécie au regard de la finalité de l'opération financée, sans prise en compte de la compétence de la personne concernée.
L'offre de prêt rédigée et préalablement acceptée par les emprunteurs en date du 15 février 2002, annexée à l'acte notarié, fait référence sous le titre «'offre de prêt immobilier à taux révisable », à l'article L. 312-1 et suivant du code de la consommation.
L'acte de prêt notarié établi le 17 avril 2002 ne fait pas référence au code de la consommation. La Cour de cassation juge que « la référence dans l'acte de prêt aux seules dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation dont il ne peut s'induire une soumission volontaire à toutes les dispositions de ce code, n'a pas pour effet de modifier la qualité de l'emprunteur et la nature du prêt.» (Civ. 1ère, 23 janvier 2019, pourvois n° 17-23.919, 17-23.920, 17-23.921 et 17-23.922)
L'acte précise qu'il s'agit de l'acquisition d'un appartement en VEFA à usage locatif, situé à [Localité 8]. Il s'avère que les emprunteurs ont acquis huit biens immobiliers destinés à la location, le lot litigieux devant faire l'objet d'un bail commercial à intervenir avec une promesse de délégation de loyers. Le prêt en cause s'inscrivait donc dans le cadre d'une opération destinée à l'acquisition de plusieurs lots distincts à des fins locatives. M. Y. et Mme X. déclaraient dans la fiche de renseignements bancaires, versée au débat par le CIFD en pièce 18, que ce prêt s'inscrivait dans le cadre juridique de la Location Meublée Non Professionnelle (LMNP), ce qui était contraire à l'inscription au RCS de M. Y. en qualité de loueur en meublé professionnel. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'emprunteur étant présumé de bonne foi, la Cour de cassation juge que « sauf anomalie apparente, la banque n'est pas tenue de vérifier l'exactitude des éléments déclarés par l'emprunteur dans la fiche de renseignement » (Cass., Com., 4 juillet 2018, pourvoi n° 17-13128). Au vu de la copie exécutoire de l'acte notarié de prêt que M. Y. exerçait en qualité de médecin et que Mme X. était salariée, dans les faits, M. Y., médecin, était également inscrit au RCS au titre d'une activité de loueur en meublé professionnel depuis le 1er juin 2002 et disposait d'un code APE au titre de location de terrains et d'autres biens immobiliers.
Il sera retenu que le prêt a été souscrit par les deux conjoints en qualité d'emprunteurs solidaires, pour l'achat d'un bien en pleine propriété. Mme X. poursuivait le même but que son conjoint ; si bien que même si elle n'était pas inscrite au RCS, elle doit être qualifiée de professionnelle. De ce qui précède, il sera dit que l'activité doit être qualifiée d'activité professionnelle, accessoire à l'activité principale de médecin de M. Y. et de salariée de Mme X. Le crédit ayant été souscrit pour financer une activité professionnelle accessoire, il se trouve exclu du champ d'application du code de la consommation et la jurisprudence de la CJUE et de la Cour de cassation sur les clauses abusives ne peuvent pas s'appliquer. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-9
ARRÊT DU 26 JUIN 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 25/01671. Arrêt n° 2025/281. N° Portalis DBVB-V-B7J-BOLPQ. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution d’Aix-en-Provence en date du 20 Janvier 2025 enregistré au répertoire général sous le n° 24/00526.
APPELANTS :
Madame X. divorcée Y.
née le [Date naissance 2] à [Localité 13], de nationalité Française, demeurant [Adresse 5], représentée par Maître Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Maître Françoise BOULAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Maître Éric FUMAT de la SCP BONIFACE-HORDOT-FUMAT-MALLON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
Monsieur Y.
né le [Date naissance 1] à [Localité 13], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3], représenté par Maître Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Maître Françoise BOULAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Maître Fabienne CHANUT-FORNASIER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMÉE :
SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD)
immatriculée au RCS de [Localité 12] sous le numéro XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 4], venant aux droits de CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHÔNE ALPES AUVERGNE (CIFRAA), SA inscrite au RCS de [Localité 10] sous le n° 391 563 939 dont le siège social est [Adresse 6], suite à fusion par absorption selon déclaration de régularité et de conformité constatant la réalisation définitive de la fusion en date du 1er juin 2015, elle-même venant aux droits de CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIÈRE RHÔNE AIN (CIFFRA) suite à fusion par absorption selon procès-verbal d'AGE et d'AGO en date du 24 décembre 2007. Assigné à jour fixe le 7 avril 2025, à personne habilitée, représentée et plaidant par Maître Delphine DURANCEAU de la SELARL DURANCEAU PARTENAIRES & ASSOCIÉS, avocat au barreau de GRASSE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 21 mai 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Cécile YOUL-PAILHES, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 juin 2025.
ARRÊT : Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Juin 2025,
Signé par Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. Y. et Mme X., divorcée Y., pour acquérir trois appartements, l'un à [Localité 8] et deux autres à [Localité 9], ont souscrits deux prêts, l'un en date du 17 avril 2022 d'un montant de 164.500 euros et l'autre en date du 5 janvier 2024 d'un montant de 414.356 euros, souscrits auprès du Crédit Immobilier de France Développement (ci-après CIFD).
Cette affaire s'inscrit dans le contexte judiciaire de l'affaire Apollonia.
En garantie des sommes prêtées, la banque a bénéficié d'une inscription d'hypothèque conventionnelle et de privilège de préteur de deniers.
En raison de diverses échéances impayées à compter de fin 2011, le CIFD a mis en demeure ses débiteurs de régulariser la situation, et faute de réaction, s'est prévalu de la déchéance du terme.
Se prévalant de l'acte authentique de prêt du 17 avril 2022, il a initié une procédure de saisie immobilière à l'encontre de M. Y. et Mme X., en vertu d'un commandement de saisie immobilière délivré le 16 octobre 2023, sur l'appartement en cours d'édification situé à [Localité 8].
Le créancier poursuivant a assigné les débiteurs le 29 janvier 2024 à l'audience d'orientation.
Par jugement en date du 20 janvier 2025, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a, notamment :
- Débouté Mme X. de ses demandes tendant à voir :
* Prononcer la nullité du commandement de payer du 16 octobre 2023 et ordonner la mainlevée de la saisie immobilière,
* Déclarer prescrite la créance du CIFD à l'encontre des débiteurs et prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière qui lui a été délivré, ainsi que d'ordonner la mainlevée de la saisie immobilière,
* Prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie à son encontre et ordonner la mainlevée de la saisie immobilière,
- Débouté M. Y. de ses demandes tendant aux mêmes fins,
- Validé la procédure de saisie immobilière,
- Fixé la créance du CIFD à la somme totale de 213 402,75 euros provisoirement arrêtée au 16 janvier 2024, outre intérêts de retard postérieurs au taux contractuel de 5,35% à compter du 16 janvier 2024 et jusqu'à parfait règlement sans préjudice de tous autres dus, notamment des frais judiciaires et de ceux d'exécution,
- Débouté Mme X. et M. Y. de leurs demandes reconventionnelles de dommages et intérêts,
- Ordonné la vente aux enchères publiques de l'immeuble saisi selon les modalités sur cahier des conditions de vente et sur la mise à prix fixée par le créancier,
- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- Dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.
Vu la déclaration d'appel de M. Y. et Mme X. en date du 11 février 2025,
Par ordonnance du 20 février 2025, M. Y. et Mme X. ont été autorisés à assigner à jour fixe le CIFD, et la copie de l'assignation délivrée à cette fin a été remise au greffe avant la date fixée pour l'audience, conformément aux dispositions de l'article 922 alinéa 2 du code de procédure civile.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 19 février 2025, M. Y., en présence de Mme X., demande à la cour d'appel de :
- Le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
Y faisant droit,
- Réformer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et à titre principal,
- Prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière du 16 octobre 2023,
A titre subsidiaire,
- Déclarer prescrite la créance du CIFD à leur encontre,
En tout état de cause,
- Ordonner la mainlevée de la saisie immobilière pratiquée sur leur propriété située à [Localité 8],
- Débouter le CIFD de l'ensemble de ses demandes,
- Condamner le CIFD à lui régler la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice que les saisies lui ont causé,
- Condamner le CIFD à lui régler la somme de 5.000 euros à titre de participation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
[*]
Au vu de ses dernières conclusions en date du 19 février 2025, Mme X., en présence de M. Y., sollicite qu'il plaise à la cour d'appel de :
- La déclarer recevable et bien fondée en son appel,
Y faisant droit,
- Réformer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et à titre principal,
- Prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière du 16 octobre 2023,
A titre subsidiaire,
- Déclarer prescrite la créance du CIFD à leur encontre,
En tout état de cause,
- Ordonner la mainlevée de la saisie immobilière pratiquée sur leur propriété située à [Localité 8],
- Débouter le CIFD de l'ensemble de ses demandes,
- Condamner le CIFD à lui régler la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice que les saisies lui ont causé,
- Condamner le CIFD à lui régler la somme de 5.000 euros à titre de participation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Le condamner aux entiers dépens de l'instance.
Les deux appelants soutiennent que le commandement délivré n'est pas conforme aux dispositions de l'article R.321-3 du code des procédures civiles d'exécution aux motifs que le décompte des intérêts échus est arrêté au 13 juillet 2023 alors que le commandement a été délivré 3 mois plus tard, le 16 octobre 2023 et que les frais de procédure n'ont fait l'objet d'aucune évaluation, ce poste se contentant de porter la mention « mémoire » pour ce poste.
Subsidiairement, ils font valoir que la créance du CIFD est prescrite.
En effet, ils indiquent que le premier incident de paiement des deux contrats de prêt remonte au 12 juillet 2013, date à laquelle le CIFD a prononcé la déchéance du terme. Plus de deux ans se sont écoulés depuis ce premier incident et avant qu'il ne réclame les sommes.
Au surplus, les appelants rappellent que, par exploit en date du 12 mai 2009, tous les protagonistes de cette affaire, dont le CIFD, ont été assignés devant le Tribunal Judiciaire de Marseille. Cette procédure a fait l'objet d'un sursis à statuer dans l'attente du traitement du dossier pénal, une plainte, qui fait l'objet d'un pourvoi en cassation formé contre l'ordonnance de règlement du juge d'instruction, ayant été déposée devant le Doyen des Juges d'instructions de [Localité 11] pour escroquerie, faux et usage et faux, tromperie, pratiques commerciales agressives, démarches bancaires et financiers illicites, exercice illégal de l'activité d'intermédiaire en opérations de banque. Malgré ce, elle constate que le CIFD multiplie les mesures d'exécution forcée.
A titre infiniment subsidiaire, ils sollicitent l'application des dispositions du code de la consommation, et notamment de l'article L.218-1 du Code de la consommation qui dispose : « L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »
M. Y. fait valoir que le seul élément qui permettrait de relier l'opération réalisée à une activité de loueur de meublé professionnel est le code APE, lequel n'a aucune valeur juridique. Par ailleurs les offres des 7 février 2022 et 3 juin 2023 font état de l'acquisition de logement à usage locatif en Vente en l'Etat Futur d'Achèvement (VEFA) et reproduisent les dispositions du code de la consommation applicables à la souscription d'un bien immobilier par des particuliers.
Mme X. ajoute pour sa part que M. Y. était inscrit au registre du commerce et des sociétés au titre de loueur professionnel et qu'il était parfaitement libre de gérer d'éventuels biens immobiliers qui lui étaient propres dans le cadre de cette activité, sans que cela vienne impacter sa situation personnelle.
Elle s'étonne de ce que le premier juge ait retenu que M. Y. exerçait une activité professionnelle alors que l'acquisition des lots en cause s'inscrivait dans le cadre juridique de la Location Meublée Non Professionnelle (LMNP)
Ainsi, alors qu'il n'est pas établi que l'acquisition s'est faite à l'occasion d'une activité professionnelle, il y a lieu de faire application du code de la consommation et de la jurisprudence de la CJUE et de la Cour de cassation qui jugent qu'une clause qui prévoit une déchéance du terme sans mise en demeure préalable est abusive et doit être considérée comme non écrite.
En l'espèce, la clause de déchéance du terme du prêt de 164 500 € est ainsi libellée :
« Article 8 EXIGIBILITE ANTICIPEE’DEFAILLANCE DE L'EMPRUNTEUR’SANCTION
A’Le contrat de prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement et intégralement exigibles sans qu'il soit besoin d'autre formalité qu'une simple notification faite à l'emprunteur, par lettre recommandée avec avis de réception, l'emprunteur ne pouvant opposer aucune exception, pas même celle du paiement des intérêts échus, dans l'un ou l'autre des cas suivants :
'
e) au gré du prêteur quel que soit le type de prêt
'
- à défaut de paiement de tout ou partie des échéances à leur date ou de toutes sommes avancées par le prêteur. »
Le CIFD, suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 12 juillet 2013, a prononcé la déchéance du terme sans mise en demeure préalable en application de la clause précitée, laquelle se trouvant insérée dans un contrat d'adhésion crée nécessairement un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et doit, en application de l'article 1171 du Code Civil être déclarée non écrite. La déchéance du terme n'étant pas valablement intervenue, la créance constatée dans les actes notariés, support de saisies querellées, n'est pas exigible. Les saisies pratiquées doivent en conséquence être annulées.
Enfin, elle demande la condamnation de la banque à lui régler la somme de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que les saisies lui ont causé.
[*]
Au vu de ses dernières conclusions en date du 1er avril 2025, le CIFD demande à la cour d'appel de ;
Vu les articles L.311-2 et suivants, R.311-10, R.321-3, R.322-4 322-15 à R.322-29 du code des procédures civiles d'exécution, 114, 699 et 700 du code de procédure civile, L.312-3 ancien et suivants du code de la consommation,
- Confirmer le jugement d'orientation du 20 janvier 2025 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
En conséquence,
- Débouter M. Y. et Mme X. de l'ensemble de leurs demandes et contestations,
- Juger la présente procédure de saisie immobilière régulière,
- Fixer la créance du CIFD à la somme globale sauf mémoire de 221 007,98 euros actualisée et arrêtée au 31 mars 2025, outre les intérêts au taux contractuel de 5,35 % postérieurs jusqu'au parfait paiement ; sans préjudice de tous autres frais de procédure et ceux d'exécution,
Y ajoutant,
- Condamner in solidum M. Y. et Mme X. au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des frais de procédure,
- Condamner in solidum M. Y. et Mme X. aux dépens de l'incident qui n'entrent pas dans l'état des frais de saisie immobilière et qui seront payés par priorité dans la distribution du prix.
Il rétorque que le décompte litigieux de créance figurant dans le commandement, détaille le principal, les frais, ainsi que les intérêts échus, appliquant le taux d'intérêt conventionnel. Il ajoute que les mentions prévues à l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution sont toutes prescrites à peine de nullité, à l'exception du montant de la créance. De plus, lors de la délivrance de l'assignation à l'audience d'orientation le 29 janvier 2024, il communiquait un décompte actualisé à la date du 16 janvier 2024, ce qui est venu couvrir la prétendue irrégularité excipée. Sur l'indemnité d'exigibilité, il prétend en justifier, celle-ci étant calculée sur l'assiette du capital restant dû à la date de déchéance du terme et prévue au contrat de prêt. Sur les frais de procédure, il fait valoir qu'aucune somme à ce titre n'est intégrée au décompte.
Sur la prétendue prescription de son action en paiement, il rétorque que le 14 octobre 2013, il a formulé une demande reconventionnelle en paiement dans le cadre de l'action en responsabilité engagée par les emprunteurs, interrompant ainsi la prescription de l'action en exécution de l'acte notarié.
Sur la demande de mainlevée des appelants, il rappelle que le premier juge a estimé que les dispositions invoquées étaient inapplicables en l'espèce, et estime qu'elle ne pouvait pas savoir en émettant les offres de prêt, que les biens étaient acquis dans les perspectives d'une activité professionnelle, dont l'appréciation dépend de l'importance et du nombre d'emprunts contractés et de l'inscription au registre du commerce et des sociétés en tant que loueur en meublé.
Sur la demande de dommages et intérêts des appelants, elle répond que les appelants ne démontrent pas la disproportionnalité de la saisie opérée par rapport au montant de la dette, et ne caractérise pas une quelconque faute imputable à son égard.
[*]
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le moyen tiré de la nullité du commandement de payer valant saisie :
Selon les dispositions de l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, le commandement de payer valant saisie comporte, à peine de nullité, le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux d'intérêts moratoires.
Ces mentions ont une valeur informative, avec pour finalité de permettre aux débiteurs de vérifier le montant exact de leur dette, en principal et intérêts au jour des poursuites, et éventuellement de s'en acquitter. Le montant de la créance réellement exigible n'affecte pas le principe de la dette qui doit seulement, à ce stade de la procédure de saisie immobilière, autoriser le recours à une procédure d'exécution, résultant d'un titre exécutoire et d'une créance liquide et exigible. La fixation du montant de la créance est justement l'un des objets de l'audience d'orientation.
En l'espèce, il résulte de la lecture du décompte critiqué joint au commandement de payer valant saisie que le principal y est indiqué, les intérêts ont été calculés conformément au contrat à hauteur de 5,35 % du 13 juillet 2013 au 26 juin 2023, et que l'indemnité d'exigibilité de 7 % prévue au contrat a été appliquée.
Il sera en outre constaté que Mme X. fait reproche à ce décompte de ne pas fixer le montant du au titre des frais de procédure alors qu'aucune somme à ce titre ne lui est réclamée, selon la mention «'Mémoire'».
L'intimé justifie par ailleurs avoir communiqué avant l'audience d'orientation fixée au 29 janvier 2024, un nouveau décompte actualisé au 16 janvier 2024, lequel ne fait l'objet d'aucune critique de la part de l'appelante, qui a toutefois permis au juge de l'exécution de fixer la créance à hauteur de 213 402,75 €.
Le moyen est en conséquence en voie de rejet.
Sur le moyen tiré de la prescription de la créance du CIFD :
L'article122 du code de procédure civile énonce : « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d'intérêt la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article L. 111-3 du code de procédure civile dispose : « Seuls constituent des titres exécutoires :
1° les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire. »
[…]
4° les actes notariés revêtus de la formule exécutoire, ».
L'article L.111-4 du code précité dispose que seule l'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3 ° de l'article L.1 1 1-3 peut être poursuivie pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
Il s'en déduit que le délai de prescription applicable aux actes notariés revêtus de la formule exécutoire, mentionnés au 4° de l'article L. 111-3 du code précité, n'est pas de dix ans mais est déterminé par la nature de la créance qu'ils constatent. En l'espèce, il s'agit d'un contrat de prêt.
Selon les dispositions de l'article L. 218-1 du code de la consommation, « l'action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »
Par application des articles 2241 et 2242 du code civil, il est jugé qu'une demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription et que cette interruption produit ses effets jusqu'à extinction de l'instance.
Les parties s'accordent pour dire que le point de départ du délai de prescription se situe au 12 juillet 2013, date du prononcé de la déchéance du terme.
Mme Y. fait valoir qu'en l'absence de tout acte interruptif de prescription, l'action en recouvrement de créance du CIFD fondée sur la copie exécutoire du contrat de prêt est prescrite.
Le CIFD, se fondant sur les dispositions des articles 2241 du code civil et 2242 du code civil, répond qu'en formulant une demande reconventionnelle en paiement le 14 octobre 2013 dans le cadre de l'action en responsabilité engagée par les emprunteurs, le délai de prescription a été valablement interrompu.
Il sera en effet constaté que le CIFD a, le 14 octobre 2013, fait valoir des conclusions devant le tribunal de grande instance de Marseille, aux termes desquelles il formulait reconventionnellement, dans le cadre de l'action en responsabilité initiée par Mme X. et M. Y., une demande en paiement des sommes dues au titre de l'exécution de l'acte de prêt notarié du 17 avril 2002.
Cette demande reconventionnelle en justice avait pour objet d'obtenir un jugement de condamnation sur la même créance, que celle fondée sur l'acte notarié, et lui permettait, notamment, de purger les éventuelles contestations sur la validité de l'acte notarié et de bénéficier d'un délai de prescription plus long.
La demande en justice du CIFD a la même cause que la procédure de saisie immobilière contestée et fondée sur le commandement de payer valant saisie délivré le 16 octobre 2023.
L'intention du créancier d'obtenir l'exécution effective de son droit à remboursement des sommes prêtées est ainsi établie, la demande reconventionnelle en paiement et la procédure de saisie immobilière ayant la même finalité, à savoir le recouvrement des sommes dues par les emprunteurs à la suite de la déchéance du terme qui a mis fin à la relation contractuelle.
Il importe peu en outre que la demande reconventionnelle ait été présentée dans le cadre d'une instance qui a fait l'objet d'un sursis à statuer ordonné le 13 décembre 2013, dès lors que cette instance n'est pas éteinte.
La fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en recouvrement, en l'absence d'acte interruptif, est en voie de rejet.
Sur le moyen tiré de l'absence d'exigibilité de la créance :
Mme Y. soutient que le premier juge ne pouvait pas écarter les dispositions protectrices du code de la consommation alors que seul M. Y. était inscrit au RCS à titre de loueur professionnel, qu'il pouvait donc librement exercer cette activité sur des biens propres, sans que cela interfère sur sa situation personnelle et que l'opération s'est inscrite dans le cadre juridique de la Location Meublée Non Professionnelle.
La jurisprudence de la CJUE et de la Cour de cassation concernant les clauses abusives applicable aux consommateurs doivent donc trouver à s'appliquer.
Le CIFD affirme que ni le code de la consommation ni les jurisprudences citées ne peuvent s'appliquer au cas d'espèce, les emprunteurs devant être considérés comme des professionnels.
L'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose : « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
L'article L. 312-3 du Code de la consommation, dans sa version applicable au litige, énonce que : « Sont exclus du champ d'application du présent chapitre (relatif au crédit immobilier) :
2° Ceux (les crédits) destinés, sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d'immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance. [...] »
Il est de jurisprudence constante que l'appréciation de la qualité professionnelle de l'emprunteur s'apprécie au regard de la finalité de l'opération financée, sans prise en compte de la compétence de la personne concernée.
L'offre de prêt rédigée et préalablement acceptée par les emprunteurs en date du 15 février 2002, annexée à l'acte notarié, fait référence sous le titre «'offre de prêt immobilier à taux révisable'», à l'article L. 312-1 et suivant du code de la consommation.
L'acte de prêt notarié établi le 17 avril 2002 ne fait pas référence au code de la consommation.
La Cour de cassation juge que « la référence dans l'acte de prêt aux seules dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation dont il ne peut s'induire une soumission volontaire à toutes les dispositions de ce code, n'a pas pour effet de modifier la qualité de l'emprunteur et la nature du prêt.» (Civ. 1ère, 23 janvier 2019, pourvois n° 17-23.919, 17-23.920, 17-23.921 et 17-23.922)
L'acte précise qu'il s'agit de l'acquisition d'un appartement en VEFA à usage locatif, situé à [Localité 8]. Il s'avère que les emprunteurs ont acquis huit biens immobiliers destinés à la location, le lot litigieux devant faire l'objet d'un bail commercial à intervenir avec une promesse de délégation de loyers. Le prêt en cause s'inscrivait donc dans le cadre d'une opération destinée à l'acquisition de plusieurs lots distincts à des fins locatives.
M. Y. et Mme X. déclaraient dans la fiche de renseignements bancaires, versée au débat par le CIFD en pièce 18, que ce prêt s'inscrivait dans le cadre juridique de la Location Meublée Non Professionnelle (LMNP), ce qui était contraire à l'inscription au RCS de M. Y. en qualité de loueur en meublé professionnel. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'emprunteur étant présumé de bonne foi, la Cour de cassation juge que « sauf anomalie apparente, la banque n'est pas tenue de vérifier l'exactitude des éléments déclarés par l'emprunteur dans la fiche de renseignement » (Cass., Com., 4 juillet 2018, pourvoi n° 17-13128). Au vu de la copie exécutoire de l'acte notarié de prêt que M. Y. exerçait en qualité de médecin et que Mme X. était salariée, dans les faits, M. Y., médecin, était également inscrit au RCS au titre d'une activité de loueur en meublé professionnel depuis le 1er juin 2002 et disposait d'un code APE au titre de location de terrains et d'autres biens immobiliers.
Il sera retenu que le prêt a été souscrit par les deux conjoints en qualité d'emprunteurs solidaires, pour l'achat d'un bien en pleine propriété. Mme X. poursuivait le même but que son conjoint ; si bien que même si elle n'était pas inscrite au RCS, elle doit être qualifiée de professionnelle.
De ce qui précède, il sera dit que l'activité doit être qualifiée d'activité professionnelle, accessoire à l'activité principale de médecin de M. Y. et de salariée de Mme X.
Le crédit ayant été souscrit pour financer une activité professionnelle accessoire, il se trouve exclu du champ d'application du code de la consommation et la jurisprudence de la CJUE et de la Cour de cassation sur les clauses abusives ne peuvent pas s'appliquer.
Sur la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi :
En l'état de la confirmation du jugement entrepris, Mme X. ne saurait être reçue en sa demande de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la procédure de saisie entreprise.
Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires :
Succombant à l'action, en application de l'article 696 du code de procédure civile, Mme X. et M. Y. seront condamnés aux entiers dépens d'appel, outre le paiement de la somme de quatre mille euros (4.000 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour d'appel, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE in solidum M. Y. et Mme X. à payer à la société Crédit Immobilier de France Développement la somme de quatre mille euros (4.000 €) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNE in solidum M. Y. et Mme X. aux entiers dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE