CA POITIERS (1re ch. civ.), 1er juillet 2025
- T. com. Saintes, 19 octobre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 24152
CA POITIERS (1re ch. civ.), 1er juillet 2025 : RG n° 23/02557 ; arrêt n° 245
Publication : Judilibre
Extrait : « Il est inopérant, pour l'appelante, de prétendre que le contrat la liant à la société Hennessy & Co était un contrat d'adhésion, alors que les productions démontrent que les deux parties en ont réellement et effectivement négocié les termes, et particulièrement la clause de prix à l'hectolitre, lequel est passé de1.193 € à 1.230 €, cette clause de prix étant explicite et ne nécessitant pas d'interprétation. Les deux parties sont d'importants opérateurs sur le marché du cognac, et il n'existait pas entre elles de déséquilibre significatif avéré, étant observé qu'un tel contrat pluri-annuel procure au marchand de gros la certitude d'écouler un volume substantiel de marchandise à un prix minimum négocié qui lui reste acquis en cas de baisse des cours, et qui peut être augmenté en cas de tendance haussière, et qu'en tout état de cause, selon l'article 1171 du code civil, l'appréciation du déséquilibre significatif au sens de ce texte relatif aux contrats d'adhésion ne porte pas sur l'adéquation du prix à la prestation. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 1er JUILLET 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/02557 Arrêt n° 245. N° Portalis DBV5-V-B7H-G5OX. Décision déférée à la Cour : jugement du 19 octobre 2023 rendu par le Tribunal de Commerce de SAINTES.
APPELANTE :
SAS DISTILLERIE S. ET FILS
[Adresse 4], [Localité 3], ayant pour avocat postulant Maître Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Maître Philippe GATIN, avocat au barreau de SAINTES
INTIMÉE :
SA JAS HENNESSY & C°
[Adresse 1], [Localité 2], ayant pour avocat postulant Me Henri-noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Maître Samuel CREVEL, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : M. Thierry MONGE, Président de Chambre.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Thierry MONGE, Président de Chambre, Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller, Monsieur Philippe MAURY, Conseiller.
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT : - Contradictoire - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, Président et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ :
Les sociétés Distillerie S. & Fils et JAS Hennessy & Co ont conclu le 5 décembre 2017 un contrat de partenariat pluri-récoltes eaux de vie nouvelles et rassises, aux termes duquel la première s'engageait à livrer à la seconde des eaux de vie de cognac « Fins Bois » pendant trois ans, au titre des années 2017, 2018 et 2019.
Soutenant qu'après avoir satisfait à ses obligations pour 2017 et 2018, la société Distillerie S. & Fils y avait manqué pour 2019 en refusant de lui livrer la marchandise de cette année-là, qu'elle lui avait déclaré avoir vendue à un autre négociant, la société JAS Hennessy & Co l'a fait assigner par acte du 29 juillet 2022 devant le tribunal de commerce de Saintes pour l'entendre condamner à lui payer la somme principale de 252.150 € au titre de la clause pénale stipulée au contrat, outre une indemnité de procédure en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Distillerie S. & Fils a conclu au rejet de cette demande et sollicité une indemnité pour frais irrépétibles, en soutenant qu'elle n'était pas tenue de livrer sa marchandise en 2019 faute pour les parties de s'être accordées pour cette année-là sur un prix de vente, comme requis nonobstant l'existence du contrat-cadre.
Elle a subsidiairement demandé au tribunal de réduire à l'euro symbolique la clause pénale qu'elle serait néanmoins jugée tenue de payer, en affirmant que la maison Hennessy n'avait subi aucun préjudice.
Par jugement du 19 octobre 2023, le tribunal de commerce de Saintes a :
* condamné la SAS Distillerie S. & Fils à payer à la société JAS Hennessy & Co la somme de 252.150 €
* condamné la SAS Distillerie S. & Fils à payer 2.000 € à la société JAS Hennessy & Co en application de l'article 700 du code de procédure civile
* condamné la SAS Distillerie S. & Fils aux dépens.
Pour statuer ainsi, les juges consulaires ont retenu, en substance :
- que les relations des parties étaient régies par le contrat-cadre qu'elles avaient conclu
- que la société Distillerie S. & Fils n'établissait pas avoir signé ce contrat sous la contrainte
- qu'elle n'était pas fondée à récuser la licéité d'un tel contrat au motif qu'il permettrait au négociant de fixer unilatéralement le prix pour imposer un prix particulièrement bas, alors qu'une jurisprudence établie retient que la détermination du prix n'est pas une condition de la validité du contrat et que son indétermination n'est sanctionnée qu'en cas d'abus de la partie forte, au stade de l'exécution
- qu'aucun abus n'était caractérisé de la part de la maison Hennessy en l'espèce, où la société Distillerie S. ne se trouvait pas dans une situation de dépendance économique envers elle, et où d'autre part le prix avait été fixé par voie de pourparlers, revu à la hausse et arrêté à un montant sans écart flagrant avec le prix moyen pondéré pratiqué dans la profession
- que la garantie d'achat attachée à ces contrats aboutissait à un prix un peu moins élevé que dans le cadre minimum mais à un bon prix en cas de baisse des cours
- qu'en 2020, les parties avaient négocié et conclu le 21 avril un contrat d'application du contrat-cadre
- qu'il prévoyait une obligation de livrer 410 hl au prix de 1.230 €/hl avec une majoration forfaitaire de 70 €/hl par année de vieillissement, au plus tard au deuxième trimestre de l'année 2021
- que la société Distillerie S. avait manqué à son obligation en ne livrant pas d'eaux de vie au titre de cette année-là
-que la clause pénale stipulée au contrat, prévoyant une indemnité égale à 50 % de la valeur de la quantité des eaux de vie agréées par la maison Hennessy sur la base du prix défini, n'était pas manifestement excessive et devait s'appliquer.
La société Distillerie S. & Fils a relevé appel le 22 novembre 2023.
[*]
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :
* le 14 janvier 2025 par la SAS Distillerie S. & Fils
* le 31 janvier 2025 par la société JAS Hennessy & Co.
La SAS Distillerie S. & Fils demande à la cour :
- de réformer le jugement en toutes ses dispositions
statuant à nouveau :
- de juger qu'aucun contrat de vente ne s'est régularisé entre elle et la société JAS Hennessy & Co au titre de la récolte 2019
- de débouter la société JAS Hennessy & Co de l'ensemble de ses demandes à son encontre
Subsidiairement :
Vu l'absence de préjudice de la société JAS Hennessy & Co
- de juger que la clause pénale sera ramenée à la somme de l'euro symbolique
Y ajoutant :
- de condamner la société JAS Hennessy & Co à lui verser 8.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner la société JAS Hennessy & Co aux entiers dépens de l'instance.
Elle soutient que le contrat cadre conclu en 2017 ne peut être regardé comme un contrat de vente puisqu'il ne contient pas de prix déterminé mais vise seulement un prix de référence qui n'est même pas un prix minimum mais un élément de base du calcul d'un prix minimum, et que contrairement à ce que soutient l'intimée, et à ce qu'ont retenu les premiers juges, ce contrat n'ouvre pas à la société JAS Hennessy & Co la possibilité de fixer unilatéralement le prix de vente des eaux de la Distillerie S. ; qu'aucune mention expresse en ce sens n'y figure ; qu'il s'agit au demeurant d'un contrat d'adhésion, qui conformément à la règle posée à l'article 1190 du code civil s'interprète contre celui qui l'a proposé ; que l'article 1164 du code civil ne permet la fixation unilatérale du prix que si celle-ci est convenue, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Elle affirme que le contrat-cadre fait naître une obligation de faire, celle de conclure un contrat d'application, mais pas une obligation monétaire.
Elle conteste que le contrat d'application conclu le 21 avril 2020 ait constitué le point final de la vente, en soutenant que le prix n'était toujours pas ferme et précis à ce stade, et que le processus de vente se poursuivait.
Elle affirme que le contrat contenant une clause d'agréage, la vente ne pouvait se former avant l'agréage qui est une condition de la vente.
Elle fait observer que la maison Hennessy a toujours transmis après la signature de ce contrat une proposition d'achat qu'elle lui demandait de signer en faisant précéder sa signature de la mention 'Bon pour accord’; qu'elle a procédé de même pour la récolte 2019; que le prix était d'autant moins déterminé, encore à ce stade, que celui proposé par Hennessy ne correspondait pas aux prévisions du contrat d'application signé en avril 2020, puisqu'elle lui a offert un prix à l'hectolitre d'alcool pur de 1.402,38€ alors que ce contrat induisait pour les eaux de vies nouvelles un prix de 1.230€ et pour les eaux de vie rassises un prix de 1.312€, cette marge contredisant le caractère prétendument ferme du prix.
Elle conteste avoir commis une faute dans les négociations, en affirmant avoir fait une proposition à 1.500€/hl qui constituait de sa part un effort certain, au regard de son prix de revient.
Subsidiairement, pour le cas où la cour jugerait néanmoins qu'elle a manqué à ses obligations contractuelles en ne vendant pas ses eaux de vie 2019 à la maison Hennessy, la société Distillerie S. & Fils sollicite la réduction à l'euro symbolique de la clause pénale dont elle serait jugée redevable, en soutenant que l'appelante ne justifie pas d'un préjudice et n'en a pas subi.
[*]
La société JAS Hennessy & Co demande à la cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions
- de condamner la société Distillerie S. & Fils à lui verser 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner la société Distillerie S. & Fils aux dépens.
Elle soutient que sans même à devoir s'interroger sur les caractéristiques et le régime du contrat-cadre, le contrat signé par les deux parties le 21 avril 2020 scellait une vente parfaite, les parties y étant expressément convenues que la société Distillerie S. & Fils s'engageait à céder à la société Hennessy un volume de 410hl d'eau de vie cru fin de bois de la récolte 2019 au prix, ferme, de 1.230€/hl, prix qui serait augmenté de 70€/hl par année de vieillissement pour le cas où la société Hennessy solliciterait comme le contrat le lui permettait un différé de livraison.
Elle conteste l'interprétation que l'appelante tire de la qualification de « prix minimum » employée dans la clause de fixation du prix, en soutenant qu'elle n'affecte pas la détermination du prix, et implique seulement une possibilité ultérieure de renégociation à la hausse de ce prix au cas où le comité de dégustation du vendeur attribuerait sur échantillons au produit une qualification supérieure à la qualification standard sur laquelle le prix avait été fixé, comme il advint en l'espèce pour les eaux de vie 2019, dont la bonne notation conduisit la maison Hennessy à formuler une nouvelle offre au sens des articles 1113 et 1114 du code civil au prix de 1.402,38€/hl. Elle soutient qu'à défaut d'acceptation de cette offre par la société S., cette nouvelle convention n'a pu produire effet, et que seul demeure ainsi le contrat de vente conclu le 21 avril 2020.
Elle récuse la qualification de contrat d'adhésion dont argue la société Distillerie S. & Fils en objectant que celle-ci est comme elle un important opérateur économique, que rien ne lui a été imposé, que les parties ont effectivement négocié les termes de leur accord, notamment le prix, lequel est passé de 1.193 €/hl à 1.230 €, et elle ajoute qu'en tout état de cause, la clause de prix est stipulée de façon explicite n'autorisant aucune interprétation, et que l'article 1171 du code civil dispose que l'appréciation d'un éventuel déséquilibre significatif, nullement caractérisé selon elle, ne saurait porter sur le prix.
À titre subsidiaire, pour le cas où la cour retiendrait que le prix de la cession n'a pas été déterminé d'un commun accord au travers de la convention du 21 avril 2020, l'intimée soutient que le contrat serait néanmoins valable à considérer même qu'elle ait fixé unilatéralement le prix de vente, l'article 1164 du code civil le permettant à charge de le motiver en cas de contestation, la vente pluriannuelle de produits entrant dans le champ de cette modalité, et nul abus n'ayant été commis en l'espèce dans la fixation du prix, les parties, dont aucune n'est pas dans la dépendance de l'autre, l'ayant effectivement négocié librement, et le prix proposé par Hennessy étant proportionné, comme en persuade l'Observatoire des prix diffusé par l'interprofession du [Localité 5] dégageant un prix moyen pondéré des eaux de vie « Fins Bois » pour 2019 de 1.270€, et Hennessy ayant proposé à tous ses clients le prix, voisin, de 1.230 €, puis à S. & Fils celui, bien supérieur, de 1.402,30 €.
Elle soutient que la clause pénale dont S. & Fils lui est redevable en raison de son manquement est de 50% du prix convenu qui était 561.700€ sur la base du prix minimum de 1.230€ majoré de 70€ par année de vieillissement, et en réponse au moyen subsidiaire adverse, elle conteste que cette clause soit manifestement excessive en indiquant que la défaillance de l'appelant l'a empêchée d'exercer son activité de négociant et de revendre, en les valorisant sous sa marque prestigieuse, ces eaux de vie.
[*]
L'ordonnance de clôture est en date du 10 mars 2025.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Les sociétés Distillerie S. & Fils et JAS Hennessy & Co ont conclu le 5 décembre 2017 un contrat de partenariat pluri-récoltes eaux de vie « nouvelles et rassises » n°89174 (pièce n°1 de l'intimée), aux termes duquel la société Distillerie S., désignée comme « marchand en gros », s'engageait, sans réserve, à vendre à Hennessy, qui s'engageait à les acheter à un prix d'achat minimum, les quantités d'eaux de vie de [Localité 5] nouvelles et rassises des récoltes 2017, 2018 et 2019 pour les quantités correspondant au volume contractuel de 420 hl d'alcool pur provenant de surfaces situées « Fins Bois » à travers la signature d'un acte d'achat-vente.
Cet acte stipule en son article 6 'PRIX D'ACHAT MINIMUM :
« Hennessy communiquera pour chaque récolte, et au plus tard le 15 novembre de chaque année, son prix de référence pour l'achat d'eaux de vie nouvelles par cru. Ce prix de référence s'appliquera à l'achat des EDV (eaux de vie) nouvelles, pourra être ajusté en fonction de leur niveau qualitatif, déterminé par le Comité de dégustation Hennessy, et servira de base au prix d'achat minimum des Rassises pour la récolte considérée. Il sera augmenté, pour les Rassisses, d'un montant forfaitaire de 70 euros par année de vieillissement débutant le 1er avril et calculé pro-rata temporis à la date de livraison. ».
Il stipule à son article 7 « ACHAT VENTE D'EDV »
7.1. Achat-Vente
L'opération d'achat-vente se réalisera à chaque récolte, pour les EDV Nouvelles au travers d'un acte d'achat et pour les EDV Rassises au travers et selon les conditions du Contrat d'Achat-vente annuel, lequel précisera la méthode de calcul du prix d'achat minimum. ».
Il stipule en son article 8 « PÉNALITÉ » qu'hors le cas de force majeure, une pénalité ferme et forfaitaire de 25 % de la valeur de l'opération d'achat pourra être appliquée en cas de refus d'une récolte par l'une des parties d'un contrat d'Achat-vente.
Pour la troisième et dernière année d'application de ce contrat, que les parties s'accordent à qualifier de contrat-cadre, soit pour les eaux de vie 2019, la société Distillerie S. & Fils et la société JAS Hennessy & Co ont signé l'une et l'autre -comme elles l'avaient fait les années précédentes, non litigieuses- un contrat d'achat et de vente, en date du 21 avril 2020 (pièce n°2)
Aux termes de ce contrat, la maison Hennessy s'est engagée à acheter à S. & Fils, qui s'est engagée à lui vendre et livrer, 410 hl d'alcool pur avant évaporation cru Fins Bois correspondant à l'échantillon n°234830-0 qu'elle avait reçu.
Le paragraphe « AGRÉMENT ET DÉTERMINATION DU PRIX » de ce contrat d'achat et de vente stipule :
« Préalablement à l'achat de ces eaux de vie, un second échantillon des eaux de vie rassises sera soumis à l'agrément du Comité de Dégustation Hennessy. Les quantités d'eaux de vie de [Localité 5] rassises agréées seront achetées au minimum au prix ainsi calculé :
Prix de l'eau de vie nouvelle récolte 2019 au 15 novembre 2019 (compte 00), soit 1.230 euros par hectolitre d'alcool pur (correspondant, à titre indicatif, à une note de dégustation B) majoré d'un montant forfaitaire de soixante-dix euros (70 €) par année de vieillissement à compter de la date du présent contrat et calculé pro-rata temporis à la date de livraison ».
Contrairement à ce que soutient l'appelante, ce contrat signé des deux parties scellait entre elles une vente parfaite, la chose et le prix étant déterminés.
La possibilité ouverte aux parties par le contrat de négocier éventuellement encore à la hausse ce prix de vente minimum, en cas de notation flatteuse portée ultérieurement par le comité de dégustation de l'acheteur, ne contredit pas le caractère déterminé du prix convenu ; elle ne constitue pas ni ne traduit un mécanisme d'agréage avant l'issue duquel le contrat ne serait pas formé ; elle ouvre simplement une faculté d'avenant à la vente déjà formée.
La société Hennessy & Co est fondée à soutenir que la proposition de porter le prix d'achat à 1.402,38€/hl qu'elle avait formulée dans ce cadre le 3 juin 2021 (pièce n°8) au vu de la note attribuée par son comité de dégustation n'ayant pas été acceptée par la société S. & Fils, c'est le contrat conclu le 21 avril 2020 qui s'applique à cette vente, parfaite, des eaux de vie de la récolte 2019 conclue le 21 avril 2020.
Il est inopérant, pour l'appelante, de prétendre que le contrat la liant à la société Hennessy & Co était un contrat d'adhésion, alors que les productions démontrent que les deux parties en ont réellement et effectivement négocié les termes, et particulièrement la clause de prix à l'hectolitre, lequel est passé de1.193 € à 1.230 €, cette clause de prix étant explicite et ne nécessitant pas d'interprétation. Les deux parties sont d'importants opérateurs sur le marché du cognac, et il n'existait pas entre elles de déséquilibre significatif avéré, étant observé qu'un tel contrat pluri-annuel procure au marchand de gros la certitude d'écouler un volume substantiel de marchandise à un prix minimum négocié qui lui reste acquis en cas de baisse des cours, et qui peut être augmenté en cas de tendance haussière, et qu'en tout état de cause, selon l'article 1171 du code civil, l'appréciation du déséquilibre significatif au sens de ce texte relatif aux contrats d'adhésion ne porte pas sur l'adéquation du prix à la prestation.
Le tribunal a ainsi rejeté à bon droit les contestations de la société S. & Fils et retenu à raison qu'elle avait manqué à son engagement ferme de vendre.
Le paragraphe « PÉNALITÉS » du contrat d'achat et de vente signé le 21 avril 2020 stipule :
« Sans préjudice des droits dont chacune des parties pourrait se prévaloir en réparation de son entier préjudice, en cas de défaut d'exécution d'une obligation essentielle du présent contrat par l'une des parties, la Partie auteur du défaut se verra appliquer de plein droit une pénalité égale à cinquante pour cent (50%) de la valeur de la quantité des eaux de vie rassises agréées par Hennessy, établie sur la base du prix défini ci-dessus. Tout retard de plus d'un trimestre dans la livraison des eaux de vie par le Viticulteur sera considéré comme un refus de livrer entraînant, au choix d'Hennessy, l'exécution forcée du présent Contrat ou l'application de la pénalité ci-dessus. (....) ».
Le refus de la société S. & Fils de vendre à la société Hennessy la quantité convenue d'eaux de vie de [Localité 5] de la récolte 2019 la rend redevable de cette pénalité, sans que l'intimée ait à justifier du préjudice que le manquement lui a causé, la clause pénale constituant précisément l'évaluation par avance par les parties du préjudice causé par le manquement de l'une d'elle à ses obligations, étant ajouté que le préjudice de la maison Hennessy est certain, et d'importance, puisque lui ont manqué d'importantes quantités d'eaux de vie qu'elle fait profession de valoriser et de commercialiser sous sa marque.
Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu'il a condamné la SAS Distillerie S. & Fils à payer à la société JAS Hennessy & Co la somme de 252.150€, conforme en son montant aux stipulations du contrat liant les parties.
Il le sera également en ses chefs de disposition, pertinents et adaptés, relatifs aux dépens et à l'indemnité de procédure.
La société S. & Fils succombe en son recours et supportera les dépens d'appel.
Elle versera à l'intimée une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
la Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
CONFIRME le jugement entrepris, prononcé le 19 octobre 2023 par le tribunal de commerce de Saintes
ajoutant :
DÉBOUTE les parties de toutes demandes autres ou contraires
CONDAMNE la SAS Distillerie S. & Fils aux dépens
CONDAMNE la SAS Distillerie S. & Fils à payer à la société JAS Hennessy & Co la somme de 4.000 en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,