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CA COLMAR (1re ch. A), 16 juillet 2025

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (1re ch. A), 16 juillet 2025
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 1re ch. civ. sect. A
Demande : 23/04272
Décision : 320/25
Date : 16/07/2025
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 27/11/2023
Décision antérieure : TJ Strasbourg (comp. com.), 27 octobre 2023
Numéro de la décision : 320
Décision antérieure :
  • TJ Strasbourg (comp. com.), 27 octobre 2023
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24140

CA COLMAR (1re ch. A), 16 juillet 2025 : RG n° 23/04272 ; arrêt n° 320/25

Publication : Judilibre

 

Extrait : « L'article L. 511-4 du code monétaire et financier qui prévoit seulement l'application des textes du code de commerce sur les pratiques anticoncurrentielles aux établissements de crédit et aux sociétés de financement n'a pas étendu à ces derniers l'application des textes relatifs aux pratiques restrictives de concurrence (Cass., Com, 15 janvier 2020, n°18-10.512). En l'espèce, au regard des textes susvisés, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les demandes présentées par la société Automobiles [M] Group, sur le fondement de l'article 1171 du code civil, relevaient en réalité de l'application de l'article L. 442-1 du code de commerce et de la compétence du tribunal judiciaire de Nancy.

La société Automobiles [M] Group, se fondant à juste titre sur l'article 1171 du code civil, considère que la clause, stipulant que « L'exigibilité immédiate du crédit intervenant pour les causes précitées entraînera, sauf décision contraire du prêteur, exigibilité immédiate pour tous prêts, crédits, avances ou engagements de quelque nature qu'ils soient, contractés par l'emprunteur auprès du prêteur et existants au moment de cet événement », doit être réputée non écrite.

Or, le moyen présenté par l'appelante, en ce qu'il est fondé sur un texte applicable à compter du 1er octobre 2016, ne peut prospérer concernant le prêt conclu le 16 juillet 2016, de sorte qu'il doit être jugé que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée conformément aux dispositions du contrat.

Au contraire, concernant les prêts souscrits les 12 janvier, 13 juin, 6 novembre 2017 et 17 juillet 2020, la cour relève qu'une telle clause dite de défaut croisé, qui permet au banquier de prononcer la déchéance du terme de tous les prêts régulièrement payés, en invoquant une défaillance de l'emprunteur extérieure à ces contrats, envisagée en termes généraux et afférente à l'exécution d'une convention distincte, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment de l'emprunteur exposé, par une décision unilatérale de l'organisme prêteur, en dehors du mécanisme de la clause résolutoire, à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification majeure de l'économie des contrats de prêt.

Dès lors, cette clause sera réputée non écrite dans les prêts souscrits les 12 janvier, 13 juin, 6 novembre 2017 et 17 juillet 2020.

Si la banque soutient qu'en tout état de cause, la déchéance du terme des prêts était également fondée sur le refus de la société de transmettre sa situation intermédiaire au 31 décembre 2020 ou son bilan, ainsi que son refus de répondre à ses interrogations relatives à la situation de deux autres véhicules financés, force est de constater que le courrier de déchéance du terme ne vise que la clause de défaut croisé.

La déchéance du terme n'ayant pas été valablement prononcée, les contrats de crédit sont toujours en cours. Il n'est toutefois pas nécessaire d'enjoindre à la banque de rétablir l'intégralité des crédits souscrits et repris par la société Automobiles [M] Group, sous astreinte comminatoire de 200 € à compter de la date de signification de la présente décision. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 16 JUILL 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 1 A 23/04272. Arrêt n° 320/25. N° Portalis DBVW-V-B7H-IGGO. Décision déférée à la Cour : 27 octobre 2023 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - Greffe du contentieux commercial.

 

APPELANTE - INTIMÉE INCIDEMMENT :

SAS AUTOMOBILES [M] GROUP

prise en la personne de son représentant légal [Adresse 2], [Localité 4], Représentée par Maître Noémie BRUNNER, avocat à la Cour

 

INTIMÉE - APPELANTE INCIDEMMENT :

CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 6] CATHÉDRALE

prise en la personne de son représentant légal [Adresse 1], [Localité 3], Représentée par Maître Laurence FRICK, avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître DE RAVEL, avocat au barreau de STRASBOURG

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 juin 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme RHODE, Conseillère, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. WALGENWITZ, Président de chambre, M. ROUBLOT, Conseiller, Mme RHODE, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, cadre greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 7] a conclu les sept contrats suivants :

- un prêt n°10278 01084 00021206003 avec la société Cars 67, daté du 16 juillet 2016, portant sur la somme de 50 000 €, d'une durée de 60 mois, ayant pour objet le financement de besoin en fonds de roulement et de trésorerie,

- un prêt n°10278 01084 00021206004 avec la société Cars 67, daté du 12 janvier 2017, portant sur la somme de 196 000 €, d'une durée de 121 mois, ayant pour objet l'acquisition d'un véhicule destiné à la location ;

- un prêt n°10278 01084 00021206006 avec la société Cars 67, daté du 13 juin 2017, portant sur la somme de 110 000 €, d'une durée de 62 mois, ayant pour objet l'acquisition d'un véhicule ;

- un prêt n°10278 01084 00021206008 avec la société Cars 67, daté du 6 novembre 2017, portant sur la somme de 110 000 €, d'une durée de 85 mois, ayant pour objet l'acquisition d'un véhicule ;

- un prêt n°10278 01084 00021206010, avec la société Cars 67, par acte notarié daté du 11 avril 2019, portant sur la somme de 253 000 €, d'une durée de 121 mois, ayant pour objet l'acquisition d'un véhicule de marque Lamborghini ;

- un prêt n°10278 01084 00021674303, avec la société Automobiles [M] Group, par acte notarié daté du 29 mars 2019, portant sur la somme de 800 000 €, d'une durée de 122 mois, ayant pour objet 1'acquisition de fonds de commerce ;

- un prêt n°10278 01084 00021674304, avec la société Automobiles [M] Group, daté du 17 juillet 2020, portant sur la somme de 200 000 €, d'une durée de 12 mois, ayant pour objet un financement destiné à soutenir la société en période de crise sanitaire.

Plusieurs garanties ont été prises en exécution des engagements des emprunteurs, parmi lesquelles des cautionnements solidaires du président de la société Automobiles [M] Group.

En conséquence de la dissolution, par acte du 9 octobre 2019, par confusion du patrimoine de la société Cars 67 avec la société Automobiles [M] Group, cette dernière a repris l'ensemble des contrats désignés ci-avant.

Le 31 janvier 2019, la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 7] et la société Automobiles [M] Group ont, en outre, conclu une convention d'ouverture de compte courant professionnel.

Par lettre recommandée datée du 19 février 2021, la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 7] a notifié à la société Automobiles [M] Group sa décision de prononcer la déchéance du terme du prêt n° 102780108400021206010 du 11 avril 2019, au motif que le bien dont l'acquisition a été financée par ledit prêt a été vendu. Par ce courrier, elle a mis en demeure cette dernière de lui payer la somme de 235 884,13 € à ce titre, à parfaire au jour du règlement, dans un délai de 48 heures.

Par lettre recommandée datée du 30 mars 2021, la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 7] a notifié à la société Automobiles [M] Group sa décision de prononcer la déchéance du terme de l'ensemble des six autres prêts, en raison de l'exigibi1ité immédiate du prêt n°102780108400021206010. Par ce courrier, elle a mis en demeure cette dernière de lui payer la somme totale de 1 214 790,23 € à ce titre, à parfaire au jour du règlement, dans un délai de 8 jours.

Par lettre recommandée datée du 30 mars 2021, la Caisse de Crédit Mutuel [Adresse 5] Gutenberg a notifié à la société Automobiles [M] Group sa décision de mettre fin à la convention de compte bancaire conclu avec cette dernière, à l'expiration d'un délai de 60 jours prenant fin le 4 juin 2021.

N'ayant pas obtenu satisfaction, la banque a engagé diverses actions, notamment en matière d'exécution. L'une de ces actions a été introduite devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg et tend à obtenir paiement des sommes restant dues au titre des sept prêts litigieux, à l'encontre de la société Automobiles [M] Group et de deux personnes s'étant portées cautions pour certains de ces prêts et ce, par assignations délivrées le 23 avril 2021.

Par assignation délivrée le 30 juillet 2021, la SAS Automobiles [M] Group a fait citer la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Gutenberg, désormais dénommée Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Cathédrale, devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg.

Par jugement rendu le 27 octobre 2023, le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

Déclaré recevables les demandes de la société Automobiles [M] Group,

Débouté la société Automobiles [M] Group de l'ensemble de ses prétentions,

Condamné la société Automobiles [M] Group à payer à l'association Caisse de Crédit Mutuel [Localité 6] cathédrale la somme de 2'500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société Automobiles [M] Group aux dépens,

Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La SAS Automobiles [M] Group a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 27 novembre 2023.

La Caisse de Crédit Mutuel [Localité 6] Cathédrale s'est constituée intimée le 15 décembre 2023.

[*]

Dans ses dernières conclusions datées du 18 décembre 2024, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la SAS Automobiles [M] Group demande à la cour de :

Sur appel principal

Déclarer l'appel recevable,

Déclarer l'appel bien fondé,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté la SAS Automobiles [M] Group de l'intégralité de ses prétentions,

- condamné la SAS Automobiles [M] Group à payer à la CCM [Localité 6] Cathédrale la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS Automobiles [M] Group aux dépens,

Et statuant à nouveau sur ces points,

Déclarer les demandes de la SAS Automobiles [M] Group recevables et bien fondées,

En conséquence,

Sur la communication des pièces :

Enjoindre à la CCM [Localité 6] Cathédrale de :

* Justifier des conditions d'octroi de chacun des prêts consentis et repris par la société Automobiles [M] Group,

* Fournir la délégation du directeur visée dans la correspondance de la CCM Gutenberg,

* Produire les instructions, circulaires, politique de validation et autre documentation interne de la CCM [Localité 6] Cathédrale relatives aux conditions d'octroi des prêts au profit des professionnels incluant notamment l'interdiction faite par la fédération du crédit mutuel de recourir à des intermédiaires,

* Produire les instructions, circulaires et autre documentation interne et prudentielle de la CCM relatives à leur obligation de contrôle et de vérification périodique et notamment le règlement général de fonctionnement du groupe crédit mutuel,

* Produire le contenu de l'interdiction d'octroi de tout nouveau financement à la communauté roumaine signifiée en juillet 2020 à la CCM [Localité 6] Cathédrale par la direction régionale du crédit mutuel sur demande de l'inspection générale,

* Produire la lettre de notification du licenciement pour faute grave de monsieur [X] [N],

Assortir la condamnation de la CCM [Localité 6] Cathédrale d'une astreinte d'un montant de 200 € par jour de retard à compter de la date de signification de la décision à intervenir,

Sur les crédits accordés par la CCM

Déclarer les déchéances des prêts notifiées par la CCM [Localité 6] Gutenberg devenue CCM [Localité 6] Cathédrale à la société Automobiles [M] Group abusives et, à tout le moins, infondées,

Déclarer non-écrite la clause de déchéance du terme d'un prêt en cas d''exigibilité immédiate de tous les prêts, crédits, avances ou engagements de quelque nature qu'ils soient, contractés par l'emprunteur auprès du prêteur et existants au moment de cet événement',

Constater que la clause de déchéance du terme d'un prêt en cas d''exigibilité immédiate de tous les prêts, crédits, avances ou engagements de quelque nature qu'ils soient, contractés par l'emprunteur auprès du prêteur et existants au moment de cet événement', a pour effet de créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties,

Déclarer nulles et de nul effet les déchéances de terme prononcées par la CCM [Localité 6] Gutenberg devenue CCM [Localité 6] Cathédrale à l'égard de la société Automobiles [M] Group,

Constater la brutalité de la rupture des concours consentis à la société Automobiles [M] Group,

Enjoindre à la CCM de rétablir l'intégralité des crédits souscrits et repris par la société Automobiles [M] Group sous astreinte comminatoire de 200 € à compter de la date de signification du jugement à intervenir,

Condamner la CCM [Localité 6] Cathédrale à payer à la société Automobiles [M] Group la somme de 80'000 € à titre de dommages-intérêts,

Ordonner que les frais de toute mesure conservatoire et d'exécution forcée entreprise par la CCM [Localité 6] Cathédrale à l'encontre de la société Automobiles [M] Group, en raison de la déchéance du terme des crédits précités, resteront à la charge de l'intimée,

Sur la convention d'ouverture du compte bancaire

Constater que la rupture par la CCM de la convention d'ouverture du compte bancaire de la société Automobiles [M] Group est manifestement illégitime, voire abusive et procède d'une volonté de nuire,

Déclarer nulle et de nul effet la rupture par la CCM de la convention d'ouverture du compte bancaire de la société Automobiles [M] Group,

Enjoindre à la CCM de rétablir le fonctionnement du compte bancaire de la société Automobiles [M] Group, sous astreinte comminatoire de 200 € à compter de la date de signification du jugement à intervenir,

Condamner la CCM [Localité 6] Cathédrale à payer à la société Automobiles [M] Group la somme de 50 000 € en indemnisation du préjudice subi,

En toutes hypothèses,

Débouter la CCM [Localité 6] Cathédrale de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

Condamner la CCM [Localité 6] Cathédrale à payer à la société Automobiles [M] Group la somme de 10 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

Condamner la CCM [Localité 6] Cathédrale aux entiers frais et dépens de la procédure de 1ère instance,

Sur appel incident

Déclarer l'appel incident mal fondé,

Le rejeter,

Débouter la CCM [Localité 6] Cathédrale de toutes demandes formées à ce titre,

En tout état de cause

Débouter la CCM [Localité 6] Cathédrale de l'intégralité de ses demandes,

Condamner la CCM [Localité 6] Cathédrale à payer à la société Automobiles [M] Group la somme de 10 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Condamner la CCM [Localité 6] Cathédrale aux entiers frais et dépens d'appel.'

[*]

Dans ses dernières conclusions datées du 18 mars 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 6] Cathédrale demande à la cour de :

- Sur l'appel de la SAS Automobiles [M] Group,

Rejeter l'appel,

Confirmer le jugement déféré rendu le 27 octobre 2023 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il :

- Déboute la société Automobiles [M] Group de l'ensemble de ses prétentions ;

Condamne la société Automobiles [M] Group à payer à l'association Caisse de Crédit Mutuel [Localité 6] Cathédrale la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Automobiles [M] Group aux dépens ;

Ordonne l'exécution provisoire du jugement'

En conséquence,

Débouter la société Automobiles [M] Group de l'ensemble de ses demandes ;

Sur l'appel incident la CCM [Localité 6] Cathédrale,

Infirmer le jugement déféré rendu le 27 octobre 2023 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il :

- Déclare recevables les demandes de la société Automobiles [M] Group'

Statuant à nouveau,

Déclarer irrecevables les demandes de la SAS Automobiles [M] Group tendant à contester la validité de la déchéance du terme du prêt du 11 avril 2019 prononcée le 19 février 2021 et de la déchéance du terme des autres prêts octroyés à la SAS Automobiles [M] Group prononcée le 30 mars 2021 ;

Débouter la SAS Automobiles [M] Group de l'ensemble de ses demandes sur ce fondement ;

En tout état de cause,

Condamner la SAS Automobiles [M] Group à payer à la CCM [Localité 6] Cathédrale une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SAS Automobiles [M] Group aux entiers dépens de l'appel.'

[*]

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

La clôture de la procédure a été prononcée le 14 mai 2025 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 4 juin 2025.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la demande de production de pièces présentée par la société Automobiles [M] Group :

L'article 11 du code de procédure civile dispose que les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction, sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus.

Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte.

En l'espèce, la société Automobiles [M] Group sollicite la production de nombreux documents qui sont sans rapport avec l'objet du litige qui est de déterminer si la déchéance du terme des sept prêts litigieux a été valablement prononcée et si la résiliation de la convention de compte bancaire a été abusive.

Les questions liées à la responsabilité de la banque, à la date d'octroi des prêts évoquées par l'appelante, sont indifférentes à l'issue du présent litige, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de production de pièces présentée par la société Automobiles [M] Group.

 

Sur la recevabilité des demandes relatives à la déchéance du terme des prêts souscrits par la société Automobiles [M] Group :

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 480 du code de procédure civile dispose que le jugement qui tranche dans son dispositif, tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4.

Aux termes de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Le pourvoi en cassation n'étant pas suspensif, la décision même frappée d'un pourvoi a l'autorité de la chose jugée (Cass. soc., 14 janv. 1960 : Bull. civ. IV n° 39 - Cass. soc., 4 déc. 1963 : Bull. civ. IV, n° 840 - Cass. com., 1ère févr. 1966 : Bull. civ. III, n° 67 - Cass. 1ère civ., 20 févr. 1968 : Bull. civ. I, n° 72).

En l'espèce, la banque produit onze décisions afin de justifier sa demande d'irrecevabilité.

Néanmoins, les décisions produites en annexes 44, 46, 47, 48, 49, 50, 52, 53 et 54 ne concernent pas la SAS Automobiles [M] Group, de sorte que conformément à l'article 1355 du code civil susvisé, elles ne peuvent être invoquées dans la présente procédure comme motif d'irrecevabilité, au titre de l'autorité de la chose jugée.

Les autres décisions produites concernent la SAS Automobiles [M] Group et sont constituées par :

- Un jugement rendu le 24 mai 2022 par le tribunal de proximité de Schiltigheim, sous la minute n°210/2022, dans un litige opposant la SAS Automobiles [M] Group, la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Gutenberg, M. [P] [D] et la SCP Thierry Rieger et [P] [D], relatif notamment à la demande de la première tendant à entendre juger que l'acte de prêt reçu par Me [D] en date du 11 avril 2019 ne s'analyse pas en un titre exécutoire (annexe 43) ;

- L'arrêt rendu le 11 avril 2023 par la cour d'appel de Colmar, confirmant ce jugement'(annexe 51) ;

- Un jugement rendu le 24 mai 2022 par le tribunal de proximité de Schiltigheim, sous la minute n°213/2022, dans un litige opposant la SAS Automobiles [M] Group, la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Gutenberg, M. [P] [D] et la SCP Thierry Rieger et [P] [D], relatif notamment à la demande de la première tendant à entendre juger que l'acte de prêt reçu par Me [D] en date du 29 mars 2019 ne s'analyse pas en un titre exécutoire (annexe 45).

Il en résulte que la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 6] Cathédrale ne peut se prévaloir de l'autorité de la chose jugée concernant les prêts :

- n°10278 01084 00021206003 conclu avec la société Cars 67 le 16 juillet 2016, portant sur la somme de 50 000 € ;

- n°10278 01084 00021206004 conclu avec la société Cars 67 le 12 janvier 2017, portant sur la somme de 196 000 € ;

- n°10278 01084 00021206006 conclu avec la société Cars 67 le 13 juin 2017, portant sur la somme de 110 000 € ;

- n°10278 01084 00021206008 conclu avec la société Cars 67 le du 6 novembre 2017, portant sur la somme de 110 000 € ;

- n°10278 01084 00021674304 conclu avec la société Automobiles [M] Group le 17 juillet 2020, portant sur la somme de 200 000 €.

Au contraire, concernant les prêts souscrits les 29 mars et 11 avril 2019, le juge de l'exécution du tribunal de proximité de Schiltigheim, saisi de la contestation de saisies conservatoires pratiquées les 24 et 25 février 2021, ainsi que le 23 avril 2021 à la requête de la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Gutenberg, désormais Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg Cathédrale, a débouté la SAS Automobiles [M] Group de toutes ses demandes.

La SAS Automobiles [M] Group avait contesté la validité des titres exécutoires, ainsi que la régularité et le bien fondé des mesures d'exécution forcées. Ces contestations ont été écartées par les premiers juges, qui ont retenu notamment que :

- 'La créance de la CCM étant exigible à compter du prononcé de ladite déchéance du terme au 19 février 2021, la banque était bien fondée à chercher à garantir le recouvrement de ladite créance'et à faire délivrer sur ce fondement, sans qu'un abus ou une quelconque précipitation de sa part ne puisse être relevés en l'état, les actes d'exécution forcée''(annexe 43 - prêt du 19 avril 2019) ;

- 'La société Automobiles [M] Group est mal fondée à soutenir qu'elle a été privée du droit de formuler ses observations quant au bien fondé de la déchéance du terme, alors qu'elle avait la faculté au contraire de contester le bien-fondé du prononcé de la déchéance du terme dans le cadre de la contestation des mesures de conversion'en remettant en cause, à ce titre, l'existence d'un titre exécutoire fondant les mesures de conversion, ce qu'elle n'a pas fait''(annexe 51, la cour adoptant en outre les motifs de première instance - prêt du 19 avril 2019) ;

- 'La créance de la CCM étant exigible à compter du prononcé de ladite déchéance du terme au 30 mars 2021, la banque était bien fondée à chercher à garantir le recouvrement de ladite créance et à faire délivrer sur ce fondement, sans qu'un abus ou une quelconque précipitation de sa part ne puisse être relevés en l'état, un acte d'exécution forcée''(annexe 43 - prêt du 29 mars 2019).

Les demandes de la société Automobiles [M] Group, dans le cadre de la présente instance, qui tendent à remettre en cause les décisions susvisées concernant les prêts des 29 mars et 11 avril 2019, se heurtent à l'autorité de chose jugée attachée à ces décisions et sont, à ce titre, irrecevables, étant rappelé qu'eu égard au principe de la concentration des moyens, il appartenait à la société Automobiles [M] Group de présenter, dès l'instance initiale, l'ensemble des moyens qu'elle estimait de nature à justifier le rejet total ou partiel de la demande du créancier.

 

Sur la déchéance du terme des prêts souscrits par la société Automobiles [M] Group les 16 juillet 2016, 12 janvier 2017, 13 juin 2017, 6 novembre 2017 et 17 juillet 2020 :

L'article 1171 du code civil, en vigueur du 1er octobre 2016 au 1er octobre 2018, dispose que sans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix à la prestation.

L'article 1171 du code civil, en vigueur à compter du 1er octobre 2018, dispose que dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix à la prestation.

L'article L. 511-4 du code monétaire et financier qui prévoit seulement l'application des textes du code de commerce sur les pratiques anticoncurrentielles aux établissements de crédit et aux sociétés de financement n'a pas étendu à ces derniers l'application des textes relatifs aux pratiques restrictives de concurrence (Cass., Com, 15 janvier 2020, n°18-10.512).

En l'espèce, au regard des textes susvisés, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les demandes présentées par la société Automobiles [M] Group, sur le fondement de l'article 1171 du code civil, relevaient en réalité de l'application de l'article L. 442-1 du code de commerce et de la compétence du tribunal judiciaire de Nancy.

La société Automobiles [M] Group, se fondant à juste titre sur l'article 1171 du code civil, considère que la clause, stipulant que 'L'exigibilité immédiate du crédit intervenant pour les causes précitées entraînera, sauf décision contraire du prêteur, exigibilité immédiate pour tous prêts, crédits, avances ou engagements de quelque nature qu'ils soient, contractés par l'emprunteur auprès du prêteur et existants au moment de cet événement', doit être réputée non écrite.

Or, le moyen présenté par l'appelante, en ce qu'il est fondé sur un texte applicable à compter du 1er octobre 2016, ne peut prospérer concernant le prêt conclu le 16 juillet 2016, de sorte qu'il doit être jugé que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée conformément aux dispositions du contrat.

Au contraire, concernant les prêts souscrits les 12 janvier, 13 juin, 6 novembre 2017 et 17 juillet 2020, la cour relève qu'une telle clause dite de défaut croisé, qui permet au banquier de prononcer la déchéance du terme de tous les prêts régulièrement payés, en invoquant une défaillance de l'emprunteur extérieure à ces contrats, envisagée en termes généraux et afférente à l'exécution d'une convention distincte, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment de l'emprunteur exposé, par une décision unilatérale de l'organisme prêteur, en dehors du mécanisme de la clause résolutoire, à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification majeure de l'économie des contrats de prêt.

Dès lors, cette clause sera réputée non écrite dans les prêts souscrits les 12 janvier, 13 juin, 6 novembre 2017 et 17 juillet 2020.

Si la banque soutient qu'en tout état de cause, la déchéance du terme des prêts était également fondée sur le refus de la société de transmettre sa situation intermédiaire au 31 décembre 2020 ou son bilan, ainsi que son refus de répondre à ses interrogations relatives à la situation de deux autres véhicules financés, force est de constater que le courrier de déchéance du terme ne vise que la clause de défaut croisé.

La déchéance du terme n'ayant pas été valablement prononcée, les contrats de crédit sont toujours en cours. Il n'est toutefois pas nécessaire d'enjoindre à la banque de rétablir l'intégralité des crédits souscrits et repris par la société Automobiles [M] Group, sous astreinte comminatoire de 200 € à compter de la date de signification de la présente décision.

 

Sur la résiliation de la convention d'ouverture de compte bancaire :

L'article 1211 du code civil dispose que lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable.

En l'espèce, par lettre recommandée du 30 mars 2021, la banque a dénoncé la convention de compte courant moyennant un préavis de 60 jours, conformément à l'article 10.1 des conditions générales CG.04.95-07/18 applicables.

Dès lors, aucune faute de la banque ne peut être retenue à ce titre et la société Automobiles [M] Group sera déboutée de l'ensemble des prétentions présentées, en ce compris la demande de dommages et intérêts.

La société évoque un prélèvement de la somme de 9'669,81 € au titre du prêt du 29 mars 2019, qu'elle estime injustifié. Néanmoins, aucune demande n'est présentée à ce titre. Au surplus, la cour approuve les motifs retenus par les premiers juges qui ont constaté que les conditions générales du prêt du 29 mars 2019 prévoyaient que la banque pouvait prélever, sur le compte courant de l'emprunteur, une somme en vue du paiement de tout ou partie de celles exigibles et restant dues au prêteur, étant ajouté que le juge de l'exécution a, dans sa décision du 24 mai 2022, validé la déchéance du terme dudit contrat.

 

Sur le coût des mesures conservatoires et d'exécution forcée, ainsi que sur la demande de dommages et intérêts liée à la rupture brutale des contrats de crédit :

Dans leurs décisions, le juge de l'exécution puis la cour à hauteur d'appel ont statué sur la charge des mesures conservatoires et d'exécution forcée. Ces décisions étant définitives, il n'y a pas lieu de les remettre en question.

Concernant la demande de dommages et intérêts pour rupture brutale des contrats de crédit, si la société Automobiles [M] Group indique que la faute de la banque a eu pour conséquence de mettre en péril sa situation financière et qu'elle serait amenée à déposer le bilan, si cette situation devait perdurer, elle expose également qu'elle 'est toujours in bonis grâce à la poursuite de son activité'. En outre, elle ne produit aucune pièce comptable démontrant l'existence du préjudice invoqué.

En l'absence de preuve de l'existence d'un préjudice, sa demande de dommages et intérêts sera rejetée, sans qu'il y ait lieu d'examiner la question de la faute de la banque.

Enfin, si la société Automobiles [M] Group évoque un préjudice d'image et de réputation, en lien avec des articles parus dans le journal les Dernières Nouvelles d'Alsace, elle ne sollicite aucun dommage et intérêt à ce titre, étant relevé qu'il n'est pas démontré que les articles dénoncés aient été écrits à l'initiative de la banque et que la loi du 29 juillet 1881 garantit la liberté de la presse.

 

Sur les demandes accessoires :

Chaque partie, succombant partiellement, conservera la charge des dépens engagés en première instance et à hauteur d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 27 octobre 2023 par le tribunal judiciaire de Strasbourg, sauf en ce qu'il a débouté la société Automobiles [M] Group de sa demande de communication de pièces,

Le confirme de ce seul chef,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes de la SAS Automobiles [M] Group, relatives aux contrats suivants :

- le prêt n°10278 01084 00021206010 conclu avec la société Cars 67, par acte notarié daté du 11 avril 2019, portant sur la somme de 253'000 €,

- le prêt n°10278 01084 00021674303 conclu avec la société Automobiles [M] Group, par acte notarié daté du 29 mars 2019, portant sur la somme de 800 000 €,

Rejette les demandes de la SAS Automobiles [M] Group relative au prêt n°10278 01084 00021206003, conclu avec la société Cars 67 le 16 juillet 2016,

Déclare non écrites les clauses de déchéance du terme pour défaut croisé concernant :

- le prêt n°10278 01084 00021206004 conclu avec la société Cars 67, le 12 janvier 2017, portant sur la somme de 196 000 €,

- le prêt n°10278 01084 00021206006 conclu avec la société Cars 67, le 13 juin 2017, portant sur la somme de 110 000 €,

- le prêt n°10278 01084 00021206008 conclu avec la société Cars 67, le 6 novembre 2017, portant sur la somme de 110 000 €,

- le prêt n°10278 01084 00021674304 conclu avec la société Automobiles [M] Group, le 17 juillet 2020, portant sur la somme de 200 000 €,

Déboute la SAS Automobiles [M] Group de sa demande tendant à enjoindre à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 6] Cathédrale, de rétablir l'intégralité des crédits souscrits et repris par la SAS Automobiles [M] Group, sous astreinte comminatoire de 200 € à compter de la date de signification de la décision à intervenir,

Déboute la SAS Automobiles [M] Group de sa demande de dommages et intérêts au titre de la rupture brutale des contrats de crédit,

Déboute la SAS Automobiles [M] Group de sa demande tendant à ce que les frais de toute mesure conservatoire et d'exécution forcée entreprise par la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 6] Cathédrale à son encontre, restent à la charge de la banque,

Déboute la SAS Automobiles [M] Group de ses demandes relatives à la convention d'ouverture de compte bancaire, en ce compris la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive,

Condamne chaque partie à assumer la charge des dépens engagés en première instance et à hauteur d'appel,

Déboute les parties de leurs prétentions au titre des frais irrépétibles.

Le cadre greffier : le Président :