CA AMIENS (1re ch. civ.), 20 mai 2025
- TJ Saint-Quentin, 26 octobre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 24100
CA AMIENS (1re ch. civ.), 20 mai 2025 : RG n° 23/04849
Publication : Judilibre
Extrait : « Aux termes de l'article L. 121-1 du code des assurances, l'assurance relative aux biens est un contrat d'indemnité ; l'indemnité due par l'assureur à l'assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre. Il peut être stipulé que l'assuré reste obligatoirement son propre assureur pour une somme, ou une quotité déterminée, ou qu'il supporte une déduction fixée d'avance sur l'indemnité du sinistre. Aux termes de l'article L. 122-1 du code des assurances, l'assureur contre l'incendie répond de tous dommages causés par conflagration, embrasement ou simple combustion. Toutefois, il ne répond pas, sauf convention contraire, de ceux occasionnés par la seule action de la chaleur ou par le contact direct et immédiat du feu ou d'une substance incandescente s'il n'y a eu ni incendie, ni commencement d'incendie susceptible de dégénérer en incendie véritable. Aux termes de l'article L. 113-5 du code des assurances, lors de la réalisation du risque ou à l'échéance du contrat, l'assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat et ne peut être tenu au-delà.
Aux termes de l'article 1171 du code civil, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
Les stipulations du contrat litigieux ont été précédemment rappelées. Contrairement à ce que plaide la société GPI 3, elles ne mettent en évidence aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, étant observé que la société GPI 3 n'est pas un consommateur mais une société civile immobilière, professionnelle de l'immobilier. Ces stipulations claires et précises permettent en réalité à l'assuré d'opter, en toute connaissance des limites de garanties afférentes à la formule d'assurance qu'il a choisie, entre la reconstruction et la non reconstruction de son immeuble. Il lui est ainsi loisible de choisir de ne pas reconstruire si le coût des travaux excède ses capacités de financement. Il n'en résulte alors aucune perte pour lui, puisque l'indemnité versée est égale à la valeur vénale du bâtiment au jour du sinistre, à laquelle s'ajoutent les frais réels de démolition et déblais, déduction faite de la valeur du terrain nu dont il reste propriétaire. Le moyen est inopérant. »
2/ « S'il est constant qu'un professionnel doit renseigner son client profane et le conseiller en fonction de ses besoins, et qu'un assureur doit lui fournir tous les éléments lui permettant d'apprécier les caractéristiques des contrats proposés, c'est à bon droit que la société Sada assurances oppose à la société GPI 3 qu'elle n'était tenue d'un devoir de conseil à son égard qu'à l'occasion de la souscription de son contrat d'assurances, et non lors de la réalisation du sinistre. Il appartenait à la seule assurée d'opter pour la reconstruction ou la non-reconstruction de son bien, le contrat étant parfaitement clair sur les indemnités à percevoir dans chacun de ces cas de figure, rien dans les éléments versés aux débats et l'argumentaire de la société GPI 3 ne mettant en évidence que les garanties souscrites n'étaient pas adaptées aux risques à couvrir. C'est avec pertinence que la société Sada assurances rappelle que la société GPI 3 a été assistée d'un expert tout au long de la procédure d'évaluation des dommages subis. Le moyen est inopérant. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 20 MAI 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/04849. N° Portalis DBV4-V-B7H-I5YA. Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT-QUENTIN DU VINGT SIX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SCI GPI 3
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 6], [Localité 1], Représentée par Maître Philippe VIGNON de la SCP PHILIPPE VIGNON-MARC STALIN, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
ET :
INTIMÉES :
SA BNP PARIBAS
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2], [Localité 7], Représentée par Maître Emilie DENYS substituant Maître Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocats au barreau d'AMIENS
Société SADA ASSURANCES
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 5], [Localité 3], Représentée par Maître Nathalie CARPENTIER de la SCP ANAJURIS, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN, Plaidant par Maître Anne-Claire PICHEREAU de la SELARL NERAUDAU AVOCAT, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ : L'affaire est venue à l'audience publique du 18 mars 2025 devant la cour composée de Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre, Présidente, Mme Anne BEAUVAIS et Mme Emilie DES ROBERT, Conseillères, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi. A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
Sur le rapport de Mme Emilie DES ROBERT et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 20 mai 2025, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ : Le 20 mai 2025, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Par acte notarié du 31 janvier 2012, la SCI GPI 3 a acquis un immeuble d'habitation, composé de douze appartements, situé à [Adresse 4], au prix de 180.000 euros.
Par acte notarié du même jour, la société GPI 3 a contracté, auprès de la société BNP Paribas, un prêt de 380.000 euros, initialement remboursable en 180 mensualités de 2.843,30 euros, se décomposant en deux tranches :
- une tranche « prêt » de 180.000 euros, destinée au règlement du prix d'acquisition ;
- une tranche « ouverture de crédit » de 200.000 euros, destinée au financement de travaux, laquelle a été utilisée à hauteur de 178 192,50 euros.
L'immeuble était assuré auprès de la société Sada assurances, par un contrat multirisques habitation « propriétaire bailleur « formule Logibase ».
Dans la nuit du 29 au 30 novembre 2015, il a été gravement endommagé à la suite d'un incendie, et le 1er décembre 2015, le maire de [Localité 8] a pris un arrêté de péril interdisant son accès, ce qui a mis fin à l'ensemble des baux en cours.
Les provisions versées par la société Sada assurances s'étant avérées insuffisantes pour financer l'intégralité des travaux de reconstruction, par acte du 23 novembre 2017, la société GPI 3 a assigné la société Sada assurances devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Quentin.
Par ordonnance du 21 décembre 2017, ce magistrat a ordonné une expertise, afin de décrire et chiffrer le coût des travaux de remise en état ou de reconstruction de l'immeuble et de fournir tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre d'évaluer les pertes subies.
L'expert a remis son rapport le 10 août 2021, estimant le coût des travaux à 1 054 514,79 euros.
Dans l'intervalle, par courrier du 2 décembre 2019, la société BNP Paribas a prononcé la déchéance du terme du contrat de prêt et mis la société GPI 3 en demeure de lui régler la somme de 275 274,87 euros.
Par acte du 14 janvier 2022, la société GPI 3 a fait assigner la société Sada assurances devant le tribunal judiciaire de Saint-Quentin pour obtenir sa condamnation à lui payer :
- 625 660,79 euros au titre du solde du coût de reconstruction de l'immeuble,
- 47 760 euros au titre de l'indemnité contractuelle pour la perte de loyers pendant l'année de la reconstruction,
- 286 560 euros pour la perte de loyers en raison du retard d'indemnisation.
Par acte du 5 août 2023, la société GPI 3 a attrait la société BNP Paribas à la procédure.
Par jugement du 26 octobre 2023, le tribunal judiciaire de Saint-Quentin a essentiellement :
- dit n'y avoir lieu à déclarer non écrite la clause limitant l'indemnité prévue au D4-1.1 des conditions générales du contrat multirisques habitation souscrit par la société GPI 3 auprès de la société Sada assurances,
- dit que la société Sada assurances n'a pas renoncé à la limite de garantie prévue au contrat,
- dit que la société Sada assurances n'a pas commis de violation à son obligation de conseil,
- sursis à statuer sur l'indemnité restant due par l'assureur, hors perte des loyers,
- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture,
- ordonné une expertise aux fins d'évaluer la valeur vénale de l'immeuble à la date du 29 novembre 2015, et désigné pour y procéder Mme [V] [J], experte en estimations immobilières,
- renvoyé l'affaire à la mise en état,
- dit la société BNP Paribas subrogée de plein droit sur l'indemnité d'assurance due par la société Sada assurances,
- condamné la société Sada assurances à payer à la société BNP Paribas la somme de 51 960 euros au titre de l'indemnité contractuelle pour la perte de loyers pendant l'année de la reconstruction, en deniers ou quittance,
- débouté la société GPI 3 de sa demande d'indemnité pour la perte de loyers en raison du retard d'indemnisation du mois de décembre 2015 au mois de décembre 2022,
- réservé les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 27 novembre 2023, la société GPI 3 a relevé appel de l'ensemble des chefs de cette décision, à exception de celui ayant ordonné une expertise et des chefs accessoires de révocation de l'ordonnance de clôture et de renvoi de l'affaire à la mise en état.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions signifiées le 9 septembre 2024, la société GPI 3 demande à la cour de :
Infirmer le jugement du tribunal judiciaire du 26 octobre 2023 en ce qu'il a :
* dit n'y avoir lieu à déclarer non écrite la clause limitant l'indemnité prévue au D4-1.1 des conditions générales du contrat multirisques habitation souscrit par la société GPI 3 auprès de la société Sada assurances,
* dit que la société Sada assurances n'a pas renoncé à la limite de garantie prévue au contrat,
* dit que la société Sada assurances n'a pas commis de violation à son obligation de conseil,
- Statuant à nouveau :
* débouter la société Sada assurances de l'ensemble de ses demandes,
* condamner la société Sada assurances à verser à la société GPI 3 les sommes de 625 660,79 euros au titre du solde du coût de reconstruction de l'immeuble, 363 720 euros pour la perte de loyers en raison du retard d'indemnisation du mois de décembre 2015 au mois de décembre 2022, 103 920 euros pour la perte de loyers en raison du retard d'indemnisation du mois de décembre 2022 au mois de décembre 2024,
- A titre subsidiaire s'il ne devait pas être fait droit à ces demandes :
* confirmer pour partie le jugement en ce qu'il a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et ordonné une expertise judiciaire aux fins d'évaluer la valeur vénale de l'immeuble, condamné la société Sada assurances à payer à la société BNP Paribas la somme de 51 960 euros au titre de l'indemnité contractuelle pour la perte de loyers pendant l'année de la reconstruction, en deniers ou quittance,
En toutes hypothèses,
Condamner la société Sada assurances à verser à la société GPI 3 la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société Sada assurances aux entiers dépens dont les frais d'expertise.
[*]
Par conclusions signifiées le 17 mai 2024, la société Sada assurances demande à la cour de :
A titre principal :
Confirmer le jugement en ce qu'il a :
* dit n'y avoir lieu à déclarer non écrite la clause limitant l'indemnité prévue au D 4-1.1 des conditions générales du contrat multirisques habitation souscrit par la société GPI 3 auprès de la société Sada assurances,
* dit que la société Sada assurances n'a pas renoncé à la limite de garantie prévue au contrat,
* dit que la société Sada assurances n'a pas commis de violation à son obligation de conseil,
*débouté la société GPI3 de sa demande d'indemnité pour la perte de loyers en raison du retard d'indemnisation du mois de décembre 2015 au mois de décembre 2022,
Infirmer le jugement rendu dans les termes suivants :
* « sursoit à statuer sur l'indemnité restant due par l'assureur, hors pertes de loyers,
* ordonne une expertise aux fins d'évaluer la valeur vénale de l'immeuble situé [Adresse 4] à Saint-Quentin, à la date du 29 novembre 2015 »,
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné la société Sada assurances à payer à la BNP Paribas la somme de 51.960 euros au titre de l'indemnité contractuelle pour la perte de loyers pendant l'année de reconstruction, en deniers ou quittances,
Et statuant de nouveau :
Fixer le montant de la valeur économique du bien valant limite d'indemnité immédiate à la somme de 373.460 euros,
Fixer la perte de loyers à la somme de 51.960 euros,
Fixer le montant de l'indemnité différée due à la société GPI 3 à la somme totale de 64.979,79 euros au regard des travaux effectués par l'appelante,
Fixer à la somme de 489.394,79 euros le montant total et définitif de l'indemnité d'assurance due par la société Sada assurances à la société GPI 3,
Dire que les acomptes versés par la société Sada assurances à hauteur de la somme de 428.794,92 euros doivent être déduits de toute condamnation prononcée à son encontre,
Limiter le montant de l'indemnité due par la société Sada assurances à la société GPI 3 à la somme de 60.599,87 euros après déduction des acomptes versés et de la franchise contractuelle,
Et subsidiairement :
Limiter le montant de l'indemnité due à la société GPI3 à la somme de 8.639,87 euros après déduction des sommes versées à ce jour par la société Sada assurances (en ce compris l'exécution du jugement frappé d'appel),
A titre subsidiaire :
Infirmer le jugement rendu, uniquement dans les termes suivants :
« 5. Evaluer la valeur vénale de l'immeuble au regard de l'ensemble de ces éléments »,
Et statuant de nouveau :
Ordonner que la mission d'expertise ordonnée aura lieu dans les termes suivants :
« Evaluer la valeur vénale de l'immeuble au jour du sinistre soit le 30 novembre 2015, au regard de l'ensemble de ces éléments, et déduction faite de la valeur du terrain nu »,
En tout état de cause :
Débouter la société GPI3 du surplus de ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire :
Limiter le montant de l'indemnité due à la société GPI 3 à la somme de 133.638,588 euros, après déduction des sommes versées (en ce compris la somme de 61.960 euros versée en exécution du jugement attaqué) et de la franchise contractuelle,
En tout état de cause :
Infirmer le jugement en ce qu'il a réservé les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant de nouveau :
Condamner la société GPI 3 au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et en cause d'appel,
La condamner intégralement aux dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.
[*]
Par conclusions signifiées le 9 juillet 2024, la société BNP Paribas demande à la cour de :
Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Quentin en ce qu'il a condamné la société Sada assurances à lui payer la somme de 51.960 euros au titre de l'indemnité contractuelle pour la perte de loyers pendant l'année de reconstruction en deniers ou quittance,
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ferait droit à l'appel interjeté par la société GPI 3 ou à l'appel incident de la société Sada assurances et modifierait donc le montant de l'indemnité d'assurance :
* juger que la BNP Paribas est subrogée de plein droit sur l'indemnité d'assurance qui sera mise à la charge de la société Sada assurances par la cour au titre du contrat d'assurance multirisques habitation sur le bien assuré dans les suites de l'incendie survenu dans la nuit du 29 au 30 novembre 2015 et sur lequel elle dispose d'un privilège de prêteur de deniers et d'une hypothèque conventionnelle,
* condamner la société Sada assurances à lui verser directement entre ses mains ladite indemnité d'assurance fixée en application du contrat d'assurance multirisques habitation souscrit par la société GPI 3 auprès de la société Sada assurances police n°1H0112996 dans la limite de la créance de la société BNP Paribas d'un montant de 305.578,50 euros arrêtée au 22 novembre 2022 à parfaire au jour du paiement,
* condamner tout succombant à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
* Condamner tout succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel.
[*]
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 décembre 2024.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
1. Sur les demandes indemnitaires de la société GPI 3 :
1.1. Sur l'étendue de l'obligation de la société Sada assurance :
1.1.1. Sur la renonciation à la clause limitative :
La société GPI 3 fait valoir que la société Sada assurances, en lui adressant les fonds de l'indemnité immédiate sans se prévaloir d'une limite de garantie tenant à la valeur vénale de l'immeuble, et en lui indiquant qu'elle lui verserait la totalité de l'indemnité sur présentation des factures de travaux, a implicitement renoncé à lui opposer une limite de garantie quant au montant des travaux.
Elle indique en ce sens que c'est en toute connaissance de cause que, par courrier du 26 novembre 2016, la société Sada assurances lui a indiqué que le solde des indemnités différées serait versé à la production de factures sans mentionner de limite, cette confusion étant par ailleurs alimentée par l'indemnisation de certains travaux de reconstruction, s'agissant notamment de la mise hors d'eau du bâtiment pour un montant de 32 360 euros selon facture produite le 27 juillet 2016 et prise en charge le 26 octobre 2016.
Elle ajoute que la société Sada assurances ne l'a pas informée, d'une part de ce qu'elle avait fait procéder à l'évaluation de l'immeuble au cours des opérations d'expertise amiable, d'autre part du fait que cette valeur amenait un plafond d'indemnisation, alors qu'une procédure spéciale doit être mise en 'uvre selon la clause D 5 en cas de désaccord sur la valeur vénale au cours des opérations d'expertise amiable.
Elle indique que le non-respect des stipulations contractuelles sur la méthode d'évaluation de l'indemnisation vaut renonciation à une prétendue limite de garantie, ce d'autant que dans la quittance subrogative qui lui a été adressée est mentionnée la réalisation des travaux, mais en aucun cas l'existence d'une indemnisation basée sur la valeur vénale de l'immeuble.
En réponse, la société Sada assurances conteste avoir implicitement renoncé à la limite de garantie et avoir incité la société GPI 3 à procéder aux premiers travaux de sauvegarde du bâtiment. Elle fait valoir que la jurisprudence précise que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque une telle volonté.
Elle soutient que la société GPI 3 était parfaitement informée de la limitation de l'indemnité immédiate en valeur économique, comme il est mentionné dans le rapport de son propre expert. Elle ajoute lui avoir adressé une quittance conforme au chiffrage contradictoire du rapport B. en date du 19 octobre 2016, dès qu'elle en a eu connaissance. Elle indique par ailleurs que la société GPI 3 a fait le choix de ne pas poursuivre les travaux de reconstruction de son bâtiment, alors qu'elle disposait de la somme de 428 794,92 euros versée par son assureur pour y procéder et n'a réalisé des travaux qu'à hauteur de 266 154,36 euros. Elle précise que la société GPI 3 a perçu la somme de 25 889,92 euros au titre de l'indemnité différée, venant en complément de l'indemnité immédiate de 373 460 euros, et qu'elle aurait pu percevoir encore, si elle avait poursuivi la reconstruction de son bien, la somme complémentaire de 167 231,68 euros.
Sur ce,
Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public.
En l'espèce, le contrat d'assurance souscrit stipule, notamment :
« D4 Estimation des biens assurés
D4-1 Les bâtiments :
D4-1.1 Si les bâtiments sont reconstruits :
Ils sont indemnisés suivant une « estimation de base » qui correspond à la valeur de reconstruction à neuf, déduction faite de la vétusté, dans la limite de la valeur économique.
Sauf convention contraire, une « indemnité complémentaire », dite de « reconstruction », correspondant à la valeur à neuf, sera acquise au fur et à mesure des travaux de reconstruction, au vu des factures originales acquittées, sous condition que ces travaux soient effectués dans les deux ans, à compter de la date de survenance du sinistre, et que le bâtiment soit reconstruit au même endroit (sauf si la construction en un autre endroit résulte d'une interdiction administrative de reconstruire sur les lieux, intervenue postérieurement à la souscription du contrat) et destiné au même usage que le bâtiment détruit.
L'indemnité totale à notre charge ne pourra excéder l'estimation de base, majorée, corps d'état par corps d'état, de 25 % du coût de « reconstruction », sans pouvoir excéder le montant des débours réels de l'assuré. (…) ».
D4-1.2 Si les bâtiments ne sont pas reconstruits :
L'indemnité est limitée à la valeur vénale du bâtiment au jour du sinistre y compris les frais réels de déblais et démolition, déduction faite de la valeur du terrain nu.
Cette indemnité ne peut dépasser la valeur de reconstruction au jour du sinistre, vétusté déduite.
(…)
D5 Expertise
Sous réserve des droits respectifs des parties, les dommages sont fixés de gré à gré. Nous pouvons désigner un expert pour procéder à l'évaluation. L'assuré a la possibilité de se faire assister par un autre expert. Si les experts ainsi désignés ne sont pas d'accord, ils s'adjoindront un troisième expert. Les trois experts opèrent en commun et à la majorité des voix.
Faute par l'une des parties de nommer un expert ou par les deux experts de s'entendre sur le choix du troisième, la désignation est effectuée par le Président du Tribunal de Grande Instance dans le ressort duquel le sinistre s'est produit. Cette nomination est faite sur simple requête signée par les parties, ou par seulement l'une d'elles, l'autre ayant été convoquée par lettre recommandée.
Chacune supporte les frais et honoraires de son expert, ainsi que la moitié de ceux du troisième expert et les frais de sa nomination. »
Par ailleurs, les définitions figurant au contrat sont les suivantes :
« Valeur de reconstruction à neuf pour le bâtiment : Valeur de reconstruction ou de réparation à l'identique avec des matériaux et des procédés courants au jour du sinistre. (…)
Valeur d'usage :
* Pour le bâtiment : valeur de reconstruction à neuf, déduction faite de la vétusté, au jour du sinistre.
(…)
Valeur économique (valeur vénale) : Prix du marché auquel le bien peut être vendu au jour du sinistre.
S'il s'agit d'un bâtiment, ce prix ne comprend pas la valeur du terrain nu, mais comprend les frais de déblais et démolition. »
Il en résulte de manière parfaitement claire et précise que l'indemnité due par l'assureur diffère selon que l'immeuble est, ou non, reconstruit, postérieurement au sinistre.
S'il est reconstruit, il est dû à l'assuré une indemnité de base, égale à la valeur de reconstruction à neuf, à laquelle est appliquée une décote de vétusté, cette indemnité de base ne pouvant cependant dépasser le prix auquel le bien aurait pu être vendu au jour du sinistre. Il y est ajouté, sur présentation des justificatifs des débours de l'assuré, une indemnité ne pouvant dépasser 25 % de l'indemnité de base.
Si l'immeuble n'est pas reconstruit, l'indemnité versée est égale à la valeur vénale du bâtiment au jour du sinistre et aux frais réels de déblais et de démolition, déduction faite de la valeur du terrain nu.
Il est établi en l'espèce que la société GPI 3 a opté pour la reconstruction et qu'afin d'évaluer les dommages occasionnés par le sinistre et les indemnités dues, l'assureur a nommé la société Cabinet Eurexo, et l'assurée la société Cabinet expertises Galtier, en tant qu'experts, conformément à la clause D 5 du contrat précédemment rappelée.
Ces experts ne sont pas parvenus à trouver un accord, « le point névralgique de la contestation », selon un courrier de la société Sada assurances du 10 juin 2016, étant l'évaluation de la valeur vénale du bâtiment, fondée sur le rapport qu'elle avait demandé à M. A., ayant chiffré la valeur du bâti à 321 500 euros, et celle du terrain à 11 500 euros. L'assureur a alors proposé une tierce expertise amiable confiée à la société B., ce qui a été accepté par la société GPI 3.
Le rapport rendu par l'expert d'assuré, la société Cabinet expertises Galtier, versé aux débats par la société GPI 3, chiffre les dommages à 843 603 euros. Concernant le bâtiment, il souligne que les dommages sont « en limite de l'indemnité immédiate », ayant estimé sa valeur à neuf à 650 986,15 euros et la décote de vétusté à appliquer à 116 277,28 euros.
Sur cette base, un des cogérant de la société GPI 3 a donné son accord sur une estimation des dommages à 843 599,78 euros TTC le 26 juillet 2016, soit 727 322,50 euros TTC après décote de vétusté sur le bâtiment, sur les bases suivantes :
- mise hors d'eau : 32 360,34 euros ;
- diagnostic amiante avant travaux : 1 260 euros ;
- travaux bâtiment, vétusté déduite : 534 708,87 euros ;
- démolition-déblais : 50 954,40 euros ;
- maîtrise d’œuvre 5% : 32 549,31 euros ;
- perte de loyers : 51 960 euros
- participation aux honoraires d'expert : 23 529,58 euros.
Selon rapport du 19 octobre 2016, le cabinet B. a quant à lui estimé les préjudices subis par la société GPI 3 à la somme de 842 339,78 euros TTC, en se basant sur l'estimation de la valeur vénale de l'immeuble réalisée par M. A.
Il a conclu que les indemnités dues, conformément à la clause d'estimation des dommages des conditions générales du contrat Logibase, s'élevaient à 596 581,61 euros TTC, dont :
-au titre du règlement immédiat : 373 460 euros TTC (valeur vénale + perte de loyers)
-au titre du règlement différé : 223 121,61 euros TTC, ce dernier poste se décomposant comme suit :
-57 149,92 euros à régler à la société BNP Paribas, correspondant à :
*travaux urgents selon factures Caro Bat : 32 360,34 euros ;
*honoraires d'expert d'assuré : 23 529,58 euros ;
* diagnostic amiante avant travaux : 1 260 euros ;
-167 231,68 euros à prévoir, correspondant à :
*démolitions/déblais : 50 954,40 euros ;
*travaux : 116 277,28 euros.
C'est dans ce contexte que la société Sada a adressé à l'un des co-gérants de la société GPI 3, M. X., un courrier daté du 26 octobre (et non novembre) 2016, ainsi libellé :
« Monsieur, nous nous permettons de revenir vers vous suite à votre dernier envoi concernant votre réclamation complémentaire.
Après pointage et validation de vos demandes par notre expert conseil, nous vous informons que nous procédons aux virements sur le compte séquestre BNP Parisbas N° les sommes suivantes :
* Travaux urgents (selon facture caro bat) 32 360,34 euros
* Honoraires d'experts d'assurés 23 529,58 euros
* Franchise 0.6 indice - 555 euros
* Total 55.394,92 euros
Les honoraires d'architectes réclamés sont déjà intégrés dans le plafonnement du bâtiment, et de surcroît SADA à directement réglé la somme de 1.260 euros que vous nous réclamez à la société Diagnostic Amiante.
Nous vous faisons parvenir ce jour une quittance de règlement en pièce jointe qui constituera notre offre définitive pour un montant d'indemnisation total de 596.026,61 euros franchise déduite.
Nous vous rappelons enfin que l'ensemble des fonds seront exclusivement versés sur le compte séquestre BNP PARISBAS.
A ce jour l'indemnité restant due sur le poste bâtiment est de 167.231,68 euros.
Et se décompose comme suit :
Valeur à neuf pour la remise en état du bâtiment de 116 277,28 euros,
Démolitions déblais 50 954,40 euros
En conséquence, le règlement de ces indemnités différées seront soumises au retour de la quittance subrogative jointe signée par vos soins, et à la production des factures de réfections correspondantes validées et contrôlées par nos experts respectifs. »
Il est effectivement versé aux débats une quittance subrogative de règlement de sinistre datée du 9 novembre 2016, non signée, ainsi libellée :
« Je soussigné(e) : SCI GPI 3 Demeurant: [Adresse 4].
déclare accepter de SADA ASSURANCES, sous réserve du paiement effectif qui intervient à la signature de la présente, la somme de 596 026,61 euros (cinq cent quatre-vingt seize mille vingt six euros soixante et un cts)
A titre d'indemnité totale me revenant à la suite du sinistre référencé en marge.
Ce montant intègre la somme de 167 231,68 euros dont le règlement est contractuellement subordonnée à la présentation de la facture de travaux selon évaluation d'expert.
Moyennant le paiement de ladite somme, je déclare être entièrement et définitivement indemnisé dans les termes du contrat référencé en marge et donne, dans cette limite, quittance conforme. (…) ».
Ces éléments ne démontrent aucune renonciation de l'assureur aux limites de garantie prévues, mais au contraire une volonté manifeste de les faire respecter, toutes les évaluations produites, à l'exception de celle de M. A., ayant eu lieu au contradictoire de la société GPI 3. Un expert judiciaire a finalement été nommé à la demande de l'assurée par décision du 21 décembre 2017. La violation des stipulations de la clause D5 du contrat n'est donc pas avérée.
Le moyen est inopérant.
1.1.2. Sur le caractère abusif de la clause limitative de responsabilité :
La société GPI 3 soutient que la clause D4 du contrat d'assurance est abusive. Elle explique que pour percevoir l'indemnité différée de 223.121,51 euros, il lui est nécessaire d'engager des travaux chiffrés par l'expert à 1.054.514,79 euros, qui excèdent largement le montant de l'indemnité immédiate. Or ces travaux ne sont d'aucune utilité puisqu'elle ne dispose pas des fonds pour les achever. Elle ajoute que si l'immeuble n'est pas reconstruit, la clause prévoit alors une indemnisation à la valeur vénale, déduction faite des dépenses à engager pour la démolition et la sécurisation du site, de la valeur du terrain à nu, mais dans la limite de la valeur de reconstruction au jour du sinistre, vétusté déduite, ce qui correspond à l'indemnité immédiate de la clause D 4-1.1 en cas de reconstruction.
Elle fait valoir qu'au regard de ces stipulations contractuelles, l'assuré est certain de subir une perte lorsque le coût de la reconstruction est supérieur de 125 % de l'indemnité immédiate et que la valeur vénale de l'immeuble est supérieure à cette indemnité immédiate. Elle explique que dans cette hypothèse, l'assuré ne disposera ni d'une indemnité finançant la totalité des travaux, ni d'une indemnité égale à la valeur de l'immeuble s'il ne procède pas à la reconstruction, ce qui est son cas si l'on retient la valeur vénale proposée par la société Sada assurances.
Elle considère que ces stipulations confèrent un avantage excessif à l'assureur puisqu'elles lui permettent de ne pas indemniser le préjudice, et soutient qu'elles sont contraires aux dispositions de l'article L. 122-1 du code des assurances prévues en matière d'incendie qui ne permettent pas une indemnisation partielle du sinistre.
La société Sada assurances rappelle en réponse les termes de sa garantie, telle que prévue par l'article D 4.1.1 du contrat, et affirme leur caractère parfaitement opposable à l'assuré.
Elle précise que ces stipulations sont la simple transcription du principe indemnitaire consacré par l'article L 121-1 du code des assurances, selon lequel l'indemnité due par l'assureur à l'assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre.
Elle fait valoir que, contrairement aux allégations de la société GPI 3, l'assurée ne subit aucune perte dans l'hypothèse où l'immeuble n'est pas reconstruit, puisqu'il perçoit a minima une indemnité correspondant à la valeur vénale du bien avant le sinistre, ce qui lui permet en principe de solder son emprunt, ou encore de racheter un bien équivalent.
Sur ce,
Aux termes de l'article L. 121-1 du code des assurances, l'assurance relative aux biens est un contrat d'indemnité ; l'indemnité due par l'assureur à l'assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre.
Il peut être stipulé que l'assuré reste obligatoirement son propre assureur pour une somme, ou une quotité déterminée, ou qu'il supporte une déduction fixée d'avance sur l'indemnité du sinistre.
Aux termes de l'article L. 122-1 du code des assurances, l'assureur contre l'incendie répond de tous dommages causés par conflagration, embrasement ou simple combustion. Toutefois, il ne répond pas, sauf convention contraire, de ceux occasionnés par la seule action de la chaleur ou par le contact direct et immédiat du feu ou d'une substance incandescente s'il n'y a eu ni incendie, ni commencement d'incendie susceptible de dégénérer en incendie véritable.
Aux termes de l'article L. 113-5 du code des assurances, lors de la réalisation du risque ou à l'échéance du contrat, l'assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat et ne peut être tenu au-delà.
Aux termes de l'article 1171 du code civil, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
Les stipulations du contrat litigieux ont été précédemment rappelées. Contrairement à ce que plaide la société GPI 3, elles ne mettent en évidence aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, étant observé que la société GPI 3 n'est pas un consommateur mais une société civile immobilière, professionnelle de l'immobilier.
Ces stipulations claires et précises permettent en réalité à l'assuré d'opter, en toute connaissance des limites de garanties afférentes à la formule d'assurance qu'il a choisie, entre la reconstruction et la non reconstruction de son immeuble. Il lui est ainsi loisible de choisir de ne pas reconstruire si le coût des travaux excède ses capacités de financement. Il n'en résulte alors aucune perte pour lui, puisque l'indemnité versée est égale à la valeur vénale du bâtiment au jour du sinistre, à laquelle s'ajoutent les frais réels de démolition et déblais, déduction faite de la valeur du terrain nu dont il reste propriétaire.
Le moyen est inopérant.
1.1.3. Sur le manquement de la société Sada à son devoir de conseil :
La société GPI 3 soutient que la société Sada assurances a manqué à son devoir de conseil en ce qu'elle n'a pas jugé nécessaire d'attirer son attention sur le fait que l'indemnité différée de reconstruction serait limitée, mais lui a, au contraire, laissé croire que l'intégralité des travaux de reconstruction serait indemnisée. Elle l'a ainsi incitée à la réalisation des travaux, alors même qu'elle n'en avait pas la capacité financière.
La société GPI 3 réfute avoir été informée par son expert de l'existence de la limite de garantie par la mention dans son rapport d'expertise : « attention valeur vénale en limite de l'indemnité immédiate », faisant valoir que cette mention se contente d'indiquer que la limite d'indemnisation s'applique à l'indemnité immédiate, et non au coût général des travaux. Le fait qu'elle ait eu connaissance du montant de l'indemnité telle que chiffrée dans le rapport B. du 19 octobre 2016 et qu'elle ait adressé une quittance conforme n'indique pas qu'elle avait compris que l'indemnité immédiate avait été calculée sur la base de la valeur vénale et que la totalité du coût des travaux chiffrés ne serait pas prise en charge. Si elle avait été informée en amont de l'absence de garantie sur la totalité des travaux de reconstruction, elle aurait pu faire le constat qu'elle n'avait pas les finances nécessaires pour procéder à la reconstruction et éventuellement opter pour désintéresser ses créanciers et effectuer les travaux de démolition sur la parcelle. En l'absence de cette information, elle a réalisé 266 154,36 euros de travaux en pure perte, le solde ayant été utilisé pour le règlement des prêts pour la conservation de l'immeuble.
La société GPI 3 ajoute que la société Sada assurances est d'autant plus fautive de ne pas avoir évoqué avec elle la possibilité de ne pas reconstruire l'immeuble que la clause D4-1.2 prévoit l'hypothèse où le bâtiment n'est pas reconstruit. Dans ce cas, l'indemnité est limitée à la valeur vénale du bâtiment au jour du sinistre, y compris les faits réels de déblais et de démolition déduction faite de la valeur du terrain nu, et il n'y a pas de distinction entre indemnité immédiate et indemnité différée de reconstruction. La totalité de l'indemnité est immédiatement versée.
Elle conclut que le manquement au devoir de conseil de la société Sada assurances l'oblige à aller au bout de la prise en charge de son préjudice en prenant en charge la totalité des travaux, et à tout le moins de l'indemniser pour les travaux réalisés en pure perte.
La société Sada assurances conteste tout manquement à son devoir de conseil. Elle indique que l'assureur n'a pas à rappeler à son assuré, lors d'un sinistre, l'ensemble des stipulations contractuelles encadrant le chiffrage de l'indemnité ou encore à le conseiller sur l'opportunité de procéder ou non aux travaux de reconstruction. Elle ajoute que la société GPI 3 invoque l'existence d'une telle obligation postérieurement au sinistre, sans pour autant fonder juridiquement cette affirmation.
Elle rappelle qu'elle a été assistée tout au long des opérations d'expertise amiable par un expert d'assuré. Elle soutient qu'elle était en mesure, dès le sinistre, de faire le choix de ne pas procéder aux travaux. Elle observe que la société GPI 3 est une société immobilière dont le gérant dispose, directement ou par l'intermédiaire d'autres sociétés, de plusieurs biens dans la région, et n'est donc absolument pas profane en matière immobilière. Elle précise enfin que la société GPI 3 ne conteste pas que la garantie souscrite correspondait aux besoins émis lors de la souscription, chaque niveau de garantie étant proposé en contrepartie d'une cotisation d'assurance adaptée.
Sur ce,
S'il est constant qu'un professionnel doit renseigner son client profane et le conseiller en fonction de ses besoins, et qu'un assureur doit lui fournir tous les éléments lui permettant d'apprécier les caractéristiques des contrats proposés, c'est à bon droit que la société Sada assurances oppose à la société GPI 3 qu'elle n'était tenue d'un devoir de conseil à son égard qu'à l'occasion de la souscription de son contrat d'assurances, et non lors de la réalisation du sinistre.
Il appartenait à la seule assurée d'opter pour la reconstruction ou la non-reconstruction de son bien, le contrat étant parfaitement clair sur les indemnités à percevoir dans chacun de ces cas de figure, rien dans les éléments versés aux débats et l'argumentaire de la société GPI 3 ne mettant en évidence que les garanties souscrites n'étaient pas adaptées aux risques à couvrir.
C'est avec pertinence que la société Sada assurances rappelle que la société GPI 3 a été assistée d'un expert tout au long de la procédure d'évaluation des dommages subis.
Le moyen est inopérant.
1.2. Sur les sommes dues par l'assureur :
1.2.1. Sur l'expertise :
La société GPI 3 soutient que la société Sada assurances ne peut, pour lui refuser sa garantie, lui opposer un rapport d'expertise non contradictoire. A ce titre, le tribunal judiciaire a ordonné une expertise judiciaire afin d'établir la valeur vénale de l'immeuble et la valeur du terrain. La société Sada assurances sollicite que l'évaluation de l'immeuble soit faite au jour du sinistre. Cette date est parfaitement arbitraire puisqu'elle n`est pas fixée par le contrat. En réalité, l'immeuble doit être évalué à sa valeur au jour de l'indemnisation, à défaut de quoi, il y aurait une perte pour l'assuré si le marché immobilier est à la hausse.
La société Sada assurances répond que si la société GPI 3 demande, dans ses conclusions, la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné une expertise aux fins d'estimer la valeur vénale de l'immeuble, la cour n'est pas saisie de ce chef de jugement dans la déclaration d'appel. De plus, la société GP3 n'a pas consigné les frais d'expertise à hauteur de 1 500 euros, de sorte que la désignation de l'expert est désormais caduque.
Elle considère, à l'aune de ces éléments, que la fixation de l'indemnité sur la base du rapport d'expertise amiable ne saurait constituer une violation du principe de l'égalité des armes en l'état de l'opposition systématique de la société GPI 3, motif pour lequel elle sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné une expertise judiciaire.
A titre subsidiaire, elle demande à la cour de préciser, dans la mission d'expertise, que l'évaluation de la valeur vénale devra être faite au 30 novembre 2015, avant l'incendie, et déduction faite de la valeur du terrain nu, conformément aux stipulations contractuelles.
Sur ce,
En premier lieu, aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En l'espèce, si la société GPI 3 n'a pas relevé appel du chef de la décision querellée ayant ordonné une expertise aux fins d'évaluer la valeur vénale de l'immeuble et du terrain sur lequel il est bâti, il n'en va pas de même de la société Sada assurances.
Tant le principe de l'expertise que la mission confiée à l'expert ont été dévolus à la cour par son appel incident, la société GPI 3 étant dès lors parfaitement légitime, pour s'opposer à la demande adverse, à solliciter la confirmation du jugement sur ce point.
En second lieu, aux termes des articles 143 et 144 du code de procédure civile, les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible.
Les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer.
En l'espèce, c'est par une appréciation adaptée des faits et du droit que le premier juge a estimé que les éléments versés aux débats n'étaient pas suffisants pour lui permettre de statuer sur les sommes restant dues par l'assureur, la valeur vénale de l'immeuble et du terrain ne pouvant être fixée à partir de la seule évaluation non contradictoire réalisée par l'expert de l'assureur.
Il est en effet rappelé qu'en matière d'expertise non judiciaire, le principe est que si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut cependant se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties (v. l'arrêt de principe Ch. mixte, 28 sept. 2012, n° 11-18710, publié). Encourent donc la cassation les décisions qui fixent un préjudice en se fondant exclusivement sur un rapport d'expertise amiable (v. par exemple : Com., 29 novembre 2017, n° 16-18954 ; Civ. 2e, 12 décembre 2019, n° 18-12687).
Il est ajouté que la société Sada assurances ne justifie pas que la consignation n'a pas été versée par la société GPI 3 et que la désignation de l'expert judiciaire est devenue caduque, sans possibilité d'un relevé de caducité.
Enfin, sa demande de modification de la mission de l'expert est manifestement dénuée d'intérêt, puisque le premier juge a sollicité une évaluation au 29 novembre 2015, date du sinistre, conformément aux stipulations contractuelles précédemment rappelées, qui constituent la loi des parties, l'argumentaire de la société GPI 3 étant totalement inopérant.
Le jugement querellé est donc confirmé en ce qu'il a ordonné une expertise aux fins d'évaluer la valeur vénale de l'immeuble à la date du 29 novembre 2015 et désigné pour y procéder Mme [V] [J], experte en estimations immobilières, la juridiction ne disposant pas en l'état d'éléments suffisants pour statuer sur les prétentions des parties au titre du solde du coût de reconstruction de l'immeuble, de la valeur économique du bien, du montant de l'indemnité différée due à la société GPI 3 au regard des travaux effectués par l'appelante, et du montant total et définitif de l'indemnité d'assurance due par la société Sada assurances à la société GPI 3.
1.2.2. Sur les pertes de loyer :
La société GPI 3 invoque un préjudice lié à la perte des loyers qu'elle évalue à 4 330 euros par mois et dont elle sollicite l'indemnisation de décembre 2015 à décembre 2024, outre l'indemnisation contractuelle prévue pour une année correspondant au temps nécessaire aux travaux de reconstruction.
La société Sada assurances répond que le contrat d'assurance ne prévoit une prise en charge de la perte de loyers que pendant une année. Elle précise qu'il convient de ne retenir que le montant du loyer hors charge, soit la somme totale de 51 960 euros, et ajoute que ce poste d'indemnisation a déjà été réglé dans le cadre des acomptes versés à la société GPI 3. Elle s'oppose au paiement de toute somme supplémentaire au titre de la perte de loyers, aucun retard d'indemnisation ne pouvant être retenu à son encontre.
Sur ce,
Il ressort du tableau récapitulatif des garanties de la formule Logibase figurant en page 44 des conditions générales du contrat que les pertes de loyers sont prises en charge " à concurrence d'une année de loyers ".
Toutes les expertises amiables diligentées ont fixé cette perte à 4 330 euros par mois, soit 51 960 euros sur douze mois, et il n'est pas contesté que la société Sada assurances a versé à la société GPI 3 la somme de 373 460 euros le 20 septembre 2016, laquelle comprend cette perte de loyer d'une année. Il n'y a donc pas lieu de la condamner au paiement de cette somme.
Il n'est démontré aucun retard fautif d'indemnisation de la part de l'assureur au regard des stipulations contractuelles, puisque l'article D6 « Délai de paiement de l'indemnité » prévoit que : « Le paiement de l'indemnité sera effectué dans le délai d'un mois à compter de la date de l'accord des parties ou de la décision judiciaire exécutoire. A défaut l'assuré peut réclamer des intérêts de retard. Ce délai en cas d'opposition ne court que du jour de la mainlevée. »
Le jugement entrepris est en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné la société Sada assurances à payer la somme de 51 960 euros à la société GPI 3, mais confirmé en ce qu'il a débouté la société GPI 3 de sa demande de condamnation de la société Sada assurances à lui verser 363 720 euros pour la perte de loyers en raison du retard d'indemnisation du mois de décembre 2015 au mois de décembre 2022.
Y ajoutant, la société GPI 3 est déboutée de sa demande de condamnation de la société Sada assurances à lui payer la somme de 103 920 euros pour la perte de loyers en raison du retard d'indemnisation du mois de décembre 2022 au mois de décembre 2024.
3. Sur les demandes accessoires :
En application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner la société GPI 3 aux dépens d'appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a réservé les dépens de première instance.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société GPI 3 sera par ailleurs condamnée à payer à la société Sada assurances et à la société BNP Paribas les sommes indiquées au dispositif du présent arrêt et déboutée de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles, la décision querellée étant confirmée du chef des frais irrépétibles de première instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, après débats publics, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 26 octobre 2023 par le tribunal judiciaire de Saint-Quentin, sauf en ce qu'il a condamné la société Sada assurances à payer à la société BNP Paribas la somme de 51 960 euros au titre de l'indemnité contractuelle pour la perte de loyers pendant l'année de la reconstruction, en deniers ou quittance ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Déboute la société GPI 3 de sa demande en paiement pour la perte de loyers pendant l'année de la reconstruction ;
Et y ajoutant,
Déboute la société GPI 3 de sa demande de condamnation de la société Sada assurances à lui payer la somme de 103 920 euros pour la perte de loyers en raison du retard d'indemnisation du mois de décembre 2022 au mois de décembre 2024 ;
Condamne la société GPI 3 aux dépens d'appel ;
Condamne la société GPI 3 à payer à la société Sada assurances la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Condamne la société GPI 3 à payer à la société BNP Paribas la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Déboute la société GPI 3 de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE